“Hollow”, le savant mélange de styles et caractères entre NALU et KAY JAM

Bercé entre pop rock et ballade folk, le nouveau titre “Hollow”, en pleine collaboration entre KAY JAM et NALU, est sorti le 30 octobre dernier. Décliné sur écrans, le clip vidéo réalisé par Yannick Maron a, quant à lui, été présenté le 11 novembre. Dans un style léché et en pleine forêt, le projet met en scène quatre danseurs portés par une composition rock des plus cadenassées et adoucies, comme attendu. Après la sortie de l’album “Ocean Eyes” ce printemps, ce nouveau single vaut le détour, en plein automne cette fois-ci.

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Noa Zalts ne s’arrête pas. À peine son premier opus “Ocean Eyes” sorti en avril, avec son groupe NALU, que la jeune femme s’en était déjà tournée vers un projet nouveau. Extirpées de la fadeur et de la monotonie de ces temps modernes – comme celui d’apprendre à vivre avec le virus chinois –, sa voix et son envie de créer ont été plus fortes que le semi-confinement du printemps. Un plein arrêt sur image que le monde de la culture, en Suisse et ailleurs, est encore en train d’accuser en cette fin d’année 2020. Car, à devoir l’admettre, le Covid-19 a conduit – et, bien sûr, forcé – l’ensemble de la tranche culturelle vaudoise à évoluer, un temps, en silo. Chacun pour soi, bien que tous aient cherché à garder vifs les contacts artistiques. L’appel de Noa à Julien Cambarau (KAY JAM), entre avril et mai de cette année, était motivé par l’envie de partager un univers musical peu pugnace sur les rives du Léman. « Je l’ai contacté pendant cette période d’un album qu’on venait de sortir et je voulais collaborer avec des musiciens qui me parlent. Sortir de ma zone de confort et travailler avec des artistes qui ne font pas la même chose que moi étaient aussi dans l’ordre de l’évidence. À cette idée, l’inspiration n’a pas tardé venir », soutient la jeune femme de 24 ans.

 

 

Assurément, le projet en commun n’avait rien d’une simple foucade, d’un éclair passager. Au contraire, celui-ci a tenté de joindre l’utile à l’agréable ; créer en dissidence avec le contexte sanitaire et découvrir leur univers respectif. « Ce n’était sans doute pas le meilleur moment d’entamer de nouveaux projets, sans avoir la moindre perspective de pouvoir les défendre en live mais l’envie était telle que nous sommes résolus à le faire quand même », détaille toujours Noa. « C’était l’opportunité d’entrer dans l’univers de NALU. J’ai une patte assez rock à la base mais j’ai aussi des ballades dans mon répertoire, des berceuses avec tendances rock. Le folk néanmoins me plait beaucoup », complète, pour sa part, le jeune artiste de 29 ans. Pour KAY JAM, par ailleurs, au besoin d’actualité – miné par l’annulation des concerts en public – s’est joint la désolation d’une inspiration en berne. « Avant l’appel de Noa, j’avais une idée de morceau (ou d’accompagnement plutôt) que, pour une raison comme une autre, j’ai dû m’astreindre de laisser de côté un temps. J’étais bloqué et le semi-confinement a sapé mon moral. C’est seulement grâce au soutien et aux apports de Noa que j’ai enfin pu développer plus en profondeur l’idée de base. »

« L’idée était justifiée par un besoin de reconnexion à plus large échelle »

Noa Zalts, créatrice du groupe NALU

« Avant cela, j’en avais surtout profité pour retravailler la technique à la basse et au piano. Ce n’est qu’au début du mois de juin que j’ai pu recommencer à recomposer, avec quatre ou cinq morceaux qui sont sortis d’un coup du sac. La période que nous avons traversée n’a pas été négative dans sa totalité ; j’ai pu m’amuser un peu plus, produire des sons un peu différents et sans limite. J’ai ressenti une meilleure liberté d’esprit mais je n’avais pas non plus un bon équilibre sans le contact avec le public. La balance était rompue. » Les deux artistes n’ont, de fait, pas vécu le même confinement, l’une ayant été plus résistance à la résidence solitaire forcée que l’autre. La jeune femme en avait aussi beaucoup sur le cœur. « Le seul facteur démotivant, le temps passant, était l’incertitude quant à l’avenir. La longueur de cette situation extraordinaire a fini par peser. » Néanmoins, en attendant la reprise des affaires, Noa – avec la complicité de Mark Kelly avec qui elle a collaboré sur quelques titres – s’est aussi fendue la poire sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Elle a engagé des directs sur Facebook et Instagram, laissant ainsi la possibilité à son public de passer le temps en musique et poésie. Un exercice un peu « étrange » auquel elle ne s’y est pourtant de loin pas attachée, malgré le caractère expérimental de l’épreuve. « On assure que l’idée était justifiée par un besoin de reconnexion à plus large échelle », aiguillonne l’instigatrice de NALU.

Un alliage entre deux mondes

L’envie était surtout celle d’aller de l’avant. En présentant le titre “Hollow” sur les plateformes digitales en pleine période d’incertitude sanitaire, les deux artistes utilisent l’une des nombreuses voies alternatives pour maintenir vive leur âme de musiciens. « Le plaisir de livrer la musique sur scène après coup en sortira renforcé », se rassure la jeune femme. « Cette attente, teintée d’excitation, est aussi ce qui nous raccroche à notre art, au pourquoi nous avons choisi de faire de la musique. »

L’aspect d’autant plus frappant de cette collaboration est qu’elle mêle, ici aussi, deux arts souvent complémentaires mais dont la liaison n’est pas toujours automatique chez les plus jeunes auteurs. Le choix visuel, réfléchi avec Yannick Maron, met ainsi en scène Marion Halil, Yerainis Moreno, Léonlide Torrini et Mamadou Kalombo dans leur élément : la danse. Marque incontournable des quatre précédents clips de NALU (dont “10pm” et “Fortress” parus respectivement en avril 2019 et juillet 2020), la présence de chorégraphies réconcilie inéluctablement Noa avec ses premiers amours. Sans y compter pleinement, la danse bénéficiera toujours d’un rôle de premier choix dans les créations du collectif. « J’ai toujours été entre l’un et l’autre, entre la musique et la danse. Et j’ai toujours eu l’impression de devoir faire un choix. Pourtant, grâce à la vidéo, j’ai trouvé l’occasion d’y faire une connexion », explique la jeune artiste en reconversion depuis maintenant trois ans. « Mon but, désormais, est de faire en sorte que la danse vienne naturellement accompagner mes chansons, que je puisse partager mon temps entre l’un et l’autre. L’identité du groupe devra passer par là. »

« Humainement, l’équipe était chaleureuse et a permis un excès de convivialité plus que nécessaire en ces temps »

Julien Cambarau (KAY JAM)

L’énergie du mouvement parlait jusqu’ici très peu à Julien Cambarau ; son unique et dernier clip vidéo “Light in the Dark” (2018) réalisé par la cinéaste nyonnaise Mei Fa Tan retenait certainement une toute autre dimension, avec jeux de lumière et habits d’ombre à raison d’un style davantage transi de pudeur. « Je n’ai jamais été particulièrement attiré par la danse mais je trouvais l’idée intéressante. J’ai cueilli la proposition avec un peu de surprise et beaucoup de joie. Humainement, l’équipe était chaleureuse et a permis un excès de convivialité plus que nécessaire en ces temps », a-t-il assuré, en signe de reconnaissance envers un art tout aussi impacté par les mesures de protection sanitaire. « J’aime tellement les tournages. Ce sont des moments humainement forts », poursuivait Noa. « Cela implique une autre mise en jeu de notre personnalité ; comment le public accueillera-t-il notre musique par l’image ? » Une question dans l’ère du temps, d’autant plus que la politique du visuel se révèle encore – et toujours – plus centrale dans la vie d’un artiste.

 

 

Livrer à l’autre une partie de sa propre intimité

Aussi curieux que cela puisse paraître, l’un comme l’autre aiment écrire retranchés dans leur propre bulle bien que Julien ait longtemps collaboré en groupe avant la création de KAY JAM, son identité artistique propre. Noa a, quant à elle, certes créé son groupe mais laisse volontiers croire – également – que son inspiration se révèle plus alerte à l’isolement. Ensemble, ils se sont ainsi livrés à un exercice auquel ils n’avaient pas l’habitude de se prêter ; co-écrire un texte qui révèle la part de sensibilité de chacun. « Je me suis occupé de la composition, ai tout produit depuis chez moi au niveau instrumental, ai composé les mélodies, ajusté les harmonies pensées, cette fois-ci, pour deux voix et ai pré-écrit un texte que nous avons, ensuite, retravaillé à deux avec Noa », entonne Julien. « Nous sommes arrivés à un résultat qui nous appartient à tous les deux. Mais ce partage est, en réalité, très nouveau pour moi parce que j’ai plutôt l’habitude d’être seul quand j’écris une chanson. Pour “Hollow”, c’était bien la première fois que je me livrais à un artiste autre que moi-même. »

« J’espère garder ce sens de la découverte pour mes futurs projets. Aller à la recherche d’un équilibre harmonique et savoir le transposer sur différents styles est quelque chose qui doit perdurer »

Noa Zalts, créatrice du groupe NALU

Partager un ressenti, laisser éclore sa sentimentalité au grand jour ou livrer une part de son intimité relève de tout sauf d’une évidence, même pour un artiste à fleur de peau. « C’est pourtant un défi auquel j’ai envie de me prêter toujours plus. Quand on est à deux, il faut travailler sa patience et prendre le temps de poser les bases de la collaboration », assure Noa. Mais, en réalité, le point critique advient au moment de laisser libre court aux idées, à cet instant précis où il faille les laisser envahir son esprit avant de les faire correspondre aux envies de l’autre. Car cet autre a, dans ces moments, tout du parfait inconnu – même quand une amitié semble être tissée au préalable. « À notre première séance tous les deux, il y avait effectivement une gêne durant les dix premières minutes », sourit KAY JAM. « C’est sans doute naturel, quoique, sur l’heure passée ensemble, les 50 dernières minutes furent relativement fructueuses. Avec Noa, nous avons été en capacité de nous écouter et, surtout, de nous entendre. » Une réalité que la jeune femme atténue : « On a le droit d’être timides mais l’on n’aura jamais la peur du ridicule face à quelqu’un qu’on connaît parce que c’est la divergence des opinions qui nous fait, l’un comme l’autre, avancer. À savoir aussi, de toute évidence, qu’une fois que l’on chante une chanson en public, elle ne nous appartient plus vraiment. C’est donc que l’intimité d’un artiste est in fine toute relative. »

« Julien m’a beaucoup appris », poursuivait Noa. « Il m’a permis de découvrir de nouvelles pistes d’exploration dans la création des harmonies. J’ai, moi-même redécouvert une manière de chanter et ai laissé beaucoup plus d’espace d’exploration à ma voix. J’espère garder ce sens de la découverte pour mes futurs projets. Aller à la recherche d’un équilibre harmonique et savoir le transposer sur différents styles est quelque chose qui doit perdurer. » Et cela perdurera certainement pour tous les deux car ce serait là aussi la base d’un consensus à la suisse.

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