Noémi Girardet, le relais national en guise de (deuxième) rêve olympique

Les Jeux Olympiques enveloppent un ensemble de disciplines athlétiques. Mais aussi différentes soient-elles dans la forme, les athlètes qui les pratiquent partagent toujours des points communs dans leur préparation et – souvent aussi – dans leurs objectifs. En athlétisme, Sylvain Chuard rêve d’un relais national masculin 4×100 mètres aux prochains JO ; en natation, Noémi Girardet partage presque la même ambition. Sauf que pour la jeune femme de 25 ans, Tokyo constituera(it) ses deuxièmes Olympiades, mais cela ne change pas grand-chose, au final… Toutefois, à cette heure, le relais 4×100 mètres nage libre féminin n’est toujours pas qualifié et souffre de l’absence sur blessure de Sasha Touretski : une pleine course contre la montre.

Noémi fait partie de ces jeunes athlètes qui ont déjà pu goûter à la magie des Jeux, ce qui s’avère souvent être la réalisation – non finale – d’un rêve d’une vie. Toute petite, quand elle affirmait “nageouiller” dans le petit bassin avec sa mère, elle n’imaginait peut-être pas consacrer une entière carrière sportive dans la natation. C’est que toute la progression s’est faite de façon très incrémentale ; elle rejoint le club de natation de Nyon (où elle se dispose à un entraînement par semaine), avant d’augmenter progressivement le rythme. Elle finit alors par rejoindre, avec de meilleures ambitions, son actuel club de Lancy, à Genève et le régime de la préparation change dès lors. À 15 ans seulement, elle s’installe seule dans un studio près de la piscine, elle y durcit ses séances de musculations et dope celles qu’elle effectue en bassin. Un sacrifice non négligeable qui lui a pourtant permis d’apprendre beaucoup dans la vie de tous les jours. Organisée et structurée, elle sait aujourd’hui établir ses priorités. Et si cette époque est tout aussi lointaine aujourd’hui, elle n’est absolument pas révolue ; son entraîneur – Benjamin Paris – n’a pas changé depuis dix ans, sa passion pour la natation non plus. C’est même grâce à cet entourage de toujours que sa réussite olympique – une place dans le relais 4×100 mètres féminin – s’est révélée possible.

Lire dans la même série: Sylvain Chuard, le relais national en guise de rêve olympique

La jeune femme a 25 ans. Depuis quatre ans maintenant, elle a intégré un programme d’études qui lui permet de vivre sa passion aux côtés de sa formation d’infirmière : « J’ai passé une année d’études complète en 2017 [ndlr, année durant laquelle elle a participé aux Universiades de Taipei] mais je prends mon temps depuis ; je fais ma deuxième année sur trois ans, puis je terminerai ma troisième après les Jeux Olympiques de Tokyo. » Ça donne bien le ton, tout naturellement… Et elle l’assure : elle ne quittera pas la natation, quand bien même la priorité des études primera toujours. « Je suis jeune, je profite de ces instants », sourit-elle. Il faut dire que Noémi est d’un caractère extroverti, joyeux et persévérant, tout ce qu’il faut – de base – pour réussir dans la vie. Mais elle s’avoue aussi très patiente, comme lorsqu’elle a senti le besoin de se retirer des bassins après sa toute première participation aux Jeux Olympiques de Rio en 2016. Si bien qu’en 2017, mis à part les Universiades et après deux mois et demi de pause, elle a renoncé à tenter de se qualifier pour les Mondiaux de Budapest, où le relais national n’y figurait pas non plus.

Ses deuxièmes JO, elle a commencé à les préparer bien avant le mois de janvier « mais rien que le fait d’être physiquement entrée en 2020 change beaucoup mentalement. On entre définitivement dans les phases de dur, celles des entraînements lourds », explique-t-elle. Pourtant, malgré la préparation, aucune qualification n’est encore acquise. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Genève]

Noémi, « fille de relais »

Mais l’ambition pleine est bien là, en ce renouveau 2020. Certes, ses deuxièmes JO, elle a commencé à les préparer bien avant le mois de janvier « mais rien que le fait d’être physiquement entrée en 2020 change beaucoup mentalement. On entre définitivement dans les phases de dur, celles des entraînements lourds », explique-t-elle. Pourtant, malgré la préparation, aucune qualification n’est encore acquise. « J’ai toujours eu des qualifications très tardives pour les grandes compétitions », plaisante-t-elle avant de préciser : « En individuel, sur les 200 mètres nage libre, cela risque d’être compliqué mais le relais national reste un objectif possible. Reste à voir en fonction de la blessure de Sasha. À l’épaule, ça ne pardonne jamais… »

Mi-décembre, Sasha Touretski (25 ans également et détentrice des records de Suisse sur 50m papillon et 50m dos) plonge dans l’eau pour un entraînement quotidien somme toute assez banal. Mais rapidement, elle sent une boursoufflure, un gonflement anormal au niveau de son épaule gauche ; en plongeant, ses bras étaient légèrement croisés causant une luxation avec dommages cartilagineux importants. Les analgésiques n’auront eu qu’un effet limité, le succès olympique de ce prochain été finit par se tenir pour beaucoup dans les mains de ses physiothérapeutes, du médecin de l’équipe olympique suisse Patrick Noack plutôt que des siennes propres. Mais les pronostics sont favorables, même si soumis à des temps rudement courts ; la jeune femme devrait retourner à l’eau prochainement mais avec d’impensables précautions, sa campagne qualificative pour les JO n’étant finalement réduite qu’à quelque trois mois – de février à mai –, au bout de laquelle les Championnats d’Europe de Budapest marqueront l’étape finale. C’est ainsi dans ce temps imparti que le quatuor suisse du 4×100 mètres nage libre devra valider son ticket pour le Japon ; Maria Ugolkova, Nina Kost et donc Noémi Girardet s’y préparent, elles, déjà.

« En relais, je réalise des temps que je n’arrive jamais à reproduire en individuel. De mes habituels 56” secondes, je parviens parfois à abaisser ma marque au plus proche des 54” en relais, ce qui est inexplicable »

Noémi Girardet, spécialiste suisse du 100m et 200 mètres nage libre

La situation apparaît pourtant plus aisée pour les multiples médaillées suisses Maria Ugolkova et Nina Kost, dès lors que le relais national féminin du 4x100m 4 nages est déjà parvenu à se qualifier lors des Mondiaux de Gwangju en août 2019. Mais la Lancéenne n’en faisait pas partie. De Corée du Sud, Noémi Girardet est surtout revenue avec un fil retors de frustration ; son équipe de crawleuses avait manqué l’accession directe pour la compétition olympique pour quelques centièmes. En demi-finales, le quatuor s’était classé 13e en 3’41”30 minutes, un débours de seulement 29 centièmes d’une douzième place qualificative. De quoi surprendre son propre orgueil de compétitrice. Peu importe désormais ; alors alignée sur trois relais nationaux – 4×100 mètres nage libre féminin et mixte, puis 4×100 mètres 4 nages mixte –, Noémi s’est révélée encore un peu plus « fille de relais. J’y réalise des temps que je n’arrive jamais à reproduire en individuel. De mes habituels 56” secondes, je parviens parfois à abaisser ma marque au plus proche des 54” en relais, ce qui est inexplicable », soutient-elle toujours souriante.

Une marge de progression constante depuis toujours

Mais cela n’en viendra pourtant jamais noircir un parcours de progression personnel intéressant ; depuis 2014, la jeune femme a toujours figuré dans la délégation nationale en partance pour les plus grands championnats d’Europe ou du monde. Il y a cinq ans, déjà, elle était parvenue à se qualifier pour la finale du relais 4×200 mètres nage libre féminin des Européens de Berlin (8e). En 2015, aux Mondiaux de Kazan (Russie), elle établit son premier record de Suisse sur 4×100 mètres nage libre mixte aux côtés de Maria Ugolkova, Jean-Baptiste Febo et Lukas Rauftlin. En 2016, après des Européens de Londres réussis avec une septième place finale sur le relais 4×100 mètres nage libre féminin, elle accède à ses premiers Jeux Olympiques à Rio sur la même discipline – en résulte un autre record de Suisse en 3’41”02. En 2018, aux Européens de Glasgow, elle accède à nouveau en finale du même relais avec deux nouveaux records nationaux à la clef (3’40”00 en séries et 3’38”85 en finale). Nina Kost (classe 1995), devenue Suissesse depuis peu, y remplaçait alors son aînée Danielle Villars (1993) et la composition du 4×100 mètres n’a plus évolué depuis. Reste qu’à Gwangju en juillet 2019 – encore – elle parvint à améliorer de 5”58 secondes (en 3’29”14) le record national du 4×100 mètres mixte qu’elle avait elle-même contribué à établir en 2015. Et là aussi, les plus jeunes talents – Roman Mityukov (classe 2000) et Antonio Djakovic (2002) – venaient de remplacer les plus anciens membres de ce relais national.

« Désormais, il faut travailler deux fois plus pour des améliorations deux fois plus petites. C’est aussi pourquoi, j’ai choisi de ne jamais changer d’entraîneur »

Noémi Girardet, spécialiste suisse du 100m et 200 mètres nage libre

Il faut dire que du haut de ses 25 ans, Noémi Girardet a déjà connu plusieurs phases génératives dans les relais. Et elle est encore – et toujours – parmi les meilleures nageuses du pays. Lors des championnats suisses aux Vernets, à Genève en avril 2018, c’est bien elle qui avait surpris la hiérarchie en boutant hors du podium Sasha Touretski en finale des 100 mètres nage libre (lire l’article). C’est dire les qualités de sang-froid de la jeune femme. « Depuis mes tout débuts, j’ai en effet toujours connu une amélioration constante de mes résultats, ce qui m’a permis de toujours viser plus haut dans mes objectifs », assure-t-elle avant de contraster : « Mais désormais, il faut travailler deux fois plus pour des améliorations deux fois plus petites. C’est aussi pourquoi, je n’ai jamais changé d’entraîneur ; il comprend comment je fonctionne et la stabilité est celle qui me permet encore d’aller de l’avant. »

En 2018, aux Européens de Glasgow, elle accède à nouveau en finale du même relais avec deux nouveaux records nationaux à la clef (3’40”00 en séries et 3’38”85 en finale). Nina Kost (classe 1995), devenue Suissesse depuis peu, y remplaçait alors son aînée Danielle Villars (1993) et la composition du 4×100 mètres n’a plus évolué depuis. Une année prolifique pour la natation helvétique et romande. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Tollcross International Swimming Centre – Glasgow]

Après Nice, un stage d’entraînement en Thaïlande en février

En ce début 2020, entrevue à l’occasion du 53e Challenge International de Genève mi-janvier, la jeune Lancéenne reste donc très paisible ; elle savoure encore ces compétitions de mise en route avec un brin de plaisir pur, sans grandes mesures, ni pression du résultat. Son fonctionnement mental est pourtant simple ; le chrono de référence, elle le réserve souvent pour les plus grandes occasions. « Je nage toujours plus vite en championnats qu’en simple meeting. Ces premiers rendez-vous de l’année servent à se faire plaisir. Je sais que les améliorations que je recherche seront possibles dans le courant de l’année. » Aussi car, depuis ses premiers JO en 2016, la jeune femme de l’époque a également grandement évolué. « Certes, à l’approche des grands rendez-vous, il faut toujours une phase d’adaptation mais celle-ci s’opère de plus en plus vite. L’expérience des saisons précédentes aide passablement », assure-t-elle. « À Rio, je n’étais pas perdue, mais j’avais la tête dans les étoiles. On n’y échappe jamais la première fois. Mais désormais le stress de la compétition permet de me focaliser sur mes courses et cela aide à se transcender. » Des attentes qu’elle pourra dès lors réserver pour le mois d’avril, déjà, à l’occasion des championnats suisses à Genève. Puis lors des Européens de Budapest en mai, où elle vise – pour la première fois après avoir été maintes fois première ou seconde réserviste – une demi-finale sur les 200 mètres nage libre.

« Découvrir un nouvel environnement d’entraînement est nécessaire pour se sortir d’un programme routinier. C’est sans doute ce qu’il faut pour préparer au mieux les prochains championnats suisses »

Noémi Girardet, spécialiste suisse du 100m et 200 mètres nage libre

Aussi, malgré les conditions idéales dont bénéficie la piscine de Lancy – désormais extérieure pour toute l’année –, c’est pour trois semaines de stage à l’étranger que la jeune nageuse s’en va, courant février, perfectionner sa natation. « On le fait de temps en temps depuis quelques années », aiguillonne-t-elle. Et les lieux ne sont jamais choisis au hasard ; si bien qu’en 2017, à la même époque, le club genevois s’était rendu à Nice auprès de l’alors futur champion d’Europe et vice-champion du monde suisse Jérémy Desplanches. Là aussi trois semaines entières. « Auprès de lui et de ses partenaires d’équipe, on a appris comment travailler. Le cadre est professionnel, on s’entend très bien – y compris avec le reste des nageurs de l’ONN [ndlr, Olympic Nice Natation] – et Jérémy se révèle être un sportif très appliqué. Sans compter que dans mon club, je nage toujours avec des garçons et que cela m’a changé d’être en compagnie de Charlotte [Bonnet] pour quelques jours. Ça aide aussi. » La jeune nageuse et son club prendront, cette année, la route de la Thaïlande jusqu’au prochain retour en compétition en Belgique le 28 mars, à l’occasion du meeting des sprints de Mons. « On a besoin de voir autre chose, et du soleil ! », sourit Noémi Girardet. « Découvrir un nouvel environnement d’entraînement est nécessaire pour se sortir d’un programme routinier. C’est sans doute ce qu’il faut pour préparer au mieux les prochains championnats suisses. » Début avril, aux Vernets.

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