Mutaz Barshim, Thomas Röhler, Noah Lyles, ces athlètes qui ont enflammé Doha

Mutaz Essa Barshim a rendu fière la communauté qatarie vendredi soir au Qatar Sports Club Stadium de Doha à sa première victoire de la saison en Diamond League. L'athlète de l'année 2017, selon l'IAAF, a dominé la concurrence d'un saut au-dessus des 2,40 mètres. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino
Du Qatar Sports Club Stadium, Doha (Qatar)

Le meeting de Doha a été, une nouvelle fois, porteur de très belles surprises. Le Qatarien Mutaz Essa Barshim a remporté la hauteur en 2,40 mètres, un très bon résultat en ouverture de la saison extérieure; le javelot a donné vie à une extraordinaire domination des athlètes allemands – Röhler, Vetter et Hofmann – tous trois ayant réussi, pour la première fois dans un meeting, à dépasser les 90 mètres. Enfin, le jeune Floridien Noah Lyles a remporté la course des 200 mètres devant Jareem Richards et le champion du monde Ramil Guliyev. Trois noms qui ont maintenu l’attention au sortir du Qatar Sports Club Stadium, qui était l’hôte du meeting pour la toute dernière fois.

Cette année fut la dernière de la Diamond League au Qatar Sports Club Stadium. En 2019, le meeting de Doha migrera dans une enceinte qui sera spécialement apprêtée à l’athlétisme. C’est en effet au Khalifa International Stadium, un stade de plus de 40’000 places que le premier meeting de la saison en plein air verra le jour. C’est aussi là que se dérouleront les championnats du monde du 29 septembre au 6 octobre 2019. Il faut dire qu’à une année de cette échéance spéciale, le public Qatarien attend beaucoup de ses athlètes, Samba, Haroun et surtout sa superstar de la hauteur, Mutaz Essa Barshim. L’athlète de 26 ans a une nouvelle fois dominé sa discipline en arrachant la meilleure performance mondiale de l’année sur un saut à 2,40 mètres. Le résultat reste exceptionnel, même si le public tendait à en demander un peu plus. Ce n’est pas cette année à Doha, que le Qatarien battra le record du meeting du Russe Ivan Ukhov (2,41 mètres). Le leader de la sélection locale s’en est pourtant vivement approché. Passée la barre des 2,40 mètres au premier essai, Mutaz Barshim s’est ensuite essayé aux 2,42 mètres, sans succès. Un exploit qu’il remettra volontiers à sa prochaine occasion, au meeting d’Eugène, dans l’Oregon, les 25 et 26 mai prochains: « Battre le record du meeting n’aurait été qu’un fantastique bonus, le plus important était de gagner et prendre les points de la victoire [8]. 2,40 mètres est un résultat qui me rend heureux. La saison sera encore longue avec d’autres très bons moments à vivre encore. Je vais devoir me préparer maintenant pour être prêt pour la prochaine échéance », lâchait-il alors en zone mixte au sein du Qatar Sports Club Stadium de Doha. D’autant plus, que la performance, “chez soi”, apporte énormément de saveur. « J’étais déjà un peu fatigué après le quatrième saut [ndlr, à 2,30 mètres], mais le public a été très porteur et il m’a permis de passer les deux barres suivantes. C’est vraiment plaisant de sauter dans ces conditions-ci. »

« Ma mère est dans le stade et m’a encouragé comme elle a pu. J’ai fait quelques erreurs mais je suis fier de mon résultat »

Mutaz Essa Barshim, spécialiste qatarien du saut en hauteur

Mutaz est né à Doha et il a vu grandir son sport au Qatar. Il semblait alors évident que le public de sa ville le lui rende. Au Qatar Sports Club Stadium, c’est une assistance un peu particulière qui est venue le soutenir dans son épreuve, débutée au début du signal international audiovisuel à 19 heures et suivie donc par le monde entier. « Ma mère est dans le stade et m’a encouragé comme elle a pu. J’ai fait quelques erreurs mais je suis fier de mon résultat. Je me sens tellement bien, ce qui n’a pas toujours été le cas avant chaque saut. Mais au final, c’est une performance qui me rend extrêmement satisfait. Cela me permet de garder une grande ambition pour mes prochains meetings. »

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Puis, aussi engagé que le jeune athlète est pour le développement de son sport au Qatar, Mutaz Barshim a tenu à féliciter ses compatriotes pour les résultats obtenus: « Être ici avec autant de si bons athlètes qatariens, comme [Abderrahman] Samba ou [Abdalleleh] Haroun, est juste fantastique. C’est un testament riche dédié à la nation, au Qatar. C’est la preuve que le Qatar regorge de talents purs et d’athlètes exemplaires. J’en suis très heureux. » Pour son adversaire du jour, le médaillé de bronze aux Mondiaux de Londres en août 2017, Majd Eddin Ghazal, la seconde place n’est qu’un très bon résultat à créditer au sauteur, natif de Damas. Avec trois échecs à 2,36 mètres (ce qui constituait son record personnel établi à Beijing en 2016), l’athlète des forces armées syriennes saluait sa bonne forme sur le sautoir de Doha ce vendredi soir: « Je veux remercier Dieu de m’avoir permis d’être en forme et de réaliser un aussi bon départ. Le Qatar me donne toujours la force nécessaire pour démarrer au mieux la saison. Ce [vendredi] soir, j’étais si près d’un record national mais je ne reste si content d’être ici; Doha Diamond League reste toujours le meilleur meeting d’ouverture qu’un athlète puisse espérer disputer », confiait-il également au terme du concours de la hauteur, en fin de soirée.

Trois Allemands au sommet au javelot

C’est la première fois que trois athlètes parviennent à établir, au cours de la même soirée, dans la même compétition, un lancer à plus de 90 mètres. C’est d’autant plus inédit que ces trois athlètes sont tous trois allemands. Thomas Röhler est à nouveau celui qui s’est le plus distingué avec un deuxième tir puissant et savamment maîtrisé, parti se planter à 91,78 mètres, à plus de deux mètres de son record du meeting de l’année dernière (93,90m) mais largement suffisant pour s’imposer à Doha. « Ce soir, c’était très bien, mais c’était loin d’être facile. Il y a toujours place pour s’améliorer. Mes coéquipiers [ndlr, Johannes Vetter, 2e et Andreas Hofmann, 3e] et moi voyageons toujours ensemble », explique le vice-champion de la Diamond League 2017 avant de continuer: « Je me suis préparé et je savais que je pouvais lancer mon javelot aussi loin. J’étais même apte à tenter quelques risques aujourd’hui, c’est ce que l’on peut se permettre quand on est en bonne santé et en bonne forme. » Ses coéquipiers sont même tout aussi enthousiastes: « Je me sens très bien, mais aujourd’hui, je sens que j’aurais pu lancer plus loin. J’espère pouvoir battre mon record personnel [91,07m] au prochain meeting [ndlr, à Eugène aux États-Unis], c’est là mon premier objectif [en vue des championnats d’Europe] », affirmait alors Andreas Hofmann (90,08m). « Je suis très heureux, c’est un très bon début de saison », lâchait également Johannes Vetter (91,56m) en zone mixte avant de poursuivre: « Je ne pense pas avoir un tir parfait pour ce premier meeting, mais cela viendra avec le temps, dans un futur proche », en Oregon par exemple.

« J’adore le lieu, j’adore le climat de compétition. En 2019, ce sera un autre stade mais j’ai déjà hâte de revenir l’année prochaine »

Thomas Röhler, spécialiste allemand du lancer du javelot

Les trois germanophones ont de toute évidence donné la couleur à trois mois des championnats d’Europe de Berlin (du 7 au 12 août) où la communauté allemande aura fort à admirer sur la discipline: « En vue de Berlin, je me sens très à l’aise. D’un point de vue purement technique, je suis extrêmement satisfait de ma prestation de ce soir [à Doha]. Je suis physiquement au top, sans blessure et dans ces conditions, j’arrive à approcher les 92 mètres. Il me manque juste un lancer propre, parfait pour atteindre véritablement mes objectifs. Je pressens une belle saison à venir », pressent alors Röhler. Toujours est-il, de toute évidence, qu’avant le retour en capitale allemande, plusieurs camps d’entraînement et autres meetings sont encore annoncés. Les besoins sont alors évidents: sans cesse monter en puissance. Thomas Röhler, pour sa deuxième fois à Doha, en a donné une belle mesure: « J’adore le lieu, j’adore le climat de compétition. En 2019 [ndlr, pour les championnats du monde], ce sera un autre stade mais j’ai déjà hâte de revenir l’année prochaine. C’est toujours un plaisir de prendre avec soi le public, surtout ici où le public est proche de l’athlète. Nous avons des lieux comme ceux-ci en Europe où le public peut soutenir l’athlète de très près et c’est d’autant plus excitant ainsi », lâche-t-il avant de conclure: « J’ai de très bons souvenir du meeting de l’année dernière. C’est un terrain difficile, où la compétition est toujours très élevée. Et c’est un honneur gigantesque pour nous [ndlr, les Allemands] de compléter ensemble ce très beau podium. »

L’Américain Noah Lyles confirme sur 200 mètres

Le sprinteur de Gainesville a, une nouvelle fois, dominé la concurrence lors du premier meeting de la Diamond League de la saison. Précoce, le jeune athlète de 20 ans parcourt depuis peu le circuit professionnel mais son palmarès, lui, est déjà bien entamé. Après un bronze aux relais mondiaux de Nassau aux Bahamas (sur 4×200 mètres), le jeune Américain a connu une année 2017 courte mais intense. Blessé avant les sélections américaines, il avait été contraint de renoncer à ses premiers championnats du monde à Londres. Mais preuve de son talent, il était parvenu à remporter le trophée de la Diamond League lors des finales de Bruxelles. À Doha, ainsi, sa présence à la discipline saisissait l’œil sournois d’un public averti. Il leur a donc prouvé sa puissance, en dominant de 16 centièmes le Trinidadien Jareem Richards. Aussi, en 19”83 secondes, le Floridien a également battu le record du meeting. « La course était très plaisante. Nous savions que les températures étaient élevées ce matin, et étonnamment, elles le sont restées aussi le soir – lâchait-il alors en zone mixte – Quoi qu’il en soit, pour l’heure, j’espère simplement que mes performances restent stables, au niveau de ce soir. Je suis un compétiteur et je ne veux pas rester un éternel second. Je veux être premier et remporter [à nouveau] la Diamond League. Je continue d’ajuster plusieurs détails dans ma course et ferai tout pour être encore meilleur. Pour mois, la saison en extérieur est plus facile, j’en profite alors pour me faire valoir; être fluide sur le virage et garder la pleine concentration pour la saison qui vient de commencer. »

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Il est vrai que la course des 200 mètres à Doha réservait grande compétition et quelques (moins bonnes) surprises. « La course était d’une très grande qualité, avec une rivalité parmi les plus intenses – consent alors Jareem Richards avant de continuer – Je pense avoir réalisé une très belle course aujourd’hui, avec un travail bien exécuté, ce qui me permet de me classer parmi les trois meilleurs [ndlr, 2e devant le champion du monde turc Ramil Guliyev]. C’était mon but. Je veux toujours rester au top! » En revanche, de retour dernièrement de blessure, André de Grasse souhaitait avant tout tester sa condition; il a terminé en sixième position en 20”46. « Mon but était d’exécuter la course de la meilleure façon possible. C’étaient les 200 premiers mètres de l’année. Je reviendrai à mon meilleur niveau, je vais accumuler les courses et m’entraîner durement ces prochains mois. » Le Canadien se veut rassurant quant à ses chances de réaliser une saison satisfaisante. Il ajoutait même en zone mixte: « Les sprinteurs contre qui j’ai couru ont longuement travaillé pour être prêts cette année. J’ai commencé un peu plus timidement et plus tard, mais cela ne m’empêchera pas de monter en puissance durant le reste cette année. »

« Les premières compétitions sont toujours des tests. Je vais maintenant en reparler avec mon entraîneur et reprendre la technique de course »

Ramil Guliyev, champion du monde turc du 200 mètres

Ramil Guliyev, en revanche, n’est pas encore 100% prêt; sa course, en 20”11, n’est pas mauvaise mais a souffert de la distance. Le champion du monde en titre de Londres le sait; la saison sera relevée et les prochains mois seront déterminants: « Ma course se développe bien, j’ai très bien couru les 100 premiers mètres, mais pas les 100 derniers. Il me faut encore faire quelques ajustements pour tenir la distance des 200. Mais la forme viendra pour les prochains rendez-vous », nous explique-t-il, seul en zone mixte. Puis conclut, à l’image de ce que l’on sait déjà: « Les premières compétitions sont toujours des tests. Je vais maintenant en reparler avec mon entraîneur et reprendre la technique de course. » En revanche, le Jamaïcain Omar McLeod qui souhaitait se mesurer sur les 200 mètres plat – lui qui est spécialiste des 110 mètres haies –, était bien annoncé sur les listes de départ officielles mais n’a finalement pas pris part à la course. Il a été remplacé, au dernier moment, par l’Américain Brandon Carnes (7e en 20”56 secondes).