Jynx, le trouble-fête rock’n’roll de la messe bleue

Jynx sur scène en compagnie de son harmonica. © Yves Di Cristino

Le Blues Rules Crissier Festival offre, comme à chaque édition, une belle diversité de parcours et de genres musicaux dans sa programmation. Ce vendredi 20 mai, pour sa septième édition en 2016, a alors vu se produire une large palette d’artistes prônant une valeur commune ; la communion au travers du blues. C’est le cas du duo français Jynx qui s’est arrêté au micro de leMultimedia.info à la fin de son set. Focus.

Son verre de bière à la main, Jynx arrive sur scène, souriant et prêt à partager avec le public du Blues Rules Crissier Festival son flegme musical et son blues-rock’n’roll porté à maturité depuis que le jeune Français a rencontré son nouveau batteur avec qui il a affiné son univers bien marqué. Sur les planches, le set du jeune bluesman emboîte le pas à l’Américain Gabe Carter et au chœur lausannois de gospel « Madrijazz » qui s’est vu ouvrir les feux de cette septième édition du festival aux abords du Château de Crissier. Marquée sous l’égide de la prière (« preachin’ the blues »), cette nouvelle rencontre du blues à Crissier a le mérite de regrouper nombre d’amateurs de gospel, musique chamanique, cajun voir même un peu punk dans sa grande messe bleue. Dans son véritable retour aux fondamentaux du blues, le festival ouvre également sa focale sur de nombreux groupes et chanteurs ayant basé leur musique dans le sillage élargi du style musical, permettant par là-même une diversité tout aussi alléchante que stimulante. Jynx apparaît dans cette mosaïque toute particulière ; sa musique marque un premier (et léger) écartement à la règle de la solennité révérencielle portée aux origines profondes du blues (comme l’ont chantée tout aussi bien Brother Mississippi Gabe Carter que la troupe de gospel lausannoise) tout en prônant une sagesse musicale dynamique et valorisant le grand culte de cette prière commune.

Une année de maturité

« Ils sont vraiment bienveillants à notre égard » ; Jynx répond à Vincent Delsupexhe, qui nous livrait une interview quelques jours avant l’ouverture des portes de cette nouvelle édition du Blues Rules Crissier Festival. Voilà donc que si 2016 marque l’année de raison de la mécanique du festival, cette septième volée témoigne également de l’année de maturité de Jynx, dont son nouvel album a été présenté dans la cour prospère du Château de Crissier. Déjà présent, aussi bien au Blues Rules qu’à Nyon à l’occasion du Paléo Festival en 2014 sous un format one man band, François a depuis rencontré son batteur Jérôme avec qui il partage désormais les scènes, de Roussillon (près de Perpignan dans le sud de la France) jusqu’en Suisse : « J’étais venu seul il y a deux ans pour jouer dans ces jardins et entre-temps, j’ai commencé à jouer avec Jérôme que je connaissais déjà. Musicalement, nous avons pris le temps de se découvrir, cela a pris un an et demi de travail assidu et nous venons tout juste de clôturer notre album, de le sortir et de le presser et nous sommes vraiment contents et fiers du résultat ». Donc, plus qu’une année de maturité, ce Blues Rules marque également la consécration du travail et des efforts du duo pour se constituer en tant que tel : « Nous nous sommes beaucoup concentrés sur notre album pendant six mois, nous avons beaucoup joué l’année dernière pour parvenir à une complicité nécessaire ensemble. Donc il est tout-à-fait vrai que c’est en quelque sorte une année de renouveau et c’est un vrai bonheur de défendre notre nouvel album sur la scène du Blues Rules ». Jérôme et François se connaissent depuis quelques temps mais leur amitié n’a pas empêché de devoir rechercher ensemble un terrain d’entente musical afin de produire une musique cohérente et ressentie à deux : « Ensemble, nous avions commencé quelques projets avant de réellement nous former en duo. Je pense tout simplement que je n’étais pas prêt, musicalement, pour cela auparavant, je n’avais pas assez de maturité justement. Et c’est au travers de mon univers que nous avons réussi à créer une symbiose, une bulle de confort. Cela fait donc un an et demi que nous travaillons d’arrache-pied sur ce projet-ci mais on se connait depuis quelques temps déjà », nous explique ainsi Jynx.

À la fin de son set, Jynx est descendu au milieu du public pour conclure cette belle communion du blues. © Oreste Di Cristino
À la fin de son set, Jynx est descendu au milieu du public pour conclure cette belle communion du blues. © Oreste Di Cristino

« Preachin’ the blues », une communion entre différents styles

Jynx se caractérise par un blues très dynamique et dont la pétulance est avérée ; un univers qui, à défaut de se démarquer du registre religieux (voire parfois biblique même si pour la majorité des artistes, ce terme se veut être trop profond pour le contexte), peut tout-à-fait se confondre dans le prêche collectif que se veut mettre en exergue cette septième édition. Comme nous le confie François, « on peut mettre tellement de choses derrière la notion de blues ». Son rock’n’roll endiablé se mue d’ailleurs parfaitement dans ce melting-pot culturel et cette histoire traditionnelle que revêt le blues. « Ce qui fait le charme de cette édition, c’est en effet d’aller rechercher le cœur et les origines de la tradition. Vincent (Delsupexhe) et Thomas (Lécuyer) sont très attentifs à ouvrir leur festival aux nouvelles pistes que prend le blues, avec d’autres influences. Ce qui me parle dans cette notion de communion et de « preachin’ the blues », c’est le principe de la prière commune avec le public en y insufflant quelque chose de spirituel mais pas forcément de religieux. Ce qui importe le plus dans cette nouvelle édition, c’est bien le partage de la musique mais aussi du spirituel, tout en permettant de faire entrer les gens dans notre univers musical. C’est unique et c’est à cela que ressemble un prêche ».

Reverend Beat-Man et sa « musique pour tous »

« La musique pour tous, c’est bien cela », témoigne Jynx sur les principes musicaux du ténébreux révérend suisse Beat-Man. Toute la différence entre ces trouble-fêtes – le premier tenant d’un blues-rock’n’roll, le second enivré dans un blues-punk et trash électrique et éclectique – réside dans la terminologie de « révérend » : « C’est le vocable utilisé pour le blues – nous confie François avant de poursuivre – Je suis très sensible aux rituels chamaniques pour ma part. C’est un peu ce que nous avons voulu créer dans ce set (ndlr, 20 mai à 20 heures) ; avec une introduction qui plonge le public dans un univers et une ambiance, comme si l’on partait ensemble pour un voyage et dans une forme de guérison à travers la musique et le cri universel ». Voilà qui est intéressant dans la programmation de cette volée 2016 du Festival, regroupant aussi bien les tenants de la sacro-sainte église que les prêcheurs quelque peu transgressifs de la messe bleue, à l’image du révérend suisse-allemand et fondateur de Voodoo Rhythm Records, de son vrai nom Beat Zeller (arrivé peu avant deux heures du matin sur les planches du Blues Rules Crissier Festival ce samedi 21 mai).