Imelda Gabs: un envol prévu pour 2023

Imelda Gabs, auteure-compositrice-interprète révélée par la Montreux Jazz Academy en 2017, a sorti son troisième single « Reckless » le 9 décembre 2022. Il fait suite à deux autres musiques pavant la route d’un premier album qui sera dévoilé au printemps 2023. Tournant la page d’une époque de lancement longue et prospère, Imelda assure ne mettre aucun marque-page entre les différents chapitres de sa carrière, et de sa vie.

Son père, le Docteur Gabs, dirait bien qu’elle swing. Mais pas tout à fait. Son air volage, Imelda Gabs le passe dans le doigté qu’elle réserve à ses touches. Son piano en a d’ailleurs connu de toutes les couleurs, du blues au funk, des airs latins jusqu’au boogie woogie. Artiste depuis sa tendre enfance, la jeune femme sait pratiquement tout faire, ce qui lui vaut le luxe de se laisser porter par ses propres émotions, sans limite ni plafond. Et de fait, elle touche à tout.

Passée par la Montreux Jazz Academy, on lui souvient ce concert au cours duquel son titre Heartbeat confinait à tout sauf au plus banal. Accompagnée de chœurs, d’une batterie et de son propre piano, Imelda jouait aussi avec ses origines. Belge et congolaise, elle verse tant bien dans les musiques du monde, séduisant aussi par-delà les frontières. Virtuose et précoce, l’artiste n’avait jusqu’ici – et pourtant – pas encore eu le courage de s’émanciper artistiquement. Connue comme membre d’un groupe de funk par le passé, puis en duo avec Clyde Phillips jusqu’en 2019, Imelda Gabs a cueilli l’opportunité d’un 2020 dans les brindezingues pour définitivement prendre son envol. « Cela faisait un moment que je pensais à tourner en solo », explique-t-elle dans une interview qu’elle nous avait accordé au Lausanne Palace lors de la sortie de son premier single « Fallen Angel ».

Le Lausanne Palace, par ailleurs, n’était pas un lieu dénué de tout symbole. L’établissement fut peut-être même le premier couffin d’envergure de la jeune artiste. Son père y jouait régulièrement il y a de cela quelque deux décennies, voie qui mena la famille Gabs à s’installer en Suisse, à Lausanne. Avec son autre lieu de grand souvenir, au Montreux Le Fairmont Palace – où elle fit ses premiers pas d’artistes dans les coulisses du Montreux Jazz Festival –, Imelda reconnaît son histoire et sa vie d’artiste comme définitivement ancrées sur les rives du Léman. Pourtant, c’est bien chez elle, en home studio, qu’elle compose et affine les bases musicales d’un premier album prévu pour le printemps 2023.

Imelda Gabs dévoile Reckless

Après un an et demi de pandémie, Imelda Gabs avait enfin pu réfléchir à la meilleure manière d’adapter sa musique râblée d’électro sous un versant beaucoup plus acoustique. Avec son troisième single Reckless, elle infuse brillamment sa dark pop dans un arrangement orchestral inédit. Introduisant également l’ère de son premier album à venir, la chanson porte une mélancolie profonde mélangée à des visuels futuristes. Le clip vidéo, réalisé par le Lausannois Dariy Mambetov, a été tourné en septembre dans le désert de sable blanc du Nouveau Mexique, au sud des États-Unis.

Photo: © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Assens]

De Fallen Angel à Reckless

Imelda sait aussi jouer avec les harmonies, à la fois dans la composition strictement musicale mais aussi dans sa capacité à raconter des histoires. Ses trois singles, écoutés ensemble, n’ont rien de morceaux déracinés, sans récit ni sens. Au contraire, ils disent tout d’une jeune artiste pleinement engagée dans un processus sincère d’identification. C’est aussi ce qui vient au soutien de ce quelque chose un peu sombre, ténébreux sinon mystérieux que l’on décèle dans la voix, mais aussi sur son visage. « Je suis généralement réservée en privé, moins sur scène. Une timidité qui confine aussi au perfectionnisme; j’ai toujours pris du temps avant de sortir mon premier projet parce qu’il était, à mon goût, jamais assez abouti et prêt à être dévoilé. J’ai, il faut le dire, dû me convaincre et me pousser à sortir un premier single. Cette réserve, je ne pouvais pas la cacher dans ma musique. » En effet, elle aurait trop perdu en sincérité. Et de sens, on en aurait perdu toute trace. « Je sais être encore en pleine phase d’évolution car non seulement le public, mais moi-aussi, devons apprendre à me connaître. Il y a bien sûr des facettes de ma propre personnalité que je ne décèle pas encore, ou pas assez dans mes compositions. »

Chez Imelda, le récit des ses musiques semble mettre en scène le passage à un point de non-retour, celui d’un passé qui se perd et d’un présent qui ne sera jamais plus pareil. L’avenir, s’il ne s’écrit pourtant pas en noir – loin de là – saura rappeler que la résilience est parfois la marque des plus forts. Les personnages incarnés dans ses paroles profondes décèlent donc de longs traits autobiographiques. « Les histoires que je raconte évoquent, de manière consciente ou non, les passages douloureux entre les différents chapitres d’une vie. Que l’on passe d’une période heureuse à une autre période heureuse, peu importe, le changement est toujours délicat à appréhender. Oublier – ou du moins, mettre de côté – ses souvenirs n’est jamais évident, et personne ne le veut jamais vraiment. » C’est là aussi toute la difficulté de cet art qu’est, finalement, l’émancipation. La mener en douceur tient bien de la légende. « On y trouve une forme de rébellion, de reconstruction après plusieurs défaites, de grandes humiliations. On y croise le regard de la différence avec la perspective de toujours se relever. » Le troisième titre Reckless aborde de façon quelque peu kafkaïenne toutes ces émotions.

Pour mettre en image ces réalités si sibyllines, Imelda Gabs a pu compter sur le soutien du jeune réalisateur lausannois Dariy Mambetov, chargé de mettre en image toutes les créations actuelles de la jeune artiste. « J’accorde beaucoup d’importance au lien existant entre l’identité musicale et l’identité visuelle de mes compositions. Cette connexion est, pour moi, essentielle. Dariy Mambetov a su me suivre dans mes idées, j’en suis heureuse. »

Retour aux origines acoutisques

Les grandes orgues de l’église Saint-François sont internationalement reconnues. Un assemblage de pièces datant des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, la pièce maîtresse des lieux est une pureté technologique. Elle est la seule orgue à cinq claviers de Suisse romande à fonctionner sans commande électronique.

En contrebas de ce morceau imposant d’histoire, Imelda Gabs a assuré, le 4 novembre 2022, une heure et quart de prestation vocale de grande intensité, aux allures de masterclass sur piano-voix. Dans son registre exposé dans la nef de l’église – qui célèbre cette année ses 750 ans – des titres inédits, mais aussi ses ballades les plus intimes. Heartbeat, sa création la plus célèbre, a refait surface. Tout comme une composition parmi ses plus anciennes, This Is Not The End.

Parmi les titres inédits, Secrets ou encore Am I? Apparaissent aussi Fallen Angel et Reckless qui constituent les premiers singles pavant la route à son tout premier album qui paraîtra au printemps 2023.

Photo: © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]

Une nouvelle renaissance après l’épreuve du Montreux Jazz Festival

Imelda a pourtant, désormais, un statut d’indépendante à assumer. Elle avance néanmoins sans précipitation, au pair avec des objectifs ambitieux mais jamais irréalisables. Paliers par paliers, Imelda joue aussi avec sa patience. « On commet parfois l’erreur de vouloir éclore auprès du public trop vite. Or, les processus sont souvent longs, entre la sortie d’un projet, sa réception par le public, ses retours et les ajustements. »

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Imelda vit l’instant présent comme une renaissance, un moment charnière après celui de 2017 et son passage à l’Auditorium Stravinski lors de la 51e édition du Montreux Jazz Festival. « Cela fait partie du thème de l’album sur lequel je suis en train de travailler. Tout ce que j’ai vécu, en bien ou en mal, je l’intègre dans ce que je veux faire. Et le MJF fait bien sûr partie des bons moments; révélateur, pas en termes de notoriété, mais comme un besoin assouvi de validation, par le public montreusien, de son propre travail et de sa propre identité. Le grand public me découvrait alors pour la première fois et c’était une épreuve grandeur nature pour savoir si j’étais à la hauteur. »

« Quelques jours auparavant, en passant dans les coulisses, sous la scène du Stravinski, je ne pensais pas être assez sûre de moi pour envisager la fouler un jour. Que cela se réalise a joué de surprise mais aussi de renforcement mental; j’y ai travaillé pour inconsciemment. Artistiquement, j’ai grandi d’un coup d’un seul. » De même qu’il y a dans cette situation une part de talent inexplicable, celle-ci se nourrit surtout de persévérance et de travail. « En 2017, j’ai pu assurer le set au Montreux Jazz car j’avais un répertoire assez vivant pour pouvoir le défendre. Mais il me manquait encore la structure pour le faire grandir encore; matériellement, je n’avais aucun single, aucun EP, aucun album. Aucun moyen de rebondir après le concert. » Depuis novembre 2020, elle s’active justement à partiellement remédier à ce manquement.

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