Karim Slama, l’art de séduire sous toutes les formes

L’humoriste romand se lance dans ce qu’il connaît. Lors de quatre représentations, jusqu’au 23 mars prochain, au CPO d’Ouchy, Karim Slama présente un spectacle à la carte lors duquel le public est invité à choisir le programme de sa soirée parmi 36 de ses sketches les plus cultes. Un format inédit qui marque un parfait best of après 15 ans de scène, lors desquelles l’artiste a goûté à tout, de l’improvisation au grand spectacle de Titeuf. Karim se confie.

Chez Karim Slama, l’œuvre est achevée depuis longtemps mais la tournée, elle, poursuit avec un succès certain. Pendant quatre jeudis consécutifs, l’artiste se produit à la carte dans un spectacle monté de toute pièce par son fidèle public. Passablement connaisseur du reste. Au programme, pas moins de 36 sketches cultes de son répertoire soumis au choix d’une assistance avertie. Un concept original, nouveau – qui tend à préciser la mouture réussie des grands calibres de la scène romande comme à l’exemple du tout-improvisé de Benjamin Cuche – et qui prouve un certain accomplissement après 15 années de belles et grandes scènes. « C’est un cadeau que je me fais car j’ai l’opportunité de revisiter tous les sketches que j’ai faits et que je ne veux pas mettre à la poubelle. C’est aussi une façon de “temporiser”, c’est à dire de créer une forme de spectacle originale, et me laisser le temps pour réfléchir à nouveau », explique-t-il au terme de sa deuxième représentation au CPO le jeudi 9 mars dernier. Un véritable revival que seuls les plus grands artistes peuvent se permettre ; charmer avec originalité tout en pratiquant l’art du “recyclage”. Faire du neuf avec du vieux est pourtant une belle fabrique d’innovation, même dans l’art d’être en scène. « Mon spectacle, j’essaie de m’arranger pour qu’il soit toujours nouveau même si c’est le même. Je me nourris forcément du public et nos énergies sont toujours différentes. Et c’est vrai que mes sketches sous cette nouvelle forme implique aussi des enchaînements nouveaux et inédits entre différents sketches », avoue-t-il. Une sensibilité nouvelle qui mène Karim Slama à parcourir de nouveaux horizons après avoir tant donné sur tous le fronts de la comédie, de l’improvisation au spectacle de Titeuf (“le Pestakle”). « J’ai même réussi à m’exprimer différemment sur scène grâce au spectacle de Titeuf qui est encore un monde à part. Et ce spectacle à la carte est une manière de boucler la boucle. Et de laisser le reste à l’inconnu. » Un inconnu (peut-être) connu. Un inconnu qui allie tant de mystère tout autant que de réjouissance. « En pleine crise de la quarantaine », plaisante-t-il, Karim Slama sait qu’il a encore tant à donner, et à partager même avec le plus jeune de son public. Aussi, l’artiste se laisse le temps de la réflexion pour composer la mélodie de son futur sur les planches. Non, rien de bien défini mais des idées qui fourmillent par ci, par là, et qui attirent l’œil sur l’esprit tout encore juvénile du maître de son art, l’improvisation. Et quand bien même, Karim Slama ne fait pas d’improvisation, il en ressortira toujours une brève allure dans ses représentations et le sur-mesure qu’il anime actuellement au CPO : « Le sur-mesure, je le pratique depuis un moment – explique-t-il avant de continuer – Pour beaucoup de soirées privées, j’ai pris l’habitude de bricoler tout une série d’enchaînements nouveaux qui puissent correspondre au style et aux envies de l’institution hôte. Et là déjà, je me servais dans tout. Et j’ai pensé que même le public pouvait profiter de cela également. » Plus qu’un talent, tout un art de vivre sa carrière.

Après 15 ans, on continue

Karim Slama est encore jeune dans le métier, n’en déplaise à la nouvelle génération – les grands praticiens du stand-up à l’américaine – pas moins qu’à l’ancienne – pour ainsi dire – animée par les Christian Savary, Thierry Meury ou encore Jacques Bonvin, pour ne citer qu’eux, pardi ! De Yann Lambiel à Joseph Gorgoni, du passé au futur, de tous le genres confondus, Karim Slama est au centre. Il est le transformiste qu’il n’a jamais voulu être, l’imitateur qu’il n’a jamais désiré enrôler, encore plus le comédien qu’il n’a jamais soupçonné être. Véritable homme de théâtre, Karim est l’alliage de tous les styles et de tous les genres. Il a touché à tout et la scène l’a porté partout où il désirait atterrir. Un soir, à l’ImproLab du Banance Comedy Festival, un autre sur le Stravinski de Montreux ou encore un troisième soir sur la scénette des petites salles. De près ou de loin, Karim Slama n’a jamais rendu insensible à ses talents (cachés ou non). Au service de tous, il pratique son art pour tous. Encore plus, lors de sa tournée “best of” de sa quinzième année de carrière. Et c’est loin d’être fini, heureusement ! Dans l’attente d’un nouvel opus, l’humoriste navigue de bâbord à tribord avec une très grande agilité, parfois – beaucoup actuellement – au service des autres : « Je suis sans cesse impliqué dans des projets qui ne m’appartiennent pas toujours. J’explore souvent au service des autres en ce moment », lance-t-il. Et toujours avec créativité et volonté, comme il en témoigne : « C’est une période assez étonnante pour moi, je n’ai jamais été aussi créatif que maintenant. Ou disons que je le suis comme à mes débuts mais avec les remises en question que l’on ne se posait pas à 20 ans et sans l’énergie et la spontanéité du débutant. On se prend un peu plus la tête, ce qui n’est pas plus mal aussi. Sans penser que mon corps ne suit plus de la même manière. Mais j’ai très envie de continuer à écrire que ce soit pour moi ou pour les autres, dans des dimensions différentes. » Aussi car Karim Slama a tout connu. Il a tout fait. Et se retrouve à la recherche d’un précieux renouveau qui débute immanquablement par ses présences sur scène dans les secondes vies de ses créations les plus appréciées de son répertoire de sketches. « J’ai goûté tant à l’impro simple – le spectacle épuré sans rationalité, sans concret – le one man show plus posé et davantage préparé et enfin le grand spectacle d’une grande dimension avec Titeuf. Par ailleurs, très peu de spectacles de ce calibre ont réellement vu le jour en Suisse Romande. Et maintenant, je fais le grand écart, quitte à être plus engagé qu’auparavant. J’espère toujours faire partie d’un projet, une fois par année. Je me mets volontiers à disposition pour des projets variés. » Par ailleurs, l’on ne devrait pas tarder à le rencontrer lors d’une future soirée hommage à l’inoubliable François Silvant, dans le cadre d’une soirée de la saison culturelle du Montreux Comedy Festival au mois de mai prochain [voir encadré]. C’est cela : le début du nouveau.

De l’improvisation à la simple comédie

Dans l’entre-scène de ses différentes représentations, Karim est pourtant resté maître de l’improvisation. Non ? « Je ne suis peut-être plus maître de l’improvisation car il faudrait que je continue de m’entraîner – débute-t-il, amusé – Il est vrai néanmoins que c’est quelque chose que j’aime. Ma grande difficulté est parfois de mélanger tant l’improvisation que la précision. C’est parfois plus facile de rester soit très précis, soit totalement dans l’improvisation. Mais le mix entre les deux offre une très grande ouverture dans le jeu et sur l’en-scène. Parfois même que certains enchaînements se font tout naturellement. » Il faut dire que Karim a passé sa vie à se coordonner sur scène, ses mouvements avec le produit technique des effets de lumières et de son. Tout autant de bruitages que de maîtrise des spots lumineux qui lui donnent de très beaux arguments sur la majeure partie de ses créations. Alors quand il s’agit de décomposer le tout, scène par scène, pourtant fruits d’une grande méticulosité de montage – par lequel le technicien est appelé à recomposer l’enchaînement des divers effets – Karim Slama se met en danger et il aime ça. Ce techniquement rôdé qui reflète la puissance comique de l’artiste : « C’est assez pointu ce que l’on a fait. Ça l’est déjà quand tout le spectacle est sur papier et ici il a fallu réfléchir à comment rendre la forme interactive rapidement efficace. Et c’est vrai que je m’amuse avec les nouvelles technologies car avec de nouveaux outils, on arrive à pré-programmer chaque sketch en bande son et en effets de lumière. Ce qui fait que mon technicien n’a plus qu’à aller chercher le chapitre correspondant au sketch demandé par le public. Tout est ensuite synchronisé », explique-t-il. Mais la prépondérance de son assistant en régie marque inévitablement un duo de l’ombre grâce auquel Karim Slama parvient à mener à bien chacune de ses apparitions sur les planches.

Un gala en hommage à François Silvant à Montreux

Samedi 13 mai à 19h, à l’Auditorium Stravinski, la semaine culturelle du Montreux Comedy Festival rendra hommage à l’inoubliable François Silvant lors d’un gala intégralement dédié à ses plus belles et plus drôles de ses créations. François Silvant nous a quittés en 2007, il y a tout juste dix ans après avoir tant œuvré de par son talent à rendre la scène humoristique romande plus grande de ce qu’elle n’en était déjà. Sous la mise en scène de Philippe Cohen et Jean-Luc Barbezat, participeront ensemble lors de cette soirée hommage Yann Lambiel, Benjamin Cuche (en compagnie de son duo), Gaspar Boesch, Sandrine Viglio, Arek Gurunian, Carine Martin et Karim Slama. L’occasion pour ce dernier de se revêtir dans la pure et simple veste de comédien, celle qu’il cherche volontiers actuellement : « Le juste comédien est quelque part reposant, le seul service rendu à quelqu’un ne comporte aucune responsabilité quant à la tenue d’un spectacle entier qui nous appartient. » Un rôle, dans les tenues caustiques que présentait François Silvant, que Karim Slama endossera avec le plus grand enthousiasme au 2M2C de Montreux. Les billets sont en vente sur billetterie.montreuxcomedy.com, comptant un tarif allant de 45 à 75 francs la place.