Montreux Comedy Festival: Le Gala suisse enivre le folklore et les traditions helvétiques

Karim Slama, maître de soirée lors du Gala Suisse au Comedy Club. Photo: karimslama.ch

Restaurer ses origines face à un contexte internationalisant; le 26e Montreux Comedy Festival s’inscrit toujours plus sous l’égide d’un humour mondialisé et du multimédia. Ce nouveau grand rendez-vous favorise ainsi de larges espaces aux humoristes de cultures bien diverses. Mais il semblait toutefois difficile de débuter cette nouvelle volée du Montreux Comedy Festival sans réaffirmer les traditions bien ancrées et socialisées des pratiques de notre pays. Grâce à un plateau bien garni de jeunes et moins jeunes comiques du paysage artistique suisse, le public du Comedy Club (ndlr, salle de spectacle au sein du 2m2c) a ainsi pu, une heure durant, moquer les pratiques traditionnelles et les folklores de la petite nation helvète avec une jouissance expressive. Retour sur une soirée pur suisse.

En parrain et maître de soirée au Comedy Club pour le premier spectacle de la 26e édition du Montreux Comedy Festival, Karim Slama a su fédérer une bande très hétérogène d’artistes du pays. Des jeunes pousses aux « dinosaures » de l’humour – selon Mirko Rochat – tous les artistes, en bons romands, ont su partager avec leur public les quelques spécificités qui composent la culture locale. Entre dérision et fascination, tout portait à découvrir ou à redécouvrir avec légèreté les acteurs comiques dans une apologie de la grande mixité sociale et culturelle que présente la Suisse. « C’est chouette« , résumera d’ailleurs le présentateur Karim Slama dans son sketch d’ouverture. Le Suisse d’origine tunisienne a d’ailleurs pris un malin plaisir à dérider l’accent vaudois dans ses diverses interventions. Dans un mimétisme décelé du spectacle de Gad Elmaleh, Karim a réinventé sur les planches du 2m2c le personnage du blond, le confondant avec l’irréprochable figure du Suisse, heureux de son patrimoine culturel. Face à un public acquis à sa cause, la troupe d’humoristes a ainsi pu dévoiler, sur le même ton, sa propre vision facétieuse du folklore – fort assumé – du local. Ainsi, en compagnie d’une guest-star – bien suisse elle aussi – c’est toute l’assistance qui a pris goût du véritable retour aux sources qu’ont offert les artistes de la soirée.

Gala, entre symboles et culture

La Suisse n’est pas seulement – et c’est un truisme – composée de chocolat, banques et montres. La plus belle démonstration en a été faite ce mercredi soir au Comedy Club du bâtiment 2m2c de Montreux. Les Suisses présents dans la salle ont littéralement apprécié ré-explorer l’univers de leurs très talentueux artistes, qu’il s’agisse des pros du stand-up ou des grandes célébrités de l’imitation. Mais l’une des chaleureuses surprises de la soirée a notamment été l’apparition de la guest-star Bastian Baker. L’auteur-compositeur lausannois ne s’est d’ailleurs pas limité à interpréter ses tubes en compagnie de sa seule guitare. Invité à décrocher l’exaltation dans le public, le chanteur de pop-rock s’est notamment – et brillamment – illustré dans l’exercice de l’imitation de quelques uns de ses confrères français (Raphaël, Patrick Bruel ou encore Renaud) ainsi que les très célèbres journalistes de l’endroit, Vincent Kucholl et Vincent Veillon. Cet intermède musical fort complaisant a formé un excellent trait d’union entre l’apparition des différents spécialistes de la comédie qui, chacun à leur manière, ont dévoilé une facette bien précise de l’organisation de leur pays. Auparavant apparu dans une vidéographie très satirique sur la politique locale, Yann Lambiel n’avait déjà pas manqué de dérider à son maximum – de par son art imitatif – le « fameux » Président du parti socialiste, Christian Levrat; invoquant par ailleurs la grande diversification entre la droite et la gauche en Suisse – une caractéristique bien anecdotique et fort relative de la Nation.

Dinosaures expérimentés

Moquer l’expérience des anciens n’aura pas été considéré tel un acte de barbarie intergénérationnelle de la part des jeunes comiques présents au Gala. Bien au contraire, à l’image bien dressée d’un alcoolique invétéré et d’un fumeur achevé – pour Thierry Meury – et à la caricature d’un dinosaure de l’humour respectable – pour Christophe Bugnon – la dérision aura été totale ce mercredi soir. Ainsi amené, il n’aura pas seulement été question de folklore et de tradition suisse en ce gala. L’ambiance était à la fête et à la promotion de la diversité aussi bien culturelle que générationnelle. Les souvenirs des anciens sont amusants, leurs expériences hilarantes et leurs perceptions de la Suisse ahurissantes. Leur expérience témoigne d’une certaine inertie qu’il serait difficile de nier dans un spectacle d’humour. En effet, comment appréhender la revue de presse – ou plutôt de manchettes de presse – de Thierry Meury sans considérer son esprit bougrement tordu ? Reprenant, mélangeant entre elles et dénaturant tous les titres des principales manchettes de journaux de Romandie, le Jurassien a littéralement suscité une ambiance fort récréative sur scène et dans les rangs. Une atmosphère restée tout aussi enivrante à l’arrivée du Chaux-de-Fonnier Christophe Bugnon. Difficile à dire si ce dernier témoigne d’un majeur égocentrisme chauxois qu’il n’apprête de la sympathie pour une Suisse et une Europe plurielle. Moralisant n’être jamais mieux servi que par soi-même, Christophe Bugnon avouera un profond respect pour les traditions… mais d’abord pour soi-même.

La jeunesse et l’héritage artistique

C’est de bonne guerre, dira-t-on. Il est évident que la jeunesse ne pourra jamais se départir de la présence importante et de l’héritage culturel et artistique que ses aînés lui accordent. L’humour se transmet de génération en génération et se renouvelle de génération en génération; une dimension fondamentale inexorable de ce Gala suisse qui souhaite présenter les pères et les fils de la comédie actuelle dans une interrelation inépuisable entre les dinosaures et les jeunes pousses qui « ont une culture de l’humour que n’avaient pas forcément les anciens« , affirmait le Président du Montreux Comedy Festival Grégoire Furrer (ndlr, lire l’interview). Ainsi, de plus en plus, il sera nécessaire de faire place à la modernité comme celles que prônent aussi bien Yoann Provenzano, Alexandre Kominek ou encore Mirko Rochat: trois jeunes artistes en devenir qui saluent fortement les anciennes traditions au profit de leur renouvellement sous une autre réalité; celle du XXIe siècle, le temps des réseaux sociaux et de l’apparition d’une myriade de nouveaux médiums qui leur permettront de justifier que l’on peut être suisse et drôle.