Christine Berrou: « Je ne crois pas au talent, mais au travail »

Christine Berrou lors de son passage au Lido Comedy & Club de Lausanne. Photo: Yves Di Cristino (libre de droits)

Après Nadia Roz, c’est au tour de Christine Berrou de passer au micro de leMultimedia.info. L’humoriste, habituée du Jamel Comedy Club, est venue présenter son spectacle pour la quatrième fois au Lido Comedy & Club de Lausanne. Cap sur un petit bout de fantaisie et d’absurde.

On retrouve beaucoup de fantaisie dans votre spectacle et même beaucoup d’absurde…

Ah oui, peut-être. Je me rends plus vraiment compte. C’est vrai, il y en a et il y en a même beaucoup. Tu as raison.

Vous avez un humour ressemblant avec vos deux amies, Nadia Roz et Bérengère Krief…

Oui, mais c’est parce qu’on est allées à la crèche des humoristes ensemble. On a débuté ensemble dans un petit endroit qui s’appelle « Le Pranzo ». J’ai rencontré Nadia et Bérengère en 2008 et on a fait nos premières scènes ensemble. On a le même âge également, donc on a les mêmes références. Et on est copines, ce n’est pas pour rien parce qu’on est effectivement sur la même planète.

Vous êtes également au Jamel Comedy Club depuis trois ans. Ça doit être une expérience insolite pour vous. Vous a-t-elle d’ailleurs un peu changé votre forme d’humour ?

Oui parce que ces trois années ont été complètement différentes. J’ai beaucoup appris au Jamel Comedy Club parce que c’est un public qui n’était pas le mien à la base. J’ai donc appris à m’adapter et en plus c’est une scène qui est difficile parce que les autres humoristes ont un très grand niveau. Et quand je suis arrivée, je n’avais pas ce niveau-là. Il a vraiment fallu que je travaille très dur à l’époque, en 2012 pour tenter de les égaler. Ça a été une très bonne école et je suis heureuse que désormais ce soit Jamel Debbouze qui produise mon spectacle. C’est une très jolie collaboration qui se poursuit et le Jamel Comedy Club est un peu devenu ma famille humoristique maintenant.

Vous étiez ou êtes encore journaliste. On retrouve d’ailleurs beaucoup d’actualité dans votre spectacle. Est-ce que votre ancien métier vous aide à traiter de la vie différemment sur scène ?

Oui, alors je ne suis plus journaliste depuis 2007, puisque j’ai démissionné. Maintenant, je suis humoriste et je ne peux plus me considérer comme journaliste puisque cela implique de faire de la recherche et avoir un point de vue objectif. Or, moi, je fais uniquement de l’humour sur Europe 1 tous les samedis matin, donc c’est tout sauf objectif. Maintenant, c’est vrai que si j’ai choisi ce premier métier, ce n’est pas par hasard. C’est que bien sûr l’actualité m’intéresse. Mais je dirais que c’est tant pas l’actualité qui m’a poussée à faire du journalisme mais plus la faculté à avoir un regard analytique sur les faits. Là, j’ai écrit deux livres sur l’humour parce que j’avais ce regard très analytique. Quand j’ai plongé dans l’humour, je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire deux bouquins qui, eux, pour le coup, sont complètement journalistiques, mine de rien. Et là, j’écris un troisième livre sur la consommation éthique qui sera marrant, il y aura un ton léger mais qui reste aussi journalistique. Donc pour répondre à ta question, je pense que je suis avant tout humoriste parce que j’ai un ton léger, je fais facilement des blagues mais il me reste justement cette curiosité et cette envie d’analyser à tout prix tout ce que je fais et tout ce que je lis.

Vous avez un humour que j’ai qualifié de « très social ». Vous avez beaucoup d’interactions avec le public durant votre spectacle. Est-ce qu’il y a toujours eu, chez vous, ce besoin de « discuter » avec le public lors de votre show ?

Oui, je l’ai pas décidé mais lors du tout premier spectacle que j’ai écrit en 2008, il n’était pas du tout prévu que je fasse de l’interaction. Mais en fait très vite, ça a été un besoin. Parce que ces gens-là sont en face de moi, donc je ne peux pas faire comme s’ils n’existaient pas. Donc, effectivement, de plus en plus, je leur ai laissé de la place et maintenant, il y a carrément un sketch entièrement basé sur des questions-réponses. Et en fonction de leurs réponses, je fais des blagues. J’adore ce moment parce que c’est tout le temps différent et moi, ça me met en danger. Donc c’est super ! C’est vrai que quelques fois, ce n’est pas prévu mais je sens qu’il y a une perche ou quelque chose qui se passe et là je prends une porte et je ne sais pas quand je vais la refermer. J’adore les portables qui sonnent, les gens qui toussent bizarrement, les gens qui arrivent en retard… Pour moi, c’est du caviar et c’est super de pouvoir créer avec eux une situation comique qui n’était pas censée exister.

C’est beaucoup de talent parce qu’il faut avoir beaucoup de répartie aussi…

C’est l’habitude, je dirais. Parce que je n’ai pas toujours été aussi à l’aise. Cela fait quand même sept ans que je fais ce métier donc maintenant je vois plus facilement ce que je peux faire des réponses du public. Il y a une expérience qui se met en place mais je ne crois pas au talent. Je crois plus au travail…

Beaucoup de dérision dans votre spectacle. Au public mais surtout à vous même…

Mais c’est la moindre des choses parce que du moment où je vais taper sur des gens, il faut aussi que je me tapes dessus. Sinon, c’est complètement déloyal. En plus, je fais aussi du Name Dropping – je fais pas mal de blagues un peu salées sur les gens du showbusiness. Bon, c’est jamais bien méchant mais si du coup, derrière, je ne me tapais pas dessus, ce serait vraiment malhonnête (rires). Donc il faut quand même que je m’en mette quelques unes dans la figure évidemment.

Considérez-vous votre spectacle comme un pur divertissement ?

Oui et Non. J’essaie quand même de faire réfléchir les gens. J’ai un sketch notamment sur le végétarisme auquel je tiens beaucoup parce que je suis très engagée dans la cause animale et donc je suis très contente d’en parler sur scène. De façon un peu plus discrète aussi, je parle de mon éducation religieuse de laquelle je suis complètement sortie puisque maintenant je suis athée et ça me fait plaisir d’y revenir également. Mon éducation religieuse, je ne la comprenais pas quand je faisais du catéchisme à huit ans. En somme, ça me fait plaisir de donner quelques pistes de réflexions aux gens même si c’est avec humour. Qu’ils partent en sachant ce qu’est un végétarien, ce que c’est que d’avoir huit ans et de faire du caté, c’est un peu le but de mon spectacle aussi.

C’est un choix délibéré de traiter d’une aussi grande palette de thèmes (religion, végétarisme, FN, etc…) dans votre one-(wo)man show ?

Ce n’est pas un choix. Dès que j’ai envie de parler d’un sujet, j’en parle et c’est vrai que parfois je ne trouve pas autant de blagues que je voudrais. J’aimerais bien que certains sketches soient plus longs mais c’est souvent plus difficile à traiter en humour. Après, c’est vrai, qu’en ce moment, j’aime bien taper sur Marine Le Pen. Ce n’est pas toujours le cas. À une autre époque, je faisais beaucoup de blagues sur Manuel Valls parce que sa position pro-corrida m’avait énervée et donc je lui avais aussi tapé dessus. Mais au bout d’un moment, je n’étais plus très constructive d’un point de vue artistique. Mais c’est vrai qu’en ce moment, j’aime bien en mettre sur Marine Le Pen et j’ai l’impression que ça fait du bien à tout le monde donc voilà (rires).