« Le but est de renforcer la coopération entre les écoles et les professionnels de santé »

Mikko Huhtiniemi travaille depuis près de dix ans à Jyväskylä, où il rédige actuellement sa thèse de doctorat. C’est en grande partie à lui que l’EDUFI doit la conception et la mise en service de Move!, une application pour smartphone utilisée dans toutes les écoles du pays afin d’identifier, chez chaque élève, d’éventuelles lacunes physiques. Il a accepté de tenir un débat avec son collègue Kasper Salin au sujet de l’évolution future des écoles en Finlande. Paroles d’experts.

Mikko Huhtiniemi: Dans les écoles finlandaises, nous travaillons beaucoup sur la mise en place d’une coopération renforcée entre les professeurs des écoles et les professionnels de santé. Au début, nous avions pensé que les professeurs d’éducation physique, par exemple, et les infirmières et infirmiers scolaires forment une espèce de binôme qui collabore au quotidien au service du bien-être et de la bonne santé des élèves. Mais la mise en place d’une telle collaboration n’a pas été aussi facile que ce que nous pensions.

Kasper Salin: Actuellement, ces deux « spécialistes » travaillent dans des organisations très différentes, les professeurs dans les écoles et les infirmières et infirmiers dans les institutions médicales. Il est d’ailleurs difficile de les faire se rencontrer durant la semaine. Et c’est le principal problème.

Mikko Huhtiniemi est chargé du développement national et de la coordination du programme Move!, un système de suivi dédié à l’étude des performances et des capacités physiques des élèves dans les écoles de Finlande. Il travaille en collaboration avec le Conseil national des sports, le ministère de l’Éducation et de la culture, l’agence nationale finlandaise pour l’éducation, le ministère des affaires sociales et de la santé, et l’institut finlandais pour la santé et le bien-être. Il participe en outre à de nombreux projets de recherche et d’innovation au sein de la faculté des sciences du sport et de la santé de l’Université de Jyväskylä. Il prépare également un doctorat en pédagogie du sport et ses recherches portent sur la capacité de fonctionnement physique des élèves et leurs réactions motivationnelles et affectives dans le cadre des cours d’éducation physique à l’école et durantles périodes d’évaluation de la condition physique.

MH: Dans certaines écoles, comme celle de Hepola en Laponie, les doyens scolaires offrent épisodiquement des séances de conseil auprès de ce qu’ils appellent des Personal Trainers (PTs), autrement dit des entraîneurs personnels. Ces personnes sont souvent des physiothérapeutes qui pratiquent depuis plusieurs années dans un cabinet et qui acceptent une à deux fois par mois de faire des permanences dans les écoles. C’est une approche, parmi tant d’autres, qui est testée depuis quelques années et qui s’est même élevée au niveau des municipalités. Certaines généralisent la pratique, d’autres en revanche la trouvent peu utile.

KS: Ces physiothérapeutes d’école restent néanmoins une référence; les élèves peuvent y trouver refuge s’ils se sentent en décalage vis-à-vis de leurs camarades dans certaines circonstances. Pour les aider, nous avons d’ailleurs tenté de mettre en place des outils, tels que l’application Move!, pour que ces professionnels puissent tirer un diagnostic plus précis des conditions physiques de ces jeunes gens tout en pouvant les guider à l’aide de conseils plus ciblés et qui se révèleront utiles très vite.

MH: Je suis actuellement impliqué dans un projet qui vise justement à rapprocher encore plus ces PTs des élèves. L’idée dans l’approche mise en œuvre est que l’infirmière scolaire puisse elle-même évaluer les statistiques personnelles contenues dans l’application Move! Et, selon les résultats, convier l’élève et ses parents à consulter gratuitement le PT de l’école pour une ou deux sessions de conseils.

Kasper Salin est maître de conférences à l’Université de Jyväskylä et chercheur associé dans les domaines de l’éducation physique, de l’activité physique et des programmes d’études dans les écoles finlandaises. Il travaille actuellement sur un projet de recherche axé sur l’activité physique, la condition physique et les compétences fondamentales des enfants en matière de mouvement. Il a également mené des recherches sur les parcours de carrière des professeurs d’éducation physique, l’activité physique des adultes, la satisfaction professionnelle des professeurs d’éducation physique et leur propension à quitter la profession.

KS: Le but est bien sûr de renforcer la coopération et permettre une meilleure sensibilisation entre les écoles, les parents d’élèves et les professionnels de santé. C’est une façon efficace de régler certains problèmes récurrents. Mais quelles sont, globalement, les réactions à une telle mesure?  

MH: Nous avons rencontré, dans la plupart des cas, des personnes (professeurs et parents d’élèves) satisfaites d’une telle mise en place. Mais cela ne fait pas consensus partout. Plusieurs discussions sont en cours dans plusieurs écoles sur le réel bienfait d’intégrer des professionnels de la santé, relativement peu formés à la pédagogie, dans des écoles primaires. Certains ont peur que cette mesure laisse une légitimité usurpée à d’autres personnes, comme par exemple des coaches sportifs, d’enseigner de façon peu académique le sport à des élèves. Les opinions sont très diversifiées.

KS: Tout cela suit un processus en cours, évidemment. Et celui-ci a commencé il y a longtemps, il y a près de 20 ans. En 2004, par exemple, nous avions mis en place des cours d’éducation de santé. Ces cours avaient pour but de compléter les cours d’éducation physique et sportive. Les élèves étudiaient donc ces deux branches qui, en fin de compte, étaient apparentées. Les périodes d’éducation sanitaire ont grandement évolué depuis la réforme du curriculum scolaire de 2004 et elles contiennent aujourd’hui des cours de diététique et d’éducation sexuelle, mais aussi une introduction à la sécurité routière par exemple. Les personnes qui dispensent ces cours connaissent aussi l’environnement scolaire et elles savent ce que cela comporte de sensibiliser des jeunes gens à des causes spécifiques.

MH: Ces cours sont d’ailleurs aussi dispensés par des professeurs d’éducation physique expérimentés. D’ailleurs quand on avance en âge, on n’est plus nécessairement en condition de dispenser des cours d’éducation physique toute la journée, non?

KS: C’est intéressant que tu soulèves ce sujet. Dans pas longtemps se tiendra une défense publique d’une thèse à laquelle j’ai aidé à diriger qui aborde justement la condition physique des professeurs d’éducation physique à un âge plus avancé. Cette étude fait état de la prise en compte des administrations scolaires des professeurs dont les capacités physiques sont diminuées. Pour ces personnes, qui dépassent la plupart du temps les 55 ans, il n’est parfois plus possible d’enseigner 30 heures d’éducation physique chaque semaine. Et effectivement, ces personnes se reconvertissent la plupart du temps dans l’enseignement de l’éducation en santé personnelle.

MH: Il y a donc une passation de témoin entre les plus jeunes professeurs et les plus expérimentés. C’est une juste manière d’équilibrer la charge de travail des enseignants.

Move! L’application qui révolutionne les écoles en Finlande

Envoyé spécial à Jyväskylä et Rovaniemi, Finlande Le modèle scolaire finlandais est souvent considéré comme un exemple à suivre dans toute l’Europe. Mais peu comprennent réellement les raisons qui permettent de placer la Finlande, dans l’imaginaire commun, parmi les meilleures nations en matière de bien-être et d’éducation à l’école. Notre journaliste a cueilli l’occasion de creuser la question avec deux spécialistes de l’Univesité de Jyväskylä, deux mois avant les élections générales du 2 avril. Une enquête complémentaire réalisée en immersion dans l’école de Hepola, dans la périphérie sud de Kemi, est également disponible dans l’édition 93 et sur le site…

KS: Cela devient aussi une affaire de bien-être pour les professeurs plus âgés. Actuellement, l’âge de la retraite pour les professeurs des écoles est de 62 ans, mais il pourrait augmenter ces 20 prochaines années et s’approcher des 70 ans. Et c’est une grosse affaire de dispenser des cours physiques à cet âge avancé. Néanmoins, c’est à la charge de l’administration scolaire de décider du meilleur équilibre entre cours d’éducation physique et cours d’éducation de santé.

MH: Oui, peu s’en rendent vraiment compte. Les professeurs sont sans cesse sur la route et n’ont que trop peu de temps de repos dans une journée. Ils sont d’abord dans la salle de gymnastique de l’école, se déplacent à la piscine avec un groupe d’élèves, puis mènent un autre groupe sur une piste d’athlétisme. Ils sont en déplacement constant et les écoles doivent rendre compte de ces conditions de travail.

KS: Mais attention, cela ne concerne pas seulement les professeurs d’éducation physique. Les autres professeurs sont aussi concernés. L’activité d’enseignement, surtout depuis la mise en œuvre du curriculum de 2016, est devenue plus exigeante pour les professeurs d’un point de vue physique. Ils ne font plus classe de façon statique mais apprennent, eux aussi, à bouger en même temps que leurs élèves. C’est aussi le point de bascule entre un enseignement classique et un enseignement dynamique.

MH: Sans compter que, dans le futur, plusieurs discussions font état d’un nombre augmenté d’heures de cours dans les écoles, y compris les périodes d’éducation physique. À certains niveaux, le temps consacré à l’EPH pourrait augmenter de 90 minutes à 135.

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