MATTIA PIFFARETTI
Psychologue du sport

Pour la génération Z, les réseaux sociaux sont devenus de véritables espaces de révélation du soi

Sommes-nous vraiment en face d’une nouvelle génération de sportives et sportifs ?

C’est correct, nous avons une nouvelle génération qui a grandi avec les nouvelles technologies de l’info. En effet, depuis son plus jeune âge, elle a eu une exposition sans précédents à des modèles de vie actifs qui exhortent à garder son propre corps au top de la forme physique. Il s’agit en outre d’une population qui aime le gaming, les jeux vidéo, de ce fait, remplacent ou parfois dépassent leur réalité. Les effets sont ambivalents: si d’une part, il y a le risque de sédentarisation, d’une dépendance au monde virtuel, de l’autre côté il y a une technologie qui permet une toute nouvelle expérience au sport avec des avantages et des opportunités comme un monitorage plus complet donnant au sport un côté plus équitable, mais peut-être moins humain. Je pense à la fois à la technologie de la goal-line ou encore aux courses, dans lesquelles les athlètes sont de plus en plus souvent départagés au millième de seconde, grâce aux données télémétriques. Ces jeunes évoluent ainsi dans un univers inondé d’infos qui préservent leur santé en leur permettant de mieux monitorer certains aspects de la performance.

Dans cet univers, quel sera leur rapport au safeguarding ?

Cette jeune génération n’est plus prête à accepter les messages violents qui ont tant entaché l’intégrité psychique et physique des athlètes qui les ont précédés. C’est une génération qui mise sur le plaisir et leur relation au sport est individuelle et exclusive avec moins de soumission et de complaisance que par le passé. La gestion du stress de ces jeunes se fait dans une pleine acceptation du phénomène ce qui les poussent parfois à se retirer d’une compétition pour se donner le temps de recouvrer ses moyens. Aujourd’hui, la santé mentale est leur priorité, ils tiennent à leur propre équilibre psychique, ils sont plus attentifs aux émotions et en parlent ouvertement via les réseaux sociaux qui sont devenus des véritables espaces de révélation du soi.

Qu’ont-elles et qu’ont-ils de différent par rapport à Serena Williams ou Roger Federer ?

Ils et elles ont une identité plus variée, plus multidimensionnelle que ces anciennes étoiles. À côté de leur pratique sportive, cette jeunesse donne de la place à d’autres activités: les voyages, les petits jobs, les études ou encore des projets à court et moyen terme remplissent leur quotidien. Et ça, c’est un point positif car il donne à cette génération d’athlètes la possibilité de rebondir sur d’autres activités lorsqu’il y a un obstacle comme une baisse de motivation ou une blessure. Ce groupe de jeunes est beaucoup moins acharné et déterminé à s’investir pour une longue durée.

Que dire alors de la motivation ?

Leur motivation ne se fixe pas sur un seul et unique point, mais elle se renouvelle sans cesse. Ces jeunes sont donc dans une constante recherche d’exploits. Suite à l’envie de se dépasser à chaque fois, les objectifs ainsi que les défis sont sans arrêt à réécrire. La collaboration, le travail d’équipe et les explications personnalisées leur parlent énormément et les stimulent d’avantage que des exercices basés sur la répétition du geste.

Quel est le danger pour un.e athlète quantifié.e ?

Le plus grand danger c’est la poursuite de l’activité physique à cause d’une baisse voire d’une perte de motivation car face à la dureté de certaines situations, ils peuvent parfois manquer de résistance et de résilience. En effet, leur tendon d’Achille est la persévérance.

Quel conseil donner à leur entourage ?

Leur entourage sera : proche surtout dans les moments charnières et difficiles. Il doit répondre présent avec un tout nouveau style de communication où le partage et la participation seraient la toile de fond, dans un état d’esprit à la fois constructif et démocratique afin que l’athlète reste indépendant.e. À l’occurrence, il faut savoir informer, stimuler et donner des retours motivants. Finalement, il faudra être des leaders transformationnels en leur offrant des modèles à suivre car c’est une façon de faire qui leur est très familière.

ELISABETH ALLI
Ph. D – Journaliste, auteure & réalisatrice

Mes impressions sur les athlètes de la génération Z

À la fin du mois d’octobre, European Athletics, la fédération européenne d’athlétisme, a décerné le titre de meilleur athlète de l’année 2022 à trois jeunes étoiles montantes. Il s’agit de la Néerlandaise Femke Bol (classe 2000), spécialiste du 400 mètres haies, du Suédois Armando Duplantis (classe 1999), roi incontestable du saut à la perche, et du Norvégien Jakob Ingebrigsten (classe 2000), spécialiste du 1500 et du 5000 mètres.

Le communiqué de presse de la fédération souligne que le trio a réussi la prouesse de s’adjuger neuf titres majeurs pendant la saison, dont six médailles aux récents championnats d’Europe d’athlétisme à Munich.

En Allemagne, Femke Bol a remporté le titre sur 400 mètres plat, 400 mètres haies et dans le relais 4×400 mètres. Elle a remporté le pari exceptionnel de ramener trois médailles d’or, et cela moins d’un mois après avoir terminé deuxième aux Championnats du monde de Eugene, devancée uniquement par la recordwoman du 400 mètres haies Sydney Maclaughlin (classe 1999). Le palmarès du Norvégien Jakob Ingebrigsten n’en est pas moins impressionnant avec un titre de champion du monde sur 5000 mètres, la place de vice-champion du monde sur 1500m, et le doublé européen sur 1500 et 5000 mètres. Armando Duplantis, champion du monde et d’Europe du saut à la perche a, quant à lui, battu à trois reprises le record du monde de sa discipline en 2022, une fois en plein air et deux fois en salle.

Les disciplines de Femke, Jakob et Armando n’ont pas (ou peu) de points communs entre elles, tout comme celles de Carlos Alcaraz (classe 2003) – devenu en septembre 2022 le plus jeune numéro 1 de l’histoire du tennis – et de Max Verstappen (classe 1997), champion du monde de Formule 1. Ailleurs, Eileen Gu (2004), qui a choisi la nationalité de sa mère, a fait vibrer la Chine tout entière lors des derniers Jeux Olympiques de Pékin en remportant une médaille d’argent et deux médailles d’or en free style, devenant la plus jeune championne olympique de l’histoire dans la discipline.

Chez nous, les exploits sportifs signés par des toutes nouvelles figures sportives ne manquent pas non plus. Ricky Petrucciani (classe 2000), vice-champion d’Europe du 400 mètres plat, Ditaji Kamboundji (classe 2002), médaillée de bronze à Munich sur 100 mètres haies ainsi que Noè Ponti (classe 2001), vice-champion d’Europe à Rome sur 100 mètres papillon, se sont aussi illustrés cette année.

Porte-drapeaux du changement de paradigme dans l’univers sportif, ces jeunes athlètes font partie de la nouvelle génération Z. Identifiée entre 1997 et 2010, cette tranche d’âge a côtoyé internet, les réseaux sociaux et l’online avant d’apprendre à courir. La crise sanitaire n’a qu’intensifié leur connivence avec les données quantiques et les géants de l’industrie digitale ont conçu à tour de bras des engins qui outre à monitorer, exposer et exalter leur vie privée, ont contribué à la mesurer en long et en large.

Sur le plan sportif cela s’est traduit par une codification extrême de leur prestation. En effet, leurs entraînements ainsi que leurs performances ont été analysés, numérisés et paramétrés. Les données ainsi récoltées ont été mises au service d’une science sportive de plus en plus avant-gardiste et en mesure de développer ce que d’aucuns nomment aujourd’hui l’athlète quantifié. Soit une figure sportive dont le poids, la hauteur, la force, le rythme ainsi que les réactions ont été scannés par des ordinateurs qui deviennent toujours plus capables de prédire le jour et l’heure précis du pic de leur forme.

Étant née pendant une période de récession économique, cette génération a développé un nouveau rapport au monde professionnel. Elle travaille pour vivre et pas l’inverse. De plus, elle serait plus incline à chercher une occupation parmi ses passions et moins en relation à un salaire élevé. Dès lors, le défi majeur de cette jeunesse sera de conserver la motivation sur le long terme et la résilience nécessaire dans les périodes de dur.

À ce sujet, l’entraîneur de Femke Bol, Laurent Meuwly avait confié à la presse que l’objectif de remporter trois médailles d’or dans un même championnat d’Europe avait été étudié pour, justement, la motiver, lui trouver un défi de taille. En même temps, Max Verstappen déjà assuré du titre mondial de la discipline, le dernier dimanche du mois d’octobre a continué d’écrire l’histoire de la Formule 1 en devenant le pilote avec le plus de victoires dans une même saison. Armando Duplantis, quant à lui, se pose à chaque compétition, qu’il remporte en sautant une barre vingt centimètres plus élevée (en moyenne) de celle de ses adversaires, l’objectif de battre le record du meeting, avant de s’attaquer au record du monde. Et tout cela porté par l’enthousiasme du public.

Un public prêt sans doute à s’investir et à soutenir cette cohorte d’athlètes quantiques, même s’il faudra le faire avec un tout nouvel état d’esprit. Les fans, comme les sponsors, bercés par les athlètes du temps (désormais) passé – Roger Federer ou Serena Williams, qui ont marqué deux décennies de sport -, devront peut-être s’attendre à ce que la nouvelle génération d’athlètes « Z » n’ait pas la même durabilité. Ni la même longévité.

Emma Piffaretti, de la polyvalence sur les pistes comme dans la vie

À 18 ans, Emma Piffaretti est déjà une sportive pleinement accomplie. Championne de Suisse U18 sur 100m et 200 mètres, vice-championne d’Europe U18 au saut en longueur à Györ (Hongrie) et double vice-championne suisse Élite de la discipline, la jeune Tessinoise s’est révélée au meilleur niveau ces deux dernières saisons. En 2018, elle s’est classée…

> Emma Piffaretti, fille d’Elisabeth Alli, appartient à la génération Z d’athlètes.

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