« En 200 ans d’histoire, nous cherchons toujours un équilibre entre tradition et modernité »

Depuis 2005, le comité d’organisation du Bol d’Or, la plus grande régate en bassin fermé au monde, compte parmi ses partenaires et principaux sponsors, la banque Mirabaud. Le bâtiment financier est considéré aujourd’hui comme le troisième groupe bancaire privé à Genève doté d’une clientèle internationale. Le chef du secteur communication et marketing de l’institut, Bertrand Bricheux, explique pourquoi la voile de compétition représente un domaine d’investissement prospère, de tous les points de vue. Le départ de la 83e édition du Bol d’Or Mirabaud sera donné le 11 juillet prochain au large de la Société nautique de Genève.

Cet article aborde le sujet du foil, une curieuse technologie hautement efficace dans l’industrie aéronautique qui passionne les marins de tous horizons et de tous bords. Les toutes premières expérimentations de foils, matérialisés par des appendices fixés sur la coque des bateaux et qui permettent aux embarcations de voler au-dessus de l’eau, ont eu lieu il y a un peu plus de 150 ans, menées par l’ingénieur britannique Thomas Moy.

Un premier prototype a vu le jour en 1906. Il a servi de base d’évolution pour les vingt décennies suivantes mais il est, jusqu’ici, resté réservé à des chantiers navals dédiés à la navigation de compétition ou aux agences nautiques de pointe. Dans les années 1970, le Pegasus-class Hydrofoil de l’US Navy était l’un des seuls bateaux à bénéficier de foils. Depuis, l’accès à cette technologie tend à se démocratiser toujours plus. Et les années 2020 semblent marquer un nouveau tournant. L’ouverture récente du foil à un public toujours plus large s’explique principalement par la chute des prix des matériaux de construction suffisamment résistants, comme le carbone.

Aujourd’hui, construire des foils pour bateaux est une pratique relativement facile et répandue. Après les catamarans volants, plusieurs catégories de monocoques à foils verront le jour lors de la 83e édition du Bol d’Or Mirabaud sur le Léman cet été, dont le Persico 69F provenant d’un chantier italien. D’autre part, la construction de bateaux moteurs et de scooters des mers à foils a déjà été lancée. Un reportage auprès du principal manufacturier Enata Industries, sise à Sharjah aux Émirats arabes unis, est en projection.

Cette interview constitue ainsi une véritable porte d’entrée à une enquête plus approfondie à mener les mois à venir. En attendant, un entier sujet consacré aux TF35, les nouveaux bateaux surtoilés dotés de foils, a déjà été publié dans nos colonnes (voir ci-dessous).

La voile lémanique à l’ère du foil

Initialement programmé pour 2020, le lancement de la nouvelle classe de bateaux surtoilés TF35 a finalement vu le jour cet été après une année blanche pour cause de pandémie. Bâties à Lorient, en Bretagne, ces embarcations s’élèvent au rang de pionnières majeures de la voile lémanique. Passée la phase de découverte, la place est désormais à la performance. En 16 éditions du Bol d’Or, depuis l’apparition des Décision 35 en 2004 – ces prototypes surpuissants des lacs –, c’était seulement la seconde fois qu’un bateau non estampillé D35 était parvenu à couper en premier la bouée d’arrivée à la Rade…

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Monsieur Bricheux, vous êtes sans doute le mieux placé pour nous expliquer pourquoi les nouvelles technologies qui voient le jour dans l’industrie aéronautique et dans le monde de la voile de compétition valent la peine d’être soutenues. Quelles motivations poussent la banque Mirabaud et le Bol d’Or à être partenaires ?

En tant que partenaire du Bol d’Or depuis 17 ans, on s’intéresse aux évolutions technologiques de la voile. Nous sommes une petite entreprise qui a 200 ans d’histoire et nous avons toujours cherché le bon équilibre entre tradition et modernité. La tradition revient souvent à faire les choses que nous avons déjà faites, tandis que la modernité nous pousse à sans cesse nous intéresser aux nouvelles tendances et aux nouveaux savoir-faire. La voile est une discipline prospère et particulièrement engagée en faveur du progrès. Pour beaucoup d’entre nous, elle nourrit une passion et une curiosité saines.

Depuis quelques années, tous les spécialistes de voile nous expliquent que le futur de la navigation passe par le foil, cette technologie qui permet aux bateaux de voler au-dessus de l’eau. Pour quelles raisons vous sentez-vous concerné par ce train d’évolution ?

À l’occasion de la 82e édition du Bol d’Or qui a eu lieu l’année passée, nous avions lancé une mini-série de quatre capsules nommée «Sailing Squad», librement disponible en ligne. Nous les renouvellerons cette année. La nouvelle série mettra en avant une équipe de jeunes marins qui partent naviguer sur un bateau muni de foils, guidée par la double championne olympique britannique Shirley Robertson. Ces nouveaux bateaux matérialisent tout ce qu’il se fait de mieux aujourd’hui dans l’univers de la voile. Ils permettent de nouvelles sensibilités; atteindre de nouvelles vitesses, de nouvelles sensations et sont même construits sur la base de nouveaux matériaux, plus solides, plus sûrs et surtout moins chers. Cela représente l’avenir et il nous paraissait important d’en être associé.

Que devrons-nous ainsi retenir de ces capsules, que le progrès technologique est infini ?

Cela va beaucoup plus loin que le progrès technologique. Sur ce volet, il est évident que nous sommes au-devant d’une révolution. Ces nouveau bateaux – parfois gigantesques à l’image du nouveau Persico 69F qui vole à une vitesse de 30 ou 35 nœuds – sont à juste titre souvent comparés à des Formule 1 des mers. En tant que sponsors et partenaires, nous étions naturellement amenés à prendre ce virage qui nous assure aussi de disposer d’une image consolidée de modernité et d’institution portée vers l’avenir.

« Nous avons formé un équipage jeune et mixte de façon à rappeler aux jeunes initiés que la voile est l’un des seuls sports au monde dans lesquels hommes et femmes concourent ensemble et dans les mêmes catégories de régates »

Bertrand Bricheux, chef communication et marketing à Mirabaud

D’autre part, il y a aussi un second volet centré sur l’humain et la société. Nous avons formé un équipage jeune et mixte qui puisse à la fois donner une image dynamique du projet mais qui permette aussi de rappeler aux jeunes initiés que la voile est l’un des seuls sports au monde dans lesquels hommes et femmes concourent ensemble et dans les mêmes catégories de régates. Ce sont des valeurs que nous prônons au quotidien.

La technologie du foil n’est, à proprement parler, pas nouvelle. Mais cela fait seulement quelques mois que nous la voyons à l’œuvre sur le lac Léman. L’année passée, nous avons observé des catamarans à foil et cette technologie s’étend désormais aussi sur des monocoques et des bateaux moteur. Soyons clairs, vous n’êtes pas partenaire du Bol d’Or dans un seul motif de compétition ?

La compétition est une magnifique tribune pour présenter toutes ces nouvelles technologies au grand public. Bien évidemment, derrière, se cachent des innovations utiles et nécessaires pour permettre à l’industrie navale de mener à bien ses propres objectifs de développement durable. Une des équipières participant au projet « Sailing Squad », l’Américaine Daniela Moroz, est à titre personnel championne de kite à foil. Cela montre que le foil s’impose désormais dans toutes les disciplines sportives. La recherche de matériaux légers, qui économisent du poids, limitent les frottements et la traînée sur l’eau, de nouvelles techniques de navigation grâce à des énergies renouvelables, donnent la possibilité d’imaginer une navigation plus économe, efficace et silencieuse sur nos lacs.

Et donc plus respectueuse aussi de l’environnement.

La dimension environnementale de ces nouvelles embarcations est clairement mise en avant. Il existe d’ailleurs des projets très prometteurs sur le Léman; on met à l’eau des navettes à hydrogène munies de foils qui, dans dix ans, représenteront sans doute la grande majorité des bateaux qui circuleront dans nos eaux territoriales.

Jusqu’ici, Mirabaud a toujours engagé au moins un bateau à chaque Bol d’Or depuis 2005. Ici, en 2016, quand ils ont engagé plusieurs équipages sur un Grand Surprise. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lac Léman]
C’est donc bien le croisement entre la recherche technologique et les engagements en faveur de la préservation du climat qui anime votre démarche ?

Nous promouvons une activité dont la source d’énergie est la plus soutenable, le vent. L’impact environnemental est un sujet que nous prenons très au sérieux. Cela fait partie des piliers de notre responsabilité sociale en tant qu’entreprise. Nous calculons notre empreinte carbone, nous étudions la manière que nous avons de consommer l’énergie, nous nous intéressons à l’isolation de nos bâtiments et limitons le coût environnemental de nos voyages. Nous nous engageons aussi auprès des mouvements qui luttent en faveur de la limitation du gaz à effet de serre afin de restreindre les augmentations de température. Nous sommes ainsi impliqués dans cet effort global indispensable. C’est ce qui fait que notre soutien est plus lisible en aidant à populariser la voile plutôt que les compétitions de Formule 1.

Le principe est pourtant le même: miser sur des projets pilotes testés dans un cadre de compétition pour progressivement les rendre accessibles au grand public.

Absolument, la logique est strictement la même. Toutes les compétitions de haut niveau font la part belle à l’innovation technologique et améliorent, d’une manière ou d’une autre, le confort de notre quotidien. J’ai parlé des F1: je n’omets pas que la Formule 1 développe des cockpits ultrasolides qui aident à la recherche pour la sécurité routière, tout comme la Formule E qui étudie les possibilités de rendre des véhicules 100% électriques utilisables sur de longues distances, et avec des systèmes de recharge sophistiqués. Cependant, entre la course automobile, la voile et d’autres sports de compétition où la technologie est au cœur, nous avons fait un choix.

Précisons tout de même que vous êtes partenaires du Bol d’Or mais que vous n’investissez pas directement dans le développement des foils.

C’est juste, nous ne participons pas directement à cette aventure. En revanche, nous avons rencontré des équipes géniales de l’EPFL qui développent des mécanismes parallèles et qui essaient de battre des records de vitesse sur l’eau en utilisant des matériaux en carbone. Cela sort un peu de la technologie du foil mais montre à quel point le progrès dans la sphère vélique est centrale.

La voile lémanique est à l’aube d’une nouvelle révolution; les monocoques à foils verront le jour lors de la prochaine édition du Bol d’Or le 11 juin 2022. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lac Léman]
Pourquoi avez-vous misé sur un Persico 69F pour réaliser la double traversée du Léman le 11 juin prochain ?

Le 69F est considéré comme la version grand public des bateaux bourrés de technologie qui sont barrés lors des GP Sails ou la Coupe de l’America. Comprenez: ces embarcations coûtent tout de même assez cher. Le terme de grand public est donc un peu usurpé, mais cela signifie tout de même que les grandes avancées dans l’industrie aéronautique commencent à se démocratiser. Il s’agit d’un bateau de moins de sept mètres sur lequel nous pouvons naviguer à trois ou quatre. On prévoit aussi pour les cinq prochaines années l’arrivée sur le marché de nouveaux dériveurs à foils à un prix tout-à-fait raisonnable. Ce mouvement-là est bien entendu amené à se poursuivre et à progressivement attirer un public toujours plus large.

« Nous sommes partenaires d’Anaëlle Pattusch qui va entreprendre la traversée de l’Atlantique sur un monocoque »

Bertrand Bricheux, chef communication et marketing à Mirabaud
Vous projetez déjà de mettre à la disposition de vos collaborateurs des bateaux à foils pour une navigation de plaisance ?

Pour l’heure, seuls des J70 sont à disposition du staff et de l’école de voile de la nautique que nous avons ouverte pour nos collaborateurs. Peut-être que dans quelques années, il n’y aura que des bateaux à foils. La tendance est toujours à l’évolution.

On a parlé ici de la technologie des foils sur les plan d’eau fermés. Avez-vous des projets en cours sur les mers et océans que vous soutenez par ailleurs ?

Nous ne sommes pas cantonnés au lac. Nous sommes partenaires d’Anaëlle Pattusch qui va entreprendre la traversée de l’Atlantique sur un monocoque dans le cadre d’une régate monotypée. En revanche, nous ne sommes pas encore engagés sur des projets strictement menés en mer. C’est toute une question d’opportunités, de moyens, de priorités mais aussi de ressources. On ne peut malheureusement pas tout faire. Néanmoins, tout doit être en cohérence avec nos valeurs, nos relais de communication, mais aussi notre présence géographique. Entre Anaëlle Pattusch, le « Sailing Squad », le Bol d’Or et le BaselHead Regatta à Bâle, nous donnons déjà suffisamment l’image d’un partenaire engagé.

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