Rando, vidéo, electro: Estelle Zamme retrouve son propre mode de vie

Après trois ans d’absence, les revoici. Après “Fiston” au Cervin en 2017, puis “Don Simon” dans les Dolomites en 2018, le groupe Estelle Zamme a sorti, le 14 avril dernier, “Claude”. Ce nouveau titre a été filmé dans les montagnes alpines suisses après avoir dû renoncer à voyager plus loin pour cause de pandémie. Etienne Bel et Julien Ledermann ont alors posé leur matériel de tournage dans certaines des plus belles régions du pays; le Saxer Lücke, le col du Susten, le Bachalpsee sur les hauts de Grindelwald ou encore le col du Grimsel figurent parmi les lieux emblématiques du tournage. Et le résultat vaut le détour.

On s’y habitue jamais assez; le cri du dauphin est souvent un signe d’apaisement. Il est aussi celui de la candeur et de l’élégance, en un certain sens. Aussi, le son pulsé du dauphin serait même, selon certains scientifiques, un appel à la victoire, tel un cri de joie après avoir réalisé son dû. Ainsi, retrouver ce crissement dans les clips vidéo du groupe Estelle Zamme pourrait parfaitement annoncer le retour au succès d’un format que l’on n’avait plus vu depuis trois ans.

Joe le dauphin est sans doute l’animal totem du duo d’artistes. Sa valeur symbolique dépasse bien l’envie initiale d’invoquer, dans les tournages, un décalé humoristique qui, soit dit en passant, reste trop peu assumé: « Nous ne cherchons pas à faire de l’humour mais à créer un équilibre entre la musique et l’image, avec une légère dose d’absurdité qui s’en dégage par-ci, par-là », explique Etienne Bel. Apparu, presque sans raison, dans le premier clip du titre “Fiston” en 2017, son crissement de paix est, depuis, resté intact dans les musiques du groupe. Et certainement qu’il en est devenu une marque incontournable comme le culte qu’Etienne et Julien vouent, ensemble, aux beautés de la montagne et à l’élégance de l’electro soft.

La raison d’être d’Estelle Zamme s’illustre dans le couplage millimétré entre la musique electro et la mise en images de paysages montagneux à couper le souffle. Côté musique, le style purement electro et sa puissance détonnent dans un paysage qui demeure coi. Mais c’est justement la confrontation entre les deux qui provoque un mélange étourdissant. De l’autre front, celui de l’image, le montage des prises laisse aussi respirer l’imagination. Sous un décor d’aube, au ciel de feu et au paysage d’un vert ébouriffant, surgit un campagnard fantoche qui, au rythme de la musique, accumule les déhanchés et les mouvements de bras à coup de métronome. Bretelles pendantes ajustées sur un ancien maillot d’Aston Villa, ce redneck urbain surprend par son style désabusé.

« Ne pas faire de l’humour mais équilibrer musique et images avec une légère touche d’absurdité par-ci, par-là »

Etienne Bel, moitié d’Estelle Zamme

En vrai, ce jeune homme s’appelle Yan Singelé et il a repris ce rôle autrefois joué par Dimitri Morand en 2017, puis par Joaquim Perez l’année suivante. Ce personnage, à chaque fois différent, fait la marque d’Estelle Zamme et il n’est pas choisi au hasard. « Il n’y a pas de casting qui a été organisé pour ce rôle mais le choix de l’acteur rester minutieux, explique Julien Ledermann. Le but reste aussi de passer un moment de vacance en montagne entre amis. »

Randonnées et culture clip

Partir en randonnée sur les plus beaux cols montagneux un peu partout en Europe et dans le monde marquait le point de départ d’Estelle Zamme en 2017. « Il s’agissait d’une envie spontanée. Marcher sur les hauteurs et en altitude, munis d’un léger pack contenant l’essentiel d’un tournage vidéo sauvage, notre matériel de camping et notre imagination constituait la raison même de notre voyage », explique Etienne Bel. Le groupe d’amis prend ainsi l’air à la belle étoile une semaine durant sur les plus beaux sites touristiques du pays, s’imprègnent de son charme et combattent même, parfois, une météo capricieuse. Pas question d’y manquer aussi les quelques instants privilégiés qu’offre le biotope montagneux. Le réveil est programmé peu avant l’aube. Le tournage commence, lui, aux premiers rayons de soleil, dans une solitude inespérée. « Ces rituels sont les nouveaux codes de nos clips vidéos, complète Julien. Nous campons vraiment sur place, du lever au coucher du soleil. »

Le tout est alors constitué d’un réveil brutal sous tente couplé à une certaine sensibilité sur les belvédères naturels qu’offrent les hauts plateaux. Mais par-delà l’attendrissement porté sur les beaux paysages, le duo est surtout issu de la culture clip. « Nous ne produisons pas des clips typés MTV mais nous avons tous les deux été bercés par les chaînes musicales », entonne Etienne. « Pour nous, le visuel est tout aussi important que la musique que nous proposons. Les deux sont mis au même niveau », rétorque Julien. Le premier est un pur musicien, compositeur de musique électronique et directeur du label Blizzard Audio Club. La composition des titres, c’est à lui qu’on le doit. Le second, à l’inverse, est un pur vidéaste.

« La période du montage est un véritable moment de partage où nos inspirations et nos styles se confrontent »

Julien Ledermann, seconde moitié d’Estelle Zamme

Cette division est toutefois un peu moins marquée en réalité. L’un et l’autre partagent leur vision aussi bien sur l’harmonie musicale que sur le montage final. « Le but est de créer l’entier du projet musical à deux, reprend Julien. En ce sens, la période du montage est un véritable moment de partage où nos inspirations et nos styles se confrontent. » Le format, lui, reste éminemment digital. Mais cela pourrait aussi évoluer le temps passant.

Un premier album attendu en mars 2022?

« Un disque pourrait être une idée intéressante à explorer. » Etienne Bel se tâte; l’idée n’est pas dénuée de sens, compte tenu de la bonne réception des trois premiers clips par le public romand. Dans un autre style, une apparition live faisait également partie des discussions posées à plat sur la table au moment de la sortie de “Claude”. « Il y a tant de choses à faire, tenant compte et profit des nombreuses heures de rush non-utilisées », lâche Julien. Ce qui est certain, c’est que si le duo ne promet rien, sinon de continuer à travailler pour un nouveau projet d’ici à l’année prochaine, la trace d’un album se fait de plus en plus concrète.

Le duo reste, ici, fidèle à ses principes: ils ne sont pas partisans des modèles réfléchis mais octroient une confiance quasi-aveugle à leurs nombreux éclairs d’imagination. « Tout réside dans la spontanéité chez Estelle Zamme. C’est ce qui fait que le projet est fédérateur. Il ne repose sur aucune grande production mais sur une envie du cœur », lâche alors Etienne Bel avant de poursuivre: « Ces trois ans d’absence nous ont aussi permis de faire maturer certaines choses. »

« Les objectifs entre le label Blizzard Audio Club et la musique d’Estelle Zamme sont similaires: développer la mouvance electro. »

Etienne Bel, directeur artistique du label Blizzard Audio Club

Parmi elles, la création d’un label de musique électronique par Etienne. Directeur artistique de Blizzard Audio Club, qu’il a fondé avec deux amis en 2018, le jeune homme a gagné de l’expérience dans le montage et la promotion de nouveaux disques. « Actuellement, mon travail au sein de Blizzard Audio Club et la musique que l’on produit avec Estelle Zamme ne sont pas encore liés, explique-t-il. C’est effectivement le même corps de métier mais avec des perspectives de développement un peu différentes. Quoique, les objectifs restent similaires… » À savoir: donner un souffle nouveau à la musique electro.

Accessible ou puissante, l’electro joue de richesses

Utilisée pour donner de la profondeur à l’organique ou pour pavoiser l’acoustique d’une nouvelle rythmique, la musique électronique est multiple. Soft ou puissante, elle connait une variation monstre entre ses différentes utilisations. Mais aussi entre les âges. Sur la scène francophone, les descendants de la French Touch de Jean-Michel Jarre, Air, Justice ou Kavinski, eurent le plus popularisé la musique électronique dans l’Hexagone. Plus loin, en revanche, les productions inspirées par la trip-hop furent celles qui ont le plus fait émerger les particularités de la musique electro sur la scène anglo-saxonne. Kylie Minogue, Madonna ou encore Radiohead s’en furent notamment inspirés. Mais le monde de l’électronique s’étend aussi – et surtout – au-delà de ces frontières visibles.

Estelle Zamme s’est justement inséré entre deux mailles moins célèbres du genre. « La musique electro a connu des tendances différentes. Son évolution est marquée par plusieurs cycles, explique Etienne Bel. Avec Estelle Zamme, nous souhaitions être plus accessibles, en sortant des productions trop tripées et en nous éloignant de l’electro-pop. Le résultat se définit plus par une musique électronique facile d’écoute. »

« Il y a une place pour ce genre de musique aujourd’hui. L’electro n’est pas qu’un style puissant, il peut jouer un tout autre rôle que celui de convenir aux ambiances électriques et surchauffées. le but est de favoriser l’émergence d’une electro qui s’adapte à toutes les circonstances », conclut-il.

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