Vincent Perez : « Les rencontres sont le sens même de ce que l’on propose »

Les Rencontres du 7e Art officialisent leur statut d’événement phare dans la capitale olympique avec une seconde édition, du 7 au 10 mars. Vincent Perez, son président, dévoilait ce mercredi matin au Beau-Rivage les projections (Apocalypse Now, Belle de jour, Freaks, Le Mans) ainsi que les invités (Jeremy Thomas, Andreï Zviaguintsev, Joel Coen). En harmonie avec l’esprit de la manifestation, nous avons conversé avec lui, sur le cinéma d’hier et de demain.

Dans le cadre luxuriant du salon des Arcades, la jeune manifestation cinéphilique lausannoise joue dans la cour des grands. Au-delà du lieu, le nombre de journalistes présents pour cette conférence de presse indique que l’événement, après une première édition ayant accueilli quelques 8’000 spectateurs, prend ses marques dans le paysage lausannois. Une seconde édition en forme de test ? Pas vraiment, nous répond Vincent Perez : « Je ne sais pas si tester est le mot. Je dirais que c’est une manière d’avancer, de faire évoluer et progresser les Rencontres mais aussi de définir plus clairement de quoi il s’agit. Je pense que cette deuxième édition va être absolument exceptionnelle. »

Alors que la Suisse est plutôt bien garnie en termes de festivals de cinéma entre les villes de Sion, Fribourg, Neuchâtel, Genève ou encore Soleure sans oublier Locarno, pourquoi créer un tel événement dans la cité lausannoise ? Les Rencontres, comme son nom l’indique, est d’avantage une manifestation qu’un festival; pas de compétition, pas de prix mais des projections et la venue de figures du cinéma: « Les Rencontres, c’est avant tout des projections et des conversations. C’est formidable de pouvoir être dans la même pièce qu’un Joel Coen par exemple, de parler de ses films, de son travail, de ses acteurs ou encore de son parcours personnel comme cela l’est avec Andreï Zviaguintsev ou Matt Dillon. Pour moi les conversations et les rencontres sont le sens même de ce que l’on propose. » Après une première édition mettant à l’honneur le New Hollywood, le fil rouge de cette année est d’avantage conceptuel, sinon philosophique: « Au-delà des limites ». Les limites, ce n’est justement pas ce que le cinéma tend à dépasser ? « Absolument ! Je pense que chacun dans le cinéma essaie de dépasser ses propres limites, de se réinventer… mais peu y arrivent. Dans les films que nous avons programmés, tous ont en commun ce dépassement. Bien sûr, il y en a d’autres que nous n’avons pas pu inscrire au programme mais oui, c’est le propre même de tout artiste de dépasser ses limites. Et même, pour toute personne qui décide d’entreprendre quelques chose… même dans les sentiments, parfois. »

Cinéma d’hier et de demain

Caution scientifique non négligeable, la manifestation s’est également engagée aux côtés d’acteurs phares de l’art et du cinéma, en commençant par l’École cantonale d’art de Lausanne, l’École de Jazz et de Musique Actuelle ou encore l’Université de Lausanne. Cependant, l’intention n’est pas celle de proposer des projections à un public de niche mais plutôt de faire naître, chez le plus grand nombre, l’envie de voir sur grand écran des films cultes comme Shining, Metropolis ou encore Apocalypse Now: « Ce sont des films qui ont certes été vu sur grand écran mais je pense que si l’on va demander à des universitaires qui a vu Shining dans ces conditions, je ne suis pas sûr que 10% répondent positivement. Plein de gens ne connaissent pas forcément ces films. Par exemple, si on prend des acteurs comme Delon, Gabin ou Belmondo et qu’on demande à quelqu’un qui n’est pas cinéphile qui ils sont, je reste très surpris: ils ne connaissent pas! L’idée des Rencontres c’est aussi cela, dire que Belmondo c’est aussi À bout de souffle, L’homme de Rio… »

Mais alors, comment attirer ce public néophyte dans une salle de cinéma ? Sur ce point, l’acteur suisse semble très sûr de lui : « S’ils y vont une fois, ils y retournent. Quand on part découvrir quelque chose qui nous fait plaisir, qui nous émerveille et nous impressionne, on y retourne. » Une manière d’interroger ce qu’est le cinéma mais également de se questionner sur son avenir à l’ère des plateformes numériques et de la VOD. Comme Thierry Frémaux au “Festival Lumière” l’année dernière, Vincent Perez fait le choix de mettre sous le feu des projecteurs le cinéma qui ne suit pas le circuit traditionnel de la projection dans les salles avec, pour l’ouverture du festival, le dernier long des métrages des frères Coen, La ballade de Buster Scruggs, produit par Netflix.

« Il faudrait poser la question à Joel Coen: est-ce que le film que l’on montre pour l’ouverture aurait pu être produit pour le cinéma ? »

Vincent Perez, Président des Rencontres du 7e Art

Loin d’être un problème pour le directeur des Rencontres, le cinéma sur petit écran ouvre de nouvelles possibilités: « Cela permet à ces films d’être faits. Il faudrait poser la question à Joel Coen: est-ce que le film que l’on montre pour l’ouverture aurait pu être produit pour le cinéma ? Il s’agit d’un film à sketch, et peut-être que sa production n’aurait pas pu se faire dans ces conditions. En même temps, cela permet effectivement à ces films d’être vus par un très grand nombre de gens. Ce que nous proposons, c’est de le ramener au cinéma, parce que je pense que c’est un film de cinéma. Ce sont des cinéastes et Joel Coen, tout comme Netflix, sont absolument ravis que l’on fasse l’ouverture des Rencontres avec ce film ». Réconcilier le cinéma de canapé avec celui des grandes salles ? Un pari que l’on espère réussi pour Les Rencontres.

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