Consacré à l’Europe du Sud, le Village du Monde du festival nyonnais offre une diversité déconcertante : du fado aux sonorités grecques en passant par les chœurs corses. « La fréquentation du Village du Monde a rendu un quelque chose de magique à cette fantastique édition », relevait même en conférence de presse de clôture Daniel Rossellat. L’Italie n’est bien sûr pas en reste, et a figuré, avec Vinicio Capossela, au sommet de son art. L’auteur-interprète transalpin a transporté le public du Dôme avec ses créations, mêlant le folklore à des univers fantasmés, emplis de créatures et de mystères.
Daniel Rossellat a grandement apprécié le « folklore très proche, les musiques très touchantes, rythmées et festives » du Village du Monde de Paléo cette année. Jacques Monnier avait même cité les trois noms qui feraient écho au terme de cette 43e édition. Et avec la Portugaise Ana Moura et les Barcelonais La Pegatina, Vinicio Capossela a eu les honneurs de la programmation. Ça tombe bien ; Vinicio fait partie de ces compositeurs qui sont des personnages de roman en soi. Avec son look de baroudeur, on le croirait tout droit sorti du roman d’Alessandro Barrico, Novecento. Veston apprêté, la barbe foisonnante, un couvre-chef à long bords bien vissé sur la tête ou une casquette de capitano… Si l’habit ne fait pas le moine, force est de constater que l’Italien n’est pas un tartuffe. Dès le premier souffle d’accordéon, une odeur saline vient titiller les narines, les passagers se retrouvent sur le ponton en première classe, les vagues se brisent contre la coque rouillée du navire… la croisière peut commencer. Si son nom n’est pas familier en terres helvétiques, Capossela est parvenu, au fil des années, à se faire une renommée dans son pays : celui d’un troubadour excentrique aux influences variées. Avec plus de 15 albums à son actif, le parolier a su tirer son épingle du jeu en réinventant la musique de tradition orale. Plus qu’une remise au goût du jour, Vinicio crée des brèches, des espaces temps où l’archaïque s’engouffre dans des mondes parallèles, de vrais livres musicaux dont seul l’Italien a le secret. Un des plus beaux exemples de ces magnifiques alliances réside dans l’album Marinai, profeti e balene (2011). Avec un background qui emprunte aussi bien à L’Odyssée qu’à Moby Dick, en passant par Le Vieil homme et la mer. Ce n’est pas pour rien si notre capitaine aime se décrire comme un « marin de papier ». Épique, Le titre Lord Jim, est peuplé par un personnel romanesque d’aventure et évoque les accidents d’infortune, naufrages et autre piraterie. Pour sa dernière mouture, Canzoni Della Cupa (2016), Capossela exhume les trésors enfouis de ses racines, nous guide à travers une Italie rurale, hommage à cette mémoire, « Poussière » oubliée à « L’ombre ».
![Capossela_2 Avec plus de 15 albums à son actif, le parolier a su tirer son épingle du jeu en réinventant la musique de tradition orale. Plus qu’une remise au goût du jour, Vinicio crée des brèches, des espaces temps où l’archaïque s’engouffre dans des mondes parallèles, de vrais livres musicaux dont seul l’Italien a le secret. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Nyon]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/07/capossela_2.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![Capossela_5 Un des plus beaux exemples de ces magnifiques alliances réside dans l’album Marinai, profeti e balene (2011). Avec un background qui emprunte aussi bien à L’Odyssée qu’à Moby Dick, en passant par Le Vieil homme et la mer. Ce n’est pas pour rien si notre capitaine aime se décrire comme un « marin de papier ». © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Nyon]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/07/capossela_5.jpg?w=466&resize=466%2C311&h=311#038;h=311)
Un voyage mythologique
Tourné vers ses origines, vers ces sonorités du Sud de l’Italie qui ont forgé celui pour qui le destin ne pouvait être que lié à la musique, celle qui vient des entrailles, réveille les traditions. Alors qu’il fait découvrir la version live de son dernier album en Italie, sa venue au Paléo Festival est comme une parenthèse, une fenêtre ouverte vers cette musique de la terre sèche et du siroco. Bien que le chapiteau du Dôme ne soit pas à la limite de ses capacités, le public acclame « Vinicio », esquiche ça et là quelques pas de tarentelle sous le tempo endiablé des musiciens. Pour un open air dans lequel il n’est pas rare d’observer une certaine monotonie du public au bout de quelques titres, le sudiste a su faire danser sa foule, la garder en haleine dans cet espace méditerranéen transversal. En témoigne son amusante reprise de Knockin’ on Heaven’s Door de Bob Dylan – oui, il est encore possible de faire de l’inédit sur ce titre – ou son célèbre Marajà. Sa bande de joyeux lurons nous aurait ramené, dans ses grosses malles entre une contrebasse et un accordéon, un morceau de Sud ? Avant de se produire à Nyon, Capossela était en Sicile pour quelques dates spéciales où il s’est produit avec un orchestre, notamment dans le magique théâtre antique de Taormina. Ces dernières années, bon nombre de ses compatriotes à la carrière internationale, ont refusé – ou poliment évité – de se produire dans le Sud de l’Italie, en pointant du doigt les lacunes des structures des salles de concert, suite à la mort accidentelle d’un technicien durant une tournée de Laura Pausini… Vraie question touchant à la sécurité ou simple mise de côté d’une région qui achète les disques mais qui ne peut rivaliser avec les mêmes cachets d’artistes qu’à Milan ? Qu’importe. Les couleurs italiennes, celle de la terre rouge craquelées, de ce vent qui rend fou et qui emporte tout ont soufflé sur la pleine de l’Asse, et ce n’est sûrement pas la dernière fois, alors même qu’en 2019 le Village du Monde laissera place à la musique et aux artistes venus du Québec !