Antipods fleurit le bal suisse à Paléo

Le groupe lausannois Antipods a vécu son premier Paléo mardi soir sur la scène du Club Tent. Une occasion pour les festivaliers de découvrir un univers beaucoup plus composite qu’ailleurs. Rencontre en table ronde avec la band lausannoise au sortir de scène.

Les billets d’avion enregistrés et payés, c’est un voyage exotique qu’Antipods est sur le point de débuter. Sereins et fiers de la toute récente sortie de leur nouveau EP, YKMN, c’est plein d’entrain que le groupe romand s’en ira explorer les terres inconnues de Thaïlande. Cette ivresse magique qui enivre les quatre membres de ce groupe à la veille d’une expérience unique, ce périple engagé qui incite à une immersion particulièrement capiteuse dans une région encore peu habituée aux riffs et aux délires psychédéliques en tout genre. C’est pourtant à cette immensité à laquelle se sont prêtés Audran, Maxence, William et Xanti à quelques jours de leur première apparition sur la scène du Club Tent en ce 41e Paléo Festival. Voilà donc qu’en l’espace d’un mois, Antipods a passé un cap ; celui d’une nette reconnaissance dans deux milieux artistiquement inconnus auparavant ; sur les plages thaïlandaises de Ko Samui et sur les planches reconnues du raout nyonnais. D’autant plus que ces deux expériences ont dûment renforcé le lien entre les quatre artistes dans cette euphorie commune à laquelle nul n’échappe jamais en pareilles circonstances : « En Thaïlande, nous avons très bien vu que nous sommes des catalyseurs communs », avance Audran, guitariste et chanteur du groupe. Aussi car leur spectacle se positionnait au complet opposé du style de prédilection du lieu. Mais bien qu’habitués à des tempos beaucoup plus lents et plus softs, ce public d’un autre genre n’a pas manqué d’apprécier l’effort et l’envergure du groupe lausannois : « En Asie, la valse est totalement différente. Nous avons joué sur l’île de Ko Samui grâce à un ami qui nous a accueillis. Et nous avons joué notre musique bien lourde sous un fond de plage au coucher du soleil. Autant préciser que nous avons joué devant des gens qui ne s’étaient jamais familiarisés avec ce genre de musiques. C’est d’ailleurs ce qui a contribué à rendre cette expérience très atypique », poursuit William, guitariste du groupe. Somme toute, ces mêmes sentiments ont refait surface au sortir de scène du Club Tent ; soulagés, heureux mais surtout accomplis.

Le groupe Antipods, sur la scène du Club Tent mardi soir. © Oreste Di Cristino
Le groupe Antipods, sur la scène du Club Tent mardi soir. © Oreste Di Cristino

Paléo, une première en tous sens

Atterris d’Asie mercredi 13 juillet au soir, c’est une rude fin de semaine de répétitions qu’a attendue Antipods. Quelques jours seulement pour préparer ce qui s’avère être pour ces jeunes musiciens leur première tournée à Paléo. Et ce fut un franc succès : « On a reçu tellement d’amour ici. Paléo est un rêve, un accomplissement pour pas mal de groupes régionaux et avoir la possibilité de nous y produire est une grande reconnaissance pour nous ». À plus forte raison qu’Antipods a souvent fait preuve de farouche discrétion autant auprès des médias que sur leurs propres réseaux sociaux – « C’est une raison supplémentaire pour être heureux que nous soyons au Paléo aujourd’hui », s’émerveille le batteur Xanti. Aussi car depuis leurs débuts, Antipods ne s’est jamais construit que par l’inexorable talent de ses musiciens. Pour ces jeunes artistes qui ne bombardent jamais leurs exploits à tout-va, une majeure importance est par conséquent allouée à la musique. Et c’est tant mieux. C’est mieux, tout simplement. Une philosophie particulièrement épurée mais qui s’avère singulièrement rentable ; le guitariste William (qui « n’avait jamais mis les pieds à Paléo de sa vie ») aura au moins eu l’occasion de découvrir ce festival qui lui était encore si peu familier avant la tenue de leur set mardi en fin d’après-midi. Et ce bond en avant, le groupe vaudois le doit aussi à son répertoire hétéroclite, aussi car, au Club Tent, Antipods a sauté dans tous les sens, de ce rock – autant des années soixante que des nineties – à cette pop qui admet et expurge à la fois toute violence excessive. Autrement dit, Antipods est imprévisible et se plait visiblement à casser les codes de la scène : « On fait de la pop avec des influences très diverses – débute pour sa part Audran, chanteur du groupe, avant de poursuivre – Pourtant, en Suisse, pour avoir un quelconque succès, il faut que l’on puisse être répertoriés dans une catégorie particulière, ce qui est impossible avec nous. Le public, par conséquent, manque de points de repères et ne comprend pas toujours la musique qui y est produite. Et c’est là – parfois – toute la difficulté de promouvoir le groupe ; les gens ne nous comprennent pas toujours ». C’est donc une carrière tout aussi excentrique qui attend ces quatre foldingues de la scène et dans des registres tout autant insoupçonnés qu’avant.

De Kings of Leon à Foals, des influences bien dessinées

Difficile de ne pas penser – à majeure raison dans le nouvel EP YKMN – à Kings of Leon. Ce groupe du Tennessee, relevant tout autant de ce garage rock – à quelques égards alternatif – qui apparaît en filigrane sous certains arpèges d’Antipods. Mais ces Américains ne sont pas les seuls à avoir influencé ces Lausannois. Proches parfois également de M83, c’est tout autant au diapason Foals – entre beaucoup d’autres – qu’Antipods s’est en partie inspiré : « Nous écoutons tous des musiques très différentes mais il est vrai que Kings of Leon et Foals sont les deux groupes qui nous ont ouvert de nouvelles voies. Nous sommes aussi tous particulièrement fan de pop. Mais on voulait dépasser cette pop des nineties. Nous voulons quand même faire une pop moderne, tout en conservant le principe qu’une bonne chanson se base avant tout sur une bonne mélodie », nous explique Xanti. Cependant, Antipods est avant tout opportuniste dans l’écriture et la création de leur musique. En dix ans que les quatre membres se connaissent, ils ont eu le temps d’apprendre à jouer, composer et surtout s’amuser ensemble. À tel point que la plupart de leur répertoire n’est né que lors de sessions jam improvisées à quatre, dans lesquels les riffs ont facilement tendance à s’enchaîner : « On laisse beaucoup de place au hasard dans cet exercice. On laisse beaucoup s’exprimer nos humeurs sur le coup. Et parfois même, nous ne savons même pas quand commence la création. On ne pense que très rarement à prévoir du temps pour faire des chansons ; les choses se font très naturellement », nous confie William. « Ça fait dix ans que l’on se connaît, c’est ce qui rend notre procédé magique parce que nous nous connaissons vraiment par cœur. Et c’est beaucoup plus facile mais aussi plaisant », ajoute pour sa part Audran. Mais en une décennie, le groupe a aussi appris à se poser, à évoluer musicalement dans une direction sensiblement moins violente ; c’est par ailleurs la première constatation qui est faite à l’écoute attentive du second album, dont les rythmes sont manifestement plus placides que le premier « Lion Disco » : « Nous avons toujours répété ensemble et régulièrement. Et il faut dire qu’il y a quatre ans, nos vies étaient un peu plus torrentielles qu’aujourd’hui. Et même si nous sommes toujours autant impavides, avec le temps, chaque membre du groupe a appris à canaliser l’autre », nous informe Maxence. Mais au-delà de l’évolution caractérielle des musiciens du groupe, Antipods avait tout autant besoin – il y a quelques années – d’exister par une musique plus affirmée : « Il fallait que l’on soit présent par un disque qui nous crédibilise – continue le batteur de la band avant de conclure – Ensuite, passé ce cap, il a été rendu possible de laisser place aux émotions. Désormais, tout se ressent et chacun réagit différemment, des effets apportés, à la voix. C’est ce qui contribue à penser que les premiers albums ne sont jamais les meilleurs. Dans ce nouvel EP, nous n’avons voulu présenter que des chansons plus abouties ». Nous voilà donc à l’aube d’une autre aventure, à l’aube d’un autre Antipods. Sans doute, légèrement plus conventionnel qu’avant mais tout aussi revigorant.