Antoine Villoutreix, son voyage de Paris à Berlin en poésie

Coudoyé en marge du Festival Voix de Fêtes le vendredi 18 mars, où il a été invité sur une scène découverte, Antoine Villoutreix est revenu en profondeur sur la construction et les motivations de son nouvel album « Paris-Berlin », dont la sortie est programmée le 29 avril. À l’écoute, néanmoins, de ses deux premiers singles « Wie Wunderschön » et « Boulevards de Paris », le public peut bénéficier d’un très bon avant-goût de ce nouvel opus poétique et humain. Rencontre.

Le voyage entre Paris et Berlin devient poétique avec Antoine Villoutreix. Le jeune auteur-compositeur et interprète, originaire de Paris et installé à Berlin depuis une dizaine d’années, parvient dans son nouvel album « Paris-Berlin » qui sort à la fin du mois d’avril à mettre en scène (et en musique) les deux villes européennes qu’il cotoie ou qu’il a côtoyées au quotidien. Grâce à ce nouveau recueil enregistré dans le légendaire Funkhaus Studio, ancienne maison de la radio de la RDA, Antoine est parvenu à donner suite à son rêve et à sa passion pour la musique et la poésie, même en allemand. Arrivé en Allemagne dans le cadre de ses études, le jeune chanteur s’y est plu jusqu’à y entamer (ou poursuivre), dès 2007, sa carrière musicale dans une langue qu’il tentait apprivoiser : « Je suis arrivé à Berlin pour des raisons autres que la musique mais j’avais tout de même amené mes chansons avec moi. Et c’est là-bas que j’ai commencé à écrire, en allemand, ma chanson « Berlin » qui m’a définitivement emmené dans une nouvelle direction, celle de chanteur et compositeur depuis l’Allemagne ». C’est, ainsi, une partie de la vie d’Antoine Villoutreix qui est retranscrite en chansons dans son nouvel album, dont les deux premiers singles « Wie Wunderschön » (21 février 2016) et « Les Boulevards de Paris » (21 mars 2016) sont déjà sortis.

Des « vieux souliers » au voyage « Paris-Berlin »

Avant « Paris-Berlin » – sa sortie est programmée au 29 avril 2016, journée mondiale de la danse – Antoine Villoutreix avait déjà composé un premier album nommé « Les vieux souliers », enregistré à Toulouse ; un projet qui l’avait déjà propulsé dans l’univers de l’art et de la chanson comme il le précise lui-même : « C’est un album très chanson qui rend hommage à mon enfance, puisque j’ai grandi avec la chanson. Le titre du même nom est un morceau qui m’a accompagné ces dernières années et j’avais envie de le représenter à nouveau sous d’autres couleurs, c’est pourquoi il est présent dans ce nouvel album (Paris-Berlin) sous une autre version ». Ce nouvel opus se démarque cependant du précédent par d’autres sonorités ; on y retrouve une tradition folk et swing qui retranscrit, selon Antoine, ses influences berlinoises. Un véritable clin d’œil à une diversité culturelle qui cohabite plus que bien dans cet album bilingue qui se veut être une ouverture au monde, ou plus précisément, à l’Europe : « C’est un projet européen, je dirais. C’est mon crédo. Un Français qui chante en allemand est une particularité qui devrait être encouragée, surtout en 2016 avec l’ouverture des frontières – plaide-t-il avant de poursuivre – il faut aussi redonner un peu d’espoir dans cette Europe fracturée et en crise ». Toujours est-il que les textes d’Antoine Villoutreix n’ont aucune portée politique mais, bien au contraire, ne constituent qu’un point de vue poétique et symbolique sur la possibilité de faire dialoguer – entre elles et de manière si aisée – les deux langues française et allemande. Et, à y réfléchir, rien n’était plus complexe à la réalisation, de par les sonorités et les intonations forts diverses entre les deux langues. Mais Antoine Villoutreix est parvenu à dépasser – et ce, avec une facilité déconcertante – la barrière de la langue : « C’est le résultat d’années de travail sur scène où j’ai appris à alterner le français et l’allemand assez régulièrement. Je voulais pouvoir proposer l’intégralité de mes chansons tout en créant une certaine homogénéité entre les deux – affime-t-il avant de poursuivre – J’ai une affinité particulière avec l’allemand et j’aime les langues. De plus, j’ai trouvé normal d’écrire aussi dans la langue de mon quotidien [à Berlin] même si ma façon d’écrire en allemand reste celle d’un étudiant français ».

Antoine Villoutreix en interview. © Oreste Di Cristino
Antoine Villoutreix en interview. © Oreste Di Cristino

Une pincée de Nougaro

Une plume légère mais touchante, Antoine Villoutreix revisite son parcours au rythme d’un swing subtil et aérien. Accompagné de nombreux musiciens et instruments de tout genre (contrebasse, harmonium, hang, udu, cello, cornet, trombone, trompette et saxophone), le jeune chanteur est parvenu à une véritable composition d’art avec ce nouveau cahier de poésie. On y décèle, en outre, à l’aide d’une oreille mélomane, une belle touche de Claude Nougaro, son ontologie musicale, son émotion incarnée, son calme effréné, son heureuse maladresse mais surtout ses paroles et sa poésie enjouées. Avec des titres tels « Nostalgie » et « Boulevards de Paris », on y retrouve aussi bien le balancement de pendule du « swing », sensible, reposant comme savait tantôt le faire Claude Nougaro, à l’image de sa célèbre chanson « Je suis sous » (1964) mais aussi l’intonation « jazzéifiée » – marquante dans le style du Toulousain – inspirée par « le Jazz et la Java » (1962), l’un de ses titres plus célèbres. Inspiré par l’ancienne école, classique et admiratif de la nouvelle – parmi laquelle il classe Bertrand Belin – Antoine souhaite tout autant pouvoir faire vivre la langue française comme il l’explique : « Je suis très sensible au swing que ce soit chez Charles Aznavour ou Georges Brassens qui racontait lui-même que sa manière de poser ses accords s’en référait également à ce style, cette façon de jouer avec le tempo, le rythme. Mais il y a également les nouvelles générations qui nous permettent sans cesse de redécouvrir la langue française. C’est pourquoi, dans ma manière d’écrire et de chanter, je pense que c’est l’utilisation de ma langue maternelle à Berlin qui est intéressante. Chacun essaie de la bousculer, de la provoquer à sa façon ; cela marque toute la particularité du chanteur ». Mais outre l’influence paternelle de la classe musicale française, Antoine Villoutreix tente également – et ce, avec réussite notamment dans les titres « Wie Wunderschön », « Berlin » mais aussi « Neben Dir » – de faire « swinguer l’allemand » à l’image des « 17 Hippies » et de leur chanson « Marlène », qui mélange aussi bien la langue française que l’allemande.

Paris-Berlin, théâtre et émotions

Assis sur la terrasse d’un café, lunettes de soleil sur les yeux, écouteurs éteints, Antoine Villoutreix observe l’entrain, l’intensité mais aussi la promptitude des « Boulevards de Paris ». Les rues sont parfois enbouteillées, bruyantes, parfois même sont-elles des fleuves (pas si) tranquilles mais elles sont vivantes, scéniques sans être dramatiques. Les observations de la capitale française par Antoine Villoutreix sont simples mais théâtrales, comme celle-ci. Aussi est-ce une belle marque d’affection de théâtraliser sa ville d’origine : « Les villes sont, pour moi, des sources infinies d’inspiration. D’ailleurs, dans mon écriture, je m’inspire beaucoup de mon quotidien » explique-t-il. Mais dans quelles conditions écrit-il réellement ses chansons ? – « Les boulevards de Paris, je les imagine vivants et cela me suffit à trouver l’inspiration – commence-t-il avant de poursuivre – L’idée peut me surgir n’importe où et je suis très à l’écoute de mes idées ». Cependant, comme dans toute poésie, Antoine offre le plus souvent l’interprétation de ses textes à son public. Prenons un exemple : dans le cas du titre « Neben dir », l’interprétation de ce « dir » est à tous égards plurielle. Est-ce une amie proche, intime avec qui l’interprète choisit de contempler le théâtre de la ville ou bien est-ce une simple déclaration d’affection à sa ville, Paris ? Antoine répond : « Dans cette chanson – « Neben dir » (à côté de toi) – il y a un côté contemplatif ; nous sommes assis à deux et c’est l’alchimie entre nous qui est intéressante de ce point de vue (amour ou amitié). Ce « dir » est davantage humain, selon moi, mais il est vrai que l’écriture est, et doit rester, ouverte. Je n’ai pas forcément les clefs de compréhension de mes propres textes. Peut-être que sans le savoir ce « dir » peut être Paris ». La libre interprétation offre des retours sensationnels ici et c’est là, toute la force de la poésie que nous propose Antoine Villoutreix.

Un album optimiste ou nostalgique ?

Ici aussi, la construction de l’album se prête à exégèse. Optimiste et gai à premier abord, les textes tendent à « combattre une certaine nostalgie » à certains moments comme l’explique Antoine : « Nous avons tous ce sentiment en nous et nous essayons de le gérer le mieux possible. Toutes mes chansons sont positives dans l’apparence mais il y a tout de même un peu de mélancolie ; j’aime bien mélanger, comme cela, le froid avec le chaud, l’optimisme avec la nostalgie ». Une interprétation particulière, ici, résiderait dans l’évolution du degré d’allégresse au fur et à mesure que le disque se consume. En effet, si les premières musiques de l’album – à savoir « Wie Wunderschön » et « Boulevards de Paris » – semblent être rythmées de manière positive, soit allègre, il semblerait que ce bonheur musical s’estompe – ou du moins de camoufle – à mesure que les chansons défilent. C’est ainsi, qu’en fin d’album, nous retrouvons des morceaux tels « Lass uns Fahren », « Si le Temps » et « Neben Dir », entonnant une musique plus lente mais aussi plus émouvante : « Il y a à la fin de l’album, une volonté de laisser une ouverture aux personnes. Mais toujours est-il que la différence de rythme entre le début et la fin est vraie mais je ne l’avais pas forcément notée. La composition de l’album s’est faite naturellement. Chaque musique représente une couleur qu’il a fallu peindre sur un tableau. Et ce tableau a toute une identité propre tout en laissant une pointe de douceur et de nostalgie à la fin ». À nous donc de résumer que ce nouvel opus est… humain.

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