Poursuivant une tournée exclusivement anglophone, le Français Yassine Belhousse et l’Italien Francesco De Carlo ont présenté au Lido Comedy & Club de Lausanne, ce mardi soir, deux spectacles de leur cru. Naviguant entre l’humour « Made in France » et la dérision 100% italienne des spécialités transalpines, le public, spectateurs d’outre-manche pour la plupart, ont pu goûter au charme presque provocant d’un « miscellaneous » humoristique lors du lancement de la neuvième année de l’International Comedy Club, la première saison au Lido Comedy & Club de Lausanne. Rencontre.
Yacine Belhousse
Yacine, est-ce la première fois que tu fais un spectacle en anglais ?
Non, c’est pas la première fois. J’ai été à Édimbourg pendant tout le mois d’août où j’ai répété ce sketch au moins une trentaine de fois. Physiquement, c’est vraiment un effort. C’est comme si je faisais deux spectacles en français. Il y a un décalage forcément avec ma langue natale et je ne suis pas un fluent. Je n’habite pas dans un pays anglophone et personne parle anglais autour de moi. Donc quand je commence à parler anglais, je dois faire un vrai effort de traduction et psychologique aussi.
On est, maintenant, à dix minutes du début du spectacle… Comment te sens-tu psychologiquement ?
Là, ça va. J’essaie de ne pas y penser. C’est quand je serai sur scène que je vais faire un bilan pour savoir où t’en es. C’est de la m**** ou pas ? C’est une sorte de petite aiguille qui vrille qui m’oriente dans la réalité de mon spectacle.
Tu t’es fait connaître grâce au Jamel Comedy Club. Tu as également fait plusieurs apparitions dans des très courts métrages tels que « Bref » et autres émissions sur Canal +. The ritual question: Te sens-tu plus comme un humoriste ou un comédien ?
Oh c’est pareil. je suis les deux. Je suis humoriste sur scène et comédien quand on me demande de jouer dans des films ou séries. Je suis également auteur parce que j’écris aussi pour le cinéma. J’accepte tous les travaux parce que ce genre de travail, dans le domaine du spectacle et du divertissement, représente une énorme chance pour moi. je voulais faire ça depuis que j’étais petit donc que du bonheur.
Ton spectacle s’appelle « Made in France », donc tu vas parler des spécialités de « ta » France… Comment vas-tu diriger ton stand-up ce soir ?
Alors, j’ai appelé « Made in France » tout simplement parce que je suis « Made in France ». J’ai donc travaillé mon spectacle pour qu’il soit universel, pour pouvoir le jouer partout. Toutes les vannes qui sont dedans n’ont alors pas forcément avoir avec la France. C’est plutôt le côté « fabriqué en France » que je voulais promouvoir, dans le sens que mon humour vient de France. Que ce soit en Suisse — c’est pas loin — que ce soit en Allemagne ou en Australie, mon spectacle passe très bien parce que c’est le concept du « Made in France » qui prime et qui le rend universel. Un humour international « Made in France ».
Ces prochains jours, tu complètes ta tournée en Suisse, n’est-ce pas ?
Oui. On a encore quatre dates avec Francesco De Carlo. On va jouer [à Genève], Zürich et Bâle.
Francesco De Carlo
Francesco, merci pour ta disponibilité à la fin de ton spectacle. Félicitations pour ta prestation. Ton spectacle est très basé sur l’Italie. Une Italie que tu tournes un peu au ridicule, même si tu l’aimes…
Rendre ridicule mon pays n’est pas très difficile parce que nous sommes largement connus pour notre ridicule. C’est dû également à une peur, d’un point de vue politique et économique, de l’Europe donc ça devient très aisé de se moquer de mon pays en partant de cette base-là. Après, généralement, je ne parle pas de l’Italie dans mes spectacles. J’en parlais à mes débuts mais maintenant plus vraiment. Mais étant donné que je suis l’un des comiques pionniers en Italie à jouer en anglais, je trouve juste de consacrer la première partie de mon spectacle à l’Italie. C’est une sorte de carte de visite pour les spectateurs qui peuvent ainsi mieux visualiser mes origines, d’où je viens. Surtout pour présenter mais aussi démentir quelques stéréotypes à propos de la culture et la personnalité des Italiens dont je fais partie.
Ceci est ton premier spectacle en anglais ?
Je dirais que qu’aujourd’hui est une date un peu historique parce qu’à part quelques Open Mic à Londres ou Édimbourg il y a quelques années, — j’ai débuté au « Fringe Festival » d’Édimbourg cette année — ce soir marque le début de mon show international. Ce mini-tour que nous faisons en Suisse — demain nous serons à Genève, puis Bâle, puis Zürich — me satisfait pleinement, étant donné que pas beaucoup d’Italiens ont fait une tournée internationale en langue anglaise.
Tu étais déjà venu en Suisse ?
Non ! C’est la première fois et je dois avouer que je trouve ce pays très intéressant. je le trouve même un peu étrange. Premièrement, en atterrissant à Genève, j’ai pu constaté la pure beauté du paysage. Je n’imaginais même qu’il puisse exister un endroit aussi beau. Ensuite, je trouve la Suisse « étrange » parce qu’il y a différentes cultures. D’un point de vue extérieur, je pensais que les Suisses étaient un peuple plus froid alors, qu’au contraire, la Suisse est un endroit au sein de l’Europe où peuvent se rencontrer et se confronter différentes cultures.
Dans ta biographie sur ton site (francescodecarlo.it), tu dis être passé à côté de plusieurs carrières: politicien, footballeur, etc… Explique-nous un peu comment en es-tu arrivé à l’humour ?
Je me rappelle avoir neuf ans et être en train de passer l’examen de ma cinquième année scolaire et la maîtresse m’avait demandé ce que je voulais faire plus tard dans la vie. Je lui ai répondu: un acteur comique. Je n’ai pas vraiment d’explication à cela. J’aimais les films et les animations, etc… Puis j’ai abandonné complètement cette voie. Je me débrouillais bien la balle au pied et j’ai pensé à faire carrière dans le football. Mais c’est tellement difficile d’y parvenir que j’ai dû me rendre à l’évidence et changer de perspective. Plus tard, ayant obtenu mon diplôme en Sciences politiques, j’avais cultiver une passion pour politique italienne, même si c’est pas la meilleure passion qu’il existe (en Italie). C’est alors, qu’après cette nouvelle déception, je me suis tourné vers l’humour. Et j’espère ne pas avoir à affronter une nouvelle désillusion (rires). Personne sait si, un jour, je deviendrai peintre ou autre…
Tu l’as même dit dans ton spectacle… La politique est le premier contexte comique, en Italie du moins.
Oui, oui. Je dois dire que les politiciens, chez nous, sont très divertissants. Mais je dois avouer, qu’en cela, la démocratie fonctionne. En Italie, tout le monde est très divertissant à sa manière. Par exemple, si tu passes par Rome — surtout à Rome — tout le monde parle avec un fond d’ironie, de sarcasme. On est même des adeptes de l’auto-dérision. Les gens savent plaisanter quand ils se retrouvent au bar. C’est une caractéristique très méditerranéenne, je dirais. Par contre, l’envers de la médaille est que si l’on veut devenir comique en Italie, on risque de se confronter à un mur. Si tu crées un Comedy Club à Rome — endroits que nous n’avons pas, nous jouons la plupart du temps dans des restaurants — presque tous les spectateurs pensent être plus doués et plus drôle que l’artiste en question. Donc il en résulte, dans ce cas de figure, qu’il est très difficile de faire rire des gens. De plus, en Italie — je note la différence avec ici [ndlr, Lido Comedy & Club] et avec le Royaume-Unis — les gens pensent être plus au théâtre que dans un lieu humoristique. Donc, ils ont tendance à rester silencieux et à ne pas intervenir avec l’humoriste. C’est très difficile d’y créer une atmosphère aussi chaude qu’ici. Personnellement, je fais partie d’une génération de comiques assez jeune et nous sommes en train de créer un nouveau public dont la réaction est similaire à celle que j’ai pu entrevoir en dehors des frontières italiennes.
Cela est aussi dû, au Lido, à la grandeur de la salle. Les petites salles ont tendance à rapprocher l’artiste et le public. As-tu déjà rencontré un public d’un grand théâtre ?
Honnêtement, pas vraiment. Il m’est déjà arrivé de me présenter dans des grands théâtres ou festivals qui ont une affluence de près de 1’000 personnes mais cela s’est très rarement produit. Mais je pense que le stand-up dans les dimensions que celles de ce soir au Lido — entre 60 et 100 personnes — bénéficie d’une force plus grande pour créer une sorte de « circuit » entre public et artiste. J’aime beaucoup, je préfère même, travailler dans de petits clubs plutôt que dans de grandes salles. De plus il est généralement difficile d’entrer dans les grandes « arènes » si tu n’as pas fait des apparitions à la télévision. Et même si tu es connus du petit écran, ce que tu fais ici, tu ne peux pas le faire à la télévision. C’est d’ailleurs ce qui donne la force à ces petites salles. Grâce à elles, on a une alternative aux programmes télévisés. Elles permettent un autre type d’humour inexistant autre part (grandes scènes, télévision, etc…). Et les scènes, comme celle du Lido qui est magnifique, auront tendance à augmenter par la suite.