MC COCO, de l’Afrique à l’Europe en musique

MC COCO est une rappeuse camerounaise émigrée en France à l’âge de 25 ans. Sensible à une pléiade de causes humanitaires, Coco les défend à travers un outil non banal : la musique, un rap underground. Rencontre avec une artiste atypique.

Née en 1979, MC Coco est déjà une petite star. Dans une vie et un pays en manque de ressources, elle témoigne dès son jeune âge un intérêt tout particulier pour la musique et… le rap. Au Cameroun, l’inquiétude est légion. L’inquiétude du lendemain, celle causée par l’incertitude sans oublier l’inquiétude du savoir et celle de l’incapacité à réagir. Réagir, un mot facile à prononcer mais ardemment réalisable par les faits. Coco avait pourtant trouvé la solution. Elle allait aider sa famille. Elle allait sortir ses proches de la galère. Une forme d’espoir apparaissait lorsque Coco chantait et réussissait à transmettre ses émotions. Vives et perçantes, ses paroles avaient le don de rassurer. Son rap allégeait le quotidien et la bonne humeur émergeait. C’est ainsi que Coco est devenue une star. Sa maman en avait la conviction. Coco était une star, sa star, la star de la famille.

Une enfance, un destin

Depuis toute petite, Coco encadrait la maison et endossait déjà le rôle de cheffe de famille. Elle chantait pour ne plus avoir faim et ne plus être en difficulté. Elle souhaitait changer les choses en chantant. Une volonté indicible qui la portera à aller plus loin. Plus loin dans l’art. Plus loin dans le chant, plus loin dans la musique et surtout… plus loin du Cameroun. Sa mère s’envole très jeune malgré son combat. Elle ne voulait pas mourir, elle se battait, témoigne Coco. Mais les événements ne rendent pas grâce à cette lutte. Alors Coco prend le relais et promet de s’occuper de ses petits frères et sœurs. Aujourd’hui, ils font de grandes études, ce que Coco n’a pas pu faire. Mais elle a des projets alternatifs : transmettre son histoire, ses émotions et ses volontés à travers la musique. Armée de son tatouage « Maman » sur l’avant-bras, elle se redonne du courage et écrit ses premiers textes dès l’âge de 12 ans. En effet, pour devenir star, il faut composer ses propres créations. Des créations qui apparaissent aujourd’hui comme un point de départ à de nouvelles aventures.

Contactée par téléphone, MC COCO revient sur ce symbole éternel qu’est la musique : « La musique me tient en bonne humeur. C’est la musique qui me fait vivre ! » exprime-t-elle à leMultimedia.info. Grâce au rap, tous les problèmes sont traités avec philosophie. C’est pourquoi la vie de MC COCO se nourrit de la musique et sa musique se nourrit de sa vie. Un rapport réciproque et solennel qui porte ses fruits dans un présent pas toujours facile… pour beaucoup de gens. Son rêve témoigne de la force et toute la confiance qu’elle a porté sur soi-même depuis sa naissance. Il faut se battre. Un leitmotiv simple mais efficace. Se battre avec sa tête, son intelligence et sa conviction. Une conviction qui lui a valu, à 25 ans, un changement de vie ; elle quitte le Cameroun, direction l’Europe.

De l’Afrique à l’Europe

MC COCO a un amour inconditionnel pour son pays d’origine. Le Cameroun est une source d’amour où restent noués tous les liens familiaux, où restent solidement plantés les racines de sa culture et des études. Mais les aléas de la vie la forcent à quitter son nid, son pays, sa nation. Parce qu’au Cameroun, dit-elle, « il n’y a rien d’attractif pour les jeunes. Il y a des enfants qui grandissent sans espoir et dans de grandes difficultés ».

L’avenir semble restreint pour un boute-en-train comme Coco alors la conjoncture la pousse à se déraciner et à traverser l’océan : « Vu qu’on était nombreux (ndlr, Coco est le deuxième enfant d’une famille qui en compte sept), vu que ma mère me disait que j’avais beaucoup de courage et que j’allais devenir sa star pour marquer quelques bénédictions, j’ai pensé qu’il valait mieux partir vers d’autres horizons afin de pouvoir aider les autres. Il fallait trouver une piste de sortie pour maturer ».

Cette expérience l’a faite grandir, tant au niveau personnel que musical. En 2014, elle sort son premier clip « Déracinés quand même » en collaboration avec Jann Halexander et y témoigne toute son amertume lors de ce fameux « jour de départ ». Un texte sensible et fort coécrit en association entre les artistes et qui lance un message pluriel aux auditeurs : s’engager profondément dans tous les projets à entreprendre mais aussi l’important est-il de prendre en considération le malheur de nombre d’immigrés naufragés qui échouent sur les plages et côtes de Lampedusa : « Dans « Déraciné quand même », le problème réside justement dans le déracinement que chacun peut vivre en quittant un endroit pour aller s’installer dans un autre ; surtout quand on est à la recherche de la survie. J’essaie de faire savoir aux gens que c’est très dur pour certains Africains de venir en Europe. Ces naufragés – s’ils n’ont pas été perdus en mer – sont de toute manière déracinés. Il y aura toujours ce grand manque de notre famille, de nos parents, de notre culture et tout ce qu’on a laissé dans le pays d’origine. Rien n’est facile ni évident dans ce voyage. Ce sont toutes ces choses qui marquent beaucoup de personnes et que je voulais mettre en avant dans ce clip parce que si tout se passait bien dans notre pays, on ne prendrait pas le risque de partir à l’aventure en Europe. Si on quitte notre pays, c’est que là-bas rien ne se passe bien. On aime notre pays et personne n’a envie de le quitter ».

Nourrir l’humanitaire et sensibiliser

Atypique et convaincue, MC COCO se caractérise aisément telle une rappeuse de l’humanité sans sa dimension politique, au sens stricto sensu du terme. L’humanitaire, Coco s’y dévoue depuis toujours au point de se porter porte parole des personnes en difficultés. En 2015, elle crée également une association dans le but de venir en aide aux gens dans la rue : « Je n’aide pas seulement mes frères et sœurs mais j’aide également tous ceux qui m’entourent. J’essaie d’aider les enfants de la rue parce que j’ai beaucoup souffert dans la rue aussi. Ça m’a beaucoup marqué. Et je fais de mon mieux en rassemblant vêtements, livres, cahiers et même un peu d’argent pour procurer de la nourriture. Je fais de mon mieux avec le peu que j’ai. Si je possédais plus, j’en ferai également plus ». En outre, une certitude réside ; après neuf ans d’existence en France, Coco est plus dévouée que jamais pour entreprendre des actions en faveur de son entourage et surtout en faveur de son pays, le Cameroun.

Mais en complément de l’acte, la « MC des MC » – comme elle est parfois surnommée – adopte une perspective tout aussi fonctionnaliste dans son style musical. Ainsi, chanter se mue souvent, voire toujours, en un discours allègre visant à sensibiliser l’assistance sur des causes tenues pour primordiales – ou du moins importantes ­– par l’interprète, tels l’homosexualité, le déracinement ou encore la rupture amoureuse comme en témoigne son dernier clip « Pars et Gogo » (également en collaboration avec Jann Halexander). Alors qu’une première scène – dans un style croisant le reportage et la télé-réalité – met en avant une dispute au sein d’un couple homosexuel féminin, MC COCO souhaite davantage attirer l’attention sur les conséquences douloureuses qu’une séparation peut revêtir plutôt que sur son homosexualité assumée : « Il faut dire que mon homosexualité, je l’ai toujours assumée et vécue. Ma famille est au courant de tout puisque j’ai grandi comme ça. Ma famille ne comprenait pas tout au début, il y avait un peu de rejet ou encore croyaient que c’était un sort, de la magie. Mais tout cela fait partie d’un folklore local en Afrique, j’en veux à personne. C’est une mentalité (africaine) que je respecte mais en même temps je respecte également ce que j’étais et ce que je ressentais. Donc je tenais à faire cette chanson – « Pars et Gogo ». Elle traite des ruptures car tout le monde en a déjà connues. C’était surtout pour marquer ma rupture que j’ai connue. Je voulais mettre en avant une certaine philosophie de la vie de couple. Quand advient une séparation, il faut savoir la prendre positivement. Il faut respecter le choix du partenaire à ne plus vouloir continuer la relation. Il faut sortir de la déprime et aller de l’avant ». Un discours didactique encore et toujours basé sur des expériences personnelles ; un charme qui caractérise l’artiste montante qu’est MC COCO : « C’est vraiment mon ressenti amer et personnel que j’ai eu lors d’une séparation. J’ai eu deux relations différentes qui m’ont beaucoup marquée et surtout qui m’ont beaucoup déçue ».

Une rencontre fortunée avec Jann Halexander

MC COCO a depuis une année un artiste prolixe, éclectique et tout aussi atypique à ses côtés. Jann Halexander l’a connue dans le milieu associatif et une soirée militante aux Folies Bergières suffira à faire basculer une carrière de chansons d’ores et déjà promise au succès. Un duo émerge et un premier album de cinq titres sort lors des fêtes de Noël en 2014. Mais les circonstances et la richesse de leur collaboration accélèrent le mouvement et leur duo prospère malgré deux styles sensiblement différents. Inspiré par la musique depuis 2003, Jann s’est rapidement trouvé un univers, la variété française. De par son côté subversif souvent remarqué, Jann attire un public constant certes encore un peu confidentiel mais bien présent. Mais le rapprochement de la variété avec le rap plaît et les projets sont en cours. En 2015, les deux artistes monteront sur scène accompagnés de musiciens et de choristes.

Aux côtés de Jann Halexander, auteur-compositeur tout à fait singulier et très créatif, MC COCO a tangiblement évolué et progressé dans l’art de la musique et de la parole comme elle en témoigne en fin d’interview : « Je remercie vraiment Jann Halexander. J’avais fait un petit break dans la musique suite à un premier album sorti en 2011 qui n’avait pas bien fonctionné. J’avais eu quelques difficultés et surtout j’avais fait de mauvaises rencontres. J’avais rencontré de mauvaises amies. J’étais très mal entourée et tout cela m’avait amenée à faire une pause. Mais comme l’esprit rap est en moi et qu’il ne meurt jamais, la rencontre avec Jann a été une occasion rare de repartir. Il m’a relancée en 2014 et ça m’a permis de me redonner confiance. Il m’a permis d’avancer et de passer à une vitesse supérieure. Je suis fière de lui et fière de notre collaboration ». Une collaboration prédestinée à perdurer.

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