Stéphane Gauthey, Dominik Mastelić ont relevé le défi de créer un nouveau club de basketball dans la vieille commune historique de Bex, dans le canton de Vaud. Cette initiative a été le fruit d’une franche pesée d’intérêts entre contraintes administratives, financières et bienfaits pédagogiques pour la jeunesse bellerine. Depuis novembre 2020, le club a rencontré un soutien grandissant au sein de la région, nourrissant toujours plus les ambitions des deux fondateurs.
Avec leurs galons d’entrepreneurs passionnés, Stéphane Gauthey et Dominik Mastelić ont saisi la balle au bond. Lorsque le premier a ouvert la voie à la création d’un club de basket dans la commune historique de Bex, dans le courant du mois de novembre 2020, le second a immédiatement mis son réseau et ses connaissances au service de la cause. Déjà engagé en faveur de la formation auprès du club de Monthey, un peu plus loin en Valais, Dominik Mastelić a un rêve bien précis pour la jeunesse bellerine; le soutien qu’il apporte à Stéphane est naturellement fondé sur la conviction que le sport peut profondément changer des vies.
Bex est fait d’histoire et d’un patrimoine minéral riche. Longeant les Mines de Sel, le pâturage de Solalex et la réserve du marais, le chemin mène droit vers le district franc fédéral du Grand Muveran, haut sommet de plus de trois mille mètres confinant au Valais voisin. La réserve naturelle qui s’étend à perte de vue y est remarquable, point névralgique du commerce de sel, partant du producteur franc-comtois, en France, passant par Pontarlier et joignant le sud par Arc-et-Senans. Et pourtant, ce n’est pas que pour ses belvédères aux contreforts des Alpes vaudoises, valaisannes et bernoises que cette localité du Chablais avait, il y a peu, fait parler d’elle. Bex a une histoire douloureuse et un passé difficile; dans les années 2000, la commune s’était peu à peu transformée en plaque tournante de l’approvisionnement en drogue.
Une situation mal digérée par une majorité de résidents qui laissaient moisir l’amalgame entre réfugiés et requérants d’asile, sur une paume de main, et le deal de rue sur son revers. Terre d’accueil, la localité avait pourtant été la première de sa région à accepter, en 1982, un foyer pour requérants d’asile. Cet engagement humanitaire avait alors vu, les années passant, se fragmenter la population locale, dont plus du tiers était composé d’étrangers. La cohabitation était rendue difficile et tout débordement en plein centre servait de casus belli pour un quarteron de forts en gueule dont le seul exercice quotidien servait à déclencher un “formidable” tir de barrage à droite toute. Pendant une quinzaine d’années, c’est de cette manière fébrile que l’on a, en vain, tenté de sanctuariser la Bex historique.
« Jeune, j’aurais facilement pu être emporté par de mauvaises influences »
Dominik Mastelić, co-créateur du Bex Basketball Club
Dominik Mastelić, né bellerin, n’oublie pas ces années. Ses parents ayant élu résidence dans la commune en 1975, il s’est senti grandir dans un endroit avec peu de possibilités d’épanouissement. Il raconte sobrement l’image autrefois partagée d’une localité où régnaient stups et délinquance, perdue entre deux tranchées cantonales aux identités bien trempées. « Jeune, j’aurais facilement pu être emporté par de mauvaises influences. Je me suis rendu compte, avec les années, que c’est ma motivation à entreprendre une activité sportive qui m’a peu à peu tiré des mauvais cercles. J’avais commencé, au début de l’adolescence, le basket à Monthey et cela m’a sauvé la vie », explique-t-il entre quatre yeux. Puis, ce colosse, au physique imposant de droiture, a commencé sa carrière dans la police de sûreté du canton de Vaud. « La réalité de mon existence – et ce à quoi j’ai échappé en ayant grandi à proximité de réseaux de délinquance – je l’ai remarquée en consultant le registre des jeunes gens connus de nos services de police. J’y ai retrouvé beaucoup de mes anciens camarades d’école ou de voisinage. » À ses yeux, la diversité de l’offre sportive est une arme assassine pour endiguer la criminalité juvénile et le déclassement des jeunes. Ce faisant, la création d’un club de basket centré sur le développement et la formation des plus petits participe à un développement socio-culturel harmonieux.
Entre Vevey et Monthey, au cœur du basket des Alpes
Le basket-ball, au niveau national, fait partie de ces sports enclins à déclencher des poussées d’adrénaline incessantes et cumulatives. Son expansion est vaste, particulièrement en Romandie et aux confins de l’Italie – partant du Jura à Genève, puis longeant l’entier des Alpes jusqu’au Tessin. Sa représentation à l’international est en revanche un peu plus complexe mais pas davantage rasante pour autant. Loin de là, l’équipe de Suisse parvient souvent à décrocher une salve d’émotions lorsqu’elle est amenée à affronter des colosses du basket européen et planétaire. Fin novembre 2020, les basketteurs helvétiques avaient réalisé un authentique exploit en venant à bout 92 à 90 de la Serbie, la cinquième nation du basket mondial, provoquant une sorte de catharsis dans différentes régions emblématiques où ce sport eut connu, autrefois ou récemment, un point de chute notoire.
À Monthey, commune limitrophe à la Bex historique qui sert, ici comme ailleurs, de porte d’entrée à la Vallée du Rhône, trois joueurs avaient été davantage considérés pour leur auguste performance : les frères Mladjan, shooteurs et le meneur de jeu Jonathan Kazadi, dont deux d’entre eux avaient, il y a quelques années, réalisé un court passage au BBC Monthey. Marko Mladjan (28 ans), le cadet des deux frangins, avait fait une escale de deux ans dans le Valais entre 2015 et 2016, tandis que Kazadi avait fait une apparition éclair en 2017, l’année du sacre du club montheysan en championnat de Suisse. Une période courte mais faste pour le basket chablaisien qui a vu son club fanion dominer les plus grandes formations du pays avec ivresse et conviction continues. Les jeunes passionnés, comme les plus âgés, s’en souviennent encore. Kazadi est aujourd’hui international suisse mais il garde une accroche indéfectible avec la région. Son entraîneur personnel pendant quelques étés dans la commune voisine de Troistorrents, Antoine Mantey, lui réserve une profonde admiration.
« C’est un privilège certain de pratiquer le sport que l’on aime dans sa propre ville »
Dominik Mastelić, co-créateur du Bex Basketball Club
Un peu plus loin, longeant à nouveau les rives du Léman, à Vevey, les amateurs de ballon orange vantent à leur tour les carrières de deux autres internationaux du coin. Les frères Sefolosha partagent une relation fusionnelle, tant l’un avec l’autre qu’avec le basket. Il y a plus de dix ans en arrière, en 2006, les deux ont néanmoins vu leur carrière personnelle diverger du tout au tout; l’aîné Kgomotso (alors 23 ans) venait d’atterrir – lui aussi – dans le club de Monthey, tandis que plus loin à l’horizon, son frère Thabo (24 ans), lançait sa longue et fructueuse aventure en NBA, chez les Bulls de Chicago. Il trouvera, aux États-Unis, le succès et la notoriété d’une vie; dans l’Illinois, en Oklahoma, en Géorgie, en Utah et finalement au Texas. Aujourd’hui, même s’il évolue en troisième division suisse par manque de ressources, le Vevey Riviera Basket trouve en ces deux ambassadeurs le mérite qui revient tout naturellement à un club formateur bien structuré.
Ambitions solides mais cohérentes
C’est entre ces grandes structures qui l’entourent de part et d’autre de la vallée que le club de Bex trouve naturellement sa force et son soutien premier. Plus précisément, il a rejoint une Entente sportive qui comprenait déjà quatre clubs de la région – Troistorrents, Collombey-Muraz, Aigle et Monthey – dans le but de centraliser et renforcer la formation des enfants, filles et garçons d’âge inférieur à douze ans, sur un terrain unique de concertation. « À Bex, l’on trouve de nombreux jeunes qui sont intéressés à commencer le basket, soutient Dominik. Sans même avoir réalisé une campagne de recrutement, nous avons été surpris de la détermination que les enfants nous ont témoignés. Aujourd’hui, ils sont entre trente et quarante à être encadrés par des joueurs U17 des quatre clubs mentionnés. »
Le club bellerin se sent, ici, investi d’une mission promise à la jeunesse de la commune, où les choix sportifs se révèlent encore limités. « C’est un privilège certain de pratiquer le sport que l’on aime dans sa propre ville, poursuit Dominik Mastelić. C’est pourquoi nous avons eu des discussions ouvertes et démultipliées avec les clubs de la région. » Ensemble avec Stéphane, il fonde une ambition solide mais aussi cohérente; le club n’a, pour l’heure, aucune propension à rejoindre le niveau professionnel mais servira de plateforme de soutien pour la jeunesse des équipes de l’Entente. « Nous ne pouvons pas prétendre nous établir parmi les meilleures équipes de Suisse en un claquement de doigts. Pour l’heure, il s’agit de prendre en compte que nous sommes entourés par deux grandes équipes de basket excellentes qui ont, elles, beaucoup à gagner à faire évoluer leurs jeunes encore en manque de maturité dans un club de proximité et où les exigences sportives seront plus basses. En ce sens, notre club offre une opportunité nouvelle au basket chablaisien de grandir et de se diversifier. »
« Notre ascension jusqu’en première ligue est un objectif rêvé mais pas impératif non plus »
Dominik Mastelić, co-créateur du Bex Basketball Club
L’idée a rapidement cueilli le soutien des autorités de la commune. L’administration de l’ancien syndic Daniel Hediger s’est par ailleurs montrée relativement réactive en octroyant l’utilisation à titre gracieux, chaque semaine, de la salle omnisport du collège de la Servanne. « C’est ce qui nous a permis de lancer, avec de l’avance, le processus de recrutement » soutient à son tour Stéphane Gauthey. Entre fin 2020 et le début de la nouvelle année, les statuts de l’association sportive ont été rédigés et validés et l’homologation de la salle par Swiss Basketball, la Fédération nationale, est arrivée sans encombre. En outre, la recherche de parrainages suit encore joyeusement son cours.

Viser la première ligue en cinq ans
En plus des équipes jeunesse, le club partira donc de la quatrième ligue à la fin de l’été avec une équipe composée de plusieurs joueurs d’âge inférieur ou égal à dix-huit ans et qui gardera pour objectif premier, à moyen terme, la promotion en première ligue. « Il sera certes envisageable sur le long terme de former une équipe compétitive à Bex », reprend Dominik. « Notre ascension jusqu’en première ligue est un objectif rêvé mais pas impératif non plus. » Partant, l’entier du contingent sera à terme appelé à renforcer les équipes de l’Entente et sera secondé par une formation fanion U18 qui évoluera également dans les championnats de la Fédération suisse. « C’est une aubaine pour un tout nouveau club de pouvoir compter d’emblée sur une équipe sénior et une équipe U18 en réserve », poursuit Dominik qui a fait ses armes de bon pédagogue à Monthey. « C’est à cela, généralement, que l’on reconnaît le sérieux d’un projet sportif. » L’encadrement des différentes équipes sera ainsi assuré par des entraîneurs et éducateurs qualifiés. Ancien arbitre sur les parquets internationaux, Erik Lehmann a gardé de bonnes relations avec Stéphane Gauthey, autrefois son élève en cours d’arbitrage. La preuve que pour offrir de meilleures possibilités à une jeunesse qui les demande, il suffit parfois d’un rien, sinon d’une pincée franche de volonté.