Arsène Passamani (alias Senar) est un jeune homme de 21 ans, passionné de sport et de musique et gorgé de talent, tant pour l’un que pour l’autre. Sur les hauteurs du Léman, à Riex, petit bourg en plein vignoble entre Lausanne et Épesses, il dévoile, en ce mois de mai, “L’aimant”, un dix-titres en hommage à sa région natale. Un vent de fraîcheur vient nous caresser en plein printemps.
Arsène est l’un de ces jeunes, actifs et créatifs, qui lient études et versant artistique. À 21 ans, cet étudiant en première année de bachelor en sport et sciences de l’information et de la communication à Neuchâtel, sort déjà son deuxième single de l’année. Après “Suspendu”, paru le 30 mars dernier, l’artiste dévoile ce mois-ci “Chute libre”, une création travaillée en collaboration avec beka et finalisée après plusieurs mois de réflexion en période de pandémie.
Ces deux titres font partie d’un corps de création qui ne verra le jour qu’à la fin mai, sous sa voilure complète. L’album, comprenant dix titres originaux, tire son histoire et sa fraîcheur d’une nouvelle que Senar, Arsène Passamani de son vrai nom, avait commencée il y a quelques mois, en décembre 2019. « Mais attention, il ne s’agit pas tout-à-fait d’une adaptation », prévient l’auteur. Et de fait, “L’aimant”, dans son texte originel, raconte l’histoire d’un vieil homme seul, bercé par le lac. Une allusion à un homme d’expérience tiraillé, qui aime et qui est attiré, dans ce bout du monde bordé par le Léman. Tandis que “L’aimant”, sous sa forme musicale, a vu la profondeur du récit changer presque du tout au tout. Seule la poésie de départ est restée intacte; dans les paroles prononcées, le dix-titres dessine le plus souvent des traits autobiographiques – ce jeune, fraîchement adulte, perdu entre la curiosité, le voyage vers l’inconnu et sa forte attirance pour l’endroit qui l’a vu naître, sur les hauteurs du lac, à Riex.
« À chaque accès d’inspiration, je prends un temps d’analyse de qualité. C’est aussi ce qui fait que beaucoup de mes projets n’aboutissent jamais »
Arsène Passamani, alias Senar
Ce qu’il en ressort, pratiquement, est le fruit d’un travail de profondeur; Senar a consacré l’ensemble de l’année écoulée à construire et reconstruire ses textes, à redessiner l’ambiance générale et à terminer de tisser le fil conducteur de son histoire. L’artiste a pris de la hauteur – et un recul savant – sur ses propres créations. Il a aussi pris son temps, seul. Inconstant dans ses phases d’inspiration, il s’est promis de ne jamais écrire sur demande. Les temps de réflexion se révèlent donc longs. « Je doute beaucoup, raconte-t-il. À chaque accès d’inspiration, je prends un temps d’analyse de qualité. C’est ce qui fait que beaucoup de mes projets n’aboutissent jamais. L’histoire développée dans la nouvelle était satisfaisante mais la forme de création ne me plaisait pas beaucoup. C’est pour cela que je l’ai traduite dans un album. »
Une histoire de connexions
Senar est un parolier. Son instrument de base se résume au micro, jouant avec les mots. Il révèle avoir été un passionné de lecture dans sa jeunesse. C’est dans le rap que l’artiste a trouvé le meilleur moyen de mettre en avant ses paroles. Toutes les parties instrumentales ont, en revanche, été assurées par des connaissances de la région lausannoise. Les styles de composition, eux, sont variés, entre le rap-trap, la pop-rap ou encore l’électro. Cette diversité est, en réalité, assez facile à déceler.
En revanche, ce que l’on sait un peu moins, c’est que pour parvenir à ces collaborations, Arsène a dû passer outre les barrières de la pudeur. Son histoire se résume à une pure question de connexions; cherchant chez l’un, ou chez l’autre la petite touche artistique qui va relever l’identité de son projet. « Le résultat est très gratifiant: de partager, discuter et avoir des avis différents, entre univers différents. Cet album donne vie à un brassage de styles et le seul titre “Suspendu” permet de s’en rendre compte. »
« J’ai un peu de peine à me mettre en avant. Je réside dans la discrétion tout en assumant ma volonté d’exposer à un public mon univers artistique »
Arsène Passamani, alias Senar
Si Senar fait de la musique, c’est surtout pour rencontrer du monde, des artistes émergents, d’autres plus installés, dans le but d’échanger des expériences. Ce besoin de grandir, cet appel à la maturité, il la cueille encore au contact des artistes de la région lausannoise. « J’ai de la peine à me mettre en avant. Dans la vie de tous les jours, je reste un peu timide. Je réside bien dans la discrétion tout en assumant ma volonté de m’exposer à un public en dévoilant mon univers artistique. Pour moi, c’est encore une question d’apprentissage », détaille-t-il.
Pourtant, à y regarder de plus près, Senar n’a jamais été vraiment seul. Ce passionné de football et de sport, engagé avec le FC Vignoble en quatrième ligue, a déjà eu l’occasion de collaborer au sein de plusieurs collectifs. Courant 2018, il démarrait une aventure en groupe, Men in Moon avec qui il réalise plusieurs concerts. Il se produit lors de deux tremplins aux festivals de musique estudiantins (Unilive et Balélec), avant de fouler la scène de la salle Paderewski au Casino de Montbenon. Ensemble, le groupe assurera aussi la première partie des rappeurs franciliens Nelick et 7 Jaws au Port-Franc, à Sion. Ainsi, monté – jusqu’à présent – sur scène en équipe, il devra dès que possible apprendre à faire jeu à part pour ce second projet.
« La scénographie est un art que je ne maîtrise pas mais c’est un travail personnel avant tout »
Arsène Passamani, alias Senar
« La scénographie est un art que je ne maîtrise pas mais c’est un travail personnel avant tout. » Une forme de thérapie personnelle qui l’ouvre au monde, et lui façonne une identité. À coup sûr, cette méticulosité, cet intérêt du détail, ne devront plus le freiner dans son développement. « Pour cela, le label et mon entourage privé seront bien aidants », avoue-t-il.
La signature avec le label Blizzard Audio Club
« Je dois avouer que le processus aurait été bien plus long sans la structure de Blizzard Audio Club. Certains y voient une contrainte, pour moi c’était un tremplin. » Arsène a vu l’opportunité de finaliser son projet d’album au sein du cadre plus structuré qu’offre son label. Avant la signature chez Blizzard Audio Club, l’artiste a toujours eu de la peine à venir à bout de ses idées, à les matérialiser de façon plus soignée et plus professionnelle, d’autant plus dans un projet solo. « L’entrée dans le label a été gratifiante. C’était ambitieux de quitter un groupe pour assurer seul. Je suis satisfait que le travail que j’ai mené ces dernières années ait été rapidement remarqué. »
L’entrée de Senar dans le label est, en réalité, l’aboutissement d’une rencontre imprévue. Les premiers textes en musique publiés par Arsène remontent à l’année 2018, lorsqu’il dévoile un premier titre, “Départ”, entièrement autoproduit. Quelques mois plus tard, à la fin de la même année, après ses quelques apparitions en groupe, il commence à travailler sur l’écriture d’un premier album “Petit Prince”, sorti fin 2019 et dont un des titres, “11 décembre” sera joué en promotion lors de l’émission Nayuno sur Couleur 3. C’est à cet instant qu’Etienne Bel, directeur artistique de Blizzard Audio Club, le contacte. Une première rencontre entre les deux a eu lieu en mars 2020, un contrat à la clef – signé un mois plus tard.
« Le cœur des productions du label concerne avant tout le milieu de la musique électronique. Mais avec Senar, il s’agissait plus d’un coup de cœur »
Étienne Bel, directeur artistique du label Blizzard Audio Club
Cette rencontre relève de l’imprévu, d’autant que le label en question n’avait, avant Senar, jamais signé de contrat avec des artistes ou groupes issus de la scène hip-hop, rap. Ainsi, la sortie de l’album “L’aimant” fin mai se révèle, pour tout le monde chez Blizzard, un peu inhabituelle. « Le cœur des productions du label concerne avant tout le milieu de l’électronique, explique Etienne Bel. Nous donnons beaucoup de corps aux musiques plus expérimentales et contemplatives qui forment le tronc de la direction artistique du label. Mais en écoutant Senar, je trouvais dommage de nous restreindre à un seul genre, ou sous-genre de musique. Pour nous, il s’agissait d’un coup de cœur artistique. »
Fraîchement créé, en juin 2019, le label donne surtout un grand crédit à l’ambition du jeune Arsène et à son perfectionnisme. « Senar est un artiste qui sait se remettre en question et reste à l’écoute des conseils. Il sait prendre du recul sur son travail et ne se braque pas à la moindre critique. Cette agilité est nécessaire pour nous assurer de la bonne relation entre le label et l’artiste », poursuit Etienne, avant de conclure: « C’est toujours une prise de risque que de laisser une grande liberté aux artistes. Mais, en contrepartie, nous devons pouvoir tisser un lien solide de confiance. »
Une adaptation par l’image
En parallèle à la sortie de son premier single “Suspendu”, Arsène Passamani a également tourné un clip vidéo qui accompagne le titre. La réalisation du film a été confiée à Antonin Dutoit et son collectif Amorce. Cette collaboration entre les deux hommes n’est, elle aussi, pas nouvelle. C’est déjà Antonin qui avait tourné le premier clip de Senar lors de la sortie du titre “Petit Prince” en 2018. Mais il s’agissait d’une époque où l’un comme l’autre n’étaient encore que des amateurs passionnés. En deux ans, en revanche, l’évolution est palpable. « Sur le plan technique, avec le temps et avec plus de recul, le rendu est plus percutant. Nous le ressentons tous les deux; on en apprend par tout le monde et en continu. Le partage entre artistes est pour moi très important », explique, souriant, Arsène.
De fait, entre Senar et Antonin, l’échange est constructif. Les discussions menées tournent toujours vers l’amélioration et le perfectionnement de l’identité visuelle des morceaux proposés. Le tout avec peu de moyens réels mais avec une fourmilière d’idées innovantes. « J’ai toujours eu la tendance à dessiner des images qui colleraient bien à ma musique. Je pense avoir une imagination assez créative pour parvenir à une ébauche intéressante de clip. » Et tout passe par l’instinct, lui qui n’aime pas gribouiller, noircir du papier. Son vivier d’idées n’existe que dans sa tête. Et ses paroles de chanson sont écrites sur une application de son téléphone portable. « La technologie des smartphones offre des possibilités incroyables mais cela comporte aussi quelques défauts: la dispersion des idées. »