L’empire musical familial des Zamaros

La musique est de raison dans la famille Zamaros. Donna [à gauche], Vikki [à droite] et leur père Panayotis [au centre] ont fait de leur vie un rêve musical enchanté. D'abord connus sous le nom de Dr. Z Trio, puis Eyrydream, les trois artistes suivent désormais de près la carrière solo de l'aînée des deux fille, Donna Zed. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Belmont-sur-Lausanne]

Panayotis Zamaros s’est adonné depuis plusieurs années maintenant à son empire musical. Aussi, ce que l’on appelle “empire” aujourd’hui n’est rien d’autre qu’une réussite personnelle familiale, aux côtés de son épouse Khun Mam et notamment de ses deux filles Donna et Vikki Zed, toutes deux emballées dans un projet musical prospère en Suisse mais aussi à l’étranger. Une réussite qui est pourtant partie d’une résidence un peu particulière sur les hauts de Belmont-sur-Lausanne. On a fait un tour d’horizon de l’étendue musicale de cette famille bercée à la tonalité rock.

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L’histoire (récente du moins) des Zamaros débute en 2007. C’est l’année des premiers émois musicaux, celle qui voit la création d’un premier projet qui n’hésite pas à intégrer deux jeunes filles au talent déjà remarquable. Donna (alors 9 ans) au piano et Vikki (7 ans) à la batterie forment ensemble avec leur père, versé quant à lui à la basse et à la guitare, un complexe fort spécial du nom de Dr. Z Trio. Toutes les composantes du pur rock sont naturellement rassemblées, chacune des deux filles élevant son imagination dans un domaine instrumental très précis. Et en réalité, chacune suit déjà un parcours des plus détaillés. Vikki, justement, se sait motivée par les percussions. Mais déjà de son plus jeune âge, elle sait que pour se révéler en parfaite batteuse, il faut savoir se livrer à un autre instrument – plus raffiné, plus sensible, plus sophistiqué. Batteur de Genesis, Phil Collins l’avait sans doute esquissé avant tout le monde le siècle dernier.

« C’est au même moment, à ses 7 ans, qu’elle choisit avec conviction de vouloir commencer des cours de violon », raconte son père Panayotis, accoudé au plan de travail de la cuisine familiale. Il est alors 17 heures un dimanche de fin décembre et les souvenirs heureux de sa lignée lui esquissent un sourire léger (mais satisfait) sur son visage. Et comme Vikki (classe 2000) est la plus jeune des deux filles, c’est tout naturellement que le récit l’évoque en premier. « Au-delà de la batterie, l’on sentait qu’elle avait un besoin d’harmonie et d’une meilleure musicalité », poursuit Panayotis. Le violon lui a alors permis de s’épanouir. En réalité, la jeune fille n’a pas tiré son exemple bien loin ; son père lui-même a commencé en tant que batteur, puis par la suite bassiste dans les années 1980, avant de se retourner, de la même manière à la guitare depuis maintenant quinze ans. « Je sais aussi quelques accords de base sur un piano mais ce qui reste notoire, dans l’histoire, c’est que chacun et chacune, dans la famille, a su immédiatement trouver sa voie dans la musique », complète-t-il dès lors.

« Chacune de mes filles a sa préférence mais elles ont avant tout été couvées par la musique moderne, si bien qu’elles ont toujours développé des connaissances passives de tous les instruments du plateau pop-rock »

 Panayotis Zamaros

Vient ensuite Donna. Donna Zed. Brillante chanteuse à succès et reconnue sur les berges du Léman. Son deuxième EP “Surrounding Me”, sorti en mai 2019, rencontre une franche réussite. Une réussite qu’elle tire – bien sûr – d’une entière énergie familiale. Si sa carrière en solo entre dans sa cinquième année en 2020, il n’empêche que la jeune femme est active sur scène depuis plus de treize ans. Une éternité pour une fille de seulement 22 ans et dotée d’une oreille musicale au plus proche mozartien. Au clavier et au chant – pour le préciser –, Donna est en réalité l’élément qui résume au mieux la qualité transcendantale de l’entier foyer. « Chacune de mes filles a sa préférence mais elles ont avant tout été couvées par la musique moderne, si bien qu’elles ont toujours développé des connaissances passives de tous les instruments du plateau pop-rock. Aujourd’hui, le choix de Vikki de s’adonner au violon s’ancre parfaitement dans la tradition familiale, si bien que l’instrument fait partie intégrante de la musique de sa sœur Donna. » C’est dire, qu’au sein du Dr. Z Trio, se suffisant presque à elles-mêmes, finalement, les deux jeunes artistes se trouvaient dans l’antichambre d’un projet de plus grande envergure.

L’histoire (récente du moins) des Zamaros débute en 2007. C’est l’année des premiers émois musicaux, celle qui voit la création d’un premier projet qui n’hésite pas à intégrer deux jeunes filles au talent déjà remarquable. Donna (alors 9 ans) au piano et Vikki (7 ans) à la batterie forment ensemble avec leur père, versé quant à lui à la basse et à la guitare, un complexe fort spécial du nom de Dr. Z Trio. Toutes les composantes du pur rock sont naturellement rassemblées, chacune des deux filles élevant son imagination dans un domaine instrumental très précis. Sur la photo, le trio répète dans le sous-sol de leur demeure familiale à Belmont. [ARCHIVES/Zamaros]

La version augmentée, Eyrydream jusqu’à la prise d’indépendance de Donna Zed

Il faut par ailleurs préciser que Donna et sa sœur Vikki ont été bercées depuis toujours par l’énergie de la scène, si bien qu’elles sont montées pour la première fois ensemble sur les planches en 2007 avant même d’avoir vu un concert en live de leur plus grande idole en amont. Leur première expérience de concert en tant que spectatrices est alors advenue plus tard, le 15 novembre 2010, lors de la venue de Lady Gaga au Letzigrund Stadion de Zürich. À cette époque, les deux jeunes filles en étaient de vraies fans. Une autre époque, justement.

La surmultipliée arrive en 2011 ; Dr. Z Trio devient Eyrydream et change de dimension. Le trio père et filles matérialise l’enregistrement personnel d’un premier album et tourne avec une base de compositions pour la plupart déjà signées Donna Zed. Le douze-titres est disponible sur une playlist Spotify, mais ne révèle pas pour autant le tournage secret de mini-films précieusement conservés dans les archives familiales à Belmont. Le trio avait ses propres moyens, il se distinguait par l’artisanal, l’habile et le talentueux. Et c’était heureux. En visite dans la demeure, Panayotis nous aiguille vers des documents d’une importante valeur sentimentale ; les toutes premières compositions de Donna, intégrées au registre de Eyrydream, donnaient déjà une idée certaine de l’étendue d’un talent insoupçonné. La toute première s’intitule “Mon Rêve”, un dérivatif léger du titre éponyme “Eyrydream” qui signifie, en réalité, “le rêve enchanté”. Le rêve d’enfant de Vikki et de Donna, au plus vrai.

D’autres morceaux, à l’aune de “Seasons” – d’une longueur étendue de 15 minutes –, ont été pensés par le papa et intègrent une part entière de violon, dans un style plus jazz et prog que le reste du répertoire. « C’est une entière tranche de vie que l’on retrouve ici dans nos sous-sols. Un pan de réalisations pas peu professionnel pour un projet familial », soutient satisfait Panayotis. Le domicile familial a donc été l’endroit des premières inspirations pour Donna et Vikki, mais dans des styles différents. Artiste plus autodidacte dans les musiques actuelles, Donna s’est longtemps départie de la connaissance et de la curiosité strictement plus académique de sa sœur au Conservatoire et à l’OCGL [ndlr, orchestre des collèges et gymnases lausannois]. Mais elles ont toujours fait valoir leur personnalité au sein de leur groupe. D’autant plus que le trio s’est aussi révélé sur scène un peu partout dans le canton et dans l’entière région romande et en assurant quelques belles invitations ; une série de concerts ont notamment vu monter sur scène la jeune Imelda Gabs, avec qui Donna avait non seulement partagé les bancs des classes de solfège, mais aussi l’envie de réaliser ensemble un travail de maturité.

C’étaient les débuts affirmés, en 2013, de deux jeunes artistes au lancement d’une carrière au plus continentale possible. Sans compter la participation amicale des frères Kenzo et Nikita Giaccari aux guitares, basse mais aussi au saxophone.

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Cette même année a par ailleurs marqué un autre tournant chez les Zamaros, et notamment pour l’aînée des deux sœurs. C’est l’année durant laquelle, à quinze ans, l’artiste a souhaité prendre une certaine autonomie, une prise nouvelle d’indépendance qui aura marqué, à tout compter, le début de sa carrière en solo. Pendant près de deux ans, elle a travaillé sur un pan de nouvelles compositions personnelles qu’elle finira par enregistrer – une première fois à la fin de l’année 2015, puis une seconde en deux jours seulement en Thaïlande –, afin d’aboutir son premier EP “Morphine” en 2017. Son premier seule-en-scène est d’ailleurs advenu à l’occasion de son vernissage à La Datcha, puis au travers d’un mini-tour romand qui s’en est suivi entre Lausanne et Orbe.

« Au final, la musique est éphémère et on l’expérimente dans le présent. Il n’y a dès lors aucun mode d’emploi pour apprivoiser la scène »

Donna Zed

« Au final, la musique est éphémère et on l’expérimente dans le présent. C’est pourquoi, monter sur scène relève d’un apprentissage constant, presque éternel. À chaque occasion, il est nécessaire de canaliser, un peu plus ou un peu moins, sa propre énergie. Il faut simplement en prendre conscience et ne pas chercher inutilement d’inexistants modes d’emploi pour apprivoiser la scène », nous racontait alors la jeune femme lors d’une précédente rencontre en avril 2019. C’est en février 2018, alors en pleine préparation du second opus, que la jeune femme retrouve la scène internationale ; à Hambourg, Essen puis Amsterdam, elle assure seule la première partie de Steven Wilson devant 6’000 personnes et s’établit dans une nouvelle dimension, là encore.

La surmultipliée arrive en 2011 ; Dr. Z Trio devient Eyrydream et change de dimension. Le trio père et filles matérialise l’enregistrement personnel d’un premier album et tourne avec une base de compositions pour la plupart déjà signées Donna Zed. Sur la photo, Vikki Zed se distingue sur sa batterie aux formes réfléchies. [ARCHIVES/Zamaros]

La rencontre avec Steven Wilson, le début d’une carrière continentale et le lancement du Belmont Rock School

La pleine histoire de la rencontre avec le chanteur et compositeur britannique, connu pour avoir mené le groupe de rock progressif Porcupine Tree de 1987 à 2010, avant de s’engager dans une carrière en solo, vaut le détour du récit. Et celui-ci débute en novembre 2013 – petit retour en arrière. Steven Wilson n’est pas bien loin ; il se produit à la salle des Docks, au centre de Lausanne. Panayotis Zamaros en profite ; il s’approche de lui lors d’une séance de dédicace et lui adresse avec conviction un DVD du groupe Eyrydream datant de quelques mois en arrière, en 2012. Comme il est de courtoisie de le faire, l’artiste britannique accepte le présent et promet d’y jeter un coup d’œil avide. Le trio familial, entretemps, d’apprête à vivre le concert du haut du balcon des Docks sans se douter, qu’à la fin, l’artiste avait déjà tenu parole.

Au terme de la représentation, un membre du staff interpelle Panayotis, reconnaît du coin de l’œil Donna et sa sœur et les prie, ensemble, de patienter quelques minutes aux abords de la scène, où il se verront offrir l’opportunité de rencontrer l’artiste en backstages. Dans les couloirs, Donna – la chanteuse bien sûr – tape déjà dans l’œil de l’ensemble des musiciens et accompagnateurs de Steven Wilson. En réalité, l’ensemble de la troupe la reconnaît ; son DVD avait été visionné en public, dans le bus de production et y avait assurément fait belle impression. Il n’est nullement utile de préciser que la collaboration artistique venait de débuter, un courant de bonne entente passe entre les deux artistes – Donna finira par écumer plusieurs salles de concert en Europe, tant en première partie de Steven Wilson, mais aussi en pleine collaboration (en tant que seconde voix) avec le groupe grec Until Rain, avec lequel la jeune femme avouait avoir redécouvert le métier sous un versant nouveau.

« Mes concerts hors de Suisse – et surtout en tant que deuxième voix – m’ont appris à écouter la musique d’une autre manière. Sans aucun doute, la voix chorale réfléchit nettement plus que la voix principale », expliquait alors Donna. Mais le facteur premier de cette nouvelle expérience était aussi autre ; c’était bien le début d’une pleine carrière continentale, loin de Belmont.

« Nous voulions, dès le début, laisser la possibilité à de jeunes pratiquants de penser leur musique dans le cadre d’un atelier de production et de répétition »

Panayotis Zamaros
En 2013, Donna (à gauche) et Vikki (à droite) rencontrent Steven Wilson aux Docks à Lausanne. Le début d’une aventure… [ARCHIVES/Zamaros]

À Belmont, au même moment justement, la famille Zamaros engage un nouveau projet ; cette année 2013 – toujours – coïncide avec la création ambitieuse de l’association “Belmont Rock School” dont le but premier est dédié à la formation (en groupe) de jeunes et moins jeunes talents, déjà versés aux affaires de la musique moderne. « Nous voulions, dès le début, laisser la possibilité à de jeunes pratiquants de penser leur musique dans le cadre d’un atelier de production et de répétition », raconte alors Panayotis.

Cet atelier est développé au domicile familial, si bien qu’aujourd’hui, l’entière demeure est consacrée à un lucre musical – passionné et pluriel. Le salon est même, plusieurs fois dans l’année, vidé et réaménagé en salle de concert d’une soixantaine de place. « Juridiquement, l’association est considérée en tant que telle. Mais en vrai, le Belmont Rock School est surtout enfant de cœur du projet de la famille Zamaros, qui prend aussi le soin de l’agrandir et de la diversifier. » De façon telle qu’en 2014, une année plus tard, la School est agrémentée d’une nouvelle entité : « Music Groove », un magasin d’instruments de musique géré par la société et label “Zamaros Musique”.

Le dessein est alors d’y permettre une synergie entre l’acquisition d’instruments et le maintien d’un espace de création au sein duquel les jeunes pratiquants sont toujours invités à suivre des cours de musique individuels, dont la plupart sont notamment dispensés par Vikki (à la batterie) et Donna (au clavier, et au chant). Panayotis, quant à lui, dispense les séances de guitare. Et la notoriété de Donna y fait bien quelque chose ; en pleine collaboration active avec Until Rain, l’ensemble des membres du groupe originaire de Thessalonique est venu plusieurs fois répéter – en résidence – son propre répertoire dans les locaux des Zamaros (et ce, pour deux albums). Ils ont joué dans leur “laboratoire”, y ont séjourné quelques jours et ont même contribué à la dispense de certains cours et ateliers de production.

« À l’époque, je ne me rendais pas nécessairement compte si les jeunes qui venaient tester leur musique dans notre Belmont Rock School avaient vraiment la conscience de la chance qu’ils avaient », raconte alors Panayotis. « Même qu’une fois, nous avions invité le chanteur du groupe [ndlr, Cons, son nom] seul à venir collaborer avec nous. Il est venu et s’est donné avec passion dans l’exercice de la transmission. C’était une époque vraiment extraordinaire. » C’est le monde dans lequel Donna et Vikki, en tant que pleines artistes, sont nées. Rien que cela ! Avec leur groupe, comprenant également Téo Ziga à la basse et Victor Despland à la batterie, elles seront en concert le 14 mars prochain à Yverdon-les-Bains. À ne pas manquer.