Le XV féminin de l’Edelweiss est décidément dans le coup au niveau européen. Les Suissesses ont largement dominé les débats lors de leur affrontement face à la Finlande samedi après-midi au stade municipal d’Yverdon-les-Bains – cinq essais, aucun subi (32-0). Il faut dire que depuis la prise en main, à l’été dernier, du management de l’équipe par Aurélie Lemouzy et le travail de qualité auprès des instances supérieures initié par Veronika Mülhofer, la condition du XV féminin national a grandement évolué. D’une vingtaine de filles concernées par l’équipe nationale au début de l’année 2018, elles sont désormais plus de 70 dans les rangs à espérer un jour une sélection avec le maillot de l’Équipe de Suisse. Une immensité, en réalité. « Sur ces 70, seules 35 ont été sélectionnées pour les rencontres du mois de novembre, ce qui constitue une nouveauté pour le contingent de joueuses en Suisse », assure Aurélie Lemouzy. « Auparavant les 23 filles présentes sur les feuilles de match étaient – à très peu près – les seules aptes et disponibles à une sélection avec l’équipe nationale. Aujourd’hui, pour les coaches, il s’agit de faire des choix. » Et des choix gagnants…
Au(x) lendemain(s) des Championnats d’Europe de Madrid en 2016, l’équipe de Suisse féminine de rugby a connu une forme de mutation aussi subtile que radicale. Non pas qu’on y ait fait table rase du passé, bien au contraire. En un peu plus de deux ans, la Fédération suisse a pu compter sur un entier travail de profondeur de ses premiers responsables de formation. Et en plusieurs étapes. Et aussi naturellement qu’il soit, il a surtout été question d’élargir la base de jeunes filles intéressées et engagées par le rugby du pays. D’un peu plus d’une vingtaine de jeunes passionnées alors, le contingent national s’est vu grandi ces trois dernières années : depuis l’été 2018, elles sont plus de 70 à avoir connu un stage d’entraînement auprès du staff de l’Équipe de Suisse, parmi lesquelles seules 35 ont connu la joie d’une sélection pour les deux premières rencontres du Trophy – la deuxième division européenne –, en République Tchèque (défaite 15-5) et face à la Finlande en ce mois de novembre à Yverdon-les-Bains (victoire nette et sans bavure 32-0).
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Autant dire que pour cette nouvelle saison à peine débutée, la nationale féminine s’est prêtée à une remise en forme de qualité autant qu’à une cure bénéfique de jouvence ; un tiers de l’équipe alignée à Yverdon ce samedi dernier avait moins de 25 ans, comptant même la sélection remarquée d’une U18 : Manon Meunier, entrée à la 58e minute alors que la Suisse venait d’inscrire sa première et seule pénalité de la rencontre par Louise Kuss (18-0). Autrement dit, avec la présence de la jeune femme de 17 ans sur le terrain, les Helvètes ont tout de même inscrit 14 points supplémentaires au score, grâce à l’engagement fort remarqué des avants et de la ligne des trois-quarts – Rahel Bosshard, Marion Ernest et Carole Casparis (dès la 43e minute). « Les avants n’avaient pas été assez récompensées en République Tchèque », assurait alors au terme de la rencontre l’entraîneur principal de l’équipe Emmanuel Revert. « Mais le travail a opéré ces derniers jours, l’on est parvenus à rétablir la connexion entre les avants et les trois-quarts. Il n’est jamais facile de jouer en avançant [ndlr, la Suisse ne concédait que très peu de terrain à la Finlande sur l’ensemble des 80 minutes de jeu] mais aujourd’hui, elles ont démontré que c’était possible de le faire. »
« Que l’on parvienne à maintenir le rythme malgré les changements d’individualités est une marque de très bonne santé de l’équipe. Ce n’est plus un match à XV, mais un match à 23, où toutes comprennent les enjeux de concurrence qui y sont soulevés »
Emmanuel Revert, entraîneur principal de l’Équipe de Suisse féminine
« Cela ne veut pas rien dire de remporter un match au niveau européen, surtout quand l’on bénéficie d’un groupe rajeuni. La construction de l’ensemble de l’équipe passe par de bons moments et par des victoires – retentissantes – surtout », complétait Manu Revert. Fortes d’un score final sans le moindre point encaissé, ces 23 filles (présentes sur la feuille de match) ont assuré que la mise en formation de l’entier contingent se révèle efficace, une première très grande réussite pour la famille du rugby suisse. « Tout est passé par l’état d’esprit ; le mot d’ordre était d’attaquer – partout et tout le temps – sans ne jamais laisser l’initiative aux adversaires. Il a fallu faire preuve d’intelligence tactique et de force mentale pour y parvenir et cela démontre qu’il commence à y avoir une bonne osmose entre les anciennes et les nouvelles », poursuivait toujours Revert. C’est que cela se voit, à œil pratiquement nu ; avec l’entrée massive du banc des remplaçantes dès les premières minutes de la seconde période – huit filles entrées entre la 38e et la 63e, soit un changement par moitié de la formation titulaire –, la qualité de jeu ne s’en est jamais sentie altérée. La volonté des nouvelles entrantes a, au contraire, apporté ce vent de fraîcheur tant nécessaire pour l’ergonomie générale d’un match de rugby à XV. « Que l’on parvienne à maintenir le rythme malgré les changements d’individualités est une marque de très bonne santé de l’équipe. Ce n’est plus un match à XV, mais un match à 23, où toutes comprennent les enjeux de concurrence qui y sont soulevés », relève toujours l’entraîneur.
![SUI_FIN_002 L'arrivée de Nick Blackwell au sein du staff de l'Équipe de Suisse a eu ses effets: « Son travail sur les mêlées et les touches porte désormais son sceau, il faut lui rendre ses grandes qualités de coaching sur les phases importantes du jeu », notait la capitaine Nicole Gerber-Imsand. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Yverdon-les-Bains]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/11/sui_fin_002.jpg?w=623&resize=623%2C416&h=416#038;h=416)
Éviter toute déconnexion générationnelle au sein de l’équipe
« L’économie générale de l’équipe va dans le bon sens mais il y a encore des batailles à mener sur la durée ; il faut sans cesse rappeler l’importance de l’historique de l’équipe nationale féminine », rappelle pour sa part la manager de l’équipe Aurélie Lemouzy. Car changement de génération, il y a eu ces derniers mois ; l’équipe nationale féminine a, en effet, enregistré les départs “en retraite” de plusieurs de leurs individualités cadres. Avec le départ de Claire Pagnot – ancienne leader du groupe contrainte à l’abandon à la suite de blessures répétées et insuffisamment remédiées – et d’Esther Duss, le XV de l’Edelweiss a inévitablement perdu en expérience (ce qu’elle aura, en revanche, gagné en régénération d’effectif). Et si l’on rajoute les absences de Sabrina Walti (blessée depuis le mois de mai dernier), Lalline Da Silva et Selina Fux (blessées également), il aura immanquablement fallu une puissance de relève pour le renouveau de la campagne européenne en cette fin d’année 2019.
« Je dois absolument rendre hommage à Bina [ndlr, Walti] qui m’avait prise à ses côtés en tant que vice-capitaine en début d’année », salue l’actuelle capitaine nationale Nicole Gerber-Imsand, sortie sur blessure vers la fin contre la Finlande (79e). « Mais je dois dire que je reste hyper fière du renouveau que connaît l’Équipe de Suisse ces derniers mois avec l’intégration de nombreuses jeunes joueuses de 17 ans. » La manager Aurélie Lemouzy abondait : « Il y a un grand respect entre les joueuses et cela est relatif à l’histoire de l’équipe ; Sabrina était présente dans le groupe qui est allé à Madrid en 2016 et qui s’était engagée pour le re-lancement de l’Équipe nationale. » Et cela ne s’oublie pas… Il faut dire, en attendant, qu’au-delà de Sabrina Walti, l’exemple d’Esther Duss traduit (également et presque à lui seul) le passage de témoin entre l’ancienne et la nouvelle génération : « Esther était en équipe nationale depuis 17 ans [ndlr, soit autant que l’âge des nouvelles arrivées]. Elle faisait partie de cette génération de joueuses qui ont énormément donné pour la Suisse et qui ont tout fait ces dernières années pour que leur travail perdure auprès de la nouvelle vague », raconte Aurélie Lemouzy. « Elle est sans aucun doute partie en retraite sereinement en sachant pertinemment que l’héritage était définitivement assuré. »
« Esther était en équipe nationale depuis 17 ans et faisait partie de cette génération de joueuses qui ont énormément donné pour la Suisse et qui ont tout fait pour que leur travail perdure auprès de la nouvelle vague »
Aurélie Lemouzy, manager de l’Équipe de Suisse féminine
Ces derniers mois, au-delà des nombreuses néophytes (au nombre de six, dont l’actuelle capitaine Nicole Gerber-Imsand) déjà intégrées lors de la campagne européenne précédente, elles sont plusieurs jeunes à avoir fait leur entrée en équipe nationale ; Charline Graf, Marion Ernest, Marina Leimgruber, Emily Marclay, Heather Cegla, Sophie Morsher et Rebekka Hosch appartiennent toutes de la même relève générationnelle, auxquelles s’ajoutent la buteuse Louise Kuss (entrée à la 52e minute et auteur de sept points) et Mauranne Krieg (53e) ayant toutes deux connu leur première cape ce week-end face à la Finlande à Yverdon. « L’équipe n’est pas complètement nouvelle depuis 2016 mais la tendance est évidemment au renouvellement, grâce aussi au fait d’avoir deux vrais championnats de rugby féminin en Suisse depuis l’été 2018 », précise Aurélie Lemouzy. Ce à quoi s’ajoute la création de l’Équipe de Suisse U18 dans la même période et qui s’entraîne désormais de façon régulière dans le Tri-Nations (avec la France et l’Italie). « Que trois filles U18 aient pu s’entraîner ces derniers jours avec les Élites est très réjouissant, c’est qu’il y a une vraie communication entre les staffs des deux équipes. La symbiose entre les deux est nécessaire ; les staffs U18 et Élites doivent pouvoir sans arrêt communiquer sur leurs besoins respectifs. »

Un changement de paradigme
La réalité de l’Équipe de Suisse ne va toutefois pas sans rappeler l’entier travail de l’ombre (parfois) mais très formateur (toujours) opéré par les différents clubs du pays, entre la LNA et la LNB, y compris par les plus petites formations, nées il y a peu. Quatre clubs ont, par exemple, mis sur pied un programme de remise à niveau pour les filles aspirant à l’équipe nationale : trois ayant été tenus avant le départ pour Brno début novembre (à Monthey, Bâle et Avusy), puis un quatrième à Saint-Gall il y a quelques jours. Et c’est plus particulièrement à l’occasion de ces retrouvailles “en famille” que la prise en considération de l’évolution de l’entier contingent national est mesurée ; sur les dizaines de jeunes aspirantes (passant bientôt le cap de la centaine ces prochains mois), il aura désormais été question de faire des choix de sélection entre les différents talents à disposition. Pas évident pour les entraîneurs, d’autant plus quand il s’agit de la toute première fois qu’un tel criblage est rendu nécessaire. « L’on est entré dans une situation très positive où désormais les clubs, eux-mêmes, proposent des filles pour une sélection en équipe nationale. La base s’élargit, mais cela implique désormais de faire le bon choix de sélection. Et cela est nouveau pour tout le monde », détaille Aurélie Lemouzy.
« Tous les postes sont désormais triplés », explique pour sa part la capitaine Nicole Gerber-Imsand. Cela signifie que pour chacun des 15 postes à pourvoir dans le XV de base – titulaire –, il existe un réservoir de prétendantes trois fois plus grand, trois fois plus fourni qu’auparavant. Cet auparavant étant l’équivalent d’il y a quelques mois seulement. « Nous n’avons assurément pas l’habitude d’être en concurrence entre nous, c’est définitivement quelque chose de nouveau et cela se remarque assez nettement », poursuit la capitaine. « Cela nous a valu quelques (belles) surprises lors de notre dernier rassemblement à Avusy. Nous avons vraiment joué, à cette occasion, à – ce que notre coach a qualifié de – “balles réelles” ; chacune des joueuses a tenté de s’illustrer sous son meilleur jour. Les personnalités se sont révélées et les entraînement sont désormais devenus des opportunités réelles de montrer ce que l’on vaut. »
« Pour certaines, il est vraiment question de changement de paradigme ; c’est peut-être plus difficile pour ces filles qui étaient jusqu’à maintenant dans leur propre zone de confort »
Aurélie Lemouzy, manager de l’Équipe de Suisse féminine
Et le changement est d’autant plus crucial pour les joueuses de l’ancienne garde : « Pour certaines, il est vraiment question de changement de paradigme ; c’est peut-être plus difficile pour ces filles qui étaient jusqu’à maintenant dans leur propre zone de confort », précise Aurélie Lemouzy avant de poursuivre : « Tandis qu’on peut y voir refléter un effet de génération ; les plus jeunes joueuses apparaissent plus relâchées face à ce “stress” de la sélection. Elles savent que si la sélection n’advient pas, elles devront continuer à travailler au sein de leur propre club. » Ce qui est sûr, c’est qu’à tous les niveaux, il est ressenti ce quelque chose de (vraiment) nouveau. La dimension – de l’Équipe de Suisse – a alors véritablement changé. Et c’est très bien ainsi.
Cette nouvelle campagne européenne a aussi connu une arrivée supplémentaire, pas si banale ; l’ancien entraîneur des Cern Wildcats – champion de Suisse de LNF-A en juin 2018 –, Nick Blackwell a rejoint le staff de l’Équipe de Suisse. De son air so english, il a amené l’ensemble de sa jeune expérience de coach au profit de la nationale et cela vaut son pesant d’or. « Je ne peux pas à proprement parler de soulagement, mais il est vrai que la venue de Nick a grandement facilité ma tâche à la tête de l’équipe », explique alors Emmanuel Revert. « C’est une extraordinaire plus-value pour nous ; il a amené toutes ses connaissances et il s’occupe désormais des avants. Et moi des trois-quart, toujours avec la même vision de jeu que nous partageons depuis toujours. » Ceci d’autant plus que l’homme est un fin connaisseur des championnats suisses de rugby. « Et cela était un des critères les plus importants. Il est, en effet, nécessaire d’avoir un coach qui soit “vivant” en Suisse et qui puisse faire le tour des championnats le week-end pour le repérage des jeunes filles. Il s’avère utile de faire de l’anticipation sur certains postes clefs », complète Aurélie Lemouzy. « Son travail sur les mêlées et les touches porte désormais son sceau, il faut lui rendre ses grandes qualités de coaching sur les phases importantes du jeu. Et cela s’était déjà vu lors de notre match amical contre France Gendarmerie [ndlr, le 13 avril dernier à Schaffhouse, défaite 22-32] où il avait opéré seul sur le banc de touche », salue pour sa part la Cernoise Nicole Gerber-Imsand.
![SUI_FIN_006 « Il faut avouer que le développement du rugby féminin va dans le bon sens. Le format actuel des compétitions internationales aide de manière intelligente à l’évolution de nos équipes nationales, surtout dans un contexte où – pour les joueuses – un match avec l’Équipe de Suisse s’avère être d’autant plus important que les matches disputés en club », note la capitaine Nicole Gerber-Imsand (4). © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Yverdon-les-Bains]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/11/sui_fin_006.jpg?w=623&resize=623%2C416&h=416#038;h=416)
![SUI_FIN_005 Un entier travail de 3/4: « Elles n'avaient pas été récompensées lors du match contre la République Tchèque mais, cette fois, nos trois-quart ont réalisé un match plein », assurait le coach Emmanuel Revert. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Yverdon-les-Bains]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/11/sui_fin_005.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![SUI_FIN_004 La communication passe entre le duo d'entraîneurs: « C’est une extraordinaire plus-value pour nous ; [Nick] a amené toutes ses connaissances et il s’occupe désormais des avants. Et moi des trois-quart, toujours avec la même vision de jeu que nous partageons depuis toujours. » Sur la photo, la pilière n°1 Oumou Barry. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Yverdon-les-Bains]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/11/sui_fin_004.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
Rugby Europe, un format adapté au développement du rugby féminin suisse
Dans les faits, donc, les Suissesses s’établissent, pour l’heure, souverainement en tête du Trophy, la deuxième – meilleure – division européenne, derrière le Championship et hors tournoi des Six Nations, inaccessible. La saison dernière, l’Équipe de Suisse avait terminé deuxième d’un championnat qui comptait alors trois équipes (avec la République Tchèque et la Finlande, déjà elles). Cette année, une équipe est venue se greffer à cet échelon du rugby européen ; l’arrivée de la Suède permet dès lors d’animer un peu plus le calendrier des matches internationaux pour le rugby féminin, à un niveau qui n’existait pourtant pas avant 2018. « Il y a deux ans, il n’existait pas de compétition officielle adaptée pour la Suisse et ces trois autres équipes de notre championnat. Il n’existait pas de programme pour une deuxième division européenne de rugby à XV », explique dès lors Aurélie Lemouzy. « C’est lorsque Veronika [ndlr, Muelhofer, commissaire suisse à World Rugby] a convaincu Rugby Europe, en été 2018, de relancer le Trophy que nous avons pu commencer à disputer des matches européens. »
« Il n’est pas fait bonne publicité d’un tournoi où une équipe perd de 100 points tous ses matches, au-delà de l’aspect évident de sécurité pour les filles »
Aurélie Lemouzy, manager de l’Équipe de Suisse féminine
En réalité, dès lors, pourquoi ne pas avoir simplement intégré la Suisse, la République Tchèque et la Finlande dans une première division élargie ? Simplement pour une question évidente de niveau de jeu. Si bien que – malgré qu’il s’agisse de la deuxième année que le Trophy a été relancé – aucun système de promotion/relégation n’a été pour l’heure envisagé par la Fédération européenne de rugby, aussi car en pleine période de qualification pour la Coupe du Monde 2021 en Nouvelle-Zélande (que se disputent actuellement l’Allemagne, les Pays-Bas, la Russie et l’Espagne). « L’approche de Rugby Europe n’est pas nécessairement stupide ; leur but est d’éviter qu’une équipe soit promue en Championship sans en avoir pleinement le niveau. Il n’est pas fait bonne publicité d’un tournoi où une équipe perd de 100 points tous ses matches, au-delà de l’aspect évident de sécurité pour les filles », statue toujours la manager de la nationale. Ainsi, les changements y apparaissent très incrémentaux d’année en année ; l’intégration de la Suède fait déjà partie de ceux-ci. « Un système de promotion entre les deux Conférences européennes est en discussion pour la saison 2020-2021. Nous l’espérons fortement mais nous comprenons aussi les réserves actuelles qui sont celles de Rugby Europe », évoquait pour sa part Nicole Gerber-Imsand avant de continuer : « Il faut avouer que le développement du rugby féminin va dans le bon sens. Le format actuel des compétitions internationales aide de manière intelligente à l’évolution de nos équipes nationales, surtout dans un contexte où – pour les joueuses – un match avec l’Équipe de Suisse s’avère être d’autant plus important que les matches disputés en club. » L’enjeu patriotique y est fort au sein de la nationale… et ce malgré la fréquence encore timide des rassemblements entre les sessions d’été et d’automne (six rassemblements pour la nationale de rugby à 7 et six pour le XV par année civile). Sans compter qu’il manque 165 jours d’ici à la prochaine et dernière rencontre du championnat ; l’occasion d’y jouer le titre, en cas de victoire bonifiée à Norkoping, en Suède le 9 mai 2020.
Le XV de l’Edelweiss masculin croule sur le tard face à la Pologne (20-23)
La déconvenue n’a rien d’éliminatoire, bien au contraire. L’Équipe de Suisse est, potentiellement, toujours en lice pour une promotion en Championship, parmi les six meilleures équipes européennes. Mais pour cela, il servira un exploit – soit en Allemagne en février prochain, soit contre les Pays-Bas à Plan-les-Ouates en mars. Sans compter une nécessaire victoire à Kiev le 9 mai 2020. « Tout est encore possible. Nous n’avons certes pas choisi le chemin le plus simple, mais c’est toujours comme ça, en réalité », commentait serein l’entraîneur suisse Olivier Nier.
Il faut dire que contre la Pologne – un adversaire de taille par la fermeté, autant que par la puissance dégagée par leurs individualités –, la Suisse a eu ses chances. En première période surtout. Après avoir mené de sept points grâce à un essai de Corentin Delabays (24e, 13-6), puis bénéficié, deux minutes plus tard, de l’infériorité numérique de leurs adversaires (pour un carton jaune à l’encontre du pilier polonais Thomas Fidler), le XV de l’Edelweiss aurait parfaitement pu clore la rencontre. Mais le second acte fut trop timide ; tenu pratiquement tout du long dans le camp helvétique. À 20-15 en faveur des Suisses, c’est un essai de l’arrière Patryk Reksulak qui permet à la Pologne de recoller (63e), avant qu’elle finisse par passer l’épaule six minutes plus tard sur une énième pénalité du numéro 10 Jedrzej Nowicki (69e, 20-23). « Nous n’avons pas eu assez de bons ballons en seconde mi-temps; nous avons réalisé un match courageux mais toujours en courant derrière le ballon. En sport collectif, de toute évidence, la réalité est toujours la même: si l’on manque nos opportunités lorsque nous en avons l’occasion, l’on finit toujours par le subir contre soi », constatait alors Olivier Nier.
« Même en gardant la même première ligne les 80 minutes durant, nous avions certainement les ressources morales et mentales pour parvenir à l’emporter »
« Les meilleurs groupes se construisent dans la difficulté », poursuivait-il alors. Et des coups durs de dernière minute, il y en eut. À commencer par la blessure à l’entraînement, la veille au soir, de Dorian Hustaix (pointe au mollet), suivie de l’indisponibilité au petit matin de Dominic Gorman (malade) ; en quelques heures, le XV suisse venait de perdre ses deux piliers. « Mais face à ces imprévus – en gardant la même première ligne les 80 minutes durant –, nous avions certainement les ressources morales et mentales pour y parvenir. » Quand bien même face à une équipe qui aligna, à Yverdon, sa meilleure formation – forte des nombreuses individualités évoluant dans les championnats majeurs de l’Hexagone. Ce qu’il en reste, toutefois, c’est que la Suisse a joué un match en pleine intensité – avec quelques failles certes – mais avec une vitesse qui les caractérise toujours. Les 1’500 spectateurs en auront certainement pris la mesure.