Tadesse Abraham plus rapide qu’attendu sur les 42km de Corniche

Le Genevois Tadesse Abraham s'était préparé sur une base temps de 2h20, soit un extra à près de 12 ou 13 minutes de son record de Suisse. Il aura finalement couru plus rapide que prévu, en terminant après 2h11'58. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Doha]

Envoyé spécial à Al Corniche, Doha (Qatar)

Leninisa Desisa est seulement le deuxième Éthiopien à remporter le marathon dans un championnat du monde. Avant sa victoire, Gezahegne Abera restait le seul de son pays à être parvenu sur la plus haute marche du podium à Edmonton en 2001. À Doha, finalement, le marathon hommes s’est déroulé dans des conditions sensationnellement plus favorables que celui des dames; le seul Suisse engagé, Tadesse Abraham, l’a vécu calmement. Peut-être même un peu trop sur les 35 premiers kilomètres. En accélérant la cadence un peu plus tôt, il en va de conviction qu’il aurait pu décrocher une deuxième médaille suisse dans la discipline après celle de Viktor Röthlin à Osaka en 2007. Nous avons rencontré ces deux marathoniens du pays au Qatar.

Au Qatar, l’on n’aura certainement pas couru dans les mêmes registres de temps qu’à Berlin il y a de cela une semaine. Si proche d’un nouveau record du monde en 2h01’41”, l’Éthiopien Kenenisa Bekele y avait échoué à seulement deux secondes de la marque d’Eliud Kipchoge, devenant le deuxième homme à courir la distance en moins de 2h02. Il aura cependant fallu un peu plus au duo Éthiopien Leninisa Desisa et Mosinet Geremew pour couvrir l’entier des 42,195 kilomètres de course en circuit fermé sur la Corniche. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela n’est pas nécessairement – ou seulement – dû au climat trop aride dans la capitale du Qatar, quand bien même la chaleur (29,5°C) et l’humidité (72%) étaient trop élevées pour ce genre d’épreuve.

En réalité, sous une légère brise, les 73 athlètes engagés sur la ligne de départ samedi dans la nuit ont bénéficié de conditions assurément plus favorables qu’au premier jour du marathon féminin. Mais ils ont tout de même été 18 à abandonner en cours d’effort, souvent en cause à un rythme trop appuyé dès le départ. Il n’empêche, qu’en 2h10”40, Desisa – qui courait son premier marathon de la saison –, s’en sort plutôt très bien; y compris le médaillé de bronze kényan Amos Kipruto qui ne termine pas très éloigné de sa meilleure marque cette année. Puis – faut-il dire – pas tous les meilleurs marathoniens mondiaux n’étaient présents au Qatar, à commencer par Eliud Kipchoge qui prépare sa tentative de marathon sous la barrière historique des deux heures dans les rues de Vienne. Ce qui n’empêche qu’à Doha, ils restaient, sur le papier, peu à pouvoir réellement prétendre au titre; seuls les hommes aux avants-postes, au vrai, faisaient partie des athlètes ayant déjà couru la distance en moins de 2h10. Le plus prometteur, Mosinet Geremew – désormais vice-champion du monde – avait même détaillé le nouveau record d’Éthiopie en avril dernier en 2h02”55 à Londres, devant ses compatriotes. Il n’est dès lors pas surprenant de constater un doublé éthiopien au finish sur la Corniche, en ce qu’ils étaient – toujours selon leurs statistiques personnelles – les hommes les plus rapides du peloton (2h03’16 pour Mule Wasihun, qui aura finalement abandonné très tôt et 2h04’45 pour le nouveau champion Lelisa Desisa).

« C’est une victoire [ndlr, le doublé] importante pour notre pays et pour moi », lâchait Geremew. « Je suis tout frais, tout nouveau en marathon; être second aux championnats du monde représente dès lors beaucoup pour moi, ma nation et tout mon chacun à la maison », continuait-il, non sans émotion. Derrière, tous les autres – parmi les meilleurs outsiders auxquels appartiennent tant le Suisse Tadesse Abraham (9e) que le Britannique Callum Hawkins (4e) – étaient, par essence, distancés de la tête de course. Mais eux aussi, à le dire, ont réussi une performance de relief sur l’asphalte bouillonnant de la capitale qatarie.

« Le temps passé à Doha a surtout servi à être bien dans la tête. Je savais que je ne partirais pas rapidement, contrairement à beaucoup d’autres athlètes, j’étais préparé à cela »

Tadesse Abraham, marathonien suisse

Sa stratégie de course, Tadesse Abraham l’avait, en réalité, déjà anticipée. En partie, du moins; il s’était préparé sur une base temps de 2h20, soit un extra à près de 12 ou 13 minutes de son record de Suisse. Il aura finalement couru plus rapide que prévu, en terminant après 2h11’58. En cela, il s’agissait surtout d’assurer ne pas perdre trop d’énergie sur un départ poussif, ne pas s’époumoner inutilement sur les 30 premiers kilomètres de course, quitte à donner une impulsion majeure vers la fin d’épreuve. C’est bien ce qu’il a fait. « Le temps passé à Doha a surtout servi à être bien dans la tête. Je savais que je ne partirais pas rapidement, contrairement à beaucoup d’autres athlètes, j’étais mentalement préparé à cela. J’ai testé cela avec mon groupe d’entraînement et assuré de maintenir une fluidité dans le rythme engagé. »

C’est cette planification précise qu’il a surtout été important d’appliquer car, sur la Corniche, il ne s’agissait pas de courir à la vitesse mais bien d’entrer dans une endurance renforcée, quand bien même à si basse altitude mais à si haut taux d’humidité; il ne s’agissait donc pas de jouer le chrono, ni même véritablement la place. À Doha, donc, Tadesse a réalisé une course en parfaite indépendance, à l’aveugle, bien loin des conditions qui l’ont porté sur la première marche du podium européen à Berlin en août dernier. « Courir à la place, c’est bien évidemment plus facile que de viser un chrono de référence », lâchait alors le marathonien genevois. « Mais là il s’agissait d’abord de lutter contre la chaleur, l’humidité et la sueur intense. Au-delà de la différence de niveau, il n’y avait probablement rien de comparable avec Berlin. » La répétition générale était sans doute en vue de l’épreuve olympique de Tokyo en août prochain, où le marathon olympique sera donné sur les coups de 5h30 le matin en pleine période de moisson.

« Le but, bien sûr, est de mieux faire là-bas qu’ici, à la différence qu’à Tokyo, il faudra quand même s’assurer de courir contre des concurrents et pas seulement contre les conditions atmosphériques étouffantes. » Mosinet Geremew, à son niveau, l’assurait également: « Il ne s’agira pas de tenir la même stratégie de Doha à Tokyo, mais de l’adapter dans des conditions qui seront similaires à celles que nous avons connues à Doha. »

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Il n’empêche que l’épreuve qatarienne n’était pas sans aller de quelques menus regrets; le Genevois se savait pouvoir espérer sans doute mieux s’il avait fait quelques degrés de plus, paradoxalement. « Nous étions prêts, vraiment prêts pour ce marathon et à ce niveau-ci, je dois dire que plus les conditions étaient difficiles pour les autres, plus faciles elles l’auraient été pour moi. Je m’attendais à ce qu’il fasse plus chaud; avec le matériel que j’avais préparé, j’aurais peut-être eu plus d’opportunités. Je sais que certains coureurs qui terminent devant moi n’étaient pas aussi bien préparés à la chaleur étouffante de Doha, ce qui fait que les conditions plus douces de ce soir aient pu les avantager un peu plus, ou du moins ne pas les désavantager comme je l’aurais souhaité », expliquait-il en zone mixte sur la Corniche, armé d’un justaucorps blanc trempé de sueur mais aussi d’eau très rafraîchie qu’il n’a cessé de déverser sur son chef tout du long des deux heures d’épreuve.

« Je me suis entraîné aussi spécifiquement que possible à Adama, où la chaleur peut s’avérer étouffante comme à Doha », expliquait, pour sa part, le désormais champion du monde éthiopien qui s’entraîne dans le même groupe que Kenenisa Bekele. « Et il est vrai que je dois avouer que les conditions que nous avons eues sur ce marathon n’ont de loin pas été aussi dures qu’attendues. » Il aura donc peut-être un peu tardé pour le Suisse à augmenter la cadence sur la fin de course. Il faut dire qu’établi en 14e position au 36e kilomètre, il s’est armé de vitesse dès le kilomètre suivant pour se rapprocher au plus de la tête de course avec le Bahreïni El Hassan El Abbassi et terminer à seulement 1’10” du champion. Sans doute qu’avec un peu plus de cran, il aurait pu s’établir un peu plus haut dans le classement, mais qu’importe: « J’ai couru très vite les cinq derniers kilomètres. La neuvième place n’est pas mauvaise mais le but était de venir à Doha pour chercher la médaille. J’ai donné tout mon possible et je sais devoir rester fier parce que je ne pouvais vraiment pas donner plus », concluait-il exténué au terme de l’épreuve.

« Ne pas changer ses habitudes, même pour Doha »

Tadesse Abraham a pris une habitude à l’entraînement depuis de nombreuses années; rester en plaine pour tester la vitesse et prendre de l’altitude – en pleine hypoxie – pour améliorer son endurance. C’est pourquoi le marathonien alterne volontiers ses camps entre Genève, où il a élu domicile depuis plus de dix ans et l’Éthiopie qui, à défaut d’être pleinement sa terre natale – il est d’origine érythréenne –, se trouve être (tout comme le Kenya) une formidable terre d’accueil pour les spécialistes du fond. Soit, entre les 375 mètres d’altitude sur le bout du lac Léman et les 2500 mètres des hauts plateaux bordant la capitale Addis-Abeba, la remise en forme programmatique n’est pas tout à fait la même. Et dans les faits, l’athlète de 37 ans s’envole de nombreuses semaines par an en Afrique, où suivant les saisons et les climats, il s’assure de conditionner son corps aux environnements obérés de réserve en oxygène.

C’est là-bas que les principales (re)mises à niveaux sont opérées. C’est là-bas également que le Suisse, tenant du record national en 2h06’40” et champion d’Europe 2018 à Berlin s’est préparé en vue des Mondiaux de Doha en ce mois d’octobre. Non pas que la préparation ait été altérée de détails spécifiques – ceci en vue de supporter les lourdes conditions chaudes et humides des côtes qataries – mais il y a surtout été question d’un dégrossissage mental et psychologique en vue d’une épreuve où la pure prestation chronométrique ne lui aurait servi d’aucun appui salutaire. « Il s’agira dans un premier temps de terminer la course », assurait-il – non sans une pointe d’ironie – jeudi après-midi en conférence de presse, à quelques jours d’entrer en lice dans la nuit qatarienne. Ses précautions lui ont aussi été utiles sur son code vestimentaire durant le marathon; il a privilégié un habit moulant au travers duquel il lui permettrait de rester plus facilement réfrigéré dès lors qu’il l’imbibait d’eau froide lors de chaque ravitaillement.

« Ce n’est pas comme dans un sauna mais, dans ces cas-là, le corps commence à transpirer et la chaleur sert généralement de facteur naturel pour l’évacuer et l’évaporer. Or, avec cette humidité, ce système n’est plus fonctionnel, ce qui fait que l’on a d’autant plus l’impression d’avoir chaud et d’être au bout de nos limites. C’est pourquoi, il fallait y pratiquer le cooling – avec du Liquid Ice – à temps régulier, environ tous les cinq kilomètres », précisait l’ancien marathonien suisse Viktor Röthlin. Cette solution a été préférée à toute autre de type pharmaceutique ou médicinale, laquelle aurait pu constituer un risque certain pour sa santé: « Il est toujours préférable d’éviter les médicaments dans ce genre de situations », poursuivait-il. « À Barcelone [ndlr, lors des championnats d’Europe en 2010, lors duquel il a été sacré], certains avaient des patches qui aidaient à conditionner leur corps mais il leur a fallu les enlever après les cinq premiers kilomètres. C’est que ce n’était pas la solution optimale. »

« Je n’ai jamais vraiment préparé mon corps à être éveillé à partir de minuit, où les signes du corps traduisent toujours une envie de sommeil immanquable »

Tadesse Abraham, marathonien suisse

En Éthiopie, où il a avalé l’équivalent de 170 kilomètres la semaine précédent son départ pour le Qatar, il aura ainsi davantage fallu miser sur cet esprit de suite qui aura prévalu sur le gros de la course aux abords de la Corniche. Sous une pluie battante, diluvienne en pleine saison basse entre la Vallée du Grand Rift et les hauts plateaux à l’est du continent, c’est justement ce qu’il a fallu tester. « La préparation était bonne, malgré les conditions difficiles », assurait alors le Genevois. « Tout dans la préparation en vue des Mondiaux de Doha était sujet à un challenge, à commencer par le fait qu’on ne puisse théoriquement pas s’entraîner sur place. » C’est un fait, encore qu’il aurait été possible de se conditionner à l’heure de course, en programmant séances de footing et de décrassage à la tombée de la nuit profonde, vers minuit.

Mais Tadesse Abraham avoue ne pas s’y être réellement prêté au jeu: « Nous courons le marathon à minuit, certes mais je n’ai jamais vraiment préparé mon corps à être éveillé à telle heure de la nuit, où les signes du corps traduisent toujours une envie de sommeil immanquable. Chez moi, il apparaissent souvent à partir de 22 heures », expliquait-il avant de poursuivre: « Ces deux derniers mois, j’ai gardé mes habitudes au réveil à 5h30 du matin et départ en endurance dès 6h30. J’ai enchaîné les séances le matin et l’après-midi – entre 20 et 30 minutes chacune – et c’est plutôt bien allé. J’ai aussi l’habitude de dormir un peu en journée. C’est un rythme que j’ai pris et je ne l’ai pas spécialement changé pour Doha. Je me suis simplement assuré de passer une bonne nuit, de bien me nourrir, de m’hydrater et de rester calme le plus possible. »

Sur les traces du dernier médaillé mondial suisse Viktor Röthlin

À Viktor, Tadesse lui a déjà pris le record de Suisse qu’il avait établi en 2008. Mais il ne lui a toujours pas égalé sa médaille de bronze mondiale – la seule pour la Suisse dans l’histoire de la discipline – que l’Obwaldien était parvenu à décrocher une année plus tôt aux championnats du monde à Osaka. Cela aurait, somme toute, été possible à Doha. D’autant plus qu’entre Osaka et la Corniche, les conditions de course n’étaient pas nécessairement moins favorables au Qatar qu’au Japon. « À minuit, l’humidité est très haute mais elle diminue minutes passant. À 1h30, il y en avait déjà moins, sans compter que d’un jour à l’autre – entre mon arrivée à Doha, la première fois que je suis allé courir avant le marathon femme et les conditions du marathon homme –, les conditions ont également beaucoup changé. Je ne peux pas dire que c’était horrible à courir sous cette chaleur mais c’était simplement plus difficile qu’ailleurs », expliquait dès lors l’ancien champion suisse du 5’000 mètres (1998, 2000, 2001, 2004) et du marathon (2003). « Le cœur et le système corporel s’adaptent finalement assez bien et assez rapidement; contrairement à Osaka – où la température et les conditions allaient en s’empirant au fur et à mesure de la course – à Doha, la course s’améliorait de minute en minute. Cela aide finalement beaucoup. »

Ainsi donc, le coup de gueule de Yoann Diniz en amont de ses 50 kilomètres marche et son abandon successifs ne sont-ils pas les symptômes d’une préparation manquée, sinon une excuse pour justifier son incapacité à conserver le titre ? Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’on voit le Français ridiculement s’entraîner dans les couloirs de son hôtel du centre-ville de Doha, parce que – oui – dehors il fait trop chaud. Épatant d’un athlète de très haut niveau… « Je m’arrête parce que je suis simplement fatigué et que je ne sais pas dans quel état je me serais retrouvé 10km plus loin », expliquait-il aux journalistes du service public français, lesquels se sont empressés de rappeler, qu’à Doha, le taux d’abandon sur les routes n’avait jamais été aussi élevé que nulle autre part ailleurs (41% au Qatar contre 11% en moyenne). « Au final, je pense qu’on a fait énormément de bruit sur ce marathon ; notamment parce qu’on surmédiatise les statistiques. À Osaka, il n’y avait jamais eu pareille mise en scène de coureurs qui se sont plaints des conditions, quand bien même il y avait eu un nombre similaire d’abandons et des comptages identiques en termes de température et d’humidité », expliquait toujours à notre micro Viktor Röthlin.

Ainsi, outre l’utilisation tendancieuse des chiffres, la parole ne revient-elle pas toujours aux athlètes qui se distinguent par le bien, à commencer par ceux qui ont eu le cran de disputer l’épreuve de pied en cap ? La Suisse devrait être fière – et l’est certainement – de compter parmi sa délégation un athlète aussi raisonnable, travailleur et aussi simple que Tadesse Abraham. « Le message que l’IAAF a surtout voulu faire passer, peut-être un peu trop, c’est qu’ils étaient prêts à assister au mieux chaque coureur en cas de problème. Mais il ne fallait pas en faire des caisses, selon moi. Si on cherche à chaque fois la condition parfaite pour un marathon, l’on n’en ferait jamais ; il faut accepter les conditions et les athlètes doivent se préparer pour cela. Et si cela ne va pas, il faut s’arrêter. Ça a toujours été comme ça », complète le dernier médaillé suisse de l’épreuve.

« J’ai surtout envie de célébrer le sport avec cet homme extraordinaire qui abat sans cesse les barrières du possible. J’ai hâte de me remettre au travail dès demain pour m’entraîner à être efficace à ses côtés »

Lopez Lomong, fondeur américain à propos d’Eliud Kipchoge

Puis, aussi curieux que cela laisse paraître, à 5’000 kilomètres du Qatar, les conditions parfaites, pour un marathon surencadré, c’est actuellement le Kényan Eliud Kipchoge qui les cherche, à Vienne. Son objectif de courir les 42,195km en moins de deux heures n’aura jamais été aussi proche ; pour sa tentative personnelle, il s’est offert les services de pas moins de 41 lièvres (dont Julien Wanders et l’Américain Lopez Lomong), certains commençant leur course en cours de parcours. Résultat : la barre historique des deux heures sera probablement abattue mais le record ne sera pas ratifié par l’IAAF qui proscrit formellement que des coureurs-lièvres puissent débuter leur course d’un autre endroit que le kilomètre zéro. Ainsi voilà à quoi ressemble le marathon parfait, dans des conditions “surréellement” favorables, sponsorisé par le géant pétrochimique Ineos. Quitte à ce que cela frise (un tout petit peu) le ridicule, même si dispenser les 42’195 mètres de course en 1h59 relève d’un exploit exorbitant, certains parlant même de franchir un nouvel Everest.

« J’ai surtout envie de célébrer le sport avec cet homme extraordinaire qui abat sans cesse les barrières du possible. J’ai hâte de me remettre au travail dès demain pour m’entraîner à être efficace à ses côtés. Nous sommes préparés pour l’aider dans sa mission », saluait Lopez Lomong, 7e des 10’000 mètres à Doha, épreuve sur laquelle le Suisse Julien Wanders a abandonné [lire encadré]. À Vienne, les meilleurs fondeurs proches des cercles kényan et éthiopien – duquel Kipchoge fait bien sûr partie – afflueront dès le 12 octobre pour cinq jours de mise en jambes, d’entraînement et de footing dès 4h du matin. Car, là-bas également, il est surtout question étudier les conditions et le parcours. « C’est une nouvelle manière de conclure ma saison et c’est tout aussi excitant en tant qu’athlète mais aussi en tant qu’être humain, pour moi et pour ma femme qui m’accompagne. Il est question de réel accomplissement dans le sport et je suis fier d’en faire partie », concluait alors l’Américain Lomong. Au moins, dès lors, ces championnats du monde de Doha se seront conclus sur une note sensiblement positive. Au moins cela.

 

Julien Wanders abandonne sa finale du 10’000m à mi-course

Le fondeur genevois n’a pas terminé sa course sur les 10’000 mètres. Emporté par un rythme très rapide sur les 4’000 premiers mètres, il n’a pas tenu la distance et s’est fait lâcher après 12 tours de piste. Aux 4’900 mètres, il évoluait sur une base de 27’00”, soit nettement plus rapide que son record de Suisse (27’17”29). La marche était dès lors trop haute pour le jeune de 23 ans qui s’entraîne à Iten (Kenya) une bonne partie de l’année. La course a été remportée pour la toute première fois par un Ougandais, Joshua Cheptegei grâce à un chrono étourdissant de 26’48”36, meilleure performance mondiale de l’année. Pourtant blessé en 2018, l’athlète de 23 ans a littéralement joué contre la montre pour revenir en forme à cette période de l’année pour disputer les Mondiaux de Doha. « J’ai pu bénéficier du soutien et des conseils de mon coach qui m’a fait croire en moi-même. Après les Mondiaux de cross-country [ndlr, où il a également remporté l’or à Aarhus, au Danemark en mars 2019], où je n’étais remis qu’à 50%, j’ai entretenu une pleine remise à niveau sur les pistes. Être en or à Doha rend grâce à un entier travail entrepris ces deux dernières années. C’est un grand accomplissement », expliquait dès lors le nouveau champion du monde de la discipline en conférence de presse.

« Je crois vraiment que Doha a représenté la meilleure édition d’un championnat du monde pour notre pays. L’Ouganda n’avait jamais gagné deux médailles d’or; elle en avait gagné une grâce à Stephen Kiprotich au marathon à Moscou mais nous n’étions jamais parvenu à en remporter une sur la piste. Cette victoire sonne donc comme une révélation personnelle mais aussi nationale, pour nous tous. »

Derrière, l’Éthiopien Yomif Kejelcha et le Kényan Rhonex Kipruto complètent le podium d’une épreuve qui aura vu les six premiers courir la distance en moins de 27 minutes. Il fallait bien cela pour espérer la reconnaissance d’une médaille sur la piste ce dimanche soir à Doha: « Je crois que j’ai entrepris le plan juste; Cheptegei est un homme puissant et la clef était de courir le plus longtemps possible à ses côtés. C’était un plaisir par ailleurs », affirmait pour sa part Kejelcha avant de conclure: « Je voulais ma médaille sur les 10’000m et j’ai tout fait pour y parvenir. Je ne pense pas avoir manqué de cran au sprint dans les derniers mètres, tout comme je ne pense pas avoir accéléré le rythme de ma course trop tôt. J’ai augmenté la cadence au moment juste, seulement Joshua s’est montré vraiment plus rapide. » C’est probablement ce cran et cette justesse tactique qu’il manque encore à Julien Wanders pour s’affirmer sur les pistes; après son abandon, il est à espérer que le mal ne s’en tienne qu’à ces menus ajustements et non à une déchirure mentale plus profonde.