Angelica Moser, tendre jeunesse derrière l’expérience de Nicole Büchler

L’on demande souvent aux jeunes de faire preuve de patience. Cela vaut également pour les athlètes aspirant à la reconnaissance mondiale. Mais dans le cas de la Suissesse d’origine texane Angelica Moser, il en fallu faire preuve à outrance – légèrement touchée physiquement au dos en début de saison. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Doha]

Envoyé Spécial au Khalifa International Stadium, Doha (Qatar)

Le saut à la perche helvétique est actuellement le théâtre d’un changement de génération; entre Nicole Büchler (35 ans), tenante du record de Suisse en 4,78 mètres, et la jeune Angelica Moser (22 ans) le témoin est passé, à vrai dire. La jeune athlète binationale née au Texas est la seule Suissesse, pour l’heure, à avoir figuré en finale d’une discipline dans ces championnats du monde de Doha (Qatar). Elle y a conclu son concours avec trois essais manqués à 4,70 mètres, ce qui aurait constitué son meilleur résultat en carrière. Mais celle-ci est encore longue pour la jeune femme qui en est déjà à ses troisièmes Mondiaux élite après Beijing 2015 et Londres 2017. Épisode 2.

L’on demande souvent aux jeunes de faire preuve de patience. Cela vaut également pour les athlètes aspirant à la reconnaissance mondiale. Mais dans le cas de la Suissesse d’origine texane Angelica Moser, il en fallu faire preuve à outrance ; légèrement touchée physiquement au dos en début de saison jusqu’au rendez-vous lausannois d’Athletissima début juillet, la jeune femme (22 ans) a été contrainte de se réadapter aux besoins de son corps en pleine préparation pour les championnats du monde de Doha. « Je n’étais pas stressée pour autant, je me savais posséder le temps matériel à disposition pour revenir en pleine forme pour Doha. Pour les blessés [ndlr, à l’exemple de son homologue Renaud Lavillenie], il a été une véritable chance de seulement disputer les Mondiaux fin septembre. » Toutefois, à véritablement comparer les diverses situations, le temps à disposition n’est pas toujours un facteur d’assurance pour tout le monde. Le Français Renaud Lavillenie, diminué par une tendinite persistante à l’ischio-jambier droit, l’a appris samedi soir en qualifications du saut à la perche masculin, où il n’est pas parvenu à aller outre la barre des 5,60 mètres. Une première pour le recordman du monde de la discipline qui n’avait jamais été sorti à ce stade de la compétition après cinq participations aux championnats du monde, autant en championnats d’Europe et deux aux Jeux Olympiques.

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Mais au contraire de Renaud Lavillenie, Angelica Moser avait déjà assuré sa qualification à Doha très tôt dans la saison, au meeting de Halle, parvenant ensuite à les confirmer à plusieurs reprises à mesure de saison. En demi-finale, impériale de sang-froid sur la barre qualificative des 4,60 mètres, elle s’est affranchie de toute pression inutile pour valider une première finale dans un Mondial élites. Elle avait certes déjà connu Beijing et Londres mais à Doha, elle est enfin parvenue à concrétiser son véritable potentiel de finale. « L’attente vers la finale a été longue depuis quelques semaines, je dois même avouer. Il a fallu rester préparée aussi longtemps que possible jusqu’au moment crucial. » Finalement, certes, elle n’est pas parvenue à passer la deuxième hauteur à 4,70 mètres en finale – ce qui lui aurait valu d’améliorer son record personnel (4,61m) ; il aurait peut-être été trop de l’exiger à ce stade de la compétition.

« J’ai connu des conditions difficiles à Gävle, je n’ai pas eu une préparation optimale en première partie de saison »

Angelica Moser, finaliste suisse du saut à la perche des Mondiaux de Doha

Mais elle y est proche, tout de même. Après les Européens juniors de Gävle, elle a disposé de temps pour remettre l’ouvrage sur le métier ; elle s’est reposée quelques jours avant de repartir pour une série de meetings en Suisse. Il aura été nécessaire pour la jeune perchiste (classe 1997) de prendre un recul certain après son titre U23 en Suède le 12 juillet dernier ; histoire, simplement, d’évacuer le restant de pression accumulée en quelques jours.

« J’ai connu des conditions difficiles à Gävle, je n’ai pas eu une préparation optimale en première partie de saison », expliquait-elle alors. « Ces championnats ont été très particuliers et je suis heureuse d’en être ressortie avec la médaille d’or. Pourtant, malgré cela, il faut dire que ce n’était pas une saison facile à planifier avec les Européens en Suède, puis les Mondiaux de Doha. C’est pour cela que je me suis permise un instant de pause après Gävle. Mais le risque en cela, est de savoir reprendre avec une rigueur certaine. Mes premiers meetings de reprise ont donc été très importants pour moi, à commencer par CITIUS à Berne, où je n’étais pas encore remise à 100% de mes problèmes de dos. »

À Berne, justement, elle manquait de peu de passer 4,66 mètres en clôture d’un concours qu’elle avait dominé de pied en cap. De même lors des championnats suisses à Bâle le 24 août dernier, où elle chute à trois reprises à 4,62 mètres, le titre national quand bien même assuré. « Le point commun de ces deux grands rendez-vous a été la préparation soignée et rigoureuse à laquelle je me suis prêtée depuis le début du mois d’août. Et je sais avoir dispensé la même rigueur lors de notre camp d’entraînement à Belek [ndlr, en Turquie avec Swiss Athletics] juste avant Doha. » Suite logique, ses 4,60m qualificatifs ont été une étape de quasi-formalité pour la jeune athlète.

Malgré sa 13e place finale, la native de Plano (Texas, USA) a, en attendant, fait honneur à son statut d’outsider ; elle reste championne olympique de la jeunesse, championne d’Europe et du monde junior. « Le titre européen U23 m’a beaucoup aidé dans la gestion de mes émotions ; j’ai pu optimiser ma préparation en vue de Doha et surtout canaliser la pression de la longue attente », assurait-elle. La passe fut, certes, plus élevée ce dimanche en finale du Mondial élites mais l’attitude fut la juste. Preuve en est ; sa constante remise en position d’inconfort quand les événements tournent bien, voir trop bien.

En début d’été, plus particulièrement, depuis la Diamond League de Rome – où elle était alignée – jusqu’à son départ pour Gävle, elle s’était même appliquée à tester des perches plus rigides et plus longues de 15 centimètres (passant à un échalas légèrement moins malléable de 4,60 mètres). Cette différence, aussi simplement qu’on puisse l’expliquer, était censée lui permettre de gagner quelques mètres sur le sautoir. Mais encore faut-il avoir la capacité aguerrie pour la ployer au mieux dans les airs. Un réajustement parfois anodin, semble-t-il, mais véritablement tangible. Dans le cas d’Angelica Moser, elle assure avoir tenu quelques améliorations de marque depuis qu’elle se teste en séances avec ses nouvelles perches, bien qu’elle n’ait cependant pu véritablement les utiliser en compétition cet été après avoir souffert de problèmes au dos.

« Les Top 16 aident à la croissance de notre Fédération »

Philipp Bandi, chef de performance de Swiss Athletics

Concrètement, au Qatar, Angelica est entrée dans le Top 16 mondial en intégrant la finale de la perche ; un résultat également enthousiasmant dans une perspective nationale, plus que personnelle. À l’heure où de nombreux Suisses se retrouvent en grande difficulté sur les pistes (éliminations, entres autres, d’Alex Wilson, Selina Büchel, Lore Hoffmann, Kariem Hussein, Julien Wanders, Salomé Kora, Ajla Del Ponte et Sarah Atcho dans leurs séries respectives), Moser est, pour l’heure – avec Mujinga Kambundji, demi-finaliste du 100 mètres, Jason Joseph sur les 110 mètres haies et Lea Sprunger sur les 400 haies –, l’une des seules à être véritablement parvenue à traduire son potentiel en véritable faire-valoir helvétique.

« Les Top 16 aident à la croissance de notre Fédération », lâchait en conférence de presse à l’Ezdan Hotel Philipp Bandi, chef des performances auprès de Swiss Athletics. « En terme d’envergure, nous en avons certainement besoin. Nous souhaitons garder la belle forme de l’édition de Londres en 2017 et lancer parfaitement nos athlètes sur la route pour Tokyo 2020. » Alors, certes, les chances de parvenir aux objectifs fixés – sept Top 16 et trois Top 8, comptant les performances des relais féminins 4x100m et 4x400m qui peuvent automatiquement valider leur ticket pour les JO – sont encore présentes même si tristement entamées lors des quatre premiers jours de compétition à Doha.