Imogen Simmonds, d’une sortie à vélo à l’Ironman d’Hawaï

Après avoir débuté sa carrière sur des short distances, Imogen Simmonds se sent plus épanouie sur les distances plus longues comme l’Ironman 70.3 ou l’Ironman, dont elle disputera ses premiers championnats du monde le 12 octobre à Hawaï. Crédit photo: © Mattias Hohlrieder

Championne d’Europe de triathlon longue distance et médaillée de bronze aux Mondiaux de Nice samedi dernier, Imogen Simmonds n’a cessé de gravir les échelons de son sport pour devenir une athlète professionnelle qui cumule les progressions et les succès. Depuis désormais cinq ans et le début de sa carrière sportive, rien ne semble perturber la pente ascendante de la Suissesse. Une ascension qui va la conduire à Hawaï (USA) le 12 octobre prochain pour ses premiers championnats du monde d’Ironman.

Il est dimanche, 6h du matin et l’heure n’est pas à la grasse matinée. Vous êtes entourés d’un millier de personnes munis de bonnet, de lunettes ainsi que d’une énorme combinaison donnant l’impression d’aller dans une mine. Le soleil s’apprête à briller de ses premières lueurs et un silence pesant règne devant une immensité d’eau dans laquelle vous vous préparez à plonger dans quelques secondes. Le calme avant la tempête, dit-on. Que se trotte-t-il alors dans votre tête en sachant que vous allez terminer votre journée 10, 12, 14 ou 16 heures plus tard ? Des milliers de questions viendront certainement à votre esprit en songeant aux 3,8km de natation que vous avez à nager, suivi des 180km à vélo à effectuer en plein cagnard avant de clôturer votre journée de rêve par un marathon (42,195km). Ces questions qui surgissent en vous en lisant ces quelques lignes, Imogen Simmonds se les est déjà posées lors de l’Ironman à Francfort (Allemagne) le 29 juin dernier : « Tu te dis que ça va faire mal et que ça va être une longue journée, mais il faut l’accepter. » Pour le premier triathlon Ironman de sa carrière, la Carougeoise a fait bien plus qu’accepter la douleur. Concourant en Allemagne avec comme unique ambition de terminer cette distance mythique, Imogen a plus que rempli ses objectifs avec une qualification pour l’Ironman d’Hawaï, la course que tout triathlète s’est un jour permis de rêver de disputer. Cerise sur le gâteau, l’Ironman de Francfort comptant cette année comme championnat d’Europe de la distance, l’anglo-suissesse s’est vue décrocher le titre de meilleure européenne sur la distance. Rien ne semblait pourtant prédestiner l’athlète de 26 ans à embrasser une carrière dans le triathlon cinq ans auparavant. Rien à part un coup de foudre pour le vélo qui a chamboulé sa vie.

C’est lors de ses années universitaires à Londres que l’Iron lady a commencé à pratiquer plusieurs disciplines : « J’ai fait beaucoup de course à pied et des sports d’équipe », explique-t-elle. Crédit photo: © Mattias Hohlrieder

Une sortie à vélo comme tournant

Sportive depuis son plus jeune âge, Imogen Simmonds a d’abord commencé par apprendre à nager à Hong-Kong où elle est née. Une discipline qu’elle continuera en Suisse au Lancy natation. C’est lors de ses années universitaires à Londres que l’Iron lady a commencé à pratiquer plusieurs disciplines : « J’ai fait beaucoup de course à pied et des sports d’équipe », nous explique-t-elle. « Naturellement, le week-end, je faisais beaucoup d’activité dans la nature avec mes amis. Un jour, j’ai emprunté un vélo pour faire une sortie. À mon retour, j’ai tout de suite été en acheter un à ma taille », rigole la triathlète. Le virus de la “petite reine” attrapé, celui du triathlon n’allait pas tarder à suivre: un premier duathlon, un premier triathlon et c’est le déclic. Genève, Nyon, Windsor (Grande-Bretagne) ou encore Edmonton (Canada), les podiums et les places d’honneurs s’enchaînent jusqu’à la conduire au Championnat du monde WTS sur la distance olympique (1,5km de natation, 40km de vélo et 10km de course à pied) à Chicago ainsi qu’à son premier Ironman 70.3 ou semi-Ironman (1,9km de natation, 90km de vélo et 21,1km de course à pied) à Aix-En-Provence. Une première expérience sur la distance qu’elle remporte dans sa catégorie d’âge. Malgré son master en environnement et business et plusieurs opportunités qui se présentent alors dans le domaine, la 6e des derniers championnats du monde d’Ironman 70.3 – et désormais même médaillée de bronze depuis une semaine – décide alors de prendre une année sabbatique pour tenter sa chance dans le sport professionnel. « Le professionnalisme n’était pas un objectif de départ, une finalité en soi, je recherchais quelque chose qui me pousse plus » précise-t-elle. Bien lui en a pris, son année focalisée sur le triathlon se révèle alors plus que fructifiante avec un titre de championne du monde de sa catégorie à l’Ironman 70.3 de Mooloolaba en Afrique du Sud. Grâce à ses performances hors norme, Swiss Triathlon n’hésite alors pas à lui offrir sa licence pro. Imogen Simmonds plonge alors dans un autre monde, celui des professionnels, un monde de dur labeur qui ne connaît aucun répit.

Ses entraînement lui permettent ainsi d’être une athlète polyvalente, très endurante et ainsi de bien figurer dans les courses longues distances. Contrairement au triathlon olympique ou short distance, dans laquelle la logique veut que la course se perde en natation et se gagne en course à pied, l’Ironman est régi par ses propres règles: «  Les courses varient selon les parcours et l’environnement, tu dépends de tes forces et de ta tactique mais également des forces de tes concurrentes. » Crédit photo: © Mattias Hohlrieder

Des blocs d’entraînement de 25 à 30h par semaine

Après avoir débuté sa carrière sur des short distances, Imogen Simmonds se sent plus épanouie sur les distances plus longues comme l’Ironman 70.3 ou l’Ironman. Des courses plus éprouvantes et qui nécessitent un autre type d’entraînement, l’intensité cédant le pas à l’endurance. « Plus la distance est longue, moins tu fais d’intensité. Pour un entraînement en course à pied tu ne te mets pas dans le rouge sur la piste mais tu y restes plus longtemps », nous explique celle qui enchaîne les semaines d’entraînements de 25 à 30h. « Je ne voulais pas tout de suite commencer par un Ironman, c’est venu petit à petit. Je voulais y aller step by step car l’endurance ne vient pas en un jour. » Très à l’écoute de son corps et de ses sensations, l’athlète, qui s’est fièrement rendue à Nice le 7 septembre dernier pour les championnats du monde d’Ironman 70.3, peut se targuer de recevoir les conseils et le coaching d’une légende du triathlon: Jürgen Zack. Vice-champion du monde Ironman en 1997 et vainqueur de sept Ironman, l’Allemand distille ses consignes et ses entraînements chaque semaine à Imogen depuis la Thaïlande et la province de Pukhet, où est basé son camp d’entraînement pour le triathlon. « Nous fonctionnons par bloc » précise l’anglo-suissesse, « Ces blocs dépendent de ce que je dois travailler, mes faiblesses et des courses à venir », nous raconte-t-elle, actuellement dans un bloc de course à pied et sortant d’une séance de 30km. Elle s’en ira ensuite enchaîner une nouvelle séance dans la journée.

« Je m’entraîne à Pukhet en hiver où il fait toujours chaud et très humide. J’ai donc l’habitude et un certain respect pour la chaleur mais on perd vite cette adaptation aux hautes températures »

Imogen Simmonds, triathlète et Iron Lady

Ces entraînement lui permettent ainsi d’être une athlète polyvalente, très endurante et ainsi de bien figurer dans les courses longues distances. Contrairement au triathlon olympique ou short distance, dans laquelle la logique veut que la course se perde en natation et se gagne en course à pied, l’Ironman est régi par ses propres règles: «  Les courses varient selon les parcours et l’environnement, tu dépends de tes forces et de ta tactique mais également des forces de tes concurrentes. » Un environnement qui peut parfois jouer le rôle d’arbitre comme à Francfort où la canicule et les températures records [ndlr, plus de 39 degrés au thermomètre le week-end du 28 au 29 juin] ont eu raison des chances de l’Américaine Sarah True, qui fonçait vers la victoire mais qui s’est effondrée à moins d’un kilomètre de l’arrivée. Et en parlant, la chaleur sera également un élément perturbateur à Hawaï. « Je m’entraîne à Pukhet en hiver où il fait toujours chaud et très humide. J’ai donc l’habitude et un certain respect pour la chaleur mais on perd vite cette adaptation aux hautes températures », nous livre la vainqueur de trois Ironman 70.3. Pour sa dernière ligne droite avant son voyage direction Kailua-Kona, la Genevoise se rendra au Texas avec des partenaires d’entraînement pour s’acclimater au mieux aux ravages du climat. Plus que l’environnement, l’Ironman vous pousse dans un état second tant physiquement que mentalement: « Il y a des moments sombres quand on court dans un Ironman ; on se pose beaucoup de questions. » L’athlète travaille justement son mental – la quatrième discipline du triathlon – en pratiquant le yoga et la sophrologie. Le mental sera d’ailleurs mis à rude épreuve sur les longues et redondantes lignes droites du fameux parcours de Kailua-Kona.

En prévision d’Hawaï et son parcours tant mythique que destructeur, Imogen Simmonds s’est donc rendue à Nice pour les championnats du monde d’Ironman 70.3 : « Je m’entraîne plus spécifiquement pour Hawaï. De fait, la course à Nice m’a permis de voir comment mon corps réagit à la charge d’entraînement. » Des entraînements qui l’ont poussé à poser ses bagages pendant un mois à St-Moritz avant de revenir chez elle à Carouge. Crédit photo: © Mattias Hohlrieder [Saint-Moritz]

Un sport éreintant sur tous les points

En prévision d’Hawaï et son parcours tant mythique que destructeur, Imogen Simmonds s’est donc rendue à Nice pour les championnats du monde d’Ironman 70.3 : « Je m’entraîne plus spécifiquement pour Hawaï. De fait, la course à Nice m’a permis de voir comment mon corps réagit à la charge d’entraînement. » Des entraînements qui l’ont poussé à poser ses bagages pendant un mois à St-Moritz avant de revenir chez elle à Carouge. « Je ne suis pas souvent à Genève mais j’adore m’entraîner ici. Je cours à Carouge, je fais du vélo dans la région avec des triathlètes du canton ce qui est un avantage quand on a 5h de sortie à faire. » S’entraînant entre Pukhet, Genève ainsi qu’au rythme de ses divers camps d’entraînements, la Genevoise peut compter sur une « communauté de longue distance » et une émulation à chaque entraînement: « C’est un avantage de pouvoir s’entraîner avec d’autres triathlètes car les entraînements peuvent vraiment être longs et épuisants tant physiquement que mentalement », nous raconte Imogen Simmonds qui profite de quelques semaines dans son cocon familial à Genève.

« J’espère avoir la carrière la plus longue possible tout en restant en bonne santé, à l’image de Roger Federer ou Nicola Spirig »

Imogen Simmonds, triathlète et Iron Lady

Tous ses voyages la poussent à faire des choix. À chaque début de saison, la triathlète paie 1000$ à la franchise Ironman ce qui lui permet de disputer toutes les courses de la saison organisée sous l’égide de la marque. Si l’envie de se mettre définitivement sur la distance reine de l’Ironman trotte dans un coin de sa tête, Imogen a décidé de continuer à performer sur les distances des Ironman 70.3 : « J’ai mis plus d’un mois à récupérer de mon premier Ironman à Francfort et à retrouver des bonnes sensations. En plus au niveau des déplacements et économiquement, je ne peux disputer que deux Ironman au maximum par saison. Il est donc nécessaire de continuer à courir des Ironman 70.3. » Malgré l’aide de précieux sponsors et du coaching qu’elle effectue pour gagner deux-trois sous, la discipline prend tout le temps de l’anglo-suissesse. « Il faut bien gérer le budget à disposition et les courses à faire. Il faut donc faire des choix », tranche-t-elle à l’évocation de ses ambitions et de son avenir dans sa discipline, qui n’est de loin pas prête de s’arrêter. En effet, la 6e meilleure triathlète mondiale d’Ironman 70.3 en 2018 se voit encore performer longtemps avec le plaisir comme principal carburant : « J’espère avoir la carrière la plus longue possible tout en restant en bonne santé à l’image de Roger Federer ou Nicola Spirig », rigole-t-elle. Entre – d’une part – la découverte d’un triathlon extrême comme le Norseman, soit un changement radical de discipline et – d’autre part – un retour sur courte distance pour participer un jour aux Jeux Olympiques, la jeune triathlète a encore plein d’objectifs dans la tête. Mais ne détermine pour l’heure rien. « Chaque course est unique et m’apporte un souvenir et une émotion différente », conclut la jeune sportive de 26 ans qui n’effectuera pas le voyage à Hawaï avec comme seule ambition de finir son second Ironman. Pour cette deuxième expérience sur la distance, le but sera cette fois-ci de figurer le plus haut possible dans les classements. Son ascension n’est donc de loin pas prête de se terminer.