Sarah Atcho: « Le partage d’expérience en marge de Lausanne 2020 s’avère réellement constructif »

Sarah Atcho se concentre sur les 200 mètres aux Championnats suisses de Bâle. Elle visera samedi les 23”02, minimas pour les Mondiaux de Doha. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Doha]

Récemment nommée ambassadrice des Jeux de la Jeunesse 2020 à Lausanne, Sarah Atcho est actuellement en pleine saison (sur les 200m surtout) en vue des Championnats Suisses d’athlétisme à Bâle (23 et 24 août), avant les Mondiaux de Doha du 27 septembre au 6 octobre en Qatar. Si la Lausannoise peine à se révéler sur les pistes en individuel cette année, c’est avec le sourire qu’elle assume sa mauvaise préparation, son épanouissement avec le relai national, ses objectifs pour Tokyo et enfin son engagement en marge des JOJ de Lausanne dès le 9 janvier 2020. (Longue) rencontre.

Fraîchement rentrée des Universiades de Naples et Bydgoszcz (en Pologne) – où elle a représenté la Suisse dans les relais 4x100m –, Sarah Atcho nous accueille dans un endroit que les athlètes lausannois affectionnent tout particulièrement : le Stade de la Pontaise. Elle est revenue sur la saison en cours, de sa première course à Doha – en ouverture de la saison de Diamond League – à Athletissima, sans oublier de jeter un regard concentré sur les compétitions majeures qui composent son calendrier soudain. Concernant son rôle d’ambassadrice pour les JOJ 2020 – comme c’était également le cas pour son homologue Pat Burgener –, il lui semble important de transmettre les bonnes valeurs du sport aux athlètes les plus jeunes.

L’épanouissement sur le 4x100m à Naples et Bydgoszcz

Nous sommes en plein dans la saison, tu as fait des assez bons résultats en 4×100 avec tes coéquipières (Or à Naples et deuxième aux Championnats d’Europe par équipe à Bydgoszcz), mais de moins bons résultats toute seule. Comment vois-tu cette saison ?

Exactement comme ça, c’est bien avec le relai mais c’est tout. J’ai l’impression qu’individuellement toutes les filles ne sont pas forcément au top de leur niveau, du coup que ça se passe bien avec le relai c’est déjà une bonne chose parce qu’on ne pensait pas faire un chrono aussi correct à Athletissima [ndlr, en 42”60]. Après, ce qui est frustrant, c’est qu’on sait qu’il y a les Jeux l’année prochaine et qu’on essaie toutes de garder un peu d’énergie pour cette échéance. Du coup, l’on ne s’entraîne pas forcément de façon optimale cette année – en tout cas pour moi – et les performances ne sont pas au rendez-vous.

Le problème c’est qu’en début de saison – quand j’étais à Doha pour ma première course –, j’ai couru presque les mêmes temps que je cours maintenant. Pourtant, je m’entraîne à fond et ça va plutôt bien. Mais il n’y a pas d’évolution dans les chronos, ou fort peu. Il n’empêche que l’on sort de deux bonnes semaines d’entraînement à Saint-Gall [ndlr, auprès de son entraîneur Christian Gutgsell] et cela devrait se ressentir au Championnats Suisses à Bâle (les 23 et 24 août prochains).

Vous avez l’air d’être de bonnes potes, est-ce qu’un facteur de la bonne réussite du relai peut être votre complicité entre vous ?

Certainement, je ne sais pas si c’est concrètement cela qui fait qu’on est performantes mais à mon avis, la grosse différence relève dans le fait qu’on soit toutes proches, tout en restant très compétitives. Complicité relevée par de la combativité ; chacune veut faire la meilleure partie du relai et être la plus rapide à l’analyse finale. Et ça, c’est que du positif.

As-tu vu une différence depuis que tu t’entraînes à Saint-Gall ?

La grosse différence réside surtout dans les trajets, parce que j’étais encore à l’Université de Genève il y a peu. Ainsi, je devais faire plusieurs fois par semaine les aller-retours entre les deux villes. Assurément, niveau énergie, j’étais à plat. Parfois, je ne pouvais même pas m’entraîner parce que j’arrivais trop tard ; rien de bien optimal. Sans compter quand je devais m’entraîner seule, je le faisais à moitié parce que je suis pas très forte mentalement [Rires]. Franchement, en vue de Doha, ce n’est vraiment pas une préparation optimale et je le sais. Je m’organise déjà pour l’année prochaine : prendre aucun crédit de cours à l’Université avant Tokyo afin d’être sûre d’y arriver à 100%.

Comment mesures-tu l’importance de représenter la Suisse dans les grandes compétitions par équipe, à Naples, Bydgoszcz ou encore à Doha (où tu n’es pour l’heure officiellement qualifiée que pour le relai 4x100m) ? Mais parlons de Naples, notamment…

C’était la première fois que j’allais aux Universiades, et je trouve que c’était vraiment un cadre différent par rapport à d’habitude. J’avais davantage l’impression de représenter un pays plutôt que nous-mêmes. Le fait qu’il y ait plusieurs disciplines, cela ressemblait à une sorte de Jeux Olympiques miniaturisés. Je trouvais ça vraiment intéressant, partant de l’organisation beaucoup plus souple que pour des Championnats du Monde à l’ambiance inchangée des compétitions. J’ai certes su en profiter. D’habitude, en plein championnat, le but est d’être compétitive et rapide, alors que là, il était surtout question de profiter du moment présent sur place, de rencontrer d’autres gens et de prendre du bon temps.

Tu y as également reçu un prix spécial, notamment pour ton CV universitaire et par ta représentation du multiculturalisme de par tes différentes origines. Curieux ?

Curieux, absolument. Je n’ai absolument pas compris pourquoi moi. Alors j’ai demandé au responsable pourquoi – et comment –, sur les 2000 athlètes présents sur le bateau, j’avais été choisie pour cet honneur. Je me suis toujours dit que j’avais beaucoup de chance dans ma vie mais il faut avouer qu’à cet instant précis, j’ai cru à ma bonne étoile. À chaque fois qu’il y a un prix spécial à gagner – dans ce contexte-ci – c’est toujours pour moi. Tant mieux. Apparemment le directeur m’a croisé une fois sur le bateau des athlètes et m’a vu sourire ; il a cherché à savoir plus en profondeur qui j’étais et il a vu que – comme tout le monde – j’étais à l’université et que – comme de nombreuses personnes présentes – j’avais plusieurs origines. Au final, fière, heureuse même si grandement surprise.

J-35 avant les Championnats du Monde à Doha (Qatar)

Je me sens prête mentalement. Sans m’avancer trop vite, selon les classements actuels, je pourrais quand même être sélectionnée sur les 200 mètres même si je n’ai pas réussi à courir les minimas cette année. Apparemment et curieusement, je ne suis pas la seule à être dans le dur, plusieurs filles n’ayant pas encore réussi à descendre au temps de référence [ndlr, 23”02]. Il s’avère donc possible qu’il en viennent à repêcher plus haut dans les chronos. J’ai ainsi un petit espoir de pouvoir y participer également en individuel. Je sais, par ailleurs, avoir fait quelques lourds progrès ces dernières semaines. Reste de faire jouer le mental dans ces circonstances pour se révéler.

L’objectif est d’abattre à Bâle le seuil des 23”02 requis. C’est possible même si le temps semble courir vite également. Mais concrètement, cela signifier d’abaisser mes temps moyens cette année de près d’une demi-seconde – de 23”60 à 23.00 –, une montagne à franchir. Sans évoquer la descente fulgurante que les minimas ont connu ces dernières années ; 23”02 cette année, 23”10 en 2018, 23”30 en 2017,… À cela s’ajoute tout de même une frustration personnelle : l’année passée j’envoyais des temps en 22”80 ou ”90 assez facilement à chaque course, alors qu’aujourd’hui, ces marques me paraissent hors de portée ; il semble loin le temps où je me permettais de viser les 22”50 [ndlr, PB à 22”80]. Malheureusement, les bonnes formes redescentes assez vite et l’on en profite jamais assez. Depuis Doha – où je n’avais aucune préparation, de retour de vacances –, je n’ai réussi à abaisser la marque que de 40 centièmes, ce qui – sur un 200m –, ne représente quasiment rien.

Peut-on réellement descendre d’une seconde en une demi-saison ?

Les Championnats Suisses sont censés le démontrer [Rires]. J’espère vraiment pouvoir le faire ; atteindre les 22”99 serait symboliquement et psychologiquement très fort. La préparation de base n’était pas correcte, c’est entièrement de ma faute – même si l’on s’entraîne à fond depuis la mi-juin, ça reste un peu tard.

Néanmoins, si je me qualifie (par repêchage) pour Doha, ce sera grâce à un temps que j’ai établi en fin de saison passée. Alors que toutes les athlètes étaient déjà en vacances, Laurent [Meuwly], mon ancien coach, m’a dit qu’il y avait une petite course en Turquie suivie d’une semaine de vacances offerte. Donc j’y suis allée, et j’ai couru le demi tour de piste en 23”12 – chrono qui comptait déjà pour les qualifications des Championnats du Monde (je ne le savais pas).

Ambassadrice des JOJ 2020 à Lausanne

De tous les athlètes lausannois et lausannoises, je reste honorée qu’on ait fait appel à moi. Une situation et une position que je trouve attrayantes ; l’on aide surtout à véhiculer de bonnes images auprès des jeunes et c’est toujours quelque chose que j’ai aimé faire. Je partage souvent des moments avec des jeunes, que ce soit des entraînements ou en classes d’école où je vais souvent. L’on y communique certainement des messages porteurs pour les nouvelles générations en termes de bonnes valeurs et d’esprit du sport. Au demeurant, je ne connais pas vraiment les sports d’hiver mais il n’en reste que je garde l’impression – qu’avec les athlètes que j’ai pu côtoyer quand j’étais plus jeune – que le partage d’expérience s’avère réellement constructif.

Concrètement, quel sera ton rôle en tant qu’ambassadrice ?

Je pense que je vais devoir participer à quelques évènements avec des jeunes, faire peut-être des petits ateliers ou autres événements au travers de la ville et des sites de compétition. Dans le plus global de l’activité, il sera surtout question de communiquer au travers des réseaux sociaux, de pousser les gens à aller voir plus d’évènements, de faire en sorte que ce soit plus médiatisé ou – en tout cas – plus apprécié par les jeunes en tant que simples spectateurs. Les JOJ n’ont pas encore la véritable popularité qu’ils puissent prétendre ; il faudra certainement agir dans ce sens. Le fait d’œuvrer en faveur de sports multiples est un véritable point d’orgue pour nous tous. Je trouve qu’à Lausanne, nous avons pas mal de diversité au panel des sports pratiqués ; pour une capitale olympique, cela s’avère vital.

De Yokohama à Tokyo

Je sais que c’est une grosse carte à jouer pour les JO de Tokyo ; au niveau de mon âge [ndlr, 24 ans] et sur le plan de la performance, je suis dans une bonne phase. J’ai les ressources pour m’y distinguer pleinement. Dans quatre ans, en revanche, je ne serai vraiment plus sûre d’être là où j’en suis aujourd’hui. Il est donc nécessaire de miser gros en 2020 si l’on veut jouer pleinement de nos ambitions olympiques. Reste qu’il ne faille pas nécessairement se mettre trop de pression. Je veux y aller en bonne forme, tout en profitant de la vie jusque-là, sans se limiter à vivre uniquement pour le sport.

Quelles évolutions distingues-tu par rapport aux JO 2016 à Rio ?

Je n’aurais jamais pensé pouvoir y participer l’année précédant les Jeux. Du coup, c’était vraiment l’année même où je me suis dit que je pouvais peut-être y arriver. Je n’étais bien évidemment pas du tout assez préparée pour cette opportunité-ci. Une fois sur place, c’était un peu plus des vacances que de véritables Jeux Olympiques. Mais les choses ont bien changé ; de la jeune fille peureuse d’alors, il en reste surtout une athlète qui a engrangé un peu plus de vécu et qui sait mieux à quoi s’attendre.

Lors des Mondiaux de relai à Yokohama en mais dernier, tu as déjà pu voir les installations pour Tokyo, non ?

Indirectement, seulement. Toujours est-il qu’il manquerait encore – à l’heure actuelle – 15’000 chambres dans le village olympique, et cela traduirait un réel scandale. Ils semblent vouloir palier le manquer en installant des bateaux de croisière pour que les athlètes y vivent. Nous avons déjà vécu plus ou moins une semaine sur un bateau à Naples et j’ai trouvé cette expérince difficile (cabines restreintes, sans fenêtre ni aération).

À Naples il y avait juste deux gros bateaux de croisière, et sinon il y avait quatre autres locations à une heure de Naples, parce qu’ils n’avaient pas assez de place et n’ont pas voulu construire juste pour ces Universiades, ce qui peut encore se tolérer. Il fallait une heure et demie de bus pour aller voir les activités au centre-ville et ce n’était vraiment pas l’idéal.

Concernant le village olympique, difficile de s’y faire une vraie idée parce qu’il était pas encore achevé. Assurément, avant le départ réel pour les JO, un camp d’entraînement sera organisé par la fédération, en complément de celui déjà réalisé en mai en marge de la compétition à Yokohama. Pour la culture aussi, c’est bien de pouvoir s’en imprégner un peu à l’avance.