La Suisse fait dès lors – et méritoirement – partie du Top 15 européen après sa victoire contre la néo-promue Lituanie (34-24) à Schaffhouse. Un goût (virtuel) de bronze dès lors que la le XV de l’Edelweiss termine à la troisième place de l’Europe Trophy, la deuxième division européenne (hors Six-Nations). L’année passée, les Suisses avaient échoué à la quatrième place du classement ; il y a donc définitivement du mieux en 2019. « Et l’on peut certainement aller chercher plus ces prochaines années », assure Olivier Nier.
Qui a dit, un jour, que la jeunesse se révélait – en réalité – comme la meilleure force vive qu’un contingent puisse dégoter, plus que tout autre luron de grande expérience ou vieux briscard de l’ancienne école ? Sans doute un peu tout le monde ; à ceci – et condition irréfragable – que les premiers apprennent auprès des seconds, à ceci encore que la dextérité des uns compense l’inexpérience des autres. Et cela, il est vrai, tout grand sélectionneur l’aura compris. Pourtant tout est alors question d’un équilibre précis, entre le vice et la vertu, entre l’expérience et la force vive, entre le triomphe et la gloire. Ceci sans ne jamais oublier – cependant – que les deux parties s’en retrouvent intrinsèquement liées. Dans le littéraire, dans une concordance des temps maîtrisée, l’on associe toujours le passé au futur, ou plutôt l’imparfait au conditionnel; si j’avais voulu, j’aurais pu. Et l’on ne peut nullement faire autrement (le temps ne fait qu’avancer, il ne stagne jamais). Parenthèse fermée, il y eut place pour pareil récit quelques mois plus tôt, alors que le XV de l’Edelweiss tenait en échec la Côte d’Ivoire (6-6) en match amical au centre sportif de Vessy, à Genève. Les titulaires continentaux absents, la relève recueillit déjà d’importantes places d’honneur. Ce week-end, le sélectionneur Olivier Nier prit le pas – toujours plus avancé – d’assiser d’autant plus de jeunes talents à l’occasion du dernier match – sans grandissime enjeu, il est tout aussi vrai de le dire – d’Europe Trophy, dans laquelle la Suisse venait d’assurer son maintien mathématique. Au vrai, dans un match “qui compte vraiment” de niveau continental, ils furent un peu moins d’une dizaine de newcomers: Nathan Thomas (Bath), Alexandre Caviezel (Heilbronn), Nicolas Lugeon et Axel Goudet (Stade Lausanne), ainsi que Geoffrey Pelletier (LUC). De plus, s’il faut noter que les trois premiers firent justement une apparition non comptabilisée en match amical en février face aux Ivoirien, il s’agit d’une première absolue pour Pelletier et Goudet, sous les yeux attentifs de son père Jérôme malgré une entrée en jeu très tardive (79e).
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D’où l’importance de la tenue d’un match amical dans la période creuse de la trêve hivernale, en février. Au-delà de la nécessité évidente de redonner du rythme aux pensionnaires de LNA suisse arrêtés depuis le début de l’hiver, il est surtout donné l’opportunité de tester les plus jeunes au bain de l’équipe nationale. « C’est face à la Côte d’Ivoire que j’ai observé la plupart de nos néophytes et que je me suis rendu compte qu’ils nous pouvaient être très utiles dans des occasions comme celles-ci face à la Lituanie », explique dès lors Olivier Nier. « C’est l’occasion juste de les mettre au contact avec la réalité de l’Équipe de Suisse avant de les sélectionner pour de bon pour les échéances internationales. »
« Il est primordial d’éviter qu’il n’advienne une rupture de génération, c’est pourquoi, parler ici de plan de succession et d’héritage n’est pas ridicule »
Olivier Nier, sélectionneur du XV de l’Edelweiss
Et puis, dans la manœuvre, il y a surtout l’expression de groupe, une clique de nouvelles figures prêtes à offrir, ensemble et jamais séparément, la challenge nécessaire que requiert une sélection avec l’équipe nationale; il peut arriver que l’on se sente perdu à l’occasion de sa première cape avec une institution qui nous dépasse de beaucoup. Mais la présence d’une réalité commune, la capacité de s’identifier à des coéquipiers qui, à qui mieux mieux, cherchent leur place dans un effectif aussi accueillant que compétitif, tend à soulager prodigieusement l’expérience de la “première fois”, de la première cape. « Tous ces jeunes se retrouvent, se reconnaissent, et c’est le plus important », assure dès lors Olivier Nier. « Il est primordial d’éviter qu’il n’advienne une rupture de génération, où un jeune se sent isolé, entouré que de leaders incontestés qui, par inertie, ne peuvent pas assurer parfaitement une très bonne intégration au sein du groupe. C’est pourquoi, parler de plan de succession et d’héritage n’est ni bafoué, ni ridicule ici. » « Évidemment, cela aide grandement », admet pour sa part Axel Goudet (20 ans), lequel est également passé, il y a quelques années, par l’équipe nationale M18 de rugby à 7. « La première fois, l’on se sent forcément quelque peu perdu et c’est rassurant de pouvoir partager ces moments avec des personnes auprès de qui l’on peut s’identifier. Que l’on soit tout un groupe de jeunes qui valident aujourd’hui leur première sélection avec l’équipe sénior est quelque chose de définitivement sécurisant. »
![SUI_LITH_2 Alexandre Cavieze (au centre à gauche) a déjà connu un essai avec la Suisse lors de l'amical contre la Côte d'Ivoire en février. Geoffrey Pelletier (au centre à gauche), en revanche, connaît également sa première absolue avec le XV de l'Edelweiss. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Schaffhouse]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/04/sui_lith_2.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
« Apprendre les codes et rester concentré à 100% »
Pour la première fois à Schaffhouse – hôte dont l’équipe fanion est sixième du classement de LNC –, l’Équipe de Suisse allait faire étalage d’un rugby de qualité contre la Lituanie, jouant d’une équipe moins expérimentée que d’accoutumée mais d’autant plus intelligente et préparée. Face à une nationale balte guindée d’une grandiose promotion en début de saison après avoir dominé en plein la Conférence 1 Nord et terrassé Malte en barrage sur le score de 80-10, les hommes d’Olivier Nier ont su garder le cap des précédentes rencontres, le tout en misant sur l’esprit jeune et conquérant dispensé par bon nombre de ses nouvelles individualités. Pour le nouvel entré Axel Goudet – lequel termine sa deuxième saison en LNA avec Stade Lausanne –, la contiguïté très imprécise entre le championnat élite suisse et le niveau dispensé par les cadres de l’équipe nationale prête toutefois à une nécessaire adaptation, pratiquement impossible à réaliser en quelques heures de rassemblement sur les rives du Rhin. « Je suis bien évidemment très honoré de pouvoir participer au regroupement de l’Équipe de Suisse et cela pousse à travailler d’autant plus durement avec mon club », explique-t-il alors, avant de poursuivre: « Je note avec beaucoup de recul, une grande différence de niveau et surtout d’expérience à acquérir pour se révéler avec l’équipe nationale et c’est pourquoi je cherche avant tout des repères pour m’y situer. Apprendre à connaître les gens qui m’entourent en est un. »
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Comme à son arrivée à Chavannes, il y a maintenant plusieurs mois, Axel Goudet a dû s’imprégner, puis dans un second temps, s’initier au travail de ses aînés. Identifié à des joueurs qu’il côtoie à cours de saison sur les terrains de la LNA, à l’aune des représentants du LUC Manu Ronza et Geoffrey Pelletier, il a aussi été amené à se rapprocher des premiers leaders de l’équipe, dont le capitaine Cyril Lin (RC Nyon) et Gaëtan Hirsch (Genève Plan-les-Ouates) font certainement partie. « Il est important, je le sais, de faire connaissance, d’autant plus que le groupe est vraiment bon. Je suis habitué à évoluer dans une équipe qui favorise les jeunes auprès de joueurs plus expérimentés. Je me reconnais parfaitement dans la démarche », lâche ainsi l’ailier lausannois, issu de l’ERL. « Il faut apprendre les codes et rester concentré à 100% à chaque séance », conclut-il aussitôt.
« L’Europe Trophy est un excellent cadre de formation pour cette jeunesse en devenir »
Olivier Nier, sélectionneur du XV de l’Edelweiss
Ces nouvelles figures de l’équipe nationale ont surtout été alignées dans une rencontre qui ne relevait d’aucune évidence sportive; la Lituanie, forte d’un bloc de trois-quarts expérimentés – même si menée au score dès la 3e minute jusqu’au terme de la rencontre –, avait tout du parfait bestiau. Nathan Thomas a concrètement joué les 80 minutes, alors qu’Alexandre Caveziel est entré à la demi-heure de jeu (33e), en remplacement de Jules Porcher, touché au genou.
Dans les faits, Olivier Nier a su attendre le juste moment pour insérer ses nouvelles individualités dans le bain de la rencontre, l’économie générale de l’affrontement ne laissant que très peu de brèches ouvertes à leur insertion en cours de jeu. Restant pratiquement à portée d’essai dans la quasi intégralité de la rencontre – 24-17 à la mi-temps –, la Suisse a surtout creusé l’écart décisif sur un essai de pénalité écopé par la Lituanie peu après l’heure de jeu (67e). À 34-17, la situation s’est peu à peu décantée sur le banc de touche; Geoffrey Pelletier est aussitôt entré (68e), suivi quelques minutes plus tard par le jeune Manuel Ronza (71e), alors que la Lituanie venait de réduire la marque quelques secondes plus tôt sur un essai transformé de Domantas Baguzis (70e). Il faudra ensuite attendre la toute fin de match pour voir entrer en jeu les deux Lausannois Nicolas Lugeon et Axel Goudet (79e), lesquels se sont échauffés tout le long de la deuxième période. Beaucoup eurent dès lors l’occasion de se distinguer sur le vert de Schaffhouse, mais – surtout – tous ont connu leur première victoire officielle avec le maillot suisse; un succès qui en va aussi au prix d’une intégration remarquable. « Les leaders ont vraiment bien agi dans ces circonstances, ils ont ouvert le chemin à la nouvelle génération », assure dès lors le sélectionneur helvétique. « Ce qui nous réussit en tant que groupe, n’est que la performance que l’on parvient à faire ensemble. Gagner sur la scène européenne est extraordinairement positif pour tous ces jeunes qui ont rejoint l’équipe cette semaine. Les expériences sont nécessaires mais s’articulent aussi – et indéniablement – au sein d’un équilibre qui comprend aussi les résultats et les victoires. L’Europe Trophy est un excellent cadre de formation pour cette jeunesse en devenir. »
Une ambition encore perfectible, malgré une 3e place
Nourrir de plus grandes ambitions qu’une troisième place européenne en Europe Trophy signifie, dès lors, de situer dans les prochaines années la Suisse parmi les plus sérieuses prétendantes à la promotion en Championship. Cela reviendrait à faire jeu égal – sur le papier – avec les mieux cotées Portugal et Pays-Bas. L’affaire semble très ambitieuse mais en aucun cas impossible. Cette saison, certes, les deux affrontements directs à Amsterdam (défaite 36-15) et surtout à Nyon face au Portugal (14-48) ont laissé un vif goût amer au groupe suisse, mais la Suisse a surtout gagné en maturité ces dernières années. « Ce serait dommage de ne pas ambitionner d’aller plus haut, d’autant plus que je suis persuadé que nous en avons les capacités. Nous avons mal vécu notre dernière déroute face au Portugal, lors de laquelle je suis persuadé que notre carton jaune nous avait fait perdre le fil de la rencontre. Mais l’équipe s’est réunie depuis, en Pologne et ici à Schaffhouse et nous avons tout mis en œuvre pour ne pas perdre l’esprit d’équipe qui est le nôtre depuis le début. »
« Il y a une telle différence de gabarit que nous devions absolument miser de notre vitesse sur les extérieurs »
Olivier Nier, sélectionneur du XV de l’Edelweiss
À Schaffhouse, l’esprit de combat du XV de l’Edelweiss fut – à très peu près – le même qui bâtit souverainement la victoire suisse face à la République Tchèque à Yverdon en novembre dernier (17-5); un essai très rapide, puis un jeu au pied systématique. Systématiquement juste surtout de la part de Simon Perrod. Ce samedi après-midi, le demi de mêlée de Drancy absent, la Suisse a jeté son dévolu sur Jules Porcher, auteur de 9 points consécutifs entre la 12e et la 17e minute de jeu. Le but: marquer des points autant que faire se peut. « Nous savions que le match serait compliqué; nous souhaitions absolument être devant au score, c’est primordial pour le mental et pour l’effet psychologique que cela porte aux deux équipes », assure toujours Olivier Nier.
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Parvenir à scorer avec la régularité qui fut celle des Suisses samedi après-midi est définitivement la marque d’une équipe déterminée et consciente de ses propres qualités. Mais c’est surtout le sceau d’une intelligence tactique maintes fois révélées ces derniers mois. Le sélectionneur avouait: « Nous étions très inquiets de ce match contre la Lituanie, ils amenaient une très grande vitesse sur la ligne des 3/4 et il y avait une telle différence de gabarit que nous étions obligés de jouer de notre vitesse sur les extérieurs. » En prouvent les deux essais d’expérience validés par Lucas Heinrich (3e et 21e), à chaque fois sur un service transversal parfait du buteur Porcher. En somme, la Suisse repartira de très haut au mois d’août prochain; d’une troisième place, encore perfectible paraît-il. D’un Top 15 qui pourrait devenir un Top 12 prochainement ?
Les faits de match: Suisse v Lituanie, 34-24 (24-17) Composition de l'Équipe de Suisse: 1 Dominic Gorman, 2 Maxime Luçon, 3 Vincent Vial, 4 Christian Röhrig, 5 Tim Vögtli, 6 Sébastien Millet, 7 Jonathan Wullschleger, 8 Cyril Lin ©, 9 Donovan O'Grady, 10 Jules Porcher, 11 Lucas Heinrich, 12 Nathan Thomas, 13 Gaëtan Hirsch, 14 Hugh Kisielewski, 15 Erwan Meudic. Remplaçants: 16 Nathan Pelsy, 17 Manu Ronza, 18 Ludovic Keller, 19 Nicolas Lugeon, 20 Alexander Caviezel, 21 Axel Goudet, 22 Geoffrey Pelletier et 23 Benjamin Xhemaili. Sélectionneur: Olivier Nier. Composition de la Lituanie: 1 Augustinas Terleckas, 2 Tomas Zibolis, 3 Tautrimas Mazylis, 4 Darius Vaitkevicius, 5 Paulius Strigunas, 6 Martynas Lianzbergas, 7 Justinas Urbonas, 8 Zygimantas Radzius ©, 9 Tautvydas Krasauskas, 10 Alanas Alasauskis, 11 Mantautas Vilimavicius, 12 Dovydas Taujanskas, 13 Donatas Vilimavicius, 14 Domantas Baguzis, 15 Matas Miezys. Remplaçants: 16 Sigitas Ciakas, 17 Donatas Trumpickas, 18 Vaidas Kizilaitis, 19 Tomas Maciulis, 20 Tomas Bagdonas, 21 Kestutis Karbauskas, 22 Kasparas Krasauskas et 23 Tautvydas Mazylis. Sélectionneur: Ntando Manyosha. Essais: 3e et 21e Heinrich; 67e [Pénalité] / 8e Lianzbergas; 28e Miezys; 40e D.Vilimavicius; 70e Baguzis. Transformations: 3e Porcher / 40e et 69e D.Vilimavicius. Pénalités: 12e, 15e et 17e Porcher; 32e et 50e O'Grady / -. Notes: Breite Stadion, Schaffhausen. 1'309 spectateurs. Suisse sans Jérémy To'a (blessé, mollet). Sortie sur blessure de Jules Porcher (31e). Cartons jaunes pour Tomas Zibolis (62e) et Tautvydas Mazylis (68e). Arbitre: Aled Evans (Galles), Jason Griffiths (assistant), Thomas Spurrier (assistant) et Philippe Marguin (France, commissionneur).