Maxence Léonard présente ce 12 avril son premier album “Cirque”, un dix titres mêlant songes et rêves divers, dans lequel l’artiste a laissé cours à une créativité aussi débordante que nourrie. Bien que jamais loin de son violoncelle sur lequel il compose, Maxence a surtout fait étalage d’une grande aisance avec l’électronique ; lui qui a pris le pas de produire et d’enregistrer seul ses musiques, sans même l’aide d’un ingé son. Le résultat mêle dès lors sons fracassés avec l’harmonie – souvent maîtrisée – de son guitare-voix (ou violoncelle-voix).
Dès le plus jeune âge, d’accoutumée, l’enfant apprend – et se teste – au rythme. Certains se complaisent au sabotage de l’électronique ménagère, d’autres se contentent d’abîmer sans casser le mobilier domestique. Mais tous se surprennent volontiers de pouvoir faire de la musique en cabossant, détruisant maladroitement ou simplement en saligotant le vieil ameublement de grand-maman. C’est par ailleurs dans ce battage mécanique autant qu’automatique que les plus jeunes découvrent (parfois avec un certain hasard) leur premier instrument musical; qui le piano, qui la guitare, qui même la percussion, qui autre – comme Maxence Léonard – les cordes frottées. Aujourd’hui, Maxence, en artiste qu’il devient, a choisi de remonter le temps, de retrouver son âme d’enfant, comme à cet âge petiot où un jour il s’est mis à adorer ses premiers jouets, bidules souvent inutiles mais très attachants. D’instinct, c’est ce que l’artiste repropose dans une musique qui décape, à l’image de son premier single “À Tombeau Ouvert” qu’il a délivré il y a de cela un mois, en prémisse d’un album “Cirque” dont le dévoilement est prévu ce 12 avril. Dans le titre, une pointe de Noir Désir, une autre de Damien Saez, une dernière – à peine perceptible – d’un thaumaturge Jean-Michel Jarre. Car, à l’intérieur, de l’électronique maniée, un complexe de sons irréguliers, une composition mécanique inédite, du rock alternatif sans vraiment tomber dans la panière englobante du style. « Il y a des sonorités, il est vrai, un peu imparfaites mais ce n’est pas une musique compliquée. La produire n’a en réalité rien de complexe. Tout a été pensé comme cela », nous explique-t-il, attablé à l’intérieur de son local de création dans les profondeurs d’Yverdon-les-Bains. À cela, il faudra donc distinguer la complexité du rendu musical de la légèreté du processus de composition, puis de son enregistrement. Car, en réalité, Maxence Léonard a surtout cherché à remplacer les traditionnelles basses et batterie par d’autres colifichets de fortune, à l’image d’un porte-clefs garni lui servant d’improbable – et entièrement improvisée – cymbale. Voici donc tout ce qui le sépare du rock traditionnel. « De base, l’on a toujours tendance à vouloir intégrer les instruments du rock (guitares, basses et batterie) dans chacune des compositions. Mais j’ai personnellement choisi de les remplacer par une mécanique de substitution. Tous les instruments ont été remplacés par des jouets, des bricoles, des boîtes à rythme et des synthés. » Et en cela, à défaut de représenter l’entier de l’univers sonore de son album “Cirque”, le premier titre “À Tombeau Ouvert” en dépeint parfaitement le style dans lequel celui-ci nous emmène près de 35 minutes et 10 titres durant. « C’est l’introduction du disque, mais ce n’est pas un exemple complet de tout ce que celui-ci contient », prévient dès lors Maxence.
« Celui-ci est un album de débrouillardise, avec beaucoup de bricoles, jamais très préparé mais regorgeant de sons très réfléchis »
Pour comprendre, c’est dans son âme d’enfant qu’il faut retrouver l’ébauche d’un tel album, dans son envie de créer, d’innover mais aussi dans son admiration pour l’ancien, les objets désuets et surannés, la mécanique rétro, le jouet vintage. Et les petits robots en bois, certains en plastique et pouvant dater de longtemps dans le courant du dernier millénaire. Sa guitare, qu’il porte – et l’a même enlacée sur scène lors de son vernissage le 9 avril au tHBBC de Cully à l’heure de son vernissage –, remonte même aux années 1960, relatant sa curiosité même pour sa mesure anachronique. « Auparavant, je collectionnais même des toupies et autres objets inutiles », raconte-t-il alors. Et puis, au-delà des passions matérielles, il y a une volonté tout aussi palpable d’autonomie. Dans sa musique, Maxence Léonard a cette envie de liberté, voir d’une certaine solitude affichée. « La question était: comment faire un album tout seul ? » Lui, particulièrement, qui a déjà travaillé et joué avec des batteurs et des bassistes et qui a déjà entamé quelques morceaux dans un classique guitare-voix. La réponse, il l’a alors trouvée dans ce qu’il sait faire de mieux aujourd’hui: se débrouiller. « Celui-ci est un album de débrouillardise, avec beaucoup de bricoles, jamais très préparé mais regorgeant de sons – aussi simples sont-ils – très réfléchis. » Dans cette manière de faire, il y a bien un mélange de styles, bien définis. Le rock, pour sa débrouillarde démarche, mêlé à une pointe de folk dans son attachement à la tradition, quelle qu’elle soit. Et puis, enfin, il y a un vent de variété française indéniable, une sorte de folk-rock français tant facile à dépasser.
Une liberté mais (pas tout-à-fait) totale…
Dans le projet, loin l’idée d’y intégrer une assistance électronique, marque d’un progrès très prisé des jeunes compositeurs en one-man band: « Je n’avais absolument pas l’envie d’utiliser des loopers [ndlr, boucle en anglais, instrument par lequel on enregistre un son pour le reproduire indéfiniment]. Je n’en ai jamais utilisé et je dois dire que cela ne changerait pas grand chose. » Autrement dit, dans la musique de Maxence Léonard, tout est organique, ou presque. Et tout est souvent éphémère, aussi. « Il y a plein de sons que j’ai produits que je ne saurais plus refaire. Et cela n’est pas très grave. Tout est enregistré. En revanche, pour les concerts on trouve toujours une solution; le son revient d’une manière ou d’une autre, même si un peu différemment. Ce n’est jamais toujours pareil. »
En concert, dès lors, c’est surtout l’énergie du moment qui prévaut, une réalité que Maxence Léonard a surtout connue pour la première fois – seul – à l’occasion de son vernissage à Cully ce mardi soir 9 avril. Et l’exercice ne fut pas anodin. « Au fur et à mesure des concerts, généralement, l’on se sent de plus en plus prêts. Pour ma part, en vue de mon vernissage, il m’a fallu me préparer différemment, à cours de répétitions. » D’autant plus que sa musique demande de la connaissance et surtout de l’aisance avec l’électronique.
« La simplicité de ma musique réside dans le fait que chacune de mes chansons tient en quatre ou cinq pistes au maximum »
Au cours de sa baguenaude aussi excentrique – à l’heure de la préparation de son album “Cirque” –, auprès d’instruments aussi divers qu’inédits, la liberté de création n’a semblé avoir aucune limite pour le jeune artiste. Ou alors une seule… que la musique n’en ressorte pas trop complexe. « Je me suis tout de même mis une restriction musicale, je n’aimais pas non plus l’idée d’être totalement libre », explique dès lors Maxence Léonard. « La musique, pour voyager, doit être simple, éviter toute forme de complexité. En cela, mis à part “En Rêve” qui assume une part de complexité, tous les autres titres sont relativement simples et tiennent dans un guitare-voix (ou en violoncelle-voix). » Ceci est d’autant plus, en réalité, une condition (quasi-)nécessaire pour le passage du studio à la scène. Mardi soir au tHBBC, un vieux caveau de Cully, un lieu chargé de sens – le même qui organise plusieurs résidences à l’occasion de chaque édition du Festival de Jazz –, Maxence était donc seul sur scène, ce qui lui limitait le champ des possibles pour un one-man band: « La simplicité de ma musique réside dans le fait que chacune de mes chansons tient en quatre ou cinq pistes [ndlr, la piste équivaut à un canal d’enregistrement] au maximum. En live, j’ai même condensé toutes les guitares en une seule piste pour en faciliter l’exécution. » Cette semaine, ainsi, Maxence Léonard voit l’aboutissement d’un entier processus de création, qui avait déjà commencé à l’intérieur du vieux caveau culliéran – où il a écrit ses textes, arrangé tous ses titres et les a enregistrés seul, sans même l’aide d’un ingénieur son – et où il vient d’en présenter la mouture finale. Mixé par Alexis Sudan – Maxence n’en avait pas les compétences seul – et masterisé aux Metropolis Studios de Londres, “Cirque” dénote déjà toute sa splendeur.
Du classique à la variété, une tendresse pour les créations anciennes
Dans la jeunesse de Maxence, il y eut surtout le violoncelle. Un instrument qui – au-delà des guitare, piano, et percussions auxquelles il s’est attelé à apprendre dès l’âge de 15 ans, les mêlant souvent avec une électronique nouvelle –, est certainement l’instrument qu’il a le plus couvé ces dernières années, composant avec, sans pour autant parvenir tout de suite à l’insérer dans sa musique débordante de mixtures imprévisibles. Le violoncelle, s’il est bien présent dans trois des dix pistes de l’album, il semble surtout avoir été le vecteur de composition de l’ensemble du disque, à l’image du huitième titre “En Rêve”, composé sur cello, même si remplacé par une orgue ensuite. « Ça reste un très bel instrument que je n’ai pas envie de laisser tomber. » Le violoncelle est le compagnon d’un voyage bien particulier; comme si présent dans les rêves et absent de la réalité. Un ami aussi atypique qu’il apparaît, pour l’instant, comme un ami imaginaire, un camarade mirage – onirique – porteur de grande inspiration. Dans “En Rêve”, justement, dans cette traversée du désert que raconte le morceau, l’on retrouve ce même esprit; un mélange d’hallucinations mystiques, de transe, d’une vision aussi réaliste qu’elle semble porter sur la frontière entre le rêve et la réalité. « Ce titre, comme d’autres, tend à accéder à une sorte d’état de rêve, de subconscient dans une réalité proche. » Tout comme “Bonhomme de Fer”, un titre très représentatif du monde dans lequel nous emporte le disque entier: « C’est plus qu’une histoire que je raconte, c’est un monde que j’ai créé où les personnages vagabondent entre le doux rêve – ou le cauchemar, c’est selon – et la vraie vie. »
« Je me refuse de me limiter à un seul style, c’est aussi pour cela que j’ai appris à jouer le plus d’instruments possibles »
Ce monde dans lequel Maxence Léonard s’est plongé ces derniers mois, ces dernières années pour le dévoilement de “Cirque”, témoigne surtout de son envie de ne pas se plier au sentier battu de la musique moderne. Le garçon est sans limite aucune est sa capacité à sauter d’un instrument à un autre est le versant premier de cette dissimilitude. « Je me refuse de me limiter à un seul style, c’est aussi pour cela que j’ai appris à jouer le plus d’instruments possibles. » C’est ainsi donc que le jeune homme assure vouloir évoluer une fois “Cirque” présenté, puis dévoilé ce 12 avril. « Pour le futur, j’ai déjà quelques idées, des chemins que je pourrais suivre. Entrer dans un ultra-folk acoustique, puis peut-être percer davantage dans mes influences plus hip-hop », explique-t-il alors, tout en précisant que le hip-hop est davantage pensé dans la production plutôt que plus littéralement dans la musique et la voix.
Le hip-hop n’est par ailleurs pas éloigné des nombreuses influences qui ont construit l’univers musical de Maxence Léonard. Dans ce genre, il cite notamment Eminem, entre autres. Mais il a surtout évoqué des pistes plus classiques; du classique littéral (chez Vivaldi) – « Je fait de la musique classique depuis tout petit » – aux classiques de la musique du précédent millénaire (notamment Queen). Et puis, il y a surtout des références très variées d’auteurs et compositeurs nés, formés entre la fin des 1990’s et le début des années 2000. Parmi ceux-ci, figurent les folkloriques Beirut, le punky blues Jack White, les hard rockeurs System of A Down ou encore le diversement connu John Frusciante – l’ancien guitariste des Red Hot Chili Peppers – réengagé entre 1992 et 2007 dans une carrière solo. Pourtant, à en constater la faible régularité de ses influences, l’on s’aperçoit qu’aucun one-man band figure parmi ses artistes les plus suivis, une singularité qui lui démarque encore plus son extravagance affichée tant sur scène qu’en studio.