Genève a toujours été un lieu propice à la formation de jeunes talents dans le football. Les derniers exemples en date sont Kevin Mbabu et Denis Zakaria, tous deux issus du centre de formation de Servette, et aujourd’hui titulaires avec l’équipe de Suisse et dans leur club respectif (Young Boys et le Borussia Mönchengladbach). Cependant, le coach Alain Geiger estime que la Challenge League n’est pas idéale pour lancer des jeunes dans le grand bain. S’il admet que leur apport est conséquent, il préfère construire son équipe autour de joueurs plus expérimentés.
Quelle place pour les jeunes à Servette ? Nombreux sont ceux qui espèrent un jour porter les couleurs du plus grand club de la cité de Calvin, certains par envie de se montrer dans l’espoir d’être recruté par de plus grands clubs, d’autres par amour pour le maillot grenat. Malgré la confortable position au classement cette saison, il reste assez difficile de se faire une place parmi les grands dans cette équipe de Servette. En effet, si certains ont pu s’entraîner avec l’équipe première, la plupart d’entre eux reste en U19. La cause de cela est la vision qu’a l’entraîneur Alain Geiger – mais de bien d’autres également – de la Challenge League, un championnat pas assez adapté à la montée des jeunes selon lui: « La Challenge League ne semble absolument pas la ligue qui leur corresponde le mieux. Certains jeunes qui s’y sont distingués sont des exceptions. Nous avons des jeunes qui ont des minutes de jeu avec nous mais ce ne sont pas eux qui nous permettront d’atteindre l’objectif de promotion que nous nous sommes fixés ».
Le coach valaisan campe de pied ferme sur ses positions, mais laisse tout de même sa chance à certains joueurs. Il admet l’importance d’avoir un bon vivier de jeunes et explique qu’il faut les préserver dans le but de les faire mieux progresser: « Chacun a sa théorie, mais personne n’omet que les jeunes dans un club représentent le futur de celui-ci. Nous avons tous besoin des jeunes et nous nous préoccupons tous pour eux. Mais il faut aussi s’assurer qu’ils soient intégrés à la première équipe au bon moment et ne pas les brûler ». Certains jeunes à l’image de Yannis Vidakovic (18 ans) ou encore Bertrand Tusiama (19 ans) font partie des jeunes qui ont eu le privilège de s’entraîner, souvent même, avec la première équipe de Servette. Mais la situation est parfois compliquée à gérer: « Certains ont déjà des contacts avec des clubs étrangers. Alors je les intègre avec la première équipe pour montrer leur valeur. Mais la plupart sont tellement bornés et nourris par une ambition brûlée qu’ils décident de quitter Genève. Pour eux, je ne peux rien faire. D’autres en revanche ont rêvé de porter un jour le maillot de Servette et s’accrochent à nous. C’est le cas de Kastriot Imeri, Alexis Antunes ou encore Robin Busset. » Les trois ont déjà connu de larges minutes de jeu avec la première équipe en Challenge League.
« Il faut ôter toute rigidité qui ferait qu’un jeune se sente bloqué. Un jeune doit toujours sentir qu’il a la possibilité de jouer un jour avec l’équipe première »
Alain Geiger, entraîneur du Servette FC
Pour Anthony Sauthier, capitaine de cette équipe première au classement, il est nécessaire de donner de l’ambition à ces jeunes pépites et cela passe par des résultats et un objectif de montée en première division: « Il est toujours bon d’avoir des jeunes avec nous et surtout si le premier club du canton parvient à atteindre l’élite. Certains jeunes pensent aujourd’hui que la Challenge League n’est pas un championnat pour eux et ils ont en partie raison. Ainsi, monter en Super League, nous le devons aussi pour eux, car tout le monde y gagne », explique-t-il avant d’ajouter au sujet de Tusiama: « Bertrand est encore jeune et il a du temps. Il fait partie de ces jeunes qui peuvent avoir l’opportunité de réintégrer le groupe de la première équipe si l’on est promu en Super League. Il est vrai qu’il était avec nous à certains entraînements mais actuellement il est parti. Mais c’est une preuve supplémentaire que les jeunes ont leur place au sein du club ». « En décembre, nous avons justement anticipé le renouvellement de contrats de plusieurs jeunes qui s’entraînaient avec nous », précise dès lors Alain Geiger avant de continuer: « Ces jeunes, nous le savons, ont besoin de continuité et nous leur montrons chaque jour que la porte de la première équipe leur est toujours ouverte. Il faut ôter toute rigidité qui ferait qu’un jeune se sente bloqué. Un jeune doit toujours sentir qu’il a la possibilité de jouer un jour avec l’équipe première. C’est un intérêt capital. Pas que pour nous, mais pour tous les clubs qui misent sur le futur et la jeunesse. »
Kastriot Imeri, un pari réussi
Parmi les autres “chanceux” du centre de formation genevois figure le jeune Imeri, auteur de deux buts en championnat, le premier lors de son entrée face à Winterthur (victoire 5-2) et le deuxième récemment en terre lausannoise (0-2). S’il n’a pour l’instant que peu de fois été titulaire cette saison, Imeri collectionne quand même plus d’une vingtaine de matches joués, et ne cache pas sa bonne humeur du moment: « Je manque de temps de jeu mais ce n’est pas grave, on voit que quand je rentre j’arrive à apporter quelque chose à l’équipe. C’est un bien pour un mal, mais je marque des buts et c’est ce qui est le plus important ». Ses récentes bonnes performances ont également été saluées par Alain Geiger, suite au match contre le FC Lausanne-Sport: « Il est en pleine euphorie, parce qu’après l’élimination de son équipe nationale [ndlr, Suisse U19], il a retrouvé du temps de jeu ici avec nous. Il est en pleine forme, même à l’entraînement ces jours il n’a fait que de marquer des buts, alors je ne suis pas surpris qu’il marque également lors des matchs ».
Imeri raconte que le club de Servette – qui l’a prolongé en début de saison –, que ce soit le staff ou l’entraîneur, donne facilement sa chance aux jeunes, mais qu’il ne faut pas manquer de la saisir. L’an dernier, le Genevois avait pu démarrer titulaire à quinze reprises, soit trois fois plus que cette saison, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans. Il avoue avoir eu plus de difficultés au début de cette saison, notamment à cause de plusieurs blessures. Pour lui, la confiance de son coach est également un plus: « C’est sûr qu’avec la confiance ça aide beaucoup, mais je sais qu’il faut que je continue de me donner à 100% lors des entraînements. J’aimerais bien commencer les matchs et donner plus que ce que je fais déjà. Je sais que ça va venir et le coach me le fait bien sentir, ce qui amène la réussite de ce moment. » Kastriot Imeri est donc confiant pour la fin de la saison et garde la tête sur les épaules lorsqu’on lui parle de son futur: « Personnellement je ne pense pas trop à mon avenir en ce moment. Bien-sûr, comme tout jeune, je m’imagine dans un grand club, mais c’est du travail et ça commence par se concentrer sur son club, se montrer. Mon objectif c’est d’aider Servette à monter en Super League. »
« Je milite toujours pour qu’il y ait plus d’équipe en Super League et balayer l’idée émergente que celle-ci puisse encore se réduire à 8 équipes pour favoriser plus de derbies »
Alain Geiger, entraîneur du Servette FC
Autre jeune joueur de la première équipe, Yoan Severin (22 ans) formé à Bourgoin-Jallieu et arrivé cet été à Servette en provenance de Zulte Waregem en Belgique – passé successivement parmi les équipes jeunes de l’Olympique Lyonnais et d’Évian en U19, puis de la Juventus U17 –, assure attendre avec impatience de connaître l’élite en Suisse. « En tant que joueur, on veut toujours goûter au plus haut niveau même s’il est certain que cela demande une adaptation mentale et physique pour y accéder. » En attendant, la Super League, l’objectif ultime de Servette cette saison, semble pratiquement acquise dans la tête de tout le monde. Alain Geiger estime également que c’est en jouant au plus haut niveau que les jeunes auront plus de chances de progresser : « Je milite toujours pour qu’il y ait plus d’équipe en Super League et balayer l’idée émergente que celle-ci puisse encore se réduire à 8 équipes pour favoriser plus de derbies. Indéniablement, une Super League à plus d’équipes permet une meilleure intégration des jeunes dans nos équipes. Mais il manque de le faire comprendre aux dirigeants de la SFL. » Dans tous les cas, Servette est parfaitement lancé. Reste à voir si les jeunesse aura effectivement sa chance la saison prochaine en (cas de) Super League à la Praille.
Propos recueillis par Gabriel Nista à Lausanne
et Yves Di Cristino à Genève.