Du Stade du Loup Pendu, Rillieux-la-Pape (France)
Fièrement promu en Fédérale 3, au terme d’un quart de finale remporté souverainement face au RC Haute Bresse (35-0) dans la banlieue lyonnaise de Rillieux-la-Pape, le Servette Rugby Club débarque à l’étage des grands. Là où figurent plusieurs parmi les plus anciennes formations du rugby français, à l’aune des US Annecy et Bellegarde, « des clubs qui ont pour certains plus de 100 ans d’histoire. » Aussi, avec la promotion récente de l’AS Monaco Rugby (dont le renouveau a eu lieu en 2010 seulement), parallèle à celle des Genevois, c’est la préfiguration d’un nouveau rugby français qui voit le jour.
Pour la communauté Grenat, c’est un chapitre qui se clôt. Mais c’en est surtout un nouveau qui s’ouvre, dans l’euphorie générale mais non sans un sentiment d’émotion chargée. Pour les grandes effigies du club servettien, présents depuis le tout début de l’aventure en 2014 – Dylan Dene, Maxime Tognon, Arnaud Kooger ou encore Jonathan Torossian, qui eurent vécu d’extraordinaires instants de complicité et de partage à botte de promotions successives et de succès joyeusement interminables –, l’heure est déjà à l’établissement d’un bilan: de leurs fantaisies illimitées sur le vert du Stade de Genève à l’expression de leur grandiose avarice sur les terrains de très large périphérie lyonnaise, des séries territoriales au divisions pré-fédérales, le tout pour aboutir à l’officialisation de ce qui était attendu – espéré surtout – depuis de nombreuses années. L’accession imminente en Fédérale 3 marque ce dimanche l’aboutissement d’un travail de très long terme qui, dès lors, devra muer avec certitude en un projet tout neuf. Un projet adapté à leur nouvelle condition, à la toute nouvelle réalité du niveau que l’équipe entière vient d’atteindre. Car désormais, le destin du Servette Rugby Club n’a plus une simple portée cantonale, régionale mais il s’évasera automatiquement, dès l’été, dans une dimension fédérale, hexagonale. « C’est le début d’un tout autre projet qui commence maintenant. Nous sommes arrivés au moment que nous attendions tous depuis cinq ans », délivre l’entraîneur servettien. « Immanquablement, nous venons de jouer le match le plus important depuis la création du club car plus qu’une victoire, Servette vient de quitter le cadre du rugby amateur pour le monde semi-professionnel. Et cela implique un changement radical de dimension, il ne faut pas se leurrer. »
« Le résultat obtenu aujourd’hui [ndlr, dimanche] est la preuve concrète que notre recrutement a été parfaitement ciblé. Nous ne nous sommes pas trompés sur les joueurs que nous avons pris et c’est une belle satisfaction que de pouvoir le reconnaître »
Gabriel Lignières, entraîneur principal du Servette Rugby Club
Au sein du club, justement, il est un homme qui a incarné plus qu’aucun autre la détermination implacable de Servette. Arrivé à l’été 2017, après le départ subit de Guillaume Boussès et à un moment où « l’équipe avait perdu un peu de son âme », le Mazamétain Gabriel Lignières, ancien international espagnol, a porté Servette à un stade de (quasi) invincibilité sur les terres de la France entière; d’abord champion de Promotion Honneur devant l’US Pays de Gex à Roanne en avril 2018, au terme d’une séance de prolongations animée, il a surtout porté le club au titre de Champion de France. Un changement d’envergure alors que l’entière équipe s’apprêtait aussitôt à se révéler dans un environnement nouveau. Titrés au plus haut grade de leur promo, les Grenat se sont élevés en champions tout au long de leur saison, daignant outrepasser avec sérieux et rigueur de circonstance difficultés bénignes et contretemps alarmants, à l’image des innombrables défections – au nombre record de 21 la semaine dernière – qui gangrénèrent l’entier des deux premières lignes du pack servettien. Mais là aussi, la réussite fut celle d’une prévoyance presque fétichiste apprêtée à l’aube de la reprise de septembre, dès lors que la direction sportive avait assuré l’arrivée de pas moins de 19 individualités de haut calibre en provenance des meilleures formations, pour la plupart de Fédérales 1 et 2. « Le résultat obtenu aujourd’hui [ndlr, dimanche] est la preuve concrète que notre recrutement a été parfaitement ciblé. Nous ne nous sommes pas trompés sur les joueurs que nous avons pris et c’est une belle satisfaction que de pouvoir le reconnaître », poursuit l’entraîneur.
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Dans cette manœuvre – et c’est là le plus fort –, Servette a resserré ses rangs, luttant d’arrache-pied pour son Académie et son école de rugby, tout en bâtissant des liens de famille aussi forts qu’indestructibles. Et en cela, au premier plan, c’est surtout l’image de Gabriel Lignières qui transparaissait – en manager principal de la pré-formation et patron intransigeant de la première équipe. Aux côtés de Jonathan Torossian, ancien capitaine emblématique du renouveau du rugby au Stade de Genève – siégeant tous les deux dans un bureau apprêté dans les nouveaux locaux du Servette FC –, Gabriel Lignières a pris le temps de s’imprégner du club et de sa florissante dynamique. Si bien, que ce dimanche, à l’heure du débriefing sur le vert humide de Rillieux-la-Pape, il venait d’annoncer son retrait de la première équipe à compter de la nouvelle saison pour se consacrer avec meilleure insistance et majeure attention sur l’école de rugby dispensée par le club. Avec fierté, il assure même qu’au-delà de la promotion de Servette, « le cahier des charges pour la formation est déjà acquis » pour la prochaine saison. Autrement dit, tout était déjà programmé à l’avance. De l’accession annoncée en Fédérale 3 à la répartition des nouvelles tâches qui en découlent, c’est l’ensemble de la mécanique servettienne qui a pris une nouvelle tournure ces derniers mois; en responsable indéboulonnable de la pré-formation, Lignières assure même qu’il n’est désormais plus possible de mener à bien les deux activités d’entraîneur principal et de manager. « La formation a pris trop d’ampleur dernièrement et nous avons rapidement convenu avec Alain [Studer] qu’il serait impossible de concilier les deux tâches plus longtemps. » Il est dès lors temps pour Gabriel Lignières de prendre plus de recul même s’il dirigera encore l’équipe pour les potentiels huit matches restants du présent exercice et qu’il assurera la transition pour 2020.
![src_4 Entré en seconde période, Kenji Caprice connaît une très belle promotion avec les Grenat. L'ancien Chevalier de Plan-les-Ouates en est à sa première saison avec Servette. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Rillieux-la-Pape]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/04/src_4.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![src_1 Le demi d'ouverture Julien Gros a fait étalage d'un talent extraordinaire à Rillieux-La-Pape; à la 60e minute, une chevauchée solitaire, suivie d'un excellent service au pied dans la profondeur – à l'image d'un footballeur aguerri –, permet à Fahd Rguibi Idrissi d'inscrire un cinquième essai dans la partie. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Rillieux-la-Pape]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/04/src_1.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
L’école de rugby de Servette est désormais la plus effective de Suisse
Il y avait l’ERL dirigée par le Lausannois André Pharaony, pourvoyeuse de grands talents répartis entre Stade Lausanne, le LUC (en LNA) et l’Albaladejo (LNC). Il y a désormais – et en grandes pompes – l’ER de Servette, dont la taille a plus que décuplé depuis son lancement en 2017, passant de 8 à plus de 90 élèves, répartis presque à parts égales entre les U14 et les U16 du club, en faisant ainsi presque l’école la plus grande de Suisse. Avec 11 éducateurs chevronnés et une dizaine de bénévoles annoncés, Gabriel Lignières en a pleinement fait son cheval de bataille. « On m’a personnellement toujours ciblé pour l’école de rugby en réalité. Devenir entraîneur principal de la première équipe a toujours été un (magnifique) plus », explique alors l’ancien international, également passé par le RC Nyon. Et le moment est d’autant plus décisif que le club attend actuellement de connaître un verdict de première importance: « Nous espérons décrocher le label de qualité “FFR” pour la formation. Cela constituerait une autre très belle réussite pour l’entier du travail que j’ai – et avons, avec les dirigeants du club – accompli ces deux dernières années. » « Le but est d’avoir un centre de formation fédéral », assure le Président Marc Bouchet. Cela revient à intégrer – en cas d’acceptation du label FFR ces prochains mois – des jeunes joueurs passionnés par le rugby de tous bords, des Suisses mais aussi des Français. Puis, aussi longtemps que Servette s’est illustré dans les divisions reculées du rugby français, les dirigeants assuraient que l’objectif premier concernait avant tout l’élaboration d’un centre de formation de qualité, qui puisse, plus tard, offrir d’innombrables opportunités aux actuels très jeunes passionnés de forcer la porte de la première équipe dans une ligue de très haut niveau. « Nous avons avec nous des éducateurs passionnés et qui font un travail remarquable. En continuant ainsi, je m’attends – et avec une très grande impatience –, peut-être dans 10 ou 15 ans, de voir débarquer nos jeunes en équipe première. » D’où l’importance, pour l’équipe fanion du club, de monter en grade rapidement et sûrement, la Fédérale 3 n’étant qu’un palier de plus dans une progression qui s’annonce plus ambitieuse.
« Plus l’équipe première progresse dans les ligues du rugby français, plus les exigences sont élevées et plus le cahier des charges augmente »
Gabriel Lignières, entraîneur principal du Servette Rugby Club
« Le but, chez nous, a toujours été de faire jouer la relève autant que possible. Et monter en grade nous permet de parvenir toujours plus sérieusement à nos fins. Car plus l’équipe première progresse dans les ligues du rugby français, plus les exigences sont élevées et plus le cahier des charges augmente. » Ainsi, pour résumer le mécanisme très succinctement, plus le club monte et plus les résultats de l’école de rugby se doivent d’être concrets et palpables. Et cela nécessite dès lors de franches qualités aussi diverses que primordiales; une adaptation constante aux nouvelles exigences, une souplesse dans l’organisation et leur mise en application et – surtout – une disposition pour le renouvellement constant des structures actuelles. « Servette n’est pas un club aux structures rigides et statiques et s’assure de permettre à ses collaborateurs les meilleures dispositions pour aller de l’avant », explique dès lors Marc Bouchet avant de poursuivre: « Nous espérons ne pas nous arrêter ici; nous souhaitons œuvrer pour davantage d’initiation dans les écoles pour élargir toujours plus la base de notre pyramide. L’encadrement évolue sans cesse. »
Aussi, le Président du Servette RC n’a pas souhaité évoquer le futur de l’entraîneur Gabriel Lignières, même si ce dernier l’assure: il se consacrera à 100% à l’école de rugby dès septembre. Sans compter que si Servette souhaite réaliser toujours plus de séances d’initiation au sein des écoles du canton, c’est que son responsable – en l’occurrence Gabriel Lignières donc – devra s’y consacrer à plein temps. Son travail, ces dernières années, aura justement été celui de concilier les entraînements de la première équipe avec les nombreuses autres attributions en faveur des plus jeunes; soit l’intervention en milieu scolaire puis l’initiation en séances spéciales. « Auprès de ces jeunes qui ont choisi de nous rejoindre, il nous faut les habituer au système du rugby français, c’est-à-dire plusieurs séances d’entraînement par semaine, allant jusqu’à quatre fois plus qu’en Suisse et surtout sans trêve hivernale. La condition d’entraînement est également quelque chose qui s’entraîne, et cela dès le plus jeune âge », assure alors le Mazamétain de 37 ans. Ceci même alors que l’école de Servette, au-delà de dispenser un travail de conséquence, jouit d’une extraordinaire entente avec les autres ER du canton, à l’image de Plan-les-Ouates ou encore d’Hermance. Finalement, et preuve que le travail porte ses fruits – et pas qu’au plus haut niveau –, les U19 Grenat sont également premiers de leur poule en Ligue AuRA à deux journées de la fin. Ratatouille.
![src_5 « Le résultat obtenu aujourd'hui [ndlr, dimanche] est la preuve concrète que notre recrutement a été parfaitement ciblé. Nous ne nous sommes pas trompés sur les joueurs que nous avons pris et c'est une belle satisfaction que de pouvoir le reconnaître », assure l'entraîneur Gabriel Lignières. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Rillieux-la-Pape]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/04/src_5.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
« Je partirai la tête haute »
Dans tous les cas, dans un très pudique au revoir, Gabriel Lignières l’assure: « Je pense avoir marqué l’histoire du club. Le Grenat se rappellera que nous sommes montés en Fédérale 3 sous Gabriel Lignières. J’en ressens dès lors plus de joie aujourd’hui [ndlr, dimanche] que lors de notre titre en Championnat de France l’année dernière. » Ceci avant de rallonger un discours qui préfigure la fin heureuse d’une aventure mais pas celle d’une collaboration: « L’ensemble de mes nuits blanches ces dernières semaines valaient définitivement le coup. J’ai réussi mon pari, je pourrai donc quitter la direction de la première équipe la tête haute. Je suis heureux que les valeurs que j’ai mises en place aient parfaitement été respectées. Ceci grâce également à mon binôme Christian Sauce qui m’a toujours soutenu. » Certes, l’heure au terme du match à Rillieux-la-Pape laissait transpercer de vastes cris de joie, de satisfaction autant que d’un sentiment partagé chez tous de sentiment accompli. « La promotion en Fédérale 3 valide l’ensemble d’un combat collectif – avec les bénévoles et les joueurs de la première heure – que nous avons mené depuis maintenant cinq ans. Il est donc normal que maintenant, toute l’équipe et son entourage aillent fêter et savourer avant de penser aux prochaines échéances d’une saison qui n’est toujours pas terminée », délivre alors le Président Marc Bouchet. Car, il semble évident, le titre en Honneur, puis en Championnat de France constituent toujours les objectifs premiers de l’exercice actuel.
Les faits du 1⁄4 de finale de la Ligue AuRA:
Servette Rugby Club v RC Haute Bresse, 35-0 (15-0)
Composition du Servette Rugby Club:
1 Adrien Vigne-Donati, 2 Loïc Otal, 3 Fayçal Sahli, 4 Dylan Dene, 5 Mathias Bernath-Yendt, 6 Rafael Candotto, 7 Vincent Darracq, 8 Aniss Mountassir, 9 Thomas Grégoire, 10 Julien Gros, 11 Mathis Cavoret, 12 Maxime Tognon ©, 13 Liam Kavanagh, 14 Louis Baudouin, 15 Jilali Aïb. Remplaçants: 16 Jérôme Meyer, 17 Abderrahim Doumeksa, 18 Karim Bougherara, 19 Antoine Moreau, 21 Kenji Caprice, 20 Fahd Rguibi Idrissi et 22 Jonathan Torossian. Entraîneur: Gabriel Lignières.
Composition du RC Haute Bresse:
1 Pierre Guyenon, 2 Cyril Neveu, 3 Romain Zaccagnino ©, 4 Louis Guichard, 5 Augustin Vernoux, 6 Johan Routhier, 7 Fabien Basset, 8 Jilly Dothal, 9 Arnaud Flagel, 10 Maxime Berry, 11 Denys Pauget, 12 Anthony Fernandes, 13 Sébastien Vannier, 14 Joanny Bouvard, 15 Maxime Lanier. Remplaçants: 16 Kilian Berland, 17 Thomas Debourg, 18 Raphaël Guyenon, 19 Maxence Berger, 20 Alexandre Lanier, 21 Loïc Dothal et 22 Antoine Fortune. Entraîneur: Sébastien Belo.
Essais: 2e et 5e Baudouin; 37e Mountassir; 58e Sahli; 60e Rguibi Idrissi; 75e Moreau.
Transformations: 60e Grégoire.
Pénalités: 52e Gros.
Notes: Stade du Loup Pendu, Rillieux-la-Pape (France).
Cartons jaunes pour Rafael Candotto (24e) et Joanny Bouvard (55e).
Servette sans Quentin Dessauvages (blessé), Antoine Armand, Jules Babaz, Pierre Topé, Bryan Bishofberger, Marius Chapel, Giacomo Criscuolo, Cédric Curdy, Maxence Gisclard, Nicolas Lagier, Adrien Monnet, Louis Quillon, Florian Escoffier et Paul Davallet (blessés, saison terminée).
Arbitre: Benoît Mounier.