Sur un terrain des plus enneigés, le Servette FC s’est imposé 2-0 chez son rival lausannois. D’un match décisif pour la promotion en Super League, les Genevois se retrouvent désormais 13 points devant le LS. Une avance confortable qui laisse rêver les supporters comme les joueurs. Côté vaudois, peu de choses à mettre en avant. Les joueurs du Lausanne-Sport tentent, mais ne concrétisent pas. Cette difficulté à trouver les filets commence à durer et à ce rythme, la seconde place (synonyme de barrage) sera également difficile à conserver.
La première division se rapproche de plus en plus pour les Grenats. Le Servette FC continue d’accroître sa domination en Challenge League. Malgré des conditions météo infernales, les Genevois sont parvenus à s’imposer en terre lausannoise lors de ce derby lémanique. Ce choc au sommet entre les deux premiers du classement était décisif pour la fin de saison. Et pourtant la force collective des Grenat est puisée dans un équilibre maîtrisé; un mercato réussi avec un banc renforcé, une continuité dans les résultats et surtout une certaine aisance à marquer des buts sont les principaux facteurs de la réussite du club cette saison. « Quand j’ai repris la main de Servette peu avant la reprise du championnat, j’ai beaucoup étudié pourquoi l’équipe a manqué la promotion [ndlr, au profit de Neuchâtel Xamax]. Et j’ai compris que le problème principal était la profondeur du banc. Avec plusieurs blessés et peu de monde pour les remplacer, l’équipe ne survivait que difficilement. Alors j’ai pris le pas d’engager un mercato estival très prometteur, car l’on sait toujours que le mercato d’hiver ne permet jamais véritablement d’améliorer l’effectif. Nous avons préféré recruter des forces vives en août sans se limiter aux indiscutables titulaires que sont Alphonse [ndlr, blessé ce mercredi à la Pontaise] ou encore Sally Sarr [non convoqué] », explique Alain Geiger, l’entraîneur des Genevois depuis le début de la saison. « Le besoin d’un bon effectif est crucial en Challenge League. C’est ce qui fait que nous pouvons y faire un bon parcours. Et en cela, seuls Servette et Lausanne sont véritablement bien armés, par rapport aux autres équipes. » Et apparemment, Servette plus que Lausanne en cette fin de saison.
« Notre réussite est aussi statistique. Nous attaquons beaucoup, marquons beaucoup et nous avons aussi la meilleure défense du championnat »
Andrea Maccoppi, milieu défensif du Servette FC (ex-LS)
L’équipe adopte un schéma de jeu typique des années 1990, appelé « Rumbo » de par ses origines argentines. Il s’agit d’un losange, avec un numéro 6 qui assure sa pleine part défensive. C’est un système qui eut beaucoup marqué Alain Geiger, lorsqu’il fut sacré champion de Suisse avec le FC Sion en 1992 sous la houlette d’Enzo Trossero. Beaucoup – à commencer par le LS, mais aussi la Juventus en Italie – ont même fini par copier ce style de jeu. Un système qui aura encore porté ses fruits ce mercredi soir, notamment grâce au bon travail de pivot d’Andrea Maccoppi, ancien joueur du LS aujourd’hui sentinelle du SFC. Ce dernier confirme d’ailleurs que ce système de jeu permet à l’équipe de beaucoup marquer, mais également de savoir résister derrière: « Notre réussite est aussi statistique. Nous attaquons beaucoup, marquons beaucoup et, surtout – voire paradoxalement –, nous avons aussi la meilleure défense du championnat. Le but est de mettre la pression sur les adversaires et comme on dit en italien: “Testa fredda, cuore caldo” (la tête froide et le cœur chaud). »
Une prise de conscience collective
Dans de telles conditions, la neige peut être un avantage comme un inconvénient. Servette a eu la “chance” de marquer en premier, et l’on sait qu’il est en général très difficile de revenir au score avec une météo pareille. Néanmoins, les joueurs Grenat ont semblé mieux s’entendre que les Lausannois. Ils sont arrivés en étant prêts physiquement, ce qui n’a visiblement pas été le cas des joueurs du LS. « Les deux équipes jouent sur le même terrain, il n’y a pas d’avantage ni d’inconvénient pour une ou l’autre équipe. On a simplement été meilleur qu’eux sur ce terrain-là. Même dans le mental on a été meilleur qu’eux. » nous dit Alain Geiger. « Nous avons une très bonne gestion de nos émotions dans ce genre de matches décisifs. Et c’est ce qu’il faut avoir absolument. Face au LS, la qualité technique sur le terrain ne suffit pas. C’est un match psychologique où le mental l’emporte souvent », finit même par assurer Andrea Maccoppi. Anthony Sauthier, capitaine du club acquiesce dans le bon sens: « Moi, qui suis ici depuis pas mal d’années, je sens que quelque chose est en train de se passer, dans la ville et dans le stade. L’ambiance est vraiment différente et ce sont des choses qui se ressentent quand on est à bout touchant d’un but extraordinaire. C’est quelque chose que nous n’avions plus vu depuis 2011. La magie semble opérer à nouveau. » En 2011, justement, c’est l’année de la dernière promotion du SFC en Super League; menés de 14 points par Lugano et 13 par Vaduz, les deux clubs romands – Lausanne et Servette – ont fini par assurer leur promotion dans l’élite; qui directement, qui par la voie des barrages face à Bellinzone.
C’est donc toute la ville de Genève qui soutient le SFC de tout son cœur, comme c’était le cas lors de ce derby joué à guichets fermés, où beaucoup de supporters Grenat ont fait le déplacement, en parcage visiteurs comme en tribunes lausannoises. Cela s’est surtout ressenti lors du premier but du match, marqué par Koro Koné (26e) – lui aussi arrivé l’été dernier – suite à une grossière erreur défenseur du LS Nganga.
![Sauthier_1 Anthony Sauthier: « Nous savons que la Challenge League, pour la remporter, il faut marquer des goals. Encore et encore, sans avoir peur d’en subir. Alain Geiger a cette philosophie que Meho Kodro [ndlr, l’ancien coach Grenat] n’avait pas. Il faut savoir être ultra offensif à la maison. » © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2019/04/sauthier_1.jpg?w=309&h=206)
Marquer et encore marquer
Servette est actuellement meilleure défense et surtout meilleure attaque du championnat, avec 63 buts marqués, soit 19 de plus qu’Aarau et 20 de plus que Lausanne. Cette efficacité offensive s’explique également par le système mis en place par Alain Geiger. Tout le monde trouve sa place dans l’attaque genevoise: le fantasque Mychell Chagas et Sébastien Wüthrich en sont à 9 buts chacun, Alex Schalk à 8, Alexandre Alphonse et Miroslav Stevanovic à 7. Ce dernier a d’ailleurs été élu meilleur joueur de Challenge League au mois de janvier, et fait désormais l’unanimité au sein de l’effectif, notamment avec ses 10 passes décisives auxquelles viennent se rajouter les deux du derby. Le Bosnien est sans conteste un élément clef dans la formation servetienne. Cette qualité d’attaque est également mise en avant par Anthony Sauthier: « Nous savons que la Challenge League, pour la remporter, il faut marquer des goals. Encore et encore, sans avoir peur d’en subir. Alain Geiger a cette philosophie que Meho Kodro [ndlr, l’ancien coach Grenat] n’avait pas. Il faut savoir être ultra offensif à la maison. »
« Ça fait un bon moment que je me sens en forme, même si je manque un peu de temps de jeu. Je suis content de pouvoir amener quelque chose à l’équipe quand je rentre »
Kastriot Imeri, milieu offensif du Servette FC
Autour de ces nombreux buteurs, l’on retrouve également des potentiels très prometteurs, comme le jeune Kastriot Imeri, 18 ans, qui marque son deuxième but en deux entrées de jeu. D’abord face à Kriens le week-end dernier, puis ici pour enfoncer Lausanne à la 74e minute. « Ça fait un bon moment que je me sens en forme, même si je manque un peu de temps de jeu. Je suis content de pouvoir amener quelque chose à l’équipe quand je rentre. Après un match important comme celui-là, je me sens bien d’avoir pu mettre l’équipe à l’abri. Sur un terrain comme ça, mener 1-0 ça reste dangereux, on peut toujours se prendre un but. On récupère ces trois points et c’est le plus important. » La compétition est loin d’être terminée, mais le Servette FC peut compter sur un effectif solide et un bel engouement de son entière communauté pour espérer atteindre l’objectif de la saison: la promotion en Super League. Mais si tous assurent que « le standing du club et la ville de Genève méritent la Super League », il n’en reste encore que ce succès à la Pontaise, aussi décisif puisse-t-il paraître, ne marquera pas encore la fin des efforts à neuf journées du terme.
Propos recueillis par Gabriel Nista à Lausanne
et Yves Di Cristino à Genève.
Les faits de match: FC Lausanne-Sport v Servette FC, 0-2 (0-1) Composition du FC Lausanne-Sport: Thomas Castella, Igor Nganga, Noah Loosli, Nikola Boranijasevic (54e Lucas Pos), Per-Egil Flo, Stjepan Kukuruzovic, Cameron Puertas, Alexandre Pasche © (46e Dan Ndoye), Maxime Dominguez (61e Francesco Margiotta), João Oliveira (72e Andi Zeqiri) et Roman Buess. Entraîneur: Giorgio Contini. Composition du Servette FC: Jérémy Frick, Anthony Sauthier ©, Steve Rouiller, Christopher Routis, Dennis Iapichino, Andrea Maccoppi, Thimothé Cognat (90e Daniel Follonier), Miroslav Stevanovic, Sébastien Wüthrich (69e Kastriot Imeri), Alex Schalk (77e Christopher Mfuyi) et Koro Kone (75e Mychell Chagas). Entraîneur: Alain Geiger. Buts: 26e Kone (0-1); 74e Imeri (0-2). Notes: Stade olympique de la Pontaise, Lausanne. 10'545 spectateurs. Lausanne sans Jérémy Manière, Sinclair Baddy Dega, Diego Berchtold (M21), Joël Geissmann, Sancidino Silva, Anthony Koura, Mickaël Nanizayamo et Adilson Cabral (blessés). Servette sans Alexandre Alphonse, Steven Lang et Alexis Antunes (blessés), Robin Busset (rémission), Kwadwo Duah, Sally Sarr et João Castanheira (non convoqués). Arbitre: Lionel Tschudi.