Paléo définitivement à la conquête de la génération Z

Daniel Rossellat a fait l'annonce d'une 44e édition davantage portée sur la Francophonie. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Nyon]

C’est l’une des programmations les plus attendues du grand public. Précédant les files de festivaliers à la recherche du précieux sésame mercredi prochain, Daniel Rossellat et son équipe de programmateurs annonçaient, ce mardi, les têtes d’affiches qui feront vibrer la plaine de l’Asse en juillet. Damso, Lomepal, Angèle ou encore Shaka Ponk: si l’inédit vient à manquer au sein d’un panel qui fait une fois de plus la part belle à la scène rap et hip-pop, les organisateurs ont le mérite de s’inscrire dans l’air du temps et de séduire la jeune génération.

Rebattu inlassablement, le dicton à propos du plus grand open-air romand est le suivant : « À Paléo, le public n’est peut-être pas satisfait sur l’ensemble du festival, mais au moins, le temps d’une soirée, il trouvera son bonheur ». Ce n’est pas Reto Zenhäusern, personnage fictif incarné par Vincent Kucholl, qui nous dira le contraire. Se substituant à l’ancien syndic de Nyon pour ouvrir la conférence de presse, le banquier suisse-alémanique à moustache ironise sur le devenir merchandisé et rentable des festivals, rebaptisant la manifestation le « Paléo Allianz Festival ». Une amorce de bonne augure, puisque le spectacle Le Fric des deux compères ayant bâti leur réputation sur les ondes de Couleur 3 sera à l’affiche le samedi soir.

Battre le flow tant qu’il est chaud

Si 80% des artistes sont annoncés comme inédits, on n’en compte pas moins de 6 (Lomepal, Angèle, Charlotte Gainsbourg, Tamino, Moha La Squale, Caballero & JeanJass) qui se sont produits au Montreux Jazz Festival l’année dernière. Les étés se répéteraient-ils en Suisse ? La faute à un marché des festivals à la limite de la saturation, comme l’annonce le programmateur Jacques Monnier ? Ce n’est en tout cas pas l’analyse de son éternel directeur: « Le renouvellement, c’est important et ce n’est pas si difficile que cela. Il suffit de ne pas céder à la paresse et à la facilité de réinviter régulièrement les mêmes artistes. Cela fait quand même envie, c’est vrai, mais il faut aller à la découverte de nouveaux talents et être attentif à des carrières qui vont évoluer, avoir un nouveau départ parfois. » On pense évidemment à la Belge Angèle, lauréate de deux victoires de la musique – meilleur clip et album révélation de l’année – qui prendra ses quartiers vendredi soir sur la Grande Scène: « Nous essayons d’être fidèle, surtout quand on a la chance d’avoir eu un artiste sur une petite scène et qui par la suite à une carrière qui explose. C’est le cas pour Angèle en l’occurrence qui est un vrai phénomène. Le saut est important puisqu’on passe du Club-Tent à la Grande Scène. Je pense que cela va être un moment très intéressant. » Son compatriote Damso, pour lequel elle a assuré l’année dernière ses premières parties, sera également présent alors qu’il ne se produira qu’au Main Square d’Arras ainsi que chez lui à Dour. Bien que dans un registre pop, le titre « Tout oublier » qu’elle interprète avec son rappeur de frère Roméo Elvis, confirme que la musique urbaine décolle.

« C’est important pour nous, gros festival open air de suisse, de représenter la culture rap et ce type d’artiste pour un public qui est demandeur: on le sait et on le voit »

Mathieu Monnier, programmateur du Paléo Festival Nyon depuis 2018

Pour Mathieu Monnier, en poste depuis 2018 comme programmateur chargé du genre musical, cela ne fait aucun doute: « Il y a une demande assez massive du public. C’est un fait: le rap est le style musical qui fonctionne le mieux aujourd’hui. Il draine les foules. Et puis il a toujours existé au Paléo. Quand j’y allais étant gamin, j’ai des souvenirs assez précis de certains concerts de rap américains ou français. C’est en train de devenir la nouvelle variété. Il y a des styles de musique comme le rock ou la variété justement qui étaient bien plus forts que le hip-pop et aujourd’hui la tendance s’inverse. » Un nouveau souffle qui mérite d’être observé et dont l’évolution confirmera ou non son statut: « Peut-être, ce n’est qu’un courant ou une tendance qui va durer quelques années comme cela se passe souvent en musique. C’est important pour nous, gros festival open air de suisse, de représenter cette culture et ce type d’artiste pour un public qui est demandeur: on le sait et on le voit. »

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Le Québec et la francophonie comme signature

Incontournable dans les oreilles comme dans les assiettes, le Village du monde se fera régional et accueillera cette année le Québec. Province de cœur de Daniel Rossellat qui y séjourne de temps à autre: « C’est une région que j’adore et puis beaucoup d’artistes sont connus. Robert Charlebois est une légende du Québec mais aussi d’autres talents comme Hubert Lenoir. Aussi, des musiques plus traditionnelles qui invitent à bouger et à faire la fête comme les Cowboys Fringants ou encore des artistes très touchants comme Cœur de Pirate et des artistes hip-pop. » Un choix qui renforce une programmation très francophile en s’ajoutant à Jane Birkin, Charlotte Gainsbourg, Lou Doillon, Youssoupha, et tant d’autres: « Cette année elle est très francophone, et j’en suis heureux. Nous avions peur que cela devienne un peu ringard de chanter en français. Maintenant, on voit que des artistes de toutes les scènes des pays francophones s’expriment dans des styles très différent. Ce n’est pas seulement la chanson, c’est aussi le rap et le rock. » S’il fallait choisir un artiste porte-bannière de cette 44e édition, il s’agirait sans nul doute d’Antoine Valentinelli alias Lomepal. L’ancien skateur et sa musique hybride entre rap et chanson française se sont imposés à une rapidité fulgurante, comme a pu le constater Mathieu Monnier: « Il y a un an et demi ou deux ans, ce type d’artistes étaient encore au stade de découverte. Ils jouaient dans des petits clubs de 200-400 places. L’année dernière, on est allé voir Lomepal à l’Arena [ndlr, de Genève] et il l’a rempli. Ce sont des scores que peu d’artistes arrivent à faire. Un sold-out à l’Arena, ce n’est pas si souvent que ça. » Lomepal, une réminiscence des stars de rock ? La scène est le lieu de prédilection pour jauger ce genre de potentialité: « Qu’on aime ou pas le rap, je conseille d’aller jeter un œil et une oreille à ses concerts car c’est un vrai spectacle. Cela se passe aussi dans la foule où les gens sont surexcités, connaissent les paroles par cœur, font des circle pit ou des pogos comme dans les concerts de metal à l’époque. » Il y a donc fort à parier que la soirée du jeudi soit la plus prisée par les festivaliers. Ironie du sort, The Cure jouera également ce soir-là. Reste à savoir si l’idole des jeunes portera son dernier opus Jeannine aussi longtemps que les Britanniques emmènent Pornography.