Le chanteur et acteur napolitain Nino D’Angelo était de retour en Suisse romande après de nombreuses années. Un moyen de réunir toute la communauté italienne dans le théâtre de Beaulieu le premier mars dernier et de raviver les souvenirs des étés ensoleillés des années 80. Nino D’Angelo s’est ensuite arrêté à Zürich et se présentera à Bâle le 30 mars.
Il a rendu folles toutes les adolescentes transalpines il y a une trentaine d’année, avec sa coupe au bol blonde et ses chansons d’amour. Gaetano D’Angelo, de son vrai nom, a aujourd’hui 62 ans, et continue de tourner pour rencontrer son public partout en Europe. Il était de passage dans la capitale olympique et l’accueil de Lausanne lui a été chaleureux : « Mon rapport avec la Suisse est magnifique, mon public m’aime. Il n’y a pas de nation qui m’aime plus, les gens m’aiment et c’est tout. À Lausanne, c’était merveilleux. Je n’étais pas revenu en Suisse romande depuis des années. À Zurich, c’est toujours surprenant aussi, même si c’est la quatrième fois que j’y vais en un an, on fait souvent sold out. Je suis vraiment heureux qu’après toutes ces années les gens viennent encore écouter mes chansons, ce sont des générations différentes, c’est beau. »
Et les fans en auront eu pour leur argent. Pendant deux heures, le Napolitain a chanté ses plus gros tubes, comme d’autres chansons moins connues du public. Jammo Jà, Senza Giacc’ e Cravatt’, Popcorn e Patatine, Napoli Napoli Napoli,… Tous les classiques y sont passés. Alternant des chansons acapella et d’autres avec tous ses musiciens, dont sa nièce qui fait office de deuxième voix. Nino D’Angelo prend aussi le temps de faire rire son public, en répondant aux cris hystériques de certains fans, en avouant se sentir perdu dans un pays où l’on parle trois langues et même en répondant à un appel vidéo sur le téléphone d’un homme qui a couru devant la scène. Bien que de nombreux Italiens étaient présents ce soir-là à Beaulieu, une communauté se distinguait des autres: les Napolitains. De par le nombre de personnes ainsi que par leur langue, les Parthénopéens ont envahi la salle. Et heureusement mieux pour eux, car Nino ne s’exprimait quasiment qu’en napolitain.
Naples avant tout !
« Ce n’est pas un dialecte, c’est une langue », voilà la première chose qui vient à l’esprit des Napolitains quand ils parlent de leur langue. Nino D’Angelo n’y fait pas exception. Né en banlieue de Naples, vers l’actuel aéroport de Capodichino, il y est très attaché. Quelques-unes de ses chansons existent en italien, mais la grande majorité d’entre-elles ne sont chantées qu’en napolitain, et c’est une valeur que le chanteur tient absolument à défendre : « Chanter en napolitain ? Pour moi c’est la vie, c’est une chose qui me rend fier, parce que je suis napolitain, et chanter dans ma propre langue est la chose qui me correspond le mieux. J’aime la chanson napolitaine, je ne pourrais jamais la trahir. Je peux aussi faire quelques phrases en italien dans un morceau, mais la chanson doit être en napolitain. »
Critiqué cette année au festival de San Remo, qui récompense la chanson italienne de l’année, Nino pense avoir payé le fait de chanter en napolitain. En effet, la chanson du rappeur Livio Cori (29 ans) Un’Altra Luce sur laquelle il prête sa voix s’est positionnée en dernière place du classement. « Il est très difficile dans un pays comme l’Italie de se faire accepter en chantant en napolitain. Ils la divisent tout le temps, notre nation. Alors sans aucun doute que peu de monde a voté pour moi. Mais pour moi ça compte peu. La fierté d’être napolitain vaut plus que n’importe quelle autre chose. Ce qui compte, c’est ce que je veux être, pas ce qu’ils veulent que je sois. Les classements, ça ne m’intéresse pas. »
« Gomorra n’est pas une Naples idéale, c’est une toute petite partie de Naples. C’est un mal, et ça me fait de la peine de voir que Naples soit connue pour la Camorra »
Nino D’Angelo, chanteur populaire napolitain
Nino D’Angelo avoue cependant qu’il n’aime pas la façon dont Naples est vue dans le monde actuellement. Rendue célèbre au niveau international il y a quelques années avec la série TV Gomorra, la ville de Naples souffre d’un fléau depuis une éternité: la mafia. « Gomorra n’est pas une Naples idéale, c’est une toute petite partie de Naples. C’est un mal, et ça me fait de la peine de voir que Naples soit connue pour la Camorra [ndlr, la mafia napolitaine]. À Scampia, il n’y a pas que ça. Il existe aussi l’amour, la joie, l’église, les personnes normales. Je n’aime pas la généralisation. Les gens de Naples sont des victimes de ce mal, ce ne sont pas des bourreaux ».
« Le festival de San Remo n’est pas encore prêt »
Dernier au classement du festival cette année, le chanteur nous raconte comment il est venu à se retrouver sur une chanson hip-hop, pourtant bien loin du style habituel de Nino D’Angelo. « Cette année, j’ai voulu faire acte de générosité envers un jeune talent, en l’aidant sur cette chanson qui pour moi est belle. C’est une musique à écouter sur disque, et non à San Remo, où ils te mettent obligatoirement un orchestre derrière. J’ai voulu aider Livio, mais je l’ai fait car la chanson me plaisait aussi. Il faut aussi tenter de nouvelles choses, sinon si les gens veulent toujours la même chose, c’est inutile d’aller à San Remo. Selon moi cette chanson aura quand même du succès. »
« À 62 ans, je ne peux plus faire des chansons où le jeune Nino avec sa coupe au bol blonde va embrasser des filles sur la plage »
Nino D’Angelo, chanteur populaire napolitain
Cette édition du festival a été marquée par diverses polémiques. Des problèmes de son lors des premières représentations, une victoire finale qui aurait été influencée par les journalistes, une chanson en napolitain et même les origines du vainqueur Mahmood (binational italo-égyptien) ont été sources de controverses. Nino D’Angelo a cependant vécu cette édition dans une plus grande sérénité. « J’y suis allé dans le calme. C’est juste dommage que le premier soir, on n’entendait pas bien les premières chansons, ça nous est également arrivé à nous. Ce qui est dommage à San Remo, c’eest qu’il y a des choses que l’on ne peut pas faire. Ils dépensent des milliards pour le festival, mais par exemple il n’y a qu’un seul autotune. Techniquement, San Remo n’est pas encore prêt pour ce genre de morceaux. On ne peut pas arriver au festival avec une chanson révolutionnaire. Mais cette fois-ci je n’y suis pas allé pour le classement, ce n’est pas grave d’avoir terminés derniers. Il arrive même que le dernier ait un plus grand succès que le premier par la suite. Cette expérience m’a plu. Et pour Livio, même en finissant dernier, le festival offre de la popularité, preuve en est puisque nous sommes en train d’en parler. »
2019 marquait donc la sixième participation du chanteur au festival de la chanson italienne, la première remontant à 1986. Nino est conscient de sa longévité et de son âge. Depuis une quinzaine d’année, le style de ses chansons a changé. « À 62 ans, je ne peux plus faire des chansons où le jeune Nino avec sa coupe au bol blonde va embrasser des filles sur la plage. » Ses chansons sont aujourd’hui par un plus grand engagement. Il y dénonce les tristes conditions d’une grande partie de la population du sud de l’Italie, ainsi que les nombreux problèmes politiques dont souffre le pays. Nino D’Angelo continue d’écrire ce qu’il pense, et ça plaît toujours.