Christian Binggeli: « Michel Decastel est un grand ami et il le reste »

« L'amitié reste, c'est une personne que j'admire et j'ai vécu les six mois les plus intenses, mais aussi les plus difficiles, qu'un président puisse vivre et Decastel l'a compris. Il a compris ma décision. Je devais abattre cette lassitude, cette spirale négative et le timing m'a paru juste », a notamment affirmé Christian Binggeli lors de la conférence de presse extraordinaire de mercredi matin. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Neuchâtel]

Michel Decastel (63 ans) a été évincé à la tête de la première équipe de Neuchâtel Xamax FCS. Une décision surprenante alors que les Rouge et Noir venaient de boucler deux mois de préparation hivernale avec le coach neuchâtelois en fonction depuis octobre 2015. Coudoyé en masse par les médias de toute la Suisse, suite au coup de tonnerre de l’annonce, le Président Binggeli a assuré, ce mercredi midi en conférence de presse extraordinaire que les relations entre la présidence et le désormais ex-entraîneur sont restées très amicales. Les larmes à l’œil.

La machine neuchâteloise semblait avoir été remise en route pour affronter la 19e journée de championnat, qu’elle a rapidement été rabattue d’un violent retour de manivelle. D’un match aux extrêmes – entre le premier et le dernier de la classe – « où l’on a, à proprement parler, rien à perdre », assurait Michel Decastel il y a voilà cinq jours, voici que la défaite face à YB – pourtant honorable, eu égard au jeu défensif séduisant des Rouge et Noir en seconde période – s’est révélée d’autant plus tranchante pour la paroisse xamaxienne. Un match qui a définitivement sonné le glas pour l’entraîneur de 63 ans, dont on avait bon espoir qu’il termine sa saison à Neuchâtel. « Si j’écoutais mon cœur, je ne l’aurais jamais viré », soutint dès lors le Président Binggeli. « Mais parfois il faut être plus fort que le cœur. » Ému aux larmes, la décision fut des plus pénibles pour l’homme fort de la Maladière. Quoi qu’on en ait pu dire pourtant dans le courant des dernières 24 heures sur la vieille presse de boulevard, la (certainement dure) résolution à laquelle a dû se livrer le Président Christian Binggeli doit avoir été mûrement réfléchie. En effet d’aucuns n’imaginait – sous la bombe médiatique que la nouvelle a engendrée – le dirigeant xamaxien agir sur un coup de tête, quelques heures seulement après une (honorable) défaite sur le synthétique du Stade de Suisse (2-0 face à Young Boys, actuel leader incontesté du championnat). Et l’intéressé le précisa ouvertement en conférence de presse: « Nous nous sommes quittés en bons termes, nous étions – et sommes toujours – proches au niveau de la famille. Ce sont des moments trop difficiles pour le Président que je suis mais la décision a été réfléchie. Dans le courant du mois de novembre, Decastel, lui-même, était aussi prêt à partir », a-t-il alors énoncé avant de préciser nouvellement: « L’amitié reste, c’est une personne que j’admire et j’ai vécu les six mois les plus intenses, mais aussi les plus difficiles, qu’un président puisse vivre et Decastel l’a compris. Il a compris ma décision. Je devais abattre cette lassitude, cette spirale négative et le timing m’a paru juste. »

« Les joueurs désormais prennent aussi leur responsabilités, mais ils sont intelligents et matures. Il le savent », précisait alors Christian Binggeli mercredi matin en pointant, d’un ton décisif, les limites de la fable qui fut celle de Neuchâtel Xamax FCS depuis six ans. Aussi car le travail de fond était pourtant intense (harassant même) depuis la reprise des entraînements le 2 janvier. « L’ambiance était assez morose à la reprise, je dois l’avouer. Sortir d’un premier tour aussi compliqué n’était pas évident. Il fallait nous remotiver, même si la météo neigeuse et les températures froides n’aidaient pas », avait lâché le capitaine Laurent Walthert vendredi midi, quelques heures avant le départ pour Berne. « Mais après le stage en Espagne [ndlr, à San Pedro del Pinatar en Murcie], nous avons totalement lâché prise et avons remis les idées en place », avait alors aussitôt ajouté le premier portier de l’équipe. Dans les faits, depuis le mois de décembre, Neuchâtel Xamax s’est donné les meilleurs moyens pour édifier les bases d’une surprenante (et fortement espérée) remontée au classement. Joueurs et staff en assuraient leur bonne volonté et leur inébranlable détermination: « Nous avons donné un deuxième élan à notre saison, nous nous sommes tous mis au diapason », précisait toujours le numéro 30 chargé de leurs meilleurs espoirs. Et par delà les échecs, certainement, chacun a su trouver, dans le for intérieur, la vaillance pour remettre l’ouvrage sur le métier. Et surtout, tout le monde au sein du club a su remettre en question le présent système, la présente organisation, la présente structure qui permettait encore de gagner il y a quelques mois mais qui s’est violemment essoufflée depuis.

« Nous sommes toujours allés de succès en succès, et quand c’est comme cela, l’on ne voit jamais les défauts »

Christian Binggeli, Président de Neuchâtel Xamax FCS

Car le constat est devenu cristallin au fil des mois; au-delà de manquer de moyens financiers, Xamax manquait avant tout l’organisation sportive des grands cadors de Super League. Sans recruteur et surtout sans suivi efficace entre la formation et l’élite, le club rouge et noir époumonait ses derniers efforts dans la pondéreuse nécessité administrative. Les premières solutions sont en effet apparues tôt cette année. Le club avait d’abord enregistré l’arrivée d’un responsable pour la cellule des recrutements, Sébastien Fontbonne (45 ans) cet hiver, puis s’était vivement réjoui de l’arrivée sous forme de prêt de deux Bâlois – l’international ivoirien Geoffroy Serey Dié et le jeune Français Afimico Pululu, ayant tous deux été alignés sur la pelouse samedi soir au Stade de Suisse. Mais cela n’a pas suffit à rétamer la spirale compliquée à l’interne. Car là, en réalité, ce n’était que le meilleur possible à faibles moyens. Il fallait donc – annonce le Président ce mercredi matin – investir à long terme sur une post-formation, celle que la plupart des plus grandes écuries de Super League mais aussi de Challenge League (à l’aune du FC Lausanne-Sport ou du Servette FC) ont su mettre en place il y a maintenant des années. « Nous sommes toujours allés de succès en succès, et quand c’est comme cela, l’on ne voit jamais les défauts. Et l’on ne pouvait plus bricoler en amateur sur les affaires de mercato, nous devions laisser Decastel faire son travail de coach et nous souhaitons désormais mettre en place une structure sportive pour créer une équipe M21. Le saut entre les M18 et la première équipe est trop importante pour avoir un suivi convenable. Il nous manque une post-formation après les M18. » Et pour ce faire, l’administration xamaxienne a déjà pris rendez-vous avec les représentants de la ligue professionnelle (SFL) et les affaires – assure-t-on – se mettent en place. Mais il faudra encore du temps. Et ce temps, Christian Binggeli souhaitait le minimiser en créant l’électrochoc au sein de son contingent, preuve naturelle de la décision inévitable – bien que fortement inattendue – qui fut la sienne mardi après-midi: « C’est la première fois que je me sépare de quelqu’un, en tant que Président. Je n’ai pas la force de Christian Constantin dans ces instants-ci. J’ai fait des erreurs, il est vrai, mais je sais les reconnaître. Quand vous aimez quelqu’un, on repousse toujours l’échéance. J’avais la glotte qui tremblait au moment de discuter avec lui. Mais il y a des histoires de cœurs qui semblent m’avoir pénalisé ces derniers temps et je ne voulais pas m’en vouloir d’avoir pris une mauvaise décision en mai. Nous n’oublions bien sûr pas que Xamax est devenu plus professionnel et a atteint la Super League grâce à Michel Decastel. Aujourd’hui, la fin d’un cycle de Neuchâtel Xamax est actée mais nous avons aussi une nouvelle chance de nous en sortir. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, finalement. »

Christian Binggeli: « Nous ne prendrons plus de joueurs, pas même un défenseur central. L’on paiera jusqu’au bout les conséquences de notre échec au mercato estival » © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Neuchâtel]

L’impossible avec peu de moyens

Implicitement, cela ressemble pourtant et étrangement à une manœuvre d’ultime recours, une stratégie désespérée pour tenter de sauver, dans la mesure du possible, ce qui l’est encore; à quatre points du premier non-relégable, les Rouge et Noir doivent en effet désormais – et avant tout – se refaire une cure de jouvence, moralement, physiologiquement et physiquement. Et même si le défenseur togolais Serge Akakpo, ainsi que le milieu de terrain congolais Aurélien Ngeyitala étaient, un (court) temps, pressentis pour venir renforcer les charnières défensives xamaxiennes, les protégés de Christian Binggeli devront désormais se rattacher à leurs propres qualités, en espérant que « l’électrochoc » aient vraiment lieu… à la Maladière. D’autant plus que le mercato xamaxien semble clos; l’attente fiévreuse d’un défenseur central qui semblait constituer l’une des dernières cartes à jouer du staff (encore) en place n’aboutira plus. Et c’est en l’état actuel des choses que Stéphane Henchoz s’apprête désormais à mener l’opération commando. « Nous ne prendrons plus de joueurs, pas même un défenseur central. L’on paiera jusqu’au bout les conséquences de notre échec au mercato estival », a également précisé Christian Binggeli.

« Nous avons été forts cet hiver en renonçant à des joueurs qui n’étaient pas opérationnels, mais nous avons su tout de même nous renforcer avec Serey Dié »

Christian Binggeli, Président de Neuchâtel Xamax FCS

« Je cherchais avant tout de l’argent, mais ce n’était pas facile. » Christian Binggeli sait devoir lutter au front avec des ressources aussi minimes qu’insurmontables. « Je sais bien qu’avec 7-8 millions [ndlr, de francs de budget], ce n’est rien pour une Super League. Et Decastel ne s’est jamais plaint de cela, alors que la mission semblait totalement folle. » Folle et insoutenable car, en réalité, si les ressources manquent, c’est qu’elles pénalisent immanquablement dans les négociations avec les clubs étrangers. Si Neuchâtel Xamax FCS veut se renforcer, le club doit ruser de méthodes diverses, que celles proprement traditionnelles. « Nous sommes aussi impuissants face aux Présidents de clubs étrangers [ndlr, il cite notamment Jean-Michel Aulas, Président de l’Olympique Lyonnais] qui nous rigolent à la gueule. Je suis allé voir Saint-Étienne et la Juve, où Michel Decatel s’était même rendu. La Juve nous a donné un catalogue, mais il n’y avait aucune mise à l’essai possible; soit nous engagions un joueur, soit rien. Nous ne pouvions pas négocier comme cela. Et dans les deuxièmes divisions françaises et anglaises, nous ne pourrions même pas régater sur les salaires. Dans un autre temps, je suis même allé voir M. Senderos [ndlr, ancien défenseur de l’Équipe de Suisse], mais ce n’était pas le renfort que l’on cherchait car il n’avait plus joué depuis longtemps en Suisse. » Aussi, preuve des ressources mentales infrangibles de M. Binggeli, les staff xamaxien s’est assuré de pouvoir dégoter les quelques renforts nécessaires à leur situation. « Nous avons appelé Bâle, nous avons dialogué avec [Marco] Streller. Nous avons pris des joueurs à l’essai mais nous avons été forts cet hiver, en renonçant à des joueurs qui n’étaient pas opérationnels, mais nous avons su tout de même nous renforcer avec Serey Dié [ndlr, et Afimico Pululu] », s’est également félicité de le Président rouge et noir.

Stéphane Henchoz, « un homme qui connaît l’équipe »

La tâche du nouveau chef de l’équipe rouge et noir s’annonce désormais capitale, alors que la lutte pour la relégation saura grandement se décider lors des prochaines échéances; d’abord la réception du FC Lucerne dimanche après-midi à 16 heures, avant un déterminant déplacement au Letzigrund pour y affronter Grasshopper, dans un typique match “à 6 points”. « Le tournant de la saison », osait même qualifier le désormais ex-entraîneur de l’équipe, Michel Decastel. Au poids des exigences répond désormais le tourment de l’urgence; Neuchâtel Xamax FCS ne peut plus se contenter de se défendre honorablement; il faut désormais gagner! Privé de Charles-André Doudin, blessé au genou et dont l’indisponibilité est toujours comptée à quelque deux ou trois mois, Henchoz saura composer avec l’intelligence qui fut autrefois celle de Michel Decastel. C’est la raison-même qui fait que Christian Binggeli lui a pleinement témoigné sa confiance. « Stéphane et le staff ont fonctionné comme des gens très professionnels et ont toujours été très respectueux du choix de M. Decastel, même s’ils n’étaient pas d’accord. Le respect a toujours primé, aussi parce que Descastel en imposait », a-t-il affirmé avant de poursuivre: « Je ne voulais pas aller chercher un Jacobacci ou tout autre entraîneur libre tout de suite. Je voulais quelqu’un qui connait les joueurs et dont on a vu qu’il s’est impliqué auprès des joueurs. Il mérite d’avoir sa chance. Les joueurs-même ont choisi de continuer avec Henchoz. J’ai appelé un ou deux de mes leaders [ndlr, dont il a tu le nom], pour leur poser la question et l’évidence fut rapidement apparue. »

« Je dois maintenant régler le “problème” de José Saiz »

Christian Binggeli, Président de Neuchâtel Xamax FCS

En revanche, le départ de Michel Decastel acté et la prise en main de l’équipe première par Stéphane Henchoz demande un dernier réglage urgent. L’identité de l’assistant de l’ancien défenseur de l’Équipe nationale suisse (44 ans) n’est pas encore assurée. Elle devrait revenir à José Saiz, l’actuel préparateur physique de l’équipe. Mais Binggeli doit encore dénicher son suppléant. « Je dois maintenant régler le “problème” de José Saiz, car on ne peut pas être entraîneur assistant et préparateur physique. Toutefois, il me semble plus facile de trouver un préparateur physique qu’un entraîneur assistant », a alors affirmé Christian Binggeli, qui en a aussi profité pour annoncer l’arrivée future d’un directeur sportif au mois de juin prochain, quelle qu’en soit l’issue finale du championnat. Preuve que les choses bougent à Xamax, toujours.