La compagne du starter suisse Jérémy Desplanches, Charlotte Bonnet (23 ans) est présente à la Swim Cup pour la troisième fois, en trois éditions. La nageuse de l’Olympic Nice Natation a connu une année flamboyante sur tous les fronts. Championne d’Europe des 200 mètres à Glasgow et médaillée de bronze sur les 100 mètres en nage libre, la native d’Enghien-les-Bains fait partie d’un groupe élargi du club niçois ayant fait le déplacement à Lausanne. Bien entourée auprès des athlètes de grande expérience entraînés par Fabrice Pellerin, la multiple championne de France (avec plus de 30 titres cumulés entre le petit et le grand bassin) se dresse aujourd’hui à l’image du renouveau de la natation française. Ce jeudi soir, à Mon-Repos, la Niçoise d’adoption a terminé seconde d’une finale remportée par la Canadienne Kayla Sanchez sur les 100 mètres nage libre.
« La saison a été longue », assure d’emblée la jeune championne d’Europe. Il est vrai, si elle n’a pas été aussi intense que celle que celle de l’“Iron Lady” Katinka Hosszú, l’année de Charlotte Bonnet aura été décisive dans la natation de la jeune athlète de 23 ans. Son premier or international à Glasgow cet été sur les 200 mètres lui aura valu la révélation qu’elle attendait, tant pour elle que pour l’entier de la natation tricolore qui peine toujours à s’éveiller de Jeux Olympiques à Rio fort décevants. L’écroulement d’une génération entière de champions incontestés, à l’image de Florent Manaudou, Camille Lacourt, Yannick Agnel ou encore Alain Bernard, aura laissé un vide fracassant ces deux dernières années. Le Guyanais Mehdy Metella (26 ans) et le champion olympique Jérémy Stravius (30 ans) sont toujours là mais leur été n’aura pas offert la pleine satisfaction que les deux nageurs auraient espéré au niveau individuel. Cependant, le retour au plus haut niveau de la natation française est provenue d’une entière génération de nageuses talentueuses et dévouées. Le relai féminin sur les 4×100 mètres a d’ailleurs raflé la médaille d’or des Européens de Glasgow devant les Pays-Bas des redoutables Femke Heemskerk et Ranomi Kromowidjodjo. Un résultat qui aura, pour plus, également guindé le relai mixte quelques jours plus tard, dans lequel tant Metella que Stravius ont pu décrocher l’unique or de leurs joutes continentales. Deux victoires d’équipe qui marquent sans doute, alors, l’accession (nouvelle ou programmée) des plus grands talents de l’Hexagone. « Nous avons chacun traversé des périodes difficiles depuis 2016. Mais une véritable émulation semble avoir vu le jour en 2018. Nous faisons désormais des choses ensemble. En Équipe de France, l’on se tire les bonnes énergies, tout en cassant les histoires du passé. « Nos titres européens sur le relai ne feront peut-être pas de nous des champions du monde tout dessinés mais l’état d’esprit de l’équipe est meilleur », aiguillonne alors Charlotte Bonnet. Coudoyée en Équipe de France par Fantine Lesaffre, Mathilde Cini, Marie Wattel, Assia Touati, Beryl Gastaldello, Margaux Fabre ou encore Cyrielle Duhamel (dont la plupart ont connu leurs premiers Européens cet été en Écosse), Charlotte Bonnet s’est brillamment projetée sous les projecteurs de la natation internationale. « L’or européen en établissant mes meilleurs chronos et la réussite collective sur les relais fait de cette saison, ma meilleure en carrière. Pourtant je ne me l’attendais pas aussi riche », assure alors la Niçoise d’adoption.
« Nous avons chacun traversé des périodes difficiles depuis 2016. Mais une véritable émulation semble avoir vu le jour en 2018. Nous faisons des choses ensemble »
Charlotte Bonnet, championne d’Europe 2018 du 200 mètres nage libre
Après les JO de Rio, la morosité de l’ambiance en Équipe de France aurait pu valoir sur le mental de la jeune Française, qui avait alors 21 ans. Sa finale manquée (terminée à la 8e place) lors des Mondiaux de Budapest en 2017 ont manqué de peu de lui faire peser sur les épaules le poids des attentes non honorées, des promesses non (ou partiellement) tenues. Mais la léthargie collective n’aura heureusement pas passé l’hiver; de Copenhague (décembre 2017) à Glasgow, Charlotte Bonnet a passé le cap de sa carrière auprès de son faire-valoir Fabrice Pellerin, qui l’entraîne de puis quelque huit années au sein des structures de l’Olympic Nice Natation. « J’ai mis du temps à mettre à profit mes propres qualités. Et les titres lors des Européens de Copenhague, puis de Glasgow, étaient la meilleure chose qui puisse m’arriver. J’avais beaucoup de pression et il y avait beaucoup d’attentes. J’avais vraiment l’impression de ne pas avoir le droit à l’erreur et que l’échec m’était interdit », lâche-t-elle avant de continuer: « Désormais, j’aborde les compétitions différemment et avec plus de confiance. » Et aux côtés d’un autre champion d’Europe, en la personne du Suisse Jérémy Desplanches: « L’on s’entraide beaucoup même si je dois dire que rien n’a vraiment changé pour moi entre la période ou nous étions amis [avec Jérémy] et maintenant que nous sommes en couple. Nous ne sommes pas toujours collés l’un à l’autre et cette maturité nous permet d’avancer sereinement. »
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Les deux se sont retrouvés dans les bassins de Mon-Repos ce jeudi à l’occasion de la troisième édition de la Swim Cup de Lausanne, et avec des résultats particulièrement satisfaisants; Jérémy Desplanches a terminé troisième de sa finale des 100 mètres brasse – discipline dans laquelle il s’est illustré cette semaine face notamment à l’Allemand Marco Koch, premier – mais a souverainement remporté les 200 mètres quatre nages (en 1’54”71), après s’être notamment qualifié avec le meilleur temps lors des séries du matin. De son côté, Charlotte Bonnet s’est classée deuxième sur les 100 mètres nage libre (52”18), une course marquée par un niveau extraordinaire porté par les nombreuses Canadiennes inscrites: Kayla Sanchez (qui a établi le record du meeting en 51”68), Penny Oleksiak (3e) et Taylor Ruck (4e). La Hollandaise Ranomi Kromowidjodjo et l’Allemande Jessica Steiger ont, quant à elles, clos la marche. La preuve que, malgré la longue tirade victorieuse de l’année 2018, la compétitivité n’a pas décru pour cette (toute) dernière compétition de l’exercice. « Tout est mis en œuvre pour faire de bonnes courses à la Swim Cup », assurait même Charlotte Bonnet mercredi matin lors de la conférence de presse d’avant-meeting. Une réalité que n’ont pas manqué de relever ses partenaires d’entraînement à Nice, Jérémy Stravius (30 ans) et Jordan Pothain (24 ans), qui découvraient Lausanne pour leur toute première fois en carrière: « La première fois que je viens en Suisse en dix ans de carrière. Ça ne me fait pas de mal! », en plaisantait même le premier, alors que Pothain – quant à lui – assure vouloir profiter de l’événement pour démarrer de bon pied sa prochaine saison en grand bassin dès 2019. Après de longues périodes infructueuses débutées en 2017 – au cours desquelles il n’avait admis aucun minima pour les championnats du monde de Budapest, ni même ceux des Européens de Glasgow sur ses 400m libre –, l’Échirollois souhaite réussir sa préparation en vue des prochains mondiaux de Gwangju en Corée du Sud en 2019, puis enfin les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. « La Swim Cup marque là le début d’une nouvelle période, censée valider l’ensemble du travail opéré depuis septembre [à Nice] », assurait alors le Rhodanien ce jeudi matin après les séries.
À Nice, l’ambiance de groupe favorise les prouesses sportives
Jordan Pothain a changé d’environnement cet été, par besoin de nouvel air. Le jeune nageur a quitté en juillet son club, le NC Alp et son entraîneur, Guy La Rocca alors qu’il sentait ne plus y arriver dans l’Isère. « Une décision pas facile », avoue-t-il, tout en assurant qu’il a gardé de très bon contacts avec son précédent entraîneur. « C’est une période très mouvementée mais qui s’avère être aussi charnière pour le futur de ma carrière ces prochaines années. » Pour l’Échirollois donc, l’horizon le porte avec de grandes ambitions jusqu’à Tokyo, après avoir notamment échoué en finale des 400 mètres nage libre à Rio en 2016. « Depuis Rio, je n’ai qu’une seule pensée, et elle va à Tokyo », assure-t-il alors avant de poursuivre: « Par le passé, j’ai parfois eu le tort de me projeter trop tôt, de miser beaucoup trop vite et il m’est arrivé de me planter langoureusement. C’est pourquoi j’ai remis les choses en ordre actuellement, en repartant de la base. En détricotant les mauvais automatismes qui ont été les miens par le passé. » Opéré au cœur alors qu’il était en proie à des crises de tachycardie (il était atteint de la maladie de Bouveret), Jordan Pothain a souhaité poursuivre, à Lausanne, l’effort consenti depuis quelques mois pour revenir à son plus haut niveau. De retour dans les bassins il y a quelques semaines lors des championnats de France de Montpellier en novembre, l’Isérois a figuré à Mon-Repos parmi un plateau international relevé; il a terminé deuxième de la finale des 400 mètres libre (en 3’45”25) derrière le Norvégien Henrik Christiansen – médaillé d’argent à Glasgow et Hangzhou en 2018 et qui a notamment établi le nouveau record du meeting en 3’39”99 –, avant de manquer la finale des 100m libre (6e en 48”56), relevée notamment par le Belge Peter Timmers (2e), médaillé d’argent des derniers JO.
« On m’a rapidement considéré comme un nageur expérimenté parce que j’ai disputé une finale olympique. Mais cela n’empêche que je reste un petit sur le plan international »
Jordan Pothain, spécialiste français du 400 mètres nage libre
Toujours est-il que depuis les Jeux au Brésil, beaucoup considèrent Jordan Pothain comme l’un des nageurs expérimentés du circuit européen. Ce qui n’est pas totalement faux, même si le jeune nageur de 24 ans a encore beaucoup à prouver dans les grands rendez-vous. « On m’a rapidement considéré comme un nageur expérimenté parce que j’ai disputé une finale olympique. Mais cela n’empêche que je reste un petit sur le plan international », lâche-t-il à Mon-Repos ce jeudi matin. Mais cela n’empêche, qu’au sein du groupe entraîné par Fabrice Pellerin, le “freestyleur” soit remarqué, son talent et son flegme lui étant par ailleurs souvent reconnus. « Fabrice cherche des nageurs qui apportent un grand plus tant au niveau sportif qu’au sein du groupe », assurait alors Jérémy Desplanches. « C’est par ailleurs ce qui m’a attiré chez lui, ce qui lui fait sa renommée. Son groupe est vraiment agréable », avait même ajouté le Genevois. Le calme, c’est aussi – à l’en croire ses coéquipier – ce qui fait le fort de Jérémy Stravius. Même si ce dernier avoue, sourire aux lèvres, parfois quelques incartades: « Je n’ai pas que de la réserve. Mais il est vrai que je puisse apporter un peu d’expérience même si je n’allais pas chambouler exagérément un groupe qui fonctionnait déjà bien avant mon arrivée. » Le champion olympique du relai 4x100m libre à Londres en 2012 est par ailleurs arrivé à Nice en septembre, bien qu’il soit toujours licencié à son club d’Amiens. À la recherche de nouvelles sensations et traduisant un besoin de changer d’environnement, Stravius sait nourrir encore de grandes ambitions ces deux prochaines années: « Fabrice [Pellerin] est la solution au challenge que je me suis lancé: briller au Mondiaux et aux JO. Pour ce faire, nous sommes dans les limites de temps. »
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« Cette année a été enrichissante et dynamique. Et cela est grandement dû à l’identité portée par le groupe à l’entraînement. Fabrice sait créer cet univers, il s’assure que l’équilibre soit bien respecté entre nous, ce qui favorise grandement le respect entre nous tous. La stabilité du club appartient aux qualités de Fabrice. Les entraînements sont à un niveau élevé et je trouve toujours quelqu’un avec qui m’entraîner », assurait pour sa part Charlotte Bonnet. Et cela fait bien huit ans que l’Enghiennoise côtoie cet encadrement. Et les arrivées nouvelles de Jordan Pothain et Jérémy Stravius n’y ont donc rien changé, aussi parce que leur amitié sur le circuit et en Équipe de France a grandi au fil des années. « Tout se passe très bien à Nice. J’ai très bien été accueilli par l’encadrement. Mais il est vrai que je le connaissais déjà bien, il n’y a rien de vraiment nouveau sinon la structure du club », assurait alors Jérémy Stravius. « Le collectif est grand et nous pousse à nous améliorer. Je côtoie de grands nageurs médaillés au niveau international et cela donne envie de faire pareil. Avec Charlotte ? On se comprend bien et on bosse beaucoup ensemble », concluait pour sa part Jordan Pothain.
Ladislas Salczer, la jeunesse qui ravive les anciens
À Nice, auprès de Fabrice Pellerin, il n’y a certes pas que des médaillés internationaux. À Lausanne, le coach de l’ONN est venu avec une entière délégation qui compte en son sein de grands espoirs de la natation tricolore et continentale. C’est le cas du jeune Ladislas Salczer (classe 2000) et qui est venu disputer à Mon-Repos sa dernière épreuve d’une année 2018 de longs et (parfois durs) apprentissages. Et il suffit de discuter quelques secondes avec, pour retrouver l’entier de l’ambition du très jeune âge. « Je souhaite aller le plus loin possible, peut-être un jour jusqu’au titre olympique. Mais je me laisse le temps. Aujourd’hui, c’était notre dernière compétition sur les 25m [petit bassin] et je suis venu à Lausanne pour nager mes meilleurs chronos, ce qui s’avère être utile pour bien finir l’année », lâchait-il au sortir du bassin lors de la session du jeudi soir. Et, autant dire qu’il y est parvenu; le matin, le garçon de 19 ans s’est classé avec le 9e temps des séries en 25”02 sur les 50 mètres dos, ce qui constitue une amélioration de “33 sur sa meilleure marque établie à Montpellier le 18 novembre dernier lors des championnats de France. Une constance qu’il a même su garder lors des Finales B du soir. Il s’y est classé troisième avec un temps de 25”26 derrière les Suisses Roman Mityukov (classe 2000) et Nicolas Zoulalian (1996, premier en 24”89).
« Ladislas est un jeune qui se projette sur le long terme. Nous avons besoin de jeunes comme lui dans l’équipe. Les plus anciens ont beaucoup à apprendre d’eux »
Jérémy Stravius, champion olympique 2012 et champion d’Europe 2018 du relai 4x100m
Mais il est sûr, le bain des grands est encore un peu éloigné; il est certainement trop tôt pour évoquer avec lui les Mondiaux Élite de Gwangju en 2019, ainsi que les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. « Je ne pense pas pouvoir nourrir actuellement des ambitions mondiales ou olympiques, étant donné mes temps fournis jusqu’ici et au vue des minimas à atteindre pour la qualification [ndlr, 25”17 en grand bassin. Le meilleur temps de Ladislas Salczer sur les 50m dos est de 26”02]. Je suis un peu en-dessous, ce qui me permet actuellement de viser les Universiades. Mais je ferai tout pour améliorer mes qualités sur le grand bain. » En attendant, à Nice, il évolue auprès de grands professionnels que sont Charlotte Bonnet, Jérémy Desplanches, Jérémy Stravius et Jordan Pothain. L’Abbevillois, par ailleurs, semble le suivre de très près: « Ladislas est un jeune qui se projette sur le long terme. Nous avons besoin de jeunes comme lui dans l’équipe. Les plus anciens ont beaucoup à apprendre d’eux », affirmait alors Stravius ce jeudi matin. Une admiration que lui rend par ailleurs le jeune nageur: « Charlotte et les deux Jérémy m’apportent beaucoup à l’entraînement. Ce sont des livres pour moi. L’ambiance est vraiment sereine au sein du groupe. J’ai vraiment pu découvrir et apprécier de manière plus personnelle Stravius depuis qu’il est arrivé. Sa présence et son aura de champion du monde [ndlr, sur les 100 mètres dos à Shanghai en 2011, ex-æquo avec Camille Lacourt] sont vraiment porteurs, tout particulièrement pour moi puisqu’il est également un dossiste et relève la concurrence sur le sprint. Donc, il me suffit parfois de le regarder pour apprendre. » Touchant.