Révélé à l’Europe cet été, Jérémy Desplanches vise désormais le podium mondial

Jérémy Desplanches a passé un cap cet été en remportant l'or européen à Glasgow. Ses objectifs prochains sont déjà fixés. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]

Meilleur nageur de Suisse, Jérémy Desplanches a décroché, il y a de cela presque cinq mois, l’or européen sur les 200 mètres quatre nages à Glasgow. Après une préparation adoucie de retour d’Écosse, le jeune homme de 24 ans a décidé d’outrepasser le plus large de la saison en petit bassin pour se concentrer davantage sur la prochaine année, marquée par les championnats du monde de Gwangju (Corée du Sud), grande avant-première des Jeux Olympiques de Tokyo prévus à l’été 2020. Pourtant présent à la troisième édition de la Swim Cup de Lausanne ce jeudi et vendredi pour ce qui est le dernier grand événement international de l’année, Desplanches travaille déjà son mental et son physique en vue des prochaines grandes échéances.

C’est peu dire que Jérémy Desplanches a passé un grand cap cet été à Glasgow. Conscient de son potentiel, le garçon était pourtant resté très discret sur ses ambitions finales. Arrivé en Écosse dans une forme étincelante, le Genevois de 24 ans s’est assuré une place de choix parmi le gratin européen de la natation; en dominant l’Allemand Philip Heintz et le local de l’étape Max Lichtfield avec près de huit dixièmes (”79) d’avance, il s’était assuré le premier grand succès continental de sa carrière, une première pour la fédération suisse de natation qui attendait l’or depuis plus de dix ans et la victoire de Flavia Rigamonti en 2008 à Eindhoven sur les 1500 mètres. L’exploit de Jérémy Desplanches a été tel qu’il n’a manqué de surprendre bon nombre de personnes parmi ses soutiens au sein de Swiss Swimming, mais aussi auprès de ses proches. « Demandez à Jérémy s’il croyait pouvoir décrocher l’or aussi facilement, je pense qu’il ne se l’imaginait pas », nous confie Charlotte Bonnet, sa compagne dans la vie mais aussi dans les bassins de l’Olympic Nice Natation. « Performer le même jour avec Jérémy a été quelque chose de vraiment impensable [ndlr, Charlotte Bonnet a remporté sa finale du 200 mètres nage libre à Glasgow un quart d’heure seulement avant le titre de Jérémy sur les 200 mètres quatre nages]. C’est dire, j’ai presque eu plus d’émotion pour sa victoire que pour la mienne, car la sienne était d’autant plus inattendue. J’étais stupéfaite puis j’ai ressenti une grande fierté », poursuit-elle. « J’avais annoncé aux médias que je voulais une médaille mais j’avais très clairement l’or en tête. À l’entraînement, ce qui compte, c’est de se fixer des objectifs; je savais que la médaille d’or était possible mais j’ai tout fait pour garder cela secret pour éviter de me mettre trop de pression », a alors précisé Jérémy Desplanches ce mercredi matin. Cela est d’autant plus marquant que son plus grand objectif de l’année était pratiquement inconnu de tous: quand tout le monde lui espérait un premier podium international en carrière, lui se fixait en réalité – purement et simplement – l’or. C’est que le jeune homme a gagné en maturité au fil des dernières années, aussi auprès d’un encadrement et entourage des plus équilibré. Auprès de Charlotte d’une part: « Toute l’année nous nous sommes soutenus. Nous avons tous les deux disputé une finale à Budapest [ndlr, aux Championnats du monde 2017] et nous avons eu le temps de nous préparer au mieux pour la médaille une année durant. L’avoir à mes côtés a d’autant plus accentué ma motivation et je pense que c’était réciproque », a alors assuré le désormais champion d’Europe.

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L’évolution de Jérémy Desplanches depuis ses débuts dans les arènes internationales en 2015 se prête à une évidence sacrée. Lors de ses tout premiers championnats du monde en grand bassin à Kazan, en Russie, il s’était classé 12e, tout en établissant à deux reprises le record de Suisse des 200 mètres quatre nages (en 1’59”46 en séries, puis 1’59”35 en demi-finale). C’est aussi la même année, qu’il s’est attaché les services du réputé entraîneur Fabrice Pellerin à Nice. Grandissant son expérience des grands rendez-vous, le Suisse avait alors abordé les Jeux Olympiques de Rio en 2016 avec excitation; il était parvenu à se qualifier avec le 12e temps – alors que trois nageurs, dont il faisait partie, avait terminé ex-æquo –, augmentant le bon sentiment de ses performances au plus haut niveau. Pourtant, dépassant les deux minutes (2’00”38) en demi-finale, ses Olympiades s’étaient conclues à une prometteuse 15e place. Un résultat qu’il avoue d’emblée ne plus se contenter en vue de ses prochaines joutes en 2020 à Tokyo. Toujours est-il que sa progression a continué les mois suivants en établissant, en demi-finales des Mondiaux de Budapest en 2017, son meilleur temps en carrière – et nouveau record de Suisse – en 1’56”86, ce qui constituait une amélioration de près de 2”5 secondes de sa marque établie deux ans auparavant au bord de la Volga, à Kazan. Desplanches avait ensuite terminé 8e de sa finale en Hongrie. Une longue ascension qui lui aura alors permis de se distinguer toujours plus au niveau international, aboutissant au titre de Glasgow en août 2018.

« La question de la tenue de la Swim Cup – la plus grande et la plus réputée de Suisse –, trait toujours à l’envie et à la motivation de grands nageurs de faire le déplacement à Lausanne »

Nicolas Balthasar, Président du comité d’organisation de la Swim Cup

« Ma saison passée était bonne mais je ne m’attendais pas encore à atteindre le niveau d’aujourd’hui. Ma première finale [continentale] est arrivée et j’y ai décroché ma toute première médaille d’or. C’était d’autant plus sensationnel que j’ai abordé une préparation plus passive à mon retour de Glasgow. » Jérémy Desplanches savoure dès lors sa très grande année et s’apprête à la terminer sous les meilleurs auspices en participant à la Swim Cup de Lausanne en cette fin de semaine. « Il est important de une compétition de haut niveau avant les vacances. Et c’est d’autant plus important pour nous [ndlr, avec Charlotte Bonnet] qui n’avons pas disputé les championnats du monde de Hangzhou [ndlr, du 11 au 16 décembre] ces derniers jours », a-t-il alors assuré en marge de la manifestation à Mon-Repos.

La réputation de la Lausanne Swim Cup grandit d’années en années. Quelques jours après les Mondiaux de Hangzhou en Chine, la manifestation s’annonce palpitante avec quelques 230 nageurs conviés, annonce le Président du comité d’organisation, Nicolas Balthasar. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]

Mon-Repos s’apprête pour la troisième édition de la Swim Cup

La saison a été longue pour bon nombre de grandes personnalités qui ont fait le voyage à Lausanne. Si l’on admet l’exemple porté par Katinka Hosszú – qui débarque tout juste de Chine où elle s’est d’autant plus illustrée sous son statut d’“Iron Lady” avec quatre médailles d’or remportées –, la plupart des plus grands compétiteurs de la planète ont accumulé les grands rendez-vous, faisant partie intégrante d’une préparation élargie et exigeante. La résistance et la pugnacité de l’ensemble de cette classe sportive étoilée est justement ce qui forge et accentue l’attraction de la Swim Cup de Lausanne qui fêtera son troisième anniversaire cette semaine. « La question de la tenue de cette manifestation – la plus grande et la plus réputée de Suisse –, trait toujours à l’envie et à la motivation de grands nageurs de faire le déplacement à Lausanne », aiguillonne le Président du comité d’organisation Nicolas Balthasar ce mercredi matin en conférence de presse d’ouverture. « La compétition tombe en effet toujours après la tenue des championnats du monde (ou d’Europe selon les années) et laisse toujours planer le doute quant à la volonté des athlètes d’effectuer une dernière grande compétition à quelques jours de Noël. Pourtant, l’on s’est rendus compte que cela ne changeait jamais rien dans la volonté des grands nageurs d’assurer leur participation à Lausanne, quand bien même les vacances de ces derniers sont toujours comptées », poursuit-il alors. Cette année, en revanche, plusieurs Japonais ont souhaité faire l’impasse en raison du trop grand rapprochement des Mondiaux de Hangzhou terminés le 16 décembre; les médaillés olympiques Kosuke Hagino et Daiya Seto en seront par ailleurs les grands absents mais ont assuré leur présence pour l’édition 2019. Mais la cuvée 2018 n’en sera pas dénuée pour autant avec une sélection de 230 nageurs provenant de 18 pays différents. « C’est ce qui fait que la compétition clôture bien la saison », concluait alors Nicolas Balthasar.

« Les organisateurs de la Swim Cup ont ramené Nice à Lausanne et c’est une grande joie pour moi »

Jérémy Desplanches, champion d’Europe 2018 des 200 mètres quatre nages

Ce qui est d’autant plus flagrant pourtant – et également –, c’est que la manifestation attire également toute une partie de nageurs qui avaient décidé de faire l’impasse sur le cœur de la saison en petit bassin, à l’image de l’ensemble des représentants de l’Olympic Nice Natation à Lausanne. Accompagnés de leur entraîneur Fabrice Pellerin, présent à l’hôtel Aquatis ce mercredi matin, Jérémy Desplanches, Charlotte Bonnet, Jérémy Stravius et Jordan Pothain n’avaient pas souhaité s’envoler jusqu’en Chine pour disputer les Mondiaux de Hangzhou. De plus, si Bonnet et Stravius ont dominé les Championnats de France à Montpellier en novembre, Jérémy Desplanches et Jordan Pothain ont, quant à eux, davantage pris le large depuis cet été; et pour des raisons diverses, Pothain ayant subi une opération du cœur au CHU de Grenoble (alors atteint de la maladie de Bouveret) début septembre. Pour le Grenoblois, la Swim Cup sera une nouvelle compétition de remise en forme, alors que – de son côté – Jérémy Stravius découvrira pour la première fois le bassin de Mon-Repos. La preuve que, malgré sa place dans le calendrier, la manifestation lausannoise sait réunir les plus grands. L’occasion, par ailleurs, pour le Genevois Desplanches de se mesurer face à ses camarades d’entraînement. « C’était une vraie volonté de venir à la Swim Cup, aussi parce qu’il y a plein de monde qui s’y mobilise autour », assurait alors le Genevois de 24 ans avant de poursuivre: « C’est l’occasion d’essayer de se rapprocher des médailles et surtout de nos meilleurs temps. D’autant plus motivant que, cette année, les organisateurs ont ramené Nice à Lausanne. »

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L’occasion justement pour Desplanches de se mesurer au champion olympique 2012, Jérémy Stravius. Champion de France du 100 mètres quatre nages à Montpellier en novembre, l’Abbevillois, doyen du groupe entraîné par Fabrice Pellerin, sera justement opposé au Genevois sur la discipline vendredi matin à midi pile – une parmi les séries immanquables de la manifestation. Jérémy Stravius est d’ailleurs à l’image d’un groupe niçois qui avance en parfaite harmonie. « Stravius apporte son expérience au groupe et surtout beaucoup de calme. C’est un athlète très mature; il réfléchit beaucoup et c’est aussi ce qui nous permet de progresser dans de bonnes conditions », nous assurait alors ce mercredi matin Jérémy Desplanches. « Charlotte, Jérémy et Jordan sont de grands nageurs qui ont leur place en Équipe de France. Tous les jours, on en apprend plus, aussi parce que chacun est spécialiste de courses et de distances différentes », poursuivait alors le Genevois.

Charlotte Bonnet et Jérémy Desplanches partagent des moments conviviaux et porteurs au quotidien; dans leur vie privée mais aussi au sein de leur club, l’Olympic Nice Natation. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]

Jérémy Desplanches se révèle sous l’impulsion de Fabrice Pellerin

Jérémy Desplanches a donc passé un cap et les raisons sont plurielles. La plus courante évoquée est bien évidemment celle de l’apport conséquent apporté par son entraîneur Fabrice Pellerin. Le premier à nous en faire part cet été à Glasgow n’a été nul autre que Philippe Walter, directeur sportif de Swiss Swimming. Dans un entretien qu’il nous avait accordé au Tollcross International Centre, il assurait que l’entraîneur niçois était un véritable “faiseur de champions”: « On préfère que nos nageurs qui partent à l’étranger restent en Europe. La France, l’Allemagne, l’Angleterre; dans ces pays, il y a plus de chance de réussite et le contrôle est plus facile. Si les nageurs prennent leurs décisions indépendamment de nous, nous cherchons néanmoins à les conseiller du mieux possible. Par exemple, pour Jérémy, on connaît Fabrice Pellerin, un producteur de champion, alors on ne lui a rien dit pour Nice. Cela aurait été différent s’il avait voulu partir dans une université américaine. On lui aurait conseillé de partir ailleurs. L’important est que le nageur puisse bénéficier d’une bonne infrastructure, d’un bon suivi et d’un bon entraîneur », nous assurait-il alors. De fait, direct ou indirect, la stature et le savoir-faire de l’entraîneur l’Olympic Nice Natation en a été pour beaucoup dans l’élévation au niveau international de Charlotte Bonnet et Jérémy Desplanches. Au Genevois, Pellerin a d’abord élevé ses attentes; après les Jeux Olympiques de Rio en 2016, Desplanches a assurément appris à en vouloir toujours plus. Fort de sa breloque en or des Européens de Glasgow, il n’y a rien à parier que le jeune homme de 24 ans attend désormais son premier podium mondial, voire olympique: « Quelque chose a bien évidemment changé entre les JO 2016 et aujourd’hui. Je ne me reconnais pas en observant les images de mon passage à Rio. J’y ai parfois réalisé des erreurs grossières qui m’ont (tout de même) permis d’en arriver là où j’en suis actuellement », assume-t-il alors avant de poursuivre: « J’ai désormais envie de me mettre au même niveau de mes adversaires [d’alors], aussi parce que nous ne sommes jamais satisfait de ce que l’on a. »

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Puis, Fabrice Pellerin a surtout permis au jeune nageur de se libérer: « J’ai développé des stratégies de course efficaces depuis une année. Je les ai gérées intelligemment à Glasgow, même si le chrono n’était pas mon meilleur », aiguillonne Jérémy Desplanches, faisant un clair parallèle entre les Mondiaux de Budapest – où il avait donc réalisé son actuel record de Suisse pour une 8e place en finale – et les Européens de Glasgow. « Le temps n’est donc plus primordial pour moi et c’est ce sur quoi je vais travailler davantage en 2019 », continue-t-il en visant les Mondiaux de Gwangju, où il tablera sur un Top 5 (au minimum). « Si j’y parviens, cela pourrait vouloir dire que j’aie mes chances de viser un podium aux prochains JO à Tokyo. » C’est cela, élever constamment ses propres ambitions…

« Ma priorité absolue reste les 200m 4 nages. J’ai eu le tort par le passé de penser que les 200m- et les 400m 4 nages étaient semblables »

Jérémy Desplanches, champion d’Europe 2018 des 200 mètres quatre nages

Enfin – et non des moindres –, Jérémy Desplanches a surtout édicté ses priorités dans sa natation, à commencer par ses disciplines “de prédilection”. Engagé sur les 200 mètres quatre nages, ainsi que sur les 400 mètres quatre nages – où il a été éliminé de justesse aux séries avec le 17e temps à Glasgow –, le jeune nageur de l’ONN a désormais tranché: « Ma priorité absolue reste les 200m 4 nages. J’ai eu le tort par le passé de penser que les 200m- et les 400m 4 nages étaient semblables. Ce sont deux courses qui nécessitent des qualités fort différentes. Ceci dit, je vais garder les 400m4n pour l’entraînement. » Aussi, avec l’abandon de la distance plus longue des medleys, Jérémy Desplanches développe une nouvelle envie: intégrer les relais suisses. « Ce sont des courses et des exercices très différents », précise-t-il toujours. Et cela implique plusieurs paramètres. En premier lieu, le Genevois de 24 ans assure développer le plaisir de se tester à d’autres disciplines (la brasse, le crawl ou encore le papillon seuls). Puis, arrive l’exigence certaine d’y trouver sa place parmi la concurrence nationale: « Les relais ne me sont pas inaccessibles même s’il est un peu exagéré d’affirmer qu’il est facile de les intégrer. » Il est vrai, étant donné son statut, que Jérémy Desplanches développe les atouts nécessaires au relai, mais cela permet aussi de mettre en lumière le niveau croissant de la natation helvétique. Avec sept Top-16 aux Mondiaux de Hanghzou, celle-ci se développe sur des bases fort convaincantes. Avec Thierry Bollin, Nils Liess, Yannick Käser ou encore le Tessinois Noé Ponti, les talents sont désormais dénombrables. « Maintenant qu’il y a une vraie concurrence nationale, il faut certainement trouver sa place », lâchait encore Desplanches qui assure tenir nullement le rôle d’ambassadeur auprès de la natation suisse: « Je ne me vois pas en ambassadeur même s’il est vrai que par mon image et mon physique, il peut y avoir un sentiment d’émulation auprès des plus jeunes nageurs en Suisse. » Ceci avant de conclure: « Il est une certitude, en tous cas, que la natation suisse a besoin de gagner en visibilité. Nous y travaillons. »