Overlord: overdose de violence, game-over de l’Histoire

Gare à celui qui évoque le passé! L’adage veut que toute représentation historique soit plus révélatrice de l’époque à laquelle elle est énoncée que les faits eux-mêmes. Tout juste extirpés du centenaire de la Première Guerre et du canevas du “devoir de mémoire”, voilà que le cinéma reprend la patate chaude des mains de Macron. Julius Avery (Son of a Gun, Jerrycan) signe, avec Overlord, le projet ambitieux de mêler une fiction fortement ancrée historiquement avec le surnaturel. Tentative qui se traduit par une démonstration d’ultra-violence qui n’aurait pas été si désobligeante si le film n’évacuait pas tout background historique au profit de… l’incinération de zombies.

Une histoire peut en cacher une autre. Il y a 20 ans, les spectateurs découvraient en salle le film au succès populaire Il faut sauver le soldat Ryan. Steven Spielberg s’emparait alors de l’Histoire pour suivre l’escouade du capitaine Miller, joué par Tom Hanks. Une des premières séquences du film reconstituait l’arrivée par bateaux des Américains, le 6 juin 1944. Spielberg faisait œuvre d’immersion en embarquant sa caméra dans une reconstitution au plus proche de l’attente et la boucherie de l’arrivée des troupes américaines sur les plages normandes. Caméra chevrotante, bruits monstrueux, images crues de corps démembrés. Le spectateur se retrouvait alors pris au piège au sein même du champ de bataille. Doux hommage au maître, Overlord prend le même parti mais en s’envoyant en l’air ; parachutés dans le cadre de l’Opération Overlord, Boyce (Jovan Adepo) et ses coreligionnaires sont chargés de détruire une antenne-radio sur sol français pour faciliter le débarquement. Avery nous fait alors profiter de toutes les améliorations sonores comme visuelles dont son aîné ne pouvait bénéficier dans une longue séquence – aussi pénible qu’inutile – d’atterrissage catastrophé. Si les premières quarante minutes du film se déroulent dans un contexte tout à fait vraisemblable, le film bascule progressivement dans le genre horrifique. Le colonel Ford (Wyatt Russel) et ses hommes découvrent qu’une partie de la population disparait mystérieusement, emportés par l’occupant. C’est également à ce moment qu’une légère crispation nous envahit, pourtant nous n’avons encore rien vu.

Français collabos et zombies incinérés

Quel discours le film véhicule donc sur la guerre ? Seul personnage féminin de première importance, Chloé (Mathilde Ollivier) permet à l’escouade rescapée de se réfugier dans son village occupé par les nazis. Un village dont les habitants ont des rôles ambigus. La voisine d’abord qui, lorsqu’elle surprend Chloé dehors pendant le couvre-feu s’empresse d’user de son sifflet pour prévenir les SS. Quant à cette dernière, même si elle repousse les avances de Wafner (Pilou Asbaek), incarnation parfaite de tout ce qu’un jeune tyran SS peut véhiculer dans l’imaginaire collectif, leurs échanges dévoilent que les visites de l’Allemand ne sont pas rares et qu’elles dépassent allègrement la simple visite de courtoisie. Ainsi, tous les personnages représentant les Français collaborent, bien qu’implicitement, avec l’ennemi. D’autres part, sur un ressort similaire à la deuxième saison d’American Horror Story, la découverte fortuite d’un laboratoire d’expérimentation installé dans un sanctuaire révèle un musée des horreurs. Pour l’atteindre, notre soldat-héros grimpe dans une camionnette remplie de corps entassés avant d’apercevoir une créature “exterminée” au lance-flammes. Troublant et embarrassant quand les seuls crimes nazis évoqués, ne serait-ce qu’en background, sont leur cruauté…

En 2008, la licence Call of Duty lançait son épisode World at War consacré à la Seconde Guerre Mondiale. Un jeu qui intégrait un mode Zombies dans lequel le joueur devait survivre à des vagues d’ennemis le plus longtemps possible. Une mécanique que semble réemployer Overlord, peut-être pour adresser un clin d’œil à un jeune public. Une idée pas si mauvaise, si elle avait un autre but que de mettre en scène la violence pour la violence. Il y a presque 10 ans, Inglourious Basterds jouait de cette esthétique violente de séries B sans pour autant oublier une approche ludique en réinvestissant l’Histoire. Au final, Overlord réussira, tout comme son modèle spielbergien, à prendre en otage son spectateur d’un côté du front, désincarnant tout ce qui n’est pas estampillé US. Violence gratuite en plus.