Europe Trophy: Les Suissesses ont lâché la mise face à la République Tchèque

Le XV féminin de l'Edelweiss a manqué une belle occasion de s'imposer samedi après-midi face à la République Tchèque. Les filles du sélectionneur Emmanuel Revert ont cédé en toute fin de rencontre sur un essai de la troisième ligne Jana Nedvídková (80e, 5-10). © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Yverdon-les-Bains]

Au gré de leur victoire sur le vert du stade municipal d’Yverdon-les-Bains, l’équipe féminine de la République Tchèque est ainsi repartie en possession de la Konektor Cup, ce trophée long de 160 centimètres qui perpétue la rivalité entre les équipes féminines de rugby de Suisse et leurs homologues tchèques. Pour leur retour au jeu en Suisse dans une compétition européenne, les filles de Manu Revert ont concédé la mise sur le fil face à leurs adversaires (5-10), subissant un essai dans les ultimes secondes de la rencontre.

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L’aventure était belle, et elle le reste malgré tout. Les filles de l’Équipe nationale suisse de rugby ont concédé la mise samedi après-midi au stade municipal d’Yverdon-les-Bains à l’occasion de leur deuxième match en Europe Trophy face à la République Tchèque (5-10), le premier depuis trois ans sur sol helvétique. Et pourtant – dans un match typiquement hivernal entre le froid et le fort vent –, rien en première période ne leur prédestinait une défaite aux traits passablement cruels, avec un essai sur le fil de la troisième ligne Jana Nedvídková sur la toute dernière accélération tchèque de la rencontre (80e). « C’est le rugby, je crois », assure alors la capitaine suisse Sabrina Walti. « C’était un match pas évident sous un fort vent et une équipe en face très attentive et très physique. Nous gagnions à un moment donné dans le match, nous avions notre momentum. Mais les Tchèques ont su inverser le score au prix d’un très beau rugby, qui s’est concrétisé avec ce dernier essai dans les dernières minutes. Il faut l’accepter, d’autant plus que c’était un beau match. » Le match, en lui-même, n’a jamais vraiment échappé au contrôle des filles de Manu Revert, sinon dans les ultimes instants d’un money time particulièrement harassant. Plutôt plaisant, il a même récompensé les nombreux efforts des Suissesses à la demi-heure avec la concrétisation d’un essai venu au forceps sur le flanc gauche par l’ancienne capitaine des CERN Wildcats Juliette Pera (31e), qui avait déjà scoré un mois plus tôt à Helsinki. L’affrontement s’y trouvait alors intense dès les premières minutes de la rencontre; 30 minutes de domination – conquête avenante auprès du camp adverse – qui n’ont manqué de statuer à la faveur du combat mené par les premières lignes, avec le très bon apport tout en puissance dans les rucks conclu par Angela Stadelmann. La joueuse des Luzern Dangels avait par ailleurs composé une première ligne entièrement alémanique avec, à ses côtés, la numéro 1 de Saint-Gall Victoria Laternser et le pilier des Zürich Valkyries Katja Dick. La même, déjà soutenue alors par les Romandes Anaïs Kistler et Juliette Pera, qui avait parfaitement réussi à renverser la Finlande le 13 octobre dernier à Helsinki à l’occasion de leur premier match en Europe Trophy (5-20).

« Dès le départ, cela a été annoncé aux filles. Les deux matches servaient avant tout de construction et je voulais voir le maximum de filles en compétition pour les habituer à l’environnement national »

Emmanuel Revert, sélectionneur de l’Équipe de Suisse féminine de rugby

Il faut dire que le sélectionneur a très peu modifié la composition de son équipe depuis lors; les Alba Ladies Anne Thiébaud, Pauline Delessert et l’arrière Claudia Gardeta Velez, ainsi que la flanker bernoise du club alsacien d’Illkirch-Graffenstaden Léonie Robert – ces deux dernières ayant été titulaires à Helsinki –, n’ont pas fait partie des 23 joueuses présentes sur le terrain à Yverdon-les-Bains. Néanmoins, cela aura permis à deux nouvelles joueuses de tenir leur toute première cape en équipe nationale; la Morgienne Kim Andrey (entrée à la 47e) et la Lucernoise Oumou Barry sont venues élargir la liste des nouvelles internationales suisses sélectionnées à l’occasion de cette nouvelle saison européenne. « Dès le départ, cela a été annoncé aux filles. Les deux matches servaient avant tout de construction et je voulais voir le maximum de filles en compétition pour les habituer à l’environnement national et établir une liste de joueuses pour les prochaines échéances », a alors assuré Manu Revert au terme de la rencontre au stade municipal d’Yverdon. Elles étaient déjà six nouvelles en Finlande, dont la vice-capitaine Nicole Gerber-Imsand, en preuve certaine que cette équipe de Suisse vit une période en pleine refondation. « Nous sommes en train de mettre en place un cadre d’évolution pour les jeunes rugbywomen de notre pays. Nous souhaitons les introduire plus concrètement au rugby de niveau international, ceci même de manière à assurer convenablement un futur pour notre équipe nationale. Je fais désormais partie des plus anciennes joueuses et je vais bientôt m’arrêter. Donc il est bien que l’on amène en équipe nationale de nouvelles figures, jeunes, volontaires et conquérantes », a alors également convenu Sabrina Walti. Ceci même que l’on note une présence toujours plus nombreuse de joueuses évoluant parmi les 12 équipes composant désormais les Ligues Nationales A et B en Suisse. Parmi les filles à disposition samedi après-midi à Yverdon, seules trois évoluent en dehors des frontières suisses, à l’image de Carole Casparis (Newcastle Falcons), Maria Sorli Rico (Pontarlier) et Carole Gachet (Stade Français de Paris). Certainement que la création l’année dernière d’une nouvelle LNF-B contribuera également à servir l’intérêt de l’Équipe de Suisse dans les prochaines années.

Un passage intéressé du rugby à 7 au format à XV

« C’est frustrant de perdre sur la dernière action mais c’est aussi une belle opportunité d’apprendre, de tirer les leçons de nos erreurs. Nous sommes un groupe qui se construit et qui sera certainement capable de se relever et se remettre au travail. » Vice-capitaine lors de ses deux premières capes avec l’Équipe de Suisse féminine à XV, Nicole Gerber-Imsand est à l’image d’un rugby en mouvement, jeune – sans doute encore en manque d’expérience internationale – mais déterminé. Depuis l’arrivé du sélectionneur Emmanuel Revert en cette année 2018, la sélection féminine a misé sur la pleine intégration de jeunes filles en quête de maturité. Et cela est aussi passé par l’avènement de nouvelles jeunes joueuses auparavant alignées avec l’équipe nationale de rugby à 7. C’est justement le cas de Nicole Gerber-Imsand, championne de suisse avec les Wildcats CERN en juin dernier et parmi les filles les plus expérimentées dans la variante à 7 dans laquelle elle a participé à deux championnats d’Europe. Sur le terrain, par ailleurs, elles furent nombreuses à avoir déjà été alignées en équipe nationale de rugby à 7. Il y eut notamment le retour de la trois-quart centre lucernoise Esther Duss – après que celle-ci n’a pas été alignée à Helsinki le 13 octobre dernier –, les titularisations de la numéro 12 Rahel Bosshard (Valkyries), l’ailière Carole Casparis (Lucerne), l’ouvreuse zürichoise Simone Haymoz ou encore la demi de mêlée bernoise Fabienne Ullmann. Autrement dit, l’ensemble des lignes arrières a puisé dans le réservoir de joueuses très habiles dans le format réduit. Preuve que les deux variantes (à 7 et à XV) ne sont absolument pas antinomiques l’une de l’autre. « Ce sont deux sports complémentaires mais très différents par essence. Nous pouvons performer dans les deux même si l’agenda ne nous le permet pas toujours. Cela demande à avoir de grandes disponibilités entre les entraînements en club, en 7 et en XV. Le fait est que cela demande surtout à faire des choix », assure Nicole Gerber-Imsand. « Il ne faut surtout pas les opposer », assurait pour sa part Manu Revert. « Le 7 est complémentaire au XV et toutes ces filles portent leur expérience, leur vécu des tournois européens et, d’un point de vue technique, leur capacité à amener de la vitesse dans le jeu, à récupérer les ballons en défense et se remettre immédiatement sur les pieds pour contre-rucker. Mais c’est un avantage qui a plutôt souri aux Tchèques aujourd’hui [ndlr, samedi après-midi]. »

« Nous avons reconnu beaucoup de filles que nous avions rencontrées lors de rencontres de rugby à 7 et cela s’est vu sur les lignes arrières. Les mouvements étaient rapides, dynamiques. Ce match a certainement été inspiré par la vitesse que l’on admet souvent au 7 »

Nicole Gerber-Imsand, vice-capitaine de l’Équipe de Suisse féminine de rugby

Cela dit, les Tchèques ont connu le même mode d’intégration que les Suisses ces derniers mois. Avec l’avènement de cette nouvelle saison en Europe Trophy, l’équipe nationale féminine tchèque en mains de la sélectionneuse Hana Schlangerová a également su tirer profit d’une bonne partie de joueuses qui ont connu des capes précédentes avec leur équipe nationale en rugby à 7. Une particularité qui aura parfaitement admis le caractère rapide et dynamique de la rencontre à Yverdon-les-Bains, où les défenses de part et d’autre ont particulièrement souffert dans le courant des 80 minutes de match. « Nous avons reconnu beaucoup de filles que nous avions rencontrées lors de rencontres de rugby à 7 et cela s’est vu sur les lignes arrières. Les mouvements étaient rapides, dynamiques. Ce match a certainement été inspiré par la vitesse que l’on admet souvent au 7 », assure alors Nicole Gerber-Imsand. « Les deux équipes ont en effet intégré des joueuses du rugby à 7. Et sur un terrain large comme celui-ci, il fallait bien évidemment jouer sur cet avantage », lâche de son côté la capitaine Sabrina Walti. Un match assurément dominé par les volontés sensiblement plus offensives mais qui n’a manqué de punir les faiblesses admises du XV suisse; déjà, en Finlande, les filles de Manu Revert accusaient un manque à gagner en défense malgré une victoire honorable 20-5. Ce samedi, en revanche, tout a été plus compliqué. « Les nerfs jouent parfois sur un match comme celui-ci, à enjeu. Il y avait peut-être trop d’envie mais nous avons encore pêché sur le versant défensif. Collectivement, le jeu était satisfaisant mais le placement défensif était moins admis. Nous avons réalisé très peu de plaquages, pour en avoir manqué beaucoup. Chacune doit pouvoir améliorer son placement défensif, malgré le très bel esprit collectif », a alors conclu le vice-capitaine.

35e au niveau européen, la Suisse se développe également au féminin

35e avant leur rencontre face à la République Tchèque, l’Équipe de Suisse féminine témoigne, de toute évidence, son grand développement au sein du rugby féminin. D’autant plus, qu’au classement de l’Europe Trophy, réduit à trois équipes depuis la sortie de la Suède, la Suisse maintient la tête au valoir de son bonus défensif acquis au dépens de leur défaite ce samedi après-midi. Passer le cap de l’équipe nationale, dans un tournoi de prestance européenne, est certainement un point d’orgue dans la carrière de ces jeunes femmes, quand bien même certaines parmi celles-ci dominent le championnat suisse de LNF-A. « C’est une fierté et une grande chance d’apprendre auprès des meilleures joueuses de Suisse », avouait alors Nicole Gerber-Imsand, championne nationale en titre avec les Wildcats CERN. Et à son image, c’est toute une passion qui transpire dans les efforts fournis par l’ensemble du contingent regroupé par Manu Revert cette dernière semaine, de leurs entraînements en commun sur le pré de Chavannes-près-Renens le week-end passé à leur rencontre ce samedi après-midi à Yverdon. « Je suis quelqu’un de passionnée et je consacre du temps pour les entraînements mais aussi pour l’organisation. On se débrouille beaucoup par nous-même, c’est ce qui nous permet aussi d’être toujours plus solidaires », confirme toujours la vice-capitaine cernoise. Une qualité – et une contrainte par la même occasion – qui rappelle tout de même que le rugby féminin a encore du chemin à faire pour retenir le même degré de développement que chez les hommes.

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Et cela part d’un constat sans doute établit dans les rangs suisses: le championnat suisse de LNF-A n’équivaut toujours pas celui de LNA, bien que les deux soient en constante progression. Mais on laisse aussi valoir les vertus du temps. Si l’expérience féminine est encore moins répandue que celle des hommes, c’est aussi parce que le travail nécessaire pour atteindre une forme d’égalité s’en révèle être encore plus complexe. « Dans les trois dernières années, nous avons connu un doublement des licenciées féminines. Quelques barrières ont été franchies mais le travail est encore conséquent. Chez les filles, nous devons certainement nous battre au niveau sportif pour évoluer dans les mêmes conditions que les hommes. On se serre les coudes, les mentalités se développent aussi à l’image des joueuses de l’Équipe de France [ndlr, qui ont dominé les Black Ferns (Nouvelle-Zélande) 30-27 samedi soir dans un match historique pour les couleurs tricolores] qui sont de très beaux exemples à suivre », lance alors Nicole Gerber-Imsand. Une illustration par l’exemplarité; le travail paie et le rugby suisse dispense de très grands efforts pour mener le rugby féminin vers le très haut niveau grâce notamment au soutien interne de Veronika Muelhofer, nommée en mai dernier membre du conseil de World Rugby à Dublin. En cela, le rugby féminin grandit et cela s’est volontiers vu dans le combat fièrement livré samedi après-midi à Yverdon-les-Bains face à la République Tchèque. « Les filles ont tout donné. Le jeu tchèque a été parfaitement construit même si de notre côté, nous n’avons pas su saisir nos opportunités en première mi-temps. Néanmoins, nous avons débuté un projet et nous le menons petit à petit à maturation. Il y a certainement, il est vrai, un manque d’expérience chez certaines jeunes filles mais il est tout aussi vrai qu’il manque encore de la compétition en championnat en Suisse. Il y a tout un vécu d’erreurs qui n’est pas encore admis », assure alors Manu Revert avant de conclure: « Mais en cela, je dirais que le dernier essai est anecdotique. En revanche, l’essai qui traduit encore toute notre incomplétude dans ce genre de rencontres, c’est l’essai subi en fin de première période, quelques minutes seulement après le nôtre. Celui-ci, qui ramène les deux équipes à 5-5 est, selon moi, plus grave. Preuve que le groupe doit encore grandir. » Mais c’est en très bonne voie.

Les faits de match:
Suisse v République Tchèque, 5-10 (5-5)

Composition de l'Équipe de Suisse:
1 Victoria Laternser, 2 Angela Stadelmann, 3 Katja Dick, 4 Anaïs Kistler, 5 Juliette Pera, 6 Carole Gachet, 7 Julie Gaudin, 8 Sabrina Walti ©, 9 Fabienne Ullmann, 10 Simone Haymoz, 11 Nicole Gerber-Imsand, 12 Rahel Bosshard, 13 Esther Duss, 14 Carole Casparis et 15 Selina Fux. Remplaçantes: 16 Sandra Lecci, 17 Rebecca Ellis, 18 Maria Sorli Rico, 19 Stephanie Klupp, 20 Oumou Barry, 21 Lalline Da Silva Goes, 22 Kim Andrey et 23 Salome Hosch. Sélectionneur: Emmanuel Revert.

Composition de la République Tchèque:
1 Renata Frýdlova, 2 Aneta Šmejdová, 3 Dominika Holčíková, 4 Petra Křiklánová ©, 5 Kristýna Plevová, 6 Jana Urbanová, 7 Tereza Haffnerová, 8 Sára Lea Exnerová, 9 Klára Hladilová, 10 Alexandra Zítková, 11 Tereza Bat'hová, 12 Kateřina Daníčkova, 13 Lucie Oupicová, 14 Michaela Švecová, 15 Daniela Ferugová. Remplaçantes: 16 Zuzana Skokanová, 17 Kateřina Wackermannová, 18 Gabriela Špacková, 19 Jana Nedvídková, 20 Šárka Žižková, 21 Karolína Hudečková, 22 Zuzana Žároská et 23 Hana Běhalová. Sélectionneuse: Hana Schlangerová.

Essais: 31e Pera / 38e Zítková, 80e Nedvídková.
Transformations: Aucune.

Notes: Stade municipal, Yverdon-les-Bains. 1'020 spectateurs.
Sorties sur blessure de Dominika Holčíková (59e, remplacée par Gabriela Špacková) et Maria Sorli Rico (61e, remplacée par Oumou Barry).
Arbitre: Romain Carbonnel (FRA).