Au centre sportif des Vergers de Meyrin, les Wildcats ont poursuit leur bonne marche en championnat face aux filles de l’Albaladejo. Dernières au classement de la LNF-A, les Lausannoises ont eu beau résister toute une première demi-heure face aux championnes en titre cernoises mais elles n’ont jamais réussi à concrétiser leurs meilleures opportunités devant la ligne d’en-but, encaissant 24 points sur l’ensemble des deux mi-temps. Pour les capitaines des Wildcats Laurijn Draaisma et sa remplaçante Juliette Pera, ce nouveau succès est la preuve de la très bonne santé du club franco-suisse.
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Dans le rang des Wildcats, l’on est bien loin du discours défaitiste. Le championnat, les filles du CERN Meyrin St-Genis le dominent avec brio en induisant dans leur jeu le talent et la maturité nécessaire. Cela apparaît indéniable. Elles ont eu beau perdre leur match sur le plus petit des score la semaine précédente à Lucerne (3-0), cela n’a pas altéré leur rage de vaincre. « On a vécu une défaite très frustrante samedi dernier face à Lucerne (3-0). Aucune des deux équipes n’avait réussi à concrétiser, à passer les lignes. Aujourd’hui, nous avons pu nous relancer sur le terrain sur lequel nous nous entraînons [ndlr, à Meyrin] face aux dernières de la poule », assure alors Juliette Pera, la troisième ligne cernoise. Les dernières du classement, ce sont les filles de l’Albaladejo, néopromues de la toute nouvelle LNF-B la saison passée. Mais autant dire que l’affrontement n’a pas du tout tourné au sacrifice pour les Lausannoises face aux premières du championnat suisse et tenantes du titre en LNF-A. Si les Alba Ladies ne s’étaient pas quelque peu égarée en toute fin de première mi-temps – concédant un premier essai à Mélanie Bey (33e) –, elles auraient parfaitement pu tenir le point du nul encore longtemps sur le terrain humide des Vergers. Mais c’est bien à l’envie et à l’expérience que la rencontre a finalement tourné après la pause. « Nous sentions le besoin de gagner et de nous faire plaisir. Nous avons manqué d’énergie dans la première mi-temps, nous manquions un peu de rage. Mais nous avons finalement pris nos esprits après la pause; nous les avons forcées à commettre quelques erreurs et nous l’avons emporté avec le mérite », assure toujours Juliette Pera, capitaine remplaçante des Wildcats. Capitaine remplaçante car la nouvelle capitaine Laurijn Draaisma depuis le début de la saison est blessée. Mais cela a très peu importé, le contingent des Wildcats reste assurément fourni, renforcé le travail hebdomadaire réalisé à l’entraînement. Il faut aussi dire que les filles du club du CERN Meyrin et Saint-Genis-Pouilly, derrière la frontière française, sont entrées dans une nouvelle dimension depuis qu’elles ont remporté le titre en championnat de Suisse à Nyon en juin dernier. Le statut change et les attentes aussi. Mettant alors fin à une disette de 12 ans en championnat et contestant la suprématie alors certaine des Luzern Dangels, les Wildcats connaissent désormais leur potentiel et surfent assurément sur la vague contraire de leurs homologues masculins, toujours dans le dur en LNA et en Excellence A. Pourtant, il aura bien fallu attendre avant de passer l’épaule face à l’Albaladejo samedi après-midi sous une pluie battante. « Nous avons concédé beaucoup de mêlées en première mi-temps, et c’est souvent difficile de jouer contre une équipe inférieure. La tendance est toujours de baisser son propre niveau à celui de l’adversaire », aiguillonne alors toujours Juliette Pera.
« Aujourd’hui, nous avons un titre à défendre, notre position, notre place au sein du championnat a changé – assure toujours Juliette Pera – Nous avons désormais quelque chose à perdre et tout le monde en prend conscience »
Juliette Pera, capitaine remplaçante des Wildcats
« L’esprit n’a pas changé, nous sommes toujours soudées et nous ne lâchons pratiquement rien en match », confirme toujours Juliette Pera. Il n’est pourtant jamais évident de tenir sur les épaules le poids d’un succès récent, aussi car le risque de tomber dans un enthousiasme excessif est d’autant plus facile. Mais les filles du désormais entraîneur principal Nick Blackwell ont démontré faire preuve d’une maturité, d’une sagesse parfaite qui ne manque pas de leur donner ce surplus de force et de détermination si utile dans les confrontation avec des équipes réputées combattives. C’est bien là ce qu’il manque à leurs homologues masculins, reculés au fond du classement de la LNA après leur défaite samedi face à Stade Lausanne (15-19).
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Et à ce titre, être championnes de Suisse change passablement dans les mentalités. Les filles surfent sur une lancée extraordinairement positive et dans ces conditions, peu sont les équipes capables de leur passer devant. « Le titre à Nyon nous a apporté énormément de confiance et le statut change également. Aujourd’hui, nous avons un titre à défendre, notre position, notre place au sein du championnat a changé – assure toujours Juliette Pera – Nous avons désormais quelque chose à perdre et tout le monde en prend conscience. Lucerne, Berne ou Zürich sont des équipes qui étaient soudées également mais le style est différent et elles ont aussi connu du changement, un renouvellement à l’intersaison et doivent tout de même apprendre à se retrouver. » Pourtant, il est vrai, l’on ne peut pas vraiment dire que les Wildcats n’ont pas connu de changement entre juin et l’équipe alignée actuellement sur les terrains. Il y a certes eu quelques changement de têtes – pas beaucoup – mais la plus grande alternance a surtout eu lieu à l’interne, avec des échanges de poste où certaines avant sont devenues arrières et inversement. « Ça amène une nouvelle dynamique, ce qui fait que nous aussi, nous devons apprendre à nouveau à jouer ensemble », ce qui détermine bien que le score parfois trouve une réalité plus complexe sur le terrain. Nul ne pouvait alors assurer que la victoire devant l’Albaladejo fut d’une logique implacable même si les Wildcats ont respecté là le train de marche habituel en LNF-A: « Notre coach nous fait travailler sur des points très essentiels du jeu et il faut le dire, cela nous permet de prendre un peu l’avantage sur le terrain face à certaines équipes. Nous avons la chance d’avoir également un jeu au pied qui est supérieur à celui d’autres équipes et tout cela joue en notre bonne faveur », confirme alors Juliette Pera.
« Même dans le jeu, on a plusieurs joueuses capables de jouer au pied. Certaines équipes ne peuvent jouir que d’une voire deux seules kickeuses, alors que nous, nous en avons beaucoup au sein de l’équipe »
Juliette Pera, capitaine remplaçante des Wildcats
À l’image du changement mais aussi du talent certain des individualités cernoises, il y a la numéro 9 Cátia Relíquias. Celle qui était ouvreuse de l’équipe il y a encore un an a désormais changé de position. De demi d’ouverture, elle est désormais demi de mêlée. Et cela change parfois la manière de concevoir son propre rôle. « Elle doit aussi apprendre à assumer un nouveau rôle et jouer en sachant transmettre de la confiance à l’ensemble de l’équipe », convient toujours Juliette Pera. Même s’il faut dire, au pied et dans les situations de tir au but, la numéro 9 des Wildcats se révèle être l’une des meilleure de son championnat, à ce niveau. Auteur de 7 points au pied (deux transformations et une pénalité en ouverture de seconde mi-temps, 42e), Cátia Relíquias est l’un des nombreux joyaux de l’équipe franco-suisse. De plus, si l’on ajoute son rôle prépondérant au sortir d’une mêlée à quelques mètres de la ligne d’en-but, donnant suite à un essai de pénalité contre l’Albaladejo (64e), force a été de constater tout le bien que la jeune femme apporte à son équipe. « Et même dans le jeu, on a plusieurs joueuses capables de jouer au pied. Certaines équipes ne peuvent jouir que d’une voire deux seules kickeuses [ndlr, à l’image d’Aurélie Lemouzy chez les filles de l’Albaladejo], alors que nous, nous en avons beaucoup au sein de l’équipe », s’en réjoui alors la capitaine Pera.
![CATS_ALBA_3 Le combat physique a bien eu lieu entre deux équipes qui possèdent un pack expériementé et puissant. La victoire s'est pourtant joué sur la vitesse des mouvement et la qualité de passe incontestée des Wildcats, et ce malgré quelques fautes de main évitables. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Meyrin]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/10/cats_alba_3.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
![CATS_ALBA_1 Anne Thiébaud, trois-quart centre de l'Albaladejo est l'une des grandes individualités expérimentées du groupe lausannois, tout comme Harmonie Pilloud (à sa gauche sur la photo). La numéro 13 s'est distinguée dans le jeu à Meyrin sans pour autant réussir à dominer l'adversaire dans les moments propices. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Meyrin]](https://vivisantangelomultimedia.files.wordpress.com/2018/10/cats_alba_1.jpg?w=309&resize=309%2C206&h=206#038;h=206)
Une équipe fortes de renforts internationaux
Depuis plus d’un an maintenant, les Wildcats ont main mise sur le championnat de LNF-A, dans l’apparence tout du moins. Ceci est également dû à une politique sportive très rigoureuse, menée de pair par la présidence du club et le travail sensationnel mené autrefois par le duo d’entraîneurs composé par Chris Von Arx et Nick Blackwell. Chris s’est désormais retiré mais la continuité en reste parfaitement assurée, aussi car les joueuses grandissent toujours auprès d’individualités non moins expérimentées. À l’image de cela, l’arrivée l’année passée de la néerlandaise Laurijn Draaisma à Genève a certainement apporté un surplus d’exotisme, de folie et de talent pur au sein de l’équipe; son apport est tel qu’elle a désormais également pris le témoin du capitanat à Juliette Pera depuis le début de la saison. Et ces changements, s’ils ne sont pas directement liés, suivent une logique de renouvellement toujours jugée nécessaire. « Nick [Blackwell] est devenu le coach principal désormais et c’est comme une nouvelle aventure pour nous. Et puis, cela faisait deux ans et demi que j’étais capitaine de l’équipe et j’ai terminé ma mission sur un très beau titre national. Sans doute, l’heure était de laisser la place aux autres », assurait alors sereine Juliette Pera. « C’est aussi ce qui amène un autre esprit, à la fois dans le jeu que dans l’équipe en elle-même. L’équipe jouit d’une nouvelle et riche identité », ajoutait-elle alors.
« En Suisse, l’on joue d’une certaine manière et cela apparaît parfois nouveau et original pour moi. C’est quelque chose que les autres équipes ne connaissent pas forcément, c’est pourquoi il est toujours un grand avantage, quelque soit l’équipe, de posséder des internationaux de différents pays, cela amène toujours des surprises très positives »
Laurijn Draaisma, capitaine (actuellement blessée) des Wildcats CERN
Il s’agit donc de sa deuxième année en Suisse, elle qui a déménagé à Genève à l’été 2017 en provenance d’Utrecht aux Pays-Bas, où elle a étudié et joué pendant sept années au rugby. 7 ans, c’est tout de même une immensité pour une joueuse de rugby. Toujours est-il néanmoins que la jeune femme a su parfaitement s’intégrer sur les rives du Léman, appréciée par ses pairs au sein de son groupe, et professionnellement accomplie par son statut de doctorante en neurosciences à l’EPFL. C’est décidément une situation interne qui favorise le bon état d’esprit au sein du groupe cernois. Et la principale intéressée en atteste: « C’était vraiment motivant d’entrer à faire partie de cette belle équipe qui travaille vraiment très bien. Et je suis honorée d’avoir pris le brassard de capitaine cette année. Je suis heureuse que l’équipe me fasse confiance, qu’elle m’ait acceptée, aussi car l’on sent bien que chez les Wildcats toutes les filles se considèrent en égales les unes des autres avec une envie certaine de travailler chacune pour l’autre et durement. Il faut dire que c’est bien facile d’être capitaine d’une équipe dans ces conditions, il suffit de rester positive et l’équipe fait le reste », aiguillonnait alors l’ancienne première ligne de l’Utrechtse Rugby Club (URC) et actuelle pilier de l’équipe nationale des Pays-Bas. Indéniablement, Laurijn Draaisma – qui jouait avec sa sœur Hannah à Utrecht – s’est portée à l’image d’une équipe aux horizons multiples et aux talents venus d’ailleurs. Aux Pays-Bas, pays réputé aussi pour son très beau rugby – les hommes sont par ailleurs adversaires de la Suisse en Europe Trophy – elle a pour sûr été l’une des grandes artisanes des réussites de son équipe nationale. Aussi, en Europe Women’s Trophy, les Hollandaises avaient dominé l’équipe de Suisse de rugby à 7, 54-0 à Dnipro en Ukraine fin juin 2018 avant de la surclasser à nouveau 46-0 lors de la seconde manche à Szeged (Hongrie) début juillet. C’est ce qui avait notamment valu aux Oranje leur promotion en Grand Prix Series (GPS) pour la nouvelle année 2019 où elles sont attendues par des équipes telles que la France, l’Irlande, l’Italie, la Russie, l’Angleterre, l’Écosse ou encore le Pays de Galles. C’est dire si le niveau est relevé au plat pays. « J’ai étudié des choses différentes aux Pays-Bas et j’acquière une autre vision de jeu à Genève et j’essaie actuellement de les combiner de manière à pouvoir progresser également. Cela fait toujours du bien d’acquérir de l’expérience de jeu et des influences d’autres pays. En Suisse, l’on joue d’une certaine manière et cela apparaît parfois nouveau et original pour moi. C’est quelque chose que les autres équipes ne connaissent pas forcément, c’est pourquoi il est toujours un grand avantage, quelque soit l’équipe, de posséder des internationaux de différents pays, cela amène toujours des surprises très positives », commentait alors la principale intéressée Laurijn Draaisma. Cela permet d’autant plus de rappeler que parmi l’équipe nationale féminine convoquée pour son match en Europe Trophy contre la Finlande à Helsinki le 13 octobre dernier (remporté 5-20 par les Suissesses), elles étaient trois Wildcats à figurer sur la feuille de match: la vice-capitaine Nicole Gerber-Imsand, la première ligne Rebecca Ellis ainsi que la troisième ligne Juliette Pera, ce qui était tout de même moins que les cinq représentantes de l’Albaladejo Rugby Club, la formation la mieux représentée auprès du XV féminin de l’Edelweiss. Et comble de paradoxe, c’est bien l’Alba qui pointe à la dernière place du classement de LNF-A. Preuve que dans le sport, rien n’est mathématique. Même si l’expérience parle toujours…
Télégramme LNF-A Wildcats CERN Rugby v Albaladejo Rugby Ladies, 24-0 (7-0) Composition des Wildcats CERN: 1 Mathilde Ramillien, 2 Rebecca Ellis, 3 Pauline Clopt, 4 Ilse Nol, 5 Vanessa De Oliveira Dantas, 6 Camille Bouvier, 7 Anne-Laure Merizzi, 8 Juliette Pera ©, 21 Cátia Relíquias, 10 Cindy Fressard, 11 Manon Noisiez, 12 Mélanie Bey, 13 Mathilde Grosjean, 14 Julie Coupard, 15 Célia Graf. Remplaçantes: 16 Pauline Perera, 17 Rebekka Zwygart, 18 Rachel Rothwell, 19 Lucy Henderson, 20 Natasha James et 22 Nicole Gerber-Imsand. Entraîneur: Nick Blackwell. Composition de l'Albaladejo Rugby Ladies: 1 Juliette Saint, 2 Aurélie Lemouzy, 3 Pauline Delessert ©, 4 Pascaline Sordet, 5 Niki Zaal, 6 Anaïs Kistler, 7 Julie Gaudin, 8 Carole Mage, 9 Claudia Gardeta Velez, 10 Clara Morales Moreno, 11 Lætitia Soubies, 12 Harmonie Pilloud, 13 Anne Thiébaud, 14 Selina Grossenbacher, 15 Deborah Bouvresse. Remplaçantes: 21 Sandra Lecci, 22 Naomi Tiller, 23 Hannah Shlack et 19 Aurélie Hoareau. Entraîneur: Maria Gyolcsos. Essais: 33e Bey; 64e [pénalité]; 70e Graf. Transformations: 33e et 70e Relíquias. Pénalités: 42e Relíquias. Notes: Centre sportif des Vergers, Meyrin (GE). Wildcats sans Laurijn Draaisma (blessée). Arbitre: Gavin Wilson.