À Meyrin, le Rugby Club CERN tombe toujours plus dans l’inconfiance

Yann Mauvoisin est un entraîneur inquiet. Son équipe vient de s'incliner 15-19 à Meyrin face à Stade Lausanne, dans le duel des équipes en manque de confiance. De mauvais augure à une semaine de se rendre chez Grasshopper, seul club invaincu cette saison en LNA. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Meyrin]

Le XV atomique a été contraint de courber l’échine à deux reprises face à Stade Lausanne. En Excellence A, les Stadistes – qui ont pu bénéficié d’un réel coup de poker avec les quatre essais d’Henry Pharaony – l’ont emporté 10-40 face à CERN avant de dominer sur le fil la première équipe en LNA 15-19. Pas de meilleur augure pour les hommes de Yann Mauvoisin. En revanche, Mario Bucciarelli respire à une semaine de recevoir Hermance sur le terrain de Chavannes-près-Renens.

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« Il y a certainement une dynamique de club et c’est ce qui fait que nous sommes fiers que nos filles gagnent bien dans leur championnat », assurait Yann Mauvoisin, entraîneur principal de l’équipe masculine du Rugby Club CERN Meyrin St-Genis. Au centre sportif des Vergers à Meyrin, le Gexois originaire de Flers en Basse-Normandie a pourtant vécu un début de soirée difficile sous la pluie redoublante; quatre heures après l’ouverture de journée par le match d’Excellence A surdominé par Stade Lausanne 10-40, les Atomiques ont manqué l’occasion de surprendre les Stadistes lors du match de LNA (15-19), subissant alors toujours plus le poids du bas de classement, duquel ils occupent désormais la dernière place derrière l’Entente Neuchâtel-Yverdon. La situation paraît critique alors même qu’au sein du club franco-suisse, le potentiel de jeu et la vague portée par leurs homologues féminines des Wildcats sont présents pour porter haut le maillot bleu marine partout sur les terrains en Suisse. « C’est vrai que la situation est diamétralement opposée entre les résultats des Wildcats et les nôtres, mais il faut aussi comprendre que le championnat masculin est désormais très relevé », lâchait alors toujours Yann Mauvoisin. Il est vrai que le parallèle s’en trouve encore difficile mais la réussite des Wildcats est avant tout due à la bonne gestion d’un groupe basé toujours plus sur l’expérience, le travail et la détermination. Tout ce que l’équipe masculine manque encore à l’heure actuelle; confiance érodée et persévérance défaillante font actuellement pleinement défaut aux hommes de Yann Mauvoisin. Et face à Stade Lausanne, il a manqué la fraîcheur, l’audace et la prise de risque: « Cela vient de pair avec la confiance. Quand on est bien dans sa tête et dans son corps, on est plus tenté de prendre des risques. Et là, nous n’y sommes pas du tout et le groupe commence à être un peu démotivé. »

« Nous avons des actions mais nous ne marquons pas, alors qu’en face, il leur a suffi de retrouver un élan positif pour marquer. Il y avait de l’engagement, de l’envie mais cela n’a pas suffi pour faire pencher la balance de notre côté »

Yann Mauvoisin, entraîneur principal du Rugby Club CERN Meyrin St-Genis

Les Atomiques étaient pourtant bien entrés en partie, inscrivant un premier essai transformé et asseyant une domination passablement bien maîtrisée jusqu’à la mi-temps (10-7). Mais comme toujours, c’est sur la longueur, la durée pleine des 80 minutes de match que se joue la victoire. Et à cela, les deux équipes sont parfois réputées pour manquer encore beaucoup d’endurance. Et Stade Lausanne a bien risqué défaillir dans les derniers instants de la partie, alors que les Cernois décidaient de sortir un ballon en touche (79e) au lieu de choisir une mêlée – où ils étaient pourtant supérieurs – à deux mètres de la ligne d’en-but. L’essai a été évité de justesse par les Stadistes, qui pouvaient alors assurer leur victoire sur le vert de Meyrin, confrontant alors toujours plus les Cernois à leurs plus plats regrets. Aussi car, sans leurs habituelles erreurs techniques et stratégiques, CERN aurait pu l’emporter sur son terrain. « Mais nous ne l’avons pas fait », atteste alors Yann Mauvoisin avant de poursuivre: « Voilà tout le problème des équipes qui ne sont pas en confiance. Nous jouons dans la difficulté, nous jouons avec le frein à main et l’on commet énormément d’erreurs individuelles sans élan collectif. Nous sommes dans le dur depuis le début de la saison et dans des matches comme ceux-ci, nous n’avons pas le petit éclair qui nous permet de jouer pleinement la victoire. » Autrement dit, la mauvaise appréciation générale et collective coûte assurément cher. Et ceci même chez les deux formations; CERN et Stade Lausanne ont longtemps concédé la victoire cette saison pour de très maigres – voire infimes – manquements de discernement dans le jeu. Et cette fois, l’affrontement a tourné en faveur des Lausannois pour la plus grande satisfaction de Mario Bucciarelli.

Un championnat au demeurant plus homogène

« Ce sont des matches imprévisibles qui se jouent sur des petits détails; un ballon qui sort mal d’un côté, un essai que nous n’arrivons pas à aplatir à deux mètres de la ligne. Nous avons des actions mais nous ne marquons pas, alors qu’en face, il leur a suffi de retrouver un élan positif pour marquer. Il y avait de l’engagement, de l’envie mais cela n’a pas suffi pour faire pencher la balance de notre côté », aiguillonne alors à regret l’entraîneur cernois. Pourtant, cela peut aussi être symptomatique d’un niveau général en hausse dans le rugby suisse. La LNA devient ainsi exigeante pour toutes les équipes, tant bien pour le quatuor de tête Hermance, Grasshopper, Nyon et Plan-les-Ouates que pour les quatre autres poursuivantes. Et à cela, tant Yann Mauvoisin que Mario Bucciarelli acquiescent. « On sait que notre championnat devient très intéressant depuis deux ans maintenant avec de très grandes équipes. Tout le monde est capable de jouer contre tout le monde, alors qu’avant, il y avait de très grandes différences entre les équipes du haut de tableau et celles du bas. Là, c’est beaucoup plus homogène. Et pour un petit club comme le nôtre, cela devient d’autant plus difficile parce qu’il est toujours plus difficile d’attirer de nouveaux joueurs, d’autant plus que sur la formation, nous avons un peu plus de retard par rapport à d’autres équipes », aiguillonnait alors l’entraîneur cernois. Stade Lausanne a toutefois beau avoir une formation parmi les plus performantes du pays, la réalité reste telle; la LNA en devient toujours plus astreignante. « Je pense qu’en trois saisons que je suis à Stade Lausanne, nous avons manqué un peu de cadres et de dollars, comme on dit dans le jargon. Le fait de ne pas avoir de dollar est un problème puisque c’est quand même ce qui permet de traduire sur le terrain de la qualité et qui nous permet de tuer les matches quand c’est nécessaire », assurait alors Mario Bucciarelli avant de poursuivre: « Les écarts sont, cette année, moins visibles et dans la partie basse du tableau, je pense que tous les matches peuvent se gagner ou se perdre. Et tout le monde – nous en avons discuté avec mes collègues – sera capable d’en attester dans l’entourage du rugby suisse. Cette victoire face au CERN va nous aider, bien évidemment, mais il va falloir désormais la gérer. Il est clair que mes joueurs devaient apprendre à gagner – ils ne savent pas gagner, malheureusement –, ils en ont encore un peu peur. »

« Nous attendons désormais la trêve avec impatience pour retrouver dans l’équipe des joueurs qui nous sont actuellement blessés. En attendant, il me faut toujours positiver, c’est obligatoire pour un entraîneur »

Yann Mauvoisin, entraîneur principal du Rugby Club CERN Meyrin St-Genis

Plusieurs sont toutefois encore les équipes qui comptent quelques blessés dans leurs rangs, cela est d’autant plus vrai pour Stade Lausanne qui en compte en tous cas deux que pour CERN. « Nous attendons désormais la trêve avec impatience pour retrouver dans l’équipe des joueurs qui nous sont actuellement blessés – assure alors Yann Mauvoisin avant de conclure – Il nous manque encore pas mal de leaders et l’on essaie de faire avec pour l’instant, tout en espérant que l’on puisse entamer la deuxième partie du championnat dans les meilleures conditions. Il faut toujours positiver, c’est obligatoire pour un entraîneur. »

Mario Bucciarelli (Stade Lausanne): « Il peut alors paraître normal de ne pas savoir gagner, puisque l’éducation ne leur a pas été totalement faite dans ce sens »

« Pour être honnête, je n’en sais pas s’il est vraiment normal que mes joueurs ne sachent pas gagner. Ils ont très peu bénéficié de l’expérience de joueurs d’expérience venant d’ailleurs, ils n’ont jamais eu cet héritage-ci. De ce point de vue-ci, il peut alors paraître normal de ne pas savoir gagner, puisque l’éducation ne leur a pas été totalement faite dans ce sens. Mais d’un autre côté, il est une génération de jeunes talents qui ont vécu de belles expériences dans leurs premières années de rugby que ce soit avec l’ERL [ndlr, l’École de Rugby de Lausanne] ou avec leurs équipes nationales respectives. Ils ont donc déjà gagné et ils doivent peut-être prendre un peu plus la dimension réelle des matches chez les adultes. Les matches sont longs, on ne les plie pas en 20 minutes et aujourd’hui face au CERN, on le voit encore puisque nous avons terminé la rencontre sur nos gardes et au risque de perdre nos points à nouveau. Ils prennent assurément de l’expérience et avec le temps, mes joueurs vont sans doute comprendre que mes discours – quand je leurs dit qu’ils ont beaucoup de talent –  ne sont pas seulement des discours d’encouragement mais que c’est bien la réalité. »

Télégramme LNA
Rugby Club CERN Meyrin St-Genis v Stade Lausanne Rugby Club, 15-19 (10-7)

Composition du RC CERN Meyrin St-Genis:
1 Jordane Clair, 2 Yacine Bouhadjar, 3 Gabriel Trochard, 4 Sebastien Katz, 5 Elliot Goodman, 6 Nicolas Baronciani ©, 7 Miguel Ribeiro Costa, 8 Jérémy Biessy, 9 Amir Maghrbi, 10 Antony Clavel, 11 Florian Enria, 12 Christopher Fortes, 13 Benoit Favre, 14 Flavien Enria, 15 Abdeldjamil Djoudi. Remplaçants: 23 Vincent Lhermitte, 17 Michaël Gomis, 18 Noureddine Salmi, 19 Simon Berlière, 20 Jerome Lespes, 21 Matthieu Seurin et 22 Gevorg Petrosyan. Entraîneur: Yann Mauvoisin.

Composition du Stade Lausanne Rugby Club:
1 Johnny Missue, 2 Seonghoon Choi, 3 Rolando Portillo, 4 André Pharaony, 5 Guillaume Graf ©, 6 Maxime Lugeon, 7 Arnaud Thiébaud, 8 Nicolas Lugeon, 9 Jean Morard, 10 Paul Torriglia de Altol, 11 Keiran Collis, 12 Fabio Venturelli, 13 Arthur Donzé, 14 Noham Lamssirine, 15 Adrien Waeber. Remplaçants: 16 Mathieu Balsiger, 17 Christophe Rafie, 18 Guillaume Lermusieaux, 19 Bruno Trivelli Alvear, 20 Simon Fournier, 21 Henry Pharaony, 22 Martin Cambolin et 23 Julien Schwab. Entraîneur: Mario Bucciarelli.

Essais: 16e Clavel; 53e Enria / 29e Portillo; 46e Donzé; 62e Venturelli.
Transformations: 16e Clavel / 29e et 62e Venturelli.

Pénalités: 25e Clavel / -.

Notes: Centre sportif des Vergers, Meyrin (GE).
Arbitre: Thibaut Bourgade. Assistants: Gavin Wilson, Horacio Tanner.