John Etheridge: « Je ne suis jamais un entraîneur satisfait. Et c’est comme cela quand il y a la passion »

John Etheridge (au milieu) coache ses joueurs en duo avec Marc Banallaoua, depuis le départ de Patrice Philippe (futur coach des Hawaï Harlequins). Et les Pirates, dans la même veste des précédentes années, prouve encore et toujours sa grande puissance. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Nyon]

C’est une histoire d’amitié. Entre John Etheridge et Mario Bucciarelli, lesquels préparent un camp de formation à Macolin comme chaque année (l’année passée, il était dispensé également par Patrice Philippe, ancien responsable de la formation à Colovray), le courant passe. Mais si les deux sont d’excellents tacticiens, leur équipe diverge encore de beaucoup. À Colovray, ce dimanche, ce fut l’expérience contre la jeunesse, la discipline face à l’empressement, la rigueur face à la fébrilité. Le RC Nyon s’est imposé 37-10 face à Stade Lausanne mais les Lausannois (pour la plupart de moins de 21 ans) prouvent de semaine en semaine mériter leur place dans l’effectif. Et la rivalité fut de poids; en mêlée, les Stadistes n’eurent pas manqué de contester leurs adversaires.

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Elle a une franche renommée dans le monde du ballon ovale, et non seulement. Aurélie Lemouzy a fait preuve de sa grande expérience internationale au plus près du sport dimanche après-midi sur le terrain du centre sportif de Colovray, et c’est sans doute ce que l’on empressera de préciser. Aussi car chaque semaine, le rugby suisse sait exposer les talents qui le composent et dévoiler avec parcimonie les richesses que ces derniers représentent. À 29 ans, la Mazamétaine en fait assurément partie; responsable Héritage auprès du CIO (Comité International Olympique) depuis le début de l’année et commissaire de match depuis plus d’un an auprès de World Rugby – désignée notamment pour la Coupe du Monde féminine 2017 à Dubin (où sied le siège de World Rugby), puis à nouveau cette année pour deux matches de qualification à la Coupe du Monde 2019 au Kenya et en Tunisie –, la Sudiste est aussi venue renforcer le cadre d’arbitrage de la Fédération Suisse de Rugby. De certitude, Aurélie Lemouzy a eu le temps de bâtir une fière formation, passée par la World Academy of Sport et Sciences Po Paris – où elle a notamment joué au Stade Français. Aussi, son apparition sur les terrains en Suisse, et particulièrement pour sa première en LNA, vient ajouter à l’arbitrage helvétique à la fois une touche moderne, tout autant qu’une tonnante capacité à éclairer sur les capacités du corps arbitral dispensé par la FSR. Dans ce domaine, la faitière nationale assure que l’encadrement et la formation de nouveaux arbitres va de l’avant; en mars, le constat était justement celui d’une augmentation des arbitres en Suisse, quand bien même cela reste toujours insuffisant au vue d’un nombre encore trop restreint d’officiels de match sur les terrains des ligues nationales. À la suite de la prestation d’Aurélie Lemouzy à Nyon ce week-end – fièrement applaudie par les entourages des deux équipes –, l’image est pourtant celle d’un corps arbitral capable de s’adapter et suffisamment éclairé par les capacités certaines de nombreuses individualités, aujourd’hui même encadrées par un groupe de coaches élargi à dix membres et de superviseurs agrandi à 7 membres, l’arbitre Yann Benoît, entre autres, ayant rejoint les deux groupes fin mai 2018.

Aurélie Lemouzy (en jaune) est à l’image d’un corps arbitral en bonne santé en Suisse. Si les problèmes d’effectif persistent, la qualité des directeurs du jeu est quant à elle assurée. La preuve à Colovray ce dimanche. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Nyon]

Dans le jeu, cela dit, le RC Nyon a pris partie de sa supériorité technique pour venir à bout de Stade Lausanne. Avec une énorme difficulté dans les mêlées – face à un pack lausannois à vue plus lourd et plus organisé –, les Pirates ont néanmoins su miser sur les (encore nombreuses) fautes de main et de concentration des Stadistes. Mais une chose est sûre, l’affrontement a tenu un certain équilibre; la jeunesse du club lausannois est telle qu’elle est dans la capacité certaine de surprendre. Le capitaine André Pharaony l’a espéré toute la semaine durant, fort de séances d’entraînement intenses et sérieuses. Et cette abnégation n’a assurément pas manqué d’apparaître aux yeux des adversaires nyonnais. « C’est une équipe dangereuse, on le sait, on le voit », aiguillonne alors Cyril Lin qui a délaissé le brassard de capitaine à D’Espinay-St-Luc. « Il est toujours difficile de jouer contre une équipe jeune et par conséquent joueuse. Ils sont assurément imprévisibles puisqu’ils ne ressentent aucune peur à aller de l’avant. » Une réalité que partage complètement son entraîneur John Etheridge: « Stade Lausanne n’est pas une équipe qui a l’ambition de remporter le championnat mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas capables de jouer un beau rugby, ils vont au contact et cela est tout à leur honneur. C’est un jeu qui est beau à voir », assure-t-il alors. « Ils ne vont pas manquer de faire mal à beaucoup d’équipes », ajoute alors Cyril Lin.

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La mêlée, c’est justement ce qui a failli coûter au RC Nyon la mainmise sur le résultat en première période. Sur deux mêlées très mal embarquées – alors que les Pirates menaient déjà 15-7 –, Stade Lausanne récupère deux pénalités à deux minutes d’intervalle; Henry Pharaony ne parvenant à en transformer qu’une sur deux (29e). Et à cet égard, l’apport de l’expérimenté André Pharaony n’y est pas pour rien; sa sortie à la pause (sans doute à la suite d’une douleur encore vive à la cuisse contractée lors du match d’ouverture face à Grasshopper) n’a pas manqué d’alléger un pack capable de mettre la pression sur les adversaires. « Les mêlées étaient trop sensibles aujourd’hui [ndlr, dimanche], on pense et on parle parfois trop. C’est bien pour donner des encouragements mais pas assez pour assurer le combat. Au-delà de manquer parfois de compétence sur cet exercice, nous avons aussi beaucoup flanché sur la concentration. Cela ne va pas », assure alors toujours John Etheridge. Cependant, l’essentiel a été assuré, quand bien même la sortie sur blessure de Maans Dye (44e) peut encore prêter une légère inquiétude. « Le groupe vit bien, nous sommes quasiment le même de l’année, sans départ et avec peu d’arrivées. Nous avons vraiment l’ambition d’aller récupérer le titre que nous avons perdu l’année dernière. Nous avons su relever la tête après notre revers à Zürich il y a deux semaines [ndlr, 19-13 le 7 octobre]. Nous sommes assurément bien lancés dans le championnat », confirme alors Cyril Lin. Pourtant, troisièmes au classement après cinq journées, les Pirates ne sont théoriquement pas encore en position favorable pour accueillir une éventuelle demi-finale à domicile. Et c’est probablement ce qui pousse le duo d’entraîneurs nyonnais à en vouloir toujours plus: « Je n’attend pas beaucoup plus de mes joueurs. J’en attends en revanche toujours plus de moi », lâche alors John  Etheridge, accompagné sur le banc par Marc Benallaoua, ancien entraîneur de l’actuel néo-promu Neuchâtel Rugby Club, où il y était resté neuf saisons durant jusqu’en août 2016.

« Nous sommes un nouveau couple, mais les enfants sont toujours aussi turbulents »

Marc Benallaoua a, en effet, remplacé depuis le mois de juin dernier Patrice Philippe qui s’apprête à réaliser son long voyage dans le Pacifique pour y entraîner les Harlequins d’Hawaï pour une durée de neuf mois. Et il faut dire que l’homme, à l’image du désormais ancien entraîneur des arrières à Nyon, est aussi parmi les plus expérimentés; responsable des très belles années du NRC à Colombier en LNB, terminées sur une finale de promotion en LNA perdue face au CERN (10-12) il y a de cela un peu plus de deux ans. En poste désormais à Colovray, il s’avère discret mais très productif. « Marc nous a beaucoup apporté ces derniers mois, surtout sur la ligne des trois-quart [ndlr, un entraînement sensiblement différent de celui que dispensait Patrice Philippe auprès des arrières]. Il nous apporte un peu de folie et nous en avons aussi besoin pour nous amuser pleinement dans notre sport », lâche alors le troisième ligne Cyril Lin. « Nous travaillons bien et il nous reste trois matches à assurer avant la trêve », poursuivait-il alors, à commencer par le “classico” face à Genève Plan-les-Ouates dimanche (prochain) 28 octobre à Colovray. Aussi, si l’on écoute John Etheridge, l’arrivée de Marc Benallaoua a été des plus satisfaisantes; c’est différent mais tout aussi productif: « On ne peut pas reproduire les mêmes choses, les mêmes automatismes que nous avions avec Patrice avec un autre entraîneur. Marc a sa méthode de travail et nous devons aussi apprendre désormais à travailler ensemble. Nous sommes un nouveau duo et par conséquent, il y a une nouvelle relation », assurait-il alors.

« Chacun doit trouver son rôle. Marc [Benallaoua] tient un rôle différent au sein de l’équipe que celui qu’avait l’habitude d’occuper Patrice [Philippe]. Il est plus silencieux mais le travail est assuré »

John Etheridge, entraîneur (principal) du Rugby Club Nyon

Il y a pourtant une coquinerie à laquelle John Etheridge aime pourtant se prêter, comme lorsqu’il image, métaphore le conjugal: « Nous sommes un nouveau couple. Mais les enfants [ndlr, les joueurs] sont toujours aussi turbulents [Rires] », plaisantait-il alors avant de préciser nouvellement: « Chacun doit trouver son rôle. Marc tient un rôle différent au sein de l’équipe que celui qu’avait l’habitude d’occuper Patrice. Il est plus silencieux mais le travail est assuré. Et le résultat n’est assurément pas trop mal. » La rencontre face à Stade Lausanne en a bien sûr offert une belle illustration; les Pirates se sont montrés efficaces, malgré une infime période de lâche vers le terme de la première mi-temps (18-10) avant de dominer de meilleure mesure en seconde pour ne pratiquement rien concéder aux Stadistes jusqu’au bout (19 points inscrits à rien). Une satisfaction pour l’entraîneur, alors ? « Je ne suis jamais un entraîneur satisfait. Et c’est comme cela quand il y a la passion; il y a toujours cette envie de donner plus. Nous devons avoir cette envie, cette ambition d’aller plus loin. C’est ce qui caractérise un club qui ambitionne de remporter le championnat », complétait alors John Etheridge. Et Nyon, nous l’avons compris, est dans le coup.

Mario Bucciarelli: « Notre jeunesse a (parfois) le défaut de sa qualité »

La jeunesse stadiste est assurément entérinée; avec un groupe de joueurs qui se situent, pour la plupart, au-dessous des 21 ans, le club lausannois sait parfaitement trouver sa place sur les terrains de la LNA. Mais il manque assurément encore l’expérience nécessaire pour aller chercher la victoire face aux équipes cotées. « Nyon a certainement fait la différence, c’est indéniable et mérité. Mais nous avons au moins accompli notre premier objectif qui était celui de ne pas venir souffrir un sacrifice ici [ndlr, à Colovray] », lançait alors l’entraîneur lausannois Mario Bucciarelli avant de continuer: « Nous avons tenu trente minutes d’égal à égal mais nous avons subi des essais sur des erreurs individuelles, ce qui est symptomatique de notre jeu encore trop fébrile. » 30 minutes de beau jeu, c’est en effet ce qui caractérise une bien belle fin de première mi-temps: disputée, acharnée et sensiblement équilibrée. Le mérite en revient à Stade Lausanne, lequel aura néanmoins eu le plus grand tort de concéder un essai dès les toutes premières minutes de jeu par Kamel Adjiri (3e). De plus, si les travers disciplinaires qui les ont sevrés de victoire face à Neuchâtel-Yverdon il y a de cela deux semaines ont été évanouis, les Stadistes ont encore du travail à accomplir pour se permettre de concurrencer les quatre équipes de tête (Hermance, Grasshopper, Nyon et GePLO).

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« Respecter les consignes est une première étape qui a longtemps été bafouée lors des deux précédents matches. Si l’on ambitionne de jouer à la main et que dix minutes plus tard, l’on compte sept renvois au pied, c’est qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas », assure alors toujours Bucciarelli en référence notamment à la “cruelle” défaite concédée dans les ultimes secondes à l’Entente Neuchâtel-Yverdon (19-17) le 6 octobre dernier. Puis, il est une particularité que Stade Lausanne doit corriger absolument; les réflexes du rugby à 7 sont encore trop enracinés chez une jeunesse qui ambitionne constamment de marquer sur les premières mains. « Or, ce n’est pas comme cela que fonctionne le rugby à XV. Nous devons apprendre à être moins ambitieux sur certaines phases du jeu. Nous devons absolument travailler de manière à ce que nos jeunes puissent acquérir une attitude, une maturité dans le jeu », concède toujours l’entraîneur stadiste.

« Nous ne devons pas tomber dans la suffisance, dans “l’excès de jeunesse”. Nous devons tourner la page et faire en sorte que nous ne soyons plus catégorisés comme l’équipe jeune du championnat »

Mario Bucciarelli, entraîneur principal du Stade Lausanne Rugby Club

Un problème de trois-quarts ? Mario Bucciarelli en convient: « Nous n’arrivons pas à faire circuler le ballon comme nous le voudrions sur nos lignes de trois-quart. Et à cela, s’ajoute notre incapacité à enchaîner deux, trois, quatre séquences de jeu. Et c’est ici que notre jeunesse a le défaut de ses qualités; il y a trop d’empressement. » Trop d’empressement et fort peu de constance; aussi dit, l’endurance sur les 80 minutes de jeu est encore insuffisante, quand bien même les qualités sont certaines sur les mêlées et les touches. « Ce qui est sûr, c’est qu’à 21 ans, on peut toujours faire mieux », confie alors l’entraîneur lausannois. Et il ne suffit pas savoir rivaliser, il faut désormais gagner! « Savoir concurrencer une équipe, quand bien même aussi forte que le RC Nyon, n’est pas une victoire. Il nous faut un jeu où l’on accepte de prendre des coups. Nous ne devons pas tomber dans la suffisance, dans “l’excès de jeunesse”. Nous devons tourner la page et faire en sorte que nous ne soyons plus catégorisés comme l’équipe jeune du championnat », assure alors pour conclure Mario Bucciarelli. Pourtant, dans la situation qui est celle de Stade Lausanne au classement, rien ne change drastiquement. Aussi car les quatre derniers (Neuchâtel-Yverdon, CERN, Stade Lausanne et LUC) ont affronté ce week-end les quatre premiers. Et la dynamique fut la même sur tous les terrains: les favoris ont assis leur domination en cueillant même le bonus offensif. Ce qui rassure, en partie, l’entraîneur stadiste…

Les faits de match:
Rugby Club Nyon v Stade Lausanne Rugby Club 37-10 (18-10)

Composition du Rugby Club Nyon:
1 Matthew Svenningsen, 23 Joaquim Lazeyras, 3 Julien Gaillard, 4 Alexandre Coullon, 5 Géraud D'Espinay-St-Luc ©, 6 Adrien Aeschmann, 7 Thibaut Lecoutre, 8 Cyril Lin, 9 Édouard Progin, 10 Maans Dye, 22 Kamel Adjiri, 12 Allan Cambin, 13 Arnaud Cesses, 14 Roméo Vuadens, 15 Jovan Mayor. Remplaçants: 16 Axel Marmet, 17 Vahid Shahbakhti, 18 Agoab El Mouhsine, 24 Julien Rolaz, 20 Quentin Da Silva, 21 Dirk Haghedooren, 25 Louis Angebault et 19 Matthew Norfolk-Clarke. Entraîneurs: John Etheridge et Marc Benallaoua.

Composition du Stade Lausanne Rugby Club:
1 Johnny Missue, 2 Seonghoon Choi, 3 Rolando Portillo, 4 André Pharaony ©, 5 Guillaume Graf, 6 Simon Fournier, 7 Arnaud Thiébaud, 8 Nicolas Lugeon, 9 Jean Morard, 10 Paul Torriglia de Altol, 11 Keiran Collis, 12 Henry Pharaony, 13 Adrien Waeber, 14 Noham Lamssirine, 15 Fabio Venturelli. Remplaçants: 16 Armand Sansonnens, 17 Bruno Trivelli Alvear, 18 Christophe Rafie, 19 Rafael Fürbringer, 20 Olmo Bartoloni, 21 Arthur Donzé, 22 Martin Cambolin et 23 Keive Freire Aguiar Sous. Entraîneur: Mario Bucciarelli.

Essais: 3e et 21e Adjiri; 13e et 56e Vuadens; 49e [non référencé]; 52e Rolaz / 15e Torriglia de Altol.
Transformations: 49e et 56e Cambin / 15e H.Pharaony.

Pénalités: 31e Dye / 29e H.Pharaony.

Notes: Centre sportif de Colovray, Nyon.
Sortie sur blessure de Maans Dye (44e).
Arbitre: Aurélie Lemouzy.