Stade Lausanne a connu une troisième défaite en quatre matches de LNA ce samedi après-midi sur son terrain de Chavannes-près-Renens. Les hommes de Mario Bucciarelli ont très nettement galvaudé leurs chances de victoire face à l’Entente Neuchâtel-Yverdon au cours d’une seconde période très mal négociée (17-19). Pour le néo-promu, il s’agit ici des tout premiers points inscrits en LNA. De quoi véritablement lancer leur saison.
Au “PhéNiX” s’ajoute désormais le LynX. Symbole de la renaissance et de l’immortalité, le phœnix avait particulièrement bien collé à la peau de Neuchâtel Xamax FCS lors de son retour en Super League – l’élite du football en Suisse – en début de saison. Mais il n’était alors pas seul à marquer le renouveau sportif au sein de la ville de Neuchâtel. Plus discret, plus rusé, malgré quelques caractéristiques physiques qui lui sont proprement éloignées du bestiaire sportif habituel (car c’est un animal peu endurant et souvent très solitaire), le lynx est bien l’animalisation qui a cueilli le surnom de la nouvelle entente de rugby entre les villes de Neuchâtel et Yverdon à leur promotion en LNA. Dans les faits, seul le NSRC avait remporté la LNB la saison passée, mais pour plusieurs raisons d’effectif, une nouvelle entente à vu le jour avec son voisin du bout du lac. Quelques individualités de l’équipe première du RCY – à l’image notamment de Yanis Moullet – ont ainsi rejoint Neuchâtel de manière à étoffer un contingent capable de décliner une double équipe en LNA, mais aussi en Excellence A. Quant à l’équipe d’Yverdon qui devait alors militer en LNB pour une deuxième saison consécutive (promue de LNC en 2017) a alors requis sa rétrogradation dans la ligue de développement qu’est la LND, formant ainsi un club de formation au seuil du rugby national pour les jeunes joueurs qui se prédestinent un jour – peut-être – à rejoindre la première équipe des LynX en LNA. Mais pour cela, c’est tout un nouveau projet et toute une nouvelle équipe à (re)construire, de manière à ce que l’équipe puisse paraître compétitive en première division. Et certainement que le maintien en LNA ne sera pas une promenade de santé pour un groupe qui n’a vu arriver que très peu de renforts extérieurs au contingent de base des deux équipes (lire plus bas). Mais cela n’est pas nécessairement un défaut, sinon d’être une tendre qualité pour les entraîneurs Gilles Cerede (de Neuchâtel) et Jean Bahoken (d’Yverdon). Leur victoire sur le terrain du Stade Lausanne leur en offre justement une première indication.
« Notre objectif est de gagner des matches pour ensuite naturellement viser le maintien en LNA »
Yanis Moullet, demi de mêlée de l’Entente Neuchâtel-Yverdon
Yanis Moullet comprend toute la marge d’amélioration qui doit être celle du contingent neuchâtelois et nord vaudois. « Notre objectif est de gagner des matches pour ensuite naturellement viser le maintien en LNA », assure-t-il en tant qu’ancien joueur yverdonnois. « Je sais que nous en avons le potentiel mais pour l’heure, nous ne nous connaissons pas beaucoup. Nos deux clubs se découvrent, même si je dois dire qu’il apparaît déjà uni. Cela fait seulement deux mois que nous nous entraînons ensemble et les automatismes doivent se mettre en place. Ils se mettront en place au cours de saison. » Une réalité qui est apparue intelligible au vue de la rencontre des équipes réserves, brillamment remportée par la jeunesse lausannoise. « Si le résultat de la première équipe nous déçoit tous, il nous faut bien reconnaître et préciser tout l’engagement porté par l’équipe réserve. Remporter une deuxième victoire sur le terrain est un très bel accomplissement pour le club entier », assure alors le demi d’ouverture lausannois Fabio Venturelli. Aussi, faut-il préciser, qu’officiellement, Stade Lausanne a cueilli ce dimanche après-midi sa première victoire en Excellence A depuis plusieurs mois. En effet, pour rappel, la victoire sur le terrain face à Grasshopper (10-7) en ouverture de championnat avait été réduite à une défaite par forfait 0-30 pour un oubli de surclassement. Tout cela prouve que Stade Lausanne garde une qualité de jeu intéressante mais coule parfois par manque d’expérience et souvent de justesse.
« On ne peut pas gagner en jouant un match (presque) entier en infériorité numérique »
Stade Lausanne manque encore de justesse, certainement. « Et de constance, surtout! Nous devons être capables de jouer un match sur 80 minutes, sans nous démobiliser », assure toujours l’ouvreur lausannois. Il est vrai, depuis le début de la saison, Stade Lausanne a connu des matches d’une intensité souvent similaire mais à la fortune bien différente. Face à des équipes sans doute plus expérimentées à l’image de Grasshopper (défaite 7-38) et Plan-les-Ouates (défaite 25-16), les hommes de Mario Bucciarelli ont bien livré un match de caractère mais en subissant certainement énormément d’un manque patent de rigueur. Le sursaut avait bien eu lieu à Dorigny face au LUC, où les Stadistes étaient parvenus à remporter une victoire bonifiée au prix d’une seconde mi-temps de très belle facture (24-34) mais les travers n’ont pas pu être évités – à nouveau – à domicile face au néo-promu. Menant tout du long de la rencontre, le club lausannois a finalement courbé l’échine en toute fin de match sur un dernier essai non transformé de Florian Chafiotte (78e). Mais s’il faut relever l’excellente partie des joueurs de l’Entente, force est également de constater que les Stadistes se sont sabordés presque tous seuls. En perte totale – et parfois flagrante – de concentration dès la fin de la première période, les Lausannois ont trop souvent été punis pour un jeu agressif et désordonné. Renvoyé au banc pour un carton jaune à cinq minutes de la mi-temps, Paul Torriglia de Altol peut avoir causé l’infériorité qui a amené quelques seconde plus tard au premier essai neuchâtelois de la partie (38e). Dès lors, Stade Lausanne ne retrouvera plus la parité au nombre de joueurs se laissant parfois même dominer à 15 contre 13, avertissements et expulsion – d’Andreas Dahinden (52e) – ayant sombré toujours plus la partie des Vaudois. « On ne peut définitivement pas jouer et gagner un match en le jouant à 13 contre 15, cela n’existe pas. Nous devons absolument apprendre à moins subir parce que pour l’instant, nous n’avons jamais réussi à développer notre jeu sans tomber dans nos travers et concéder parfois 15 minutes entières de folie à l’adversaire », aiguillonne alors Fabio Venturelli, qui reconnaît néanmoins la qualité de jeu porté par les adversaires. « Face au LUC [ndlr, leur seule victoire cette saison], nous avions su tempérer leurs ardeurs et nous avions su amener la confiance nécessaire au sein de l’équipe tout le match pour l’emporter. C’est ce qui nous avait permis de ne jamais ressentir le danger de tout le match. Aujourd’hui, nous avons réussi à mettre notre jeu en place mais nous sommes tombés face à leur provocation. Notre indiscipline nous a perdus. »
« Perdre la concentration, c’est ce qui nous a coûté la victoire au CERN. Aujourd’hui, nous avons profité du desserrement du Stade tout en ayant imprimé un bon rythme »
Gilles Cerede, entraîneur principal de l’Entente Neuchâtel-Yverdon
L’entraîneur principal du groupe neuchâtelois, Gilles Cerede s’est pour sa part réjoui d’un match maîtrisé presque de pied en cap à Chavannes. « Perdre la concentration, c’est ce qui nous a coûté la victoire au CERN. Aujourd’hui, nous avons profité du desserrement du Stade tout en ayant imprimé un bon rythme », affirme-t-il alors avant d’assurer, satisfait: « Personne n’aurait misé notre victoire aujourd’hui [ndlr, samedi après-midi]. » Pourtant, si la victoire des néo-promus apparaissait telle une surprise, nombreuses ont été les voix, à Chavannes, louant les qualités certaines du groupe neuchâtelois. « Il faut les féliciter – clame-t-il avant de poursuivre – ils ont joué avec leurs armes et ont su rester soudés en équipe. Nous les savions dangereux. Nous les avions déjà affrontés précédemment lorsqu’ils étaient en LNB et leur qualité ne nous avait pas échappé. Ils ont gardé la tête froide et en ont été récompensés. »
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Pourtant attendus au tournant pour la présente saison, Stade Lausanne réalise un début de championnat mitigé: « Évidemment, notre saison ne débute pas de la manière que nous l’aurions espéré il y a quelques semaines. Mais je sais que le club va dans la bonne direction, misant notamment énormément sur sa jeunesse », confirme le numéro 10 du Stade. Voilà donc la qualité implacable du club lausannois: sa formation. Une qualité que partage également le nouveau petit poucet de LNA.
Deux seuls renforts extérieurs pour Neuchâtel-Yverdon pour la saison de LNA
La nouvelle entente entre les deux formations de Neuchâtel et Yverdon ont connu un premier moment de liesse samedi sur le terrain de Chavannes; après trois parties sans engranger la moindre victoire face à Nyon, CERN et Hermance (ni même le moindre bonus défensif), les hommes de Gilles Cerede et Jean Bahoken ont connu une parfaite première sur le terrain de Stade Lausanne. « Ce qui est sûr, c’est que nous avons toujours su marquer [ndlr, au moins un essai par match, sauf face aux pirates nyonnais]. Nous savons pouvoir – du moins nous l’essayons – accrocher des équipes de LNA. Parfois, il nous a manqué des détails et nous n’avons pas toujours su concrétiser nos occasions au bon moment », lâche alors Yanis Moullet qui, au-delà de savoir compter au sein de l’équipe de nombreux jeunes joueurs, sait se réjouir de la nouvelle mixité que celle-ci contient en son sein. « C’est une victoire qui fait énormément de bien au moral – assure de son côté Gilles Cerede avant de continuer – Nous avions fait le pari de l’Entente avec Yverdon et cette première victoire nous conforte dans l’idée que nous sommes à notre place en LNA. Elle nous crédibilise dans l’élite. Beaucoup nous pensaient incapables de gagner à l’extérieur et nous avons prouvé le contraire. »
« Notre seule source de joueurs est notre formation. Nous sommes deux petites villes sans rayonnement international, nous aurons par conséquence énormément de mal à assurer un très bon recrutement »
Gilles Cerede, entraîneur principal de l’Entente Neuchâtel-Yverdon
Toutefois, il est admis que l’Entente doive devenir une réelle… entente. Autrement dit que les joueurs des clubs réussissent à jouer ensemble. « L’entente est encore quelque peu difficile sur le terrain, c’est normal. C’est ce qui fait que la victoire a été très longue à dessiner », assure alors Gilles Cerede. Mais derrière elle, se cache un parti pris. En effet, le nouveau contingent groupé n’a relevé l’arrivée que de deux renforts exogènes à l’accord entre les clubs de Neuchâtel et Yverdon. Le premier – de taille – est un ouvreur venu droit d’Argentine; Juan Rave a par ailleurs été fièrement dégoté par les dirigeants du RCY. Un apport conséquent qui a démontré tout son talent sur le vert de Chavannes samedi après-midi, et ce malgré une blessure pas encore pleinement rétablie à la jambe gauche. Le second, en revanche, est un pilier arrivé de l’autre côté de la frontière. Jimmy Dufresne est justement venu apporter son expérience de Fédérale 3 où il évoluait précédemment avec le club athlétique de Pontarlier (CAP). Tous les autres évoluaient donc déjà en LNB la saison passée; une promotion vécue, pour le coup, pleinement pour la quasi-totalité de l’effectif. « Il est toujours bon qu’un ou deux très bons joueurs viennent apporter leur expérience à un groupe peu expérimenté – assure toujours Cerede – Mais nous prenons, ici aussi, le pari de la formation. Nous prenons avec beaucoup de sérieux notre travail d’intégration. »
« Nos entraînements sont toujours en plénière – poursuit pour sa part Yanis Moullet – Aucun des deux clubs [de Neuchâtel ou Yverdon] ne s’entraîne seul de son côté. Et nous prenons le pli d’alterner le lieu des entraînements et des matches; tantôt à Colombier [ndlr, dans le canton de Neuchâtel], tantôt à Yverdon-les-Bains. » Ce faisant, l’Entente peaufine, sur les quelques moments de partage durant la semaine, la dynamique collective du contingent unique. Tel est leur choix, même si les alternatives sont maigres, avouera tout de même Gilles Cerede: « Notre seule source de joueurs est notre formation [ndlr, qui passera donc par la troisième équipe de l’Entente en LND]. Nous sommes deux petites villes sans rayonnement international, nous aurons par conséquence énormément de mal à assurer un très bon recrutement, que ce soit maintenant ou dans le futur. » Et en deça, l’entraîneur neuchâtelois confirme vouloir suivre – et c’est qu’ils font déjà – l’exemple de l’ERL, principale pourvoyeuse de joueurs entre les trois clubs de la capitale olympique, Stade Lausanne, le LUC et l’Albaladejo, pensionnaire actuellement de LNC. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le rugby en Suisse bouge.