« Il n’y a pas de discussion, Servette a un niveau de Fédérale 2 »

L'ouvreur de l'Équipe de Suisse Julien Gros a ouvert le score dimanche après-midi au Stade de Genève face à Ambérieu-en-Bugey (2e), avant d'être remplacé par Paul Davallet à la mi-temps. Le demi d'ouverture est l'un des très grands renforts du club Grenat de cette intersaison. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Genève]

Le Servette Rugby Club a réalisé un retour triomphant au Stade de Genève dans les championnats du Comité du Lyonnais. Pour son premier match à domicile dans la division Pré-Fédérale, les hommes de Gabriel Lignières ont dominé leurs adversaires d’Ambérieu-en-Bugey 83-0 (50-0 à la mi-temps). Et première constatation: les Grenat ont un niveau encore abondamment supérieur à leur catégorie de jeu, dixit Hervé Chaffardon, entraîneur ambarrois et ancien joueur professionnel du Stade Français de Paris.

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Hervé Chaffardon, entraîneur du club d’Ambérieu dans le Bas-Bugey a une certitude: Servette a encore de belles années de promotion devant lui. Quantitativement, la réalité n’en cache nullement le potentiel; après une victoire sur l’équipe d’Arcol à Écully (67-7) pour le premier match de la saison en Pré-Fédérale, les Grenat n’ont pas manqué leur retour à la Praille en asseyant un succès autoritaire 83-0 face au club du Belley. Mais les premiers analystes assurent – passant outre le résultat au compteur – que l’écart est encore immense entre le club genevois et les adversaires de leur classe. Hervé Chaffardon est ainsi le premier à pourfendre la relativité, parce que selon lui, il n’y en a tout simplement pas. « J’ai eu Christian Bel au téléphone hier [ndlr, l’entraîneur assistant du Servette RC] et il m’a dit que son équipe devait avoir le niveau d’un haut de tableau de Fédérale 3. Mais je ne le crois pas », assure-t-il d’un air convaincu. « Servette a un niveau de Fédérale 2 et cela ne souffre d’aucune discussion. »

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Il faut dire que l’homme de 53 ans est un fin connaisseur du rugby amateur et professionnel français. Il a en effet été formé à Chambéry, où il a passé la plus grande partie de sa carrière (14 ans entre 1973 et 1986, puis à nouveau lors de la saison 1995-1996) et où il connut la première division avant qu’elle ne devienne professionnelle au milieu des années 1990. Aussi, passé par Grenoble (1986-1995) puis à 31 ans au Stade Français de Paris (jusqu’en 2004), le Savoyard est un fin connaisseur du très haut niveau français où il a remporté deux championnats de France et a figuré, le temps d’une année, dans l’ex-Top 16 à son avènement en 2004 (diminuée à l’actuelle Top 14 l’année suivante). Il a ensuite progressivement laissé le terrain de jeu pour s’asseoir sur le banc à Aix-en-Provence dans la division inférieure, en Pro D2 où il a également entraîné l’équipe B l’histoire d’une dernière saison. Mais depuis plus d’une dizaine d’années, Hervé Chaffardon ne s’est jamais détourné de son sport, se reconvertissant définitivement dans l’habit d’entraîneur, où il a principalement officié en Fédérale 3, soit la division supérieure à la Pré-Fédérale. Son dernier club en date, à l’automne 2017 n’était nul autre que Saint-Genis-Laval, dans la métropole de Lyon. Bref, l’on aura assez bien compris que l’homme connaît parfaitement son milieu: « J’ai officié en Fédérale 3 et je peux dire que le SRC en est bien supérieur. Il y a donc au moins deux divisions d’écart entre Servette et nous [ndlr, le club d’Ambérieu-en-Bugey]. » Menés 50-0 à la pause, les Rhodaniens n’ont en effet tenu qu’une centaine de secondes avant d’encaisser – déjà – un premier essai par le demi d’ouverture suisse Julien Gros (2e).

« Nos lignes de trois-quarts n’ont pas l’habitude de jouer contre des adversaires qui réalisent des passes de 25 mètres. Il est évident, dans ces cas-là, que sur une passe, ils nous battaient trois joueurs et créaient le surnombre à l’extérieur. »

Hervé Chaffardon, entraîneur d’Ambérieu Bugey XV

Ambérieu-en-Bugey a pourtant, dans son histoire récente, été l’un des très bons clubs de la division Honneur du Comité du Lyonnais, la même qui a été, en cette intersaison, renommée en Pré-Fédérale. À son palmarès, le club de l’arrondissement du Belley a en effet remporté à trois reprises le titre du championnat Honneur, en 1972, 1976 et le dernier en date, en 2008. La même année, le club avait obtenu son meilleur résultat en Championnat de France avec un huitième de finale perdu contre Riom, dans le Puy-de-Dôme. Le club a même tenu bon dans le championnat de troisième division (l’actuelle Fédérale 3) près d’une décennie durant, de 1976 à 1985. Depuis lors, même si relégué, le club ambarrois cultive ses meilleurs atouts dans les hautes sphères du rugby régional français. Et pourtant, par la force des choses, tout n’a été que très relatif face au Servette Rugby Club à la Praille dimanche après-midi. Ceci même car narrer l’écart de niveau relève désormais de la lapalissade. Un euphémisme. « Nous n’avons bien évidemment pas à rougir, nos joueurs ont donné ce qu’il y avait à donner. Nous étions même un peu amoindris parce que nos deuxièmes lignes étaient absentes pour maternité. Nous avons essayé de faire bonne figure, nous aurions pu marquer un essai ou deux; il est vrai le score est lourd mais je pense qu’il le sera pour beaucoup d’équipes qui viendront jouer ici », assure alors l’entraîneur principal d’Ambérieu Hervé Chaffardon. « Nous manquions trop d’automatismes en touche, deux-trois pénaltouches que nous avons manquées, aussi parce certains joueurs n’avaient jamais joué ensemble. C’est ce qui nous coute de marquer quelques points (14 peut-être). Nous avions eu quatre ou cinq occasions dans le match de nous rendre dangereux dans leur camp mais malgré cela, nous n’avons rien à reprocher à nos joueurs. » Néanmoins, il est vrai, dans la manière d’appréhender la rencontre, d’aller au contact des adversaires, les Rhodaniens ont prouvé avoir le mental nécessaire que l’on reconnaît aux très bons rugbymen. L’équipe a pourtant payé de ses insuffisances techniques sur la ligne des trois-quarts, assure alors Henry Chaffardon. « Nos lignes de trois-quarts n’ont pas l’habitude de jouer contre des adversaires qui réalisent des passes de 25 mètres. Il est évident, dans ces cas-là, que sur une passe, ils nous battaient trois joueurs et créaient le surnombre à l’extérieur. Là, il y a un apprentissage à faire pour nos joueurs: savoir jouer contre des trois-quarts adverses qui sont capables de réaliser des passes de 25 mètres. » Une particularité qui ne fut alors de fait pas présente lors de leur première rencontre de la saison face à Trévoux Châtillon, remportée par les Ambarrois (21-17) au prix – également – d’un drop de l’équipe locale.

« 83 points, c’est bien mais il faut faire plus quand nous en sommes capables »

Trop de relâchement en seconde période ? Gabriel Lignières, à la tête de l’équipe Grenat acquiesce. À un peu moins du quart d’heure du terme, il est vrai, Servette a commis une succession de petits manquements techniques, jusqu’à risquer de subir un essai de contre consécutive à une passe de 25 mètres – la fameuse – mal négociée. Aucun péril en la demeure, les Grenat avaient déjà lâché un essai face à Arcol la semaine de la rentrée, mais les principes restent. « 83 points c’est bien – j’en suis bien évidemment heureux – mais nous devons faire plus quand nous en sommes capables, quand nous en avons le potentiel », assure alors l’entraîneur servettien au terme de la rencontre. « Notre nouvelle méthode de jeu n’est pas facile à mettre en place, nous fonctionnons par cellule. Nous avons bien commencé mais je ressors frustré de la seconde mi-temps. Nous avons joué au hourra-rugby – comme pour rigoler – alors qu’il nous tardait de rester dans le cadre collectif », poursuivait-il alors. Aussi, c’est face à une équipe de plus faible opposition que la rigueur doit primer. Et Gabriel Lignières le résume parfaitement en une phrase: « Nous devons être maîtres du ballon tout en restant propres. » Puis ajoute: « Nous avons recruté et l’alchimie commence à prendre dans le groupe. Mais il me tient de ne jamais tomber dans la suffisance. Même dans un match où l’on inscrit 83 points, il reste encore énormément d’erreurs à gommer (neuf en-avants, 12 pénalités) et c’est déjà trop si l’on veut gagner quelque chose contre d’autres équipes. »

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En même temps, en début de saison, les premières rencontres apparaissent avant tout tels de formidables bancs d’essai pour plusieurs joueurs qui reviennent petit à petit à leur état de forme habituel. Mais aussi pour d’autres qui découvrent depuis quelques semaines maintenant le nouveau cadre du club Grenat; avec quelque 21 recrues (19 joueurs et deux membres de l’encadrement) totalisées au début du championnat, le temps reste immanquablement à la mise en température. « Il faut dire que nous restons dans la logique qui était la nôtre l’année dernière: nous faisons tourner les effectifs. Il y a beaucoup de joueurs qui manquent encore de condition physique mais malgré tout, il faut les faire jouer pour qu’il restent intégrés dans le collectif. Ils font partie du projet et nous comptons pleinement sur eux à tous les niveaux, physique, tactique et technique », assure toujours Gabriel Lignières.

« Ça fait un an que je n’ai plus joué donc la reprise m’a été un peu plus difficile que les autres. Une bonne reprise, de bonnes sensations retrouvées. Toutes mes blessures sont loin derrière maintenant et je n’ai de douleurs nulle part. »

Florian Escoffier, ailier du Servette Rugby Club

Il est d’abord vrai que plusieurs renforts de l’été ont été ménagés ce dimanche face à Ambérieu-en-Bugey. C’est notamment le cas de Kenji Caprice, William Goodwin et du national marocain Fahd Rguibi Idrissi. « Nous sommes pleinement satisfaits d’eux, il n’y a aucun problème. Mais malgré tout, comme la réserve ne jouait pas, nous avons laissé l’opportunité à tous de jouer », justifiait alors l’entraîneur Grenat. Et dans les faits, le premier à retrouver la voie des terrains est bien l’ailier Florian Escoffier, l’une des valeurs étalon du contingent servettien mais qui passa l’entière saison de Promotion Honneur, l’an passé, hors des terrains pour cause de blessures diverses. Aussi, après un an d’absence, l’ailier a rejoué avec l’équipe première. Et cela lui a fait du bien avec trois essais inscrits (6e, 25e et 45e). « Ça fait un an que je n’ai plus joué donc la reprise m’a été un peu plus difficile que les autres. Mais je suis satisfait de mon retour, j’ai retrouvé de bonnes sensations sur le terrain. Toutes mes blessures sont loin derrière maintenant et je n’ai de douleurs nulle part », assurait-il. Une bonne nouvelle pour son entraîneur, lequel garde la mire bien ajustée jusqu’au bout de la saison régulière: « Je ne pense qu’à cette saison. Nous avons un objectif à atteindre au mois de mars et c’est tout ce qui nous importe en ce moment. » Et une chose est certaine: son large contingent ne manquera pas de temps de jeu. « Le recrutement est fait chaque saison de manière à ce que nous puissions évoluer plus rapidement dans le projet qui est le nôtre. Le club se donne les moyens de ses ambitions », commentait également Florian Escoffier. À Servette, tous adhèrent à un projet commun, et la saison a très bien débuté.

Les faits de match:
Servette Rugby Club v Ambérieu-en-Bugey Rugby Club, 83-0 (50-0)

Composition du Servette Rugby Club:
1 Jérôme Meyer, 2 Loïc Otal, 3 Marius Chapel, 4 Mathias Bernath-Yendt, 5 Antoine Moreau, 6 Aniss Mountassir, 7 Vincent Darracq, 8 Quentin Dessauvages, 9 Thomas Gregoire, 10 Julien Gros, 11 Florian Escoffier, 12 Sofiane Bouteiller, 13 Maxime Tognon ©, 14 Benjamin Donin, 15 Adams Tantôt. Remplaçants: 16 Dylan Dene, 17 Moussa Reghis, 18 Karim Bougherara, 19 Rafaël Candotto, 20 Jonathan Torossian, 21 Léo Bel et 22 Paul Davallet. Entraîneur: Gabriel Lignières.

Composition d'Ambérieu-en-Bugey Rugby Club:
1 Baudrat, 2 Courtois, 3 Benguigui, 4 Garnier, 5 Alcaraz, 6 Geoffray, 7 Sonnery, 8 Bousquet, 9 Chabaud, 10 Cochod ©, 11 Bertheau, 12 Christophe, 13 Plumail, 14 Zanon, 15 Castellani. Remplaçants: 16 Gobin, 17 Bouchard, 18 Titoulet, 19 Lecland, 20 Prouillet, 21 Coll et 22 Blanc. Entraîneur: Hervé Chaffardon.

Essais: 2e Gros; 6e, 25e et 45e Escoffier; 10e Bernath-Yendt; 19e Chapel; 23e Donin; 33e Otal; 39e et 66e Tantôt; 59e Bel; 69e et 73e Davallet.
Transformations: 2e, 10e, 23e, 25e et 33e Grégoire; 45e, 66e, 69e et 73e Torossian.

Notes: Stade de Genève.
Servette sans Fahd Rguibi Idrissi, Kenji Caprice ni William Goodwin (repos).