De jeunes champions pour populariser le rugby à 7 en Suisse

Ismaël Meyer a eu le cran nécessaire pour créer une toute nouvelle équipe M18 de rugby à 7 en 2016. Le 2 septembre dernier lors de l'Europe Trophy à Esztergom en Hongrie, son équipe a remporté le titre et gagnera le droit, en mai 2019, de se confronter aux 16 meilleures équipes du continent, parmi lesquelles la France, l'Irlande, la Grande-Bretagne, l'Italie ou encore la Géorgie. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Lausanne]

Le rugby à 7 va prendre une nouvelle tournure en Suisse après le titre européen des M18 de l’Edelweiss en deuxième division de l’Europe Trophy à Esztergom en Hongrie le 2 septembre dernier. Le club de LNA de Stade Lausanne a déjà pris une décision unanime entre son président Andrew Cummins, son entraîneur Mario Bucciarelli et son vice-Président André Pharaony de développer leur propre équipe de rugby à 7 à Lausanne. L’entreprise souhaite un vent d’émulation parmi les autres clubs de première division en Suisse. « Lausanne est la capitale olympique et le rugby à 7 est depuis quelques années un sport olympique. C’est l’occasion idéale d’en parler », assure alors le Président de l’ERL (École de Rugby de Lausanne), André Pharaony qui est aussi joueur dans la première équipe de Stade Lausanne. « Si plusieurs clubs se réunissent pour mettre en place un championnat de rugby à 7, cela veut dire que l’on va dans le bon sens », assure alors de son côté Jérôme Goudet, responsable de la Commission Technique de la Jeunesse (CTJ) à la FSR.

Dans le petit monde du rugby en Suisse, la nouvelle a été retentissante. La victoire de la jeune équipe de Suisse M18 de rugby à 7, (19-17) face à la République Tchèque lors du premier dimanche de septembre, a indubitablement réveillé les ambitions des plus jeunes aspirants rugbymen du pays. Mais si la fierté l’emporte et les compliments pleuvent sur le travail de longue haleine réalisé par l’entraîneur Ismaël Meyer et son manager Jérôme Goudet, le succès affiche aussi les développements marginaux réservés à la pratique du rugby à 7 tout au long de l’année. Mis à part quelques tournois dispensés en fin de saison vers Neuchâtel, les entraînements spécifiques pour la variante sont pratiquement inexistants. « La complexité du rugby à 7 est que sa pratique ne fait pas partie des priorité en Suisse. Aujourd’hui, l’on choisit des joueurs qui jouent en club à XV mais qui développent de grandes prédispositions physiques pour s’aligner aussi à 7 », nous affirme alors Ismaël Meyer. Il faut dire que, pourtant, la Suisse dispose, selon toute vraisemblance, d’un bassin de joueurs parfaitement adaptés pour les exigences physiques et athlétiques de la pratique du rugby à 7. « Il y a un potentiel certain », poursuit alors l’entraîneur des M18 champions d’Europe. « Il nous suffit de réussir à démontrer notre ambition et des objectifs précis afin de mettre plus précisément les choses en place. Le joueur de base en Suisse correspond nettement plus au rugby à 7 qu’au rugby à XV. Les Suisses sont rapides, dynamiques et intelligents. Et en plus, ils bénéficient d’installations optimales. Il serait intéressant de permettre au rugby à 7 de se propager dans le pays et qu’il puisse recevoir un soutien également au niveau financier. »

« Cette année, sur les 16 équipes nationales, l’objectif de maintien est réaliste, c’est à dire que nous pouvons éviter de terminer aux deux dernières places du classement. Un Top 10 est envisageable. En revanche, dans dix ans, si l’on rencontre un soutien dans le projet qui est le nôtre, il nous serait possible de participer aux Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) »

Ismaël Meyer, entraîneur de l’Équipe de Suisse M18 de rugby à 7

Il faut dire que les objectifs ne sont en réalité pas très compliqués à définir; grâce à son titre l’équipe de Suisse M18 va intégrer le Top 16 mondial où appartiennent les plus grandes nations du rugby européen à l’image de la France, l’Irlande, de la Grande-Bretagne ou encore des hauts pays émergents comme la Géorgie. La participation à l’élite permet aussi de concourir pour des places qualificatives pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2022. Si l’échéance est encore trop avancée au regard des possibilités qui seront celles des jeunes individualités suisses l’année prochaine, en 2019, la vocation de l’entière nation d’appartenir dans un proche avenir à la délégation olympique de la jeunesse, elle, est bien présente. Elle se veut même réaliste si un travail de développement y est effectué ces prochaines années de concert entre les clubs de LNA et la Fédération Suisse de Rugby (FSR). Plusieurs voix concordent pour affirmer que la prochaine sélection suisse M18 en Europe Trophy ne pourra guère jouer les premières places du championnat en mai 2019, mais tous, aussi, assurent que le maintien leur est à pleine portée. « Cette année, sur les 16 équipes nationales, l’objectif de maintien est réaliste, c’est à dire que nous pouvons éviter de terminer aux deux dernières places du classement. Un Top 10 est envisageable. En revanche, dans dix ans, si l’on rencontre un soutien dans le projet qui est le nôtre, il nous serait possible de participer aux Jeux Olympiques », assure alors Ismaël Meyer. En réalité, il incombe au monde du rugby en Suisse de dessiner le futur qu’il souhaite pour sa jeune génération. Car si l’ensemble des M18, M16 et même M14 actuels ne seront certainement plus éligibles lors d’une éventuelle qualification olympique en 2026 ou en 2030, l’on parle nécessairement d’un plan de grande longévité qui pourrait permettre à plusieurs très jeunes joueurs – certains découvrant même le rugby en ce moment-même dans leur école en M8, M10 et M12 – de porter dans un peu plus d’une décennie la Suisse au sommet de l’Olympe. Certains l’assurent: il suffit de le vouloir. « C’est maintenant qu’il faut en parler, profiter des occasions qui ont été ouvertes par nos M18, champions cette année, pour gagner en visibilité et attirer quelques précieux sponsors. Car de manière générale, si nos jeunes sont capables de lutter pour une qualification olympique, il n’y a aucune raison pour que cela ne soit pas également le cas pour les séniors », assure alors André Pharaony, président de l’École de Rugby de Lausanne et père du capitaine des M18 suisses à Esztergom, Henry.

« Au-delà de notre équipe à XV, Stade Lausanne veut aussi privilégier le développement de notre sport à 7. Ainsi, l’on pourra rêver encore plus de Jeux Olympiques, et peut-être même dans pas très longtemps »

André Pharaony, vice-président du Stade Lausanne Rugby Club

Aussi, pour ce faire, en tant que joueur et vice-président du club de Stade Lausanne, pensionnaire de LNA, André Pharaony a longtemps poussé pour permettre la création d’une équipe de rugby à 7 à Chavannes. Et il a finalement réussi, grâce aussi aux accords du Président Andrew Cummins et l’entraîneur Mario Bucciarelli. Stade Lausanne mettra bien en place, dès 2019, une équipe de rugby à 7 afin notamment de permettre aux jeunes et moins jeunes de développer les spécificités nécessaires pour améliorer les automatismes sur le terrain. « Au-delà de notre équipe à XV, Stade Lausanne veut aussi privilégier le développement de notre sport à 7. Ainsi, l’on pourra rêver encore plus de JO, et peut-être même dans pas très longtemps », assure alors André Pharaony, emprunté dans sa position de père, de joueur mais aussi de dirigeant. Ce dernier l’assure, le rugby à 7 a un avenir en Suisse: « Le futur du rugby en Suisse passera immanquablement par le rugby à 7 et, par conséquent, par les JO. Nous devons prendre l’exemple de pays qui se sont déjà tournés vers la variante comme le Kenya, l’Ouganda ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui sont des nations qui ont déjà opéré au tournant. » Aussi, le rugby à 7 s’avère nettement moins exigeant en termes de ressources humaines, en ce qu’un court effectif, porté par un noyau de cinq ou six joueurs particulièrement talentueux, puisse suffire pour porter haut les couleurs de la nation helvétique. « Le rugby à 7 est aussi beaucoup plus pratique pour le plus néophyte qui souhaiterait découvrir ce sport », consentent également aussi bien André Pharaony que le responsable de la CTJ Jérôme Goudet.

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« Cela prend du temps de former des éducateurs, c’est un enjeu sécuritaire important », assurait le Président de l’ERL André Pharaony. Jérome Goudet [sur la photo], Président de la Commission Technique de la Jeunesse (CTJ) à la FSR, fait partie de ces excellents éducateurs que la Fédération suisse puisse compter à ce jour, affirmera toujours André Pharaony. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Chavannes-près-Renens]

L’ERL, première pourvoyeuse de joueurs aux sélections M17, M18 et M19

Stade Lausanne est bien placé pour la formation des jeunes au rugby à 7, aussi car le club compte dans ses rangs pas moins de huit joueurs ayant appartenu à l’équipe de Suisse M18 ces trois dernières années, lorsque celle-ci avait fini d’abord cinquième en 2016, puis troisième en 2017 et enfin première cette année de l’Europe Trophy. Aussi, dans le contingent titré en septembre 2018 en Hongrie, six ont été formés à l’École de Rugby de Lausanne. L’ERL fournit en effet de nombreux joueurs aux trois clubs de la capitale olympique, le club de LNC de l’Albaladejo, ainsi que les voisins de quartiers du Lausanne Université Club (LUC) et du Stade Lausanne. Et dans sa réussite, l’ERL a connu une métamorphose discrète mais d’autant plus porteuse pour le rugby suisse. Lors des trois derniers championnats d’Europe, c’est l’école la plus représentée parmi le contingent suisse: « L’école de Lausanne est la pourvoyeuse numéro une de joueurs suisses en M17, M18 et M19. Avant, il y avait surtout beaucoup d’expatriés qui quittaient la Suisse après avoir servi pour les M18. Mais depuis plusieurs années, les individualités qui y sont formées sont suisses et c’est une grande satisfaction pour le pays. Cela veut dire que le rugby suisse pourra dès maintenant, et à terme encore plus, compter sur des joueurs formés et appliqués à l’ERL », assure toujours André Pharaony, dans un souci évident d’alimenter les clubs séniors de LNA par des jeunes strictement formés en Suisse. Et la victoire des M18 à l’Europe Trophy d’Esztergom en a offert un exemple d’avenir certain. En effet, sur la sélection, un seul des 16 joueurs qui ont été présélectionnés pour le tournoi (12 sélectionnés, ainsi que quatre “viennent-ensuite”) n’a, dans les faits, été formé à l’étranger. Le numéro 5 Hugo Caubet provient justement de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées; trois proviennent de la région alémanique de Berne et Zürich, alors que les 12 autres sont Romands.

« J’ai bénéficié de contacts importants dans le monde du rugby, ce qui m’a permis de réunir plusieurs très bons joueurs pour ce tournoi à 7. Il faut dire que, de nos jours, les joueurs sont considérés comme des denrées rares »

Ismaël Meyer, entraîneur de l’Équipe de Suisse M18 de rugby à 7

L’entraîneur, Ismaël Meyer connaît par ailleurs bien le rugby de la région. Joueur des Switzers (Genève), grandi à Berne, il a été prêté ces dernières années, d’abord à Stade Lausanne avant de rejoindre cet été les voisins du LUC. Son expérience est aussi celle qui permit à l’épopée suisse de grandir et prospérer en Hongrie avec des joueurs qu’il connaissait, pour la plupart, parfaitement bien à l’image du numéro 1 et capitaine Henry Pharaony, élu meilleur joueur du tournoi par les entraîneurs et arbitres européens. Ses joueurs, Ismaël Meyer, les a choisi avec critère et conviction; au moment de réunir les individualités qui se proposaient à lui, il a joué de son réseau pour convaincre parents et joueurs. « J’ai eu des contacts directs avec toutes les personnes à qui j’ai proposé de participer à l’aventure des M18. Rien ne s’est fait par mail, une invitation souvent impersonnelle et peu percutante. J’ai bénéficié de contacts importants dans le monde du rugby, ce qui m’a permis de réunir plusieurs très bons joueurs pour ce tournoi à 7. Il faut dire que, de nos jours, les joueurs sont considérés comme des denrées rares », confie alors Ismaël Meyer qui explique avoir longtemps baigné dans la discipline (à 7), présente à l’université depuis quelque sept ans.

Henry Pharaony, champion d’Europe de deuxième division avec l’Équipe de Suisse M18 de rugby à 7, a joué son premier match en LNA ce week-end avec Stade Lausanne contre Grasshopper (7-38). Mais entre le 7 et le XV, que préfère-t-il ? « Il aime vraiment les deux », assurera alors son père André Pharaony. Une réalité que le principal intéressé a confirmé. Le jeune homme pourra sans doute faire partie de la toute nouvelle équipe de rugby à 7 que lancera le club de Stade Lausanne dès 2019. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Chavannes-près-Renens]

Aussi, le titre à l’Europe Trophy d’Esztergom a primé de très belles histoires personnelles, aussi bien que des récits de famille à fort caractère émotionnel. Parmi l’entourage de l’équipe championne figurait notamment le manager de l’équipe Jérôme Goudet, lui-même père d’Oscar, choisi dans le groupe des 12 sélectionnés d’Ismaël Meyer. Mais au-delà du lien de parenté (et de la formidable expérience familiale que ce titre leur a offert sur le plan personnel), c’est l’histoire d’une enfance passée sur le vert, aux entraînements de rugby entre parents et amis de longue date, qui remonte à la lumière de la victoire finale. Une histoire d’enfance passée aux côtés notamment de son frère Axel (ancien titulaire des M18 en 2017) mais aussi des frères Pharaony: Louis (ancien capitaine des M18 en 2017) et Henry, l’actuel capitaine primé. Tous ont, en réalité, grandi ensemble dès leur plus jeune âge à l’ERL, depuis l’âge de 4-5 ans, et tous ont partagé des expériences inoubliables sous les couleurs de “leur” Suisse. « C’est, en réalité, une évolution historique – accentue alors André Pharaony – Mes fils ont joué et gagné ensemble avec Axel et Oscar [Goudet]. C’est extraordinaire dans le sens qu’ils jouent depuis de nombreuses années ensemble, depuis qu’ils sont tout petits. C’est bien une décennie d’amitié dont on parle là. » Une anecdote choisie alors que l’ERL fêtera ses 20 ans en 2019.

« Il y a des joueurs pour qui le rugby signifie énormément. À l’image de Marc Kouassi qui vient de Monthey, où il est apprenti boulanger. À chaque entraînement, il fait des heures de route pour apprendre et faire progresser son rugby. Pour lui, le rugby lui a changé la vie »

André Pharaony, Président de l’École de Rugby de Lausanne (ERL)

Puis, il y eut d’autres récits qui ont sans doute marqué quelques esprits. Dans une équipe composée en majorité de Vaudois et Genevois (11 sur 16), il y eut aussi un Valaisan. Marc Kouassi, un jeune homme de Monthey qui a beaucoup donné pour participer à l’aventure en Hongrie. « Il y a des joueurs pour qui le rugby signifie énormément. À l’image de Marc qui vient de Monthey, où il est apprenti boulanger. À chaque entraînement, il fait des heures de route pour apprendre et faire progresser son rugby. Pour lui, le rugby lui a changé la vie », assure André Pharaony, qui traduit alors toute son admiration d’un regard extérieur à ses fonctions présidentielles à l’ERL. Nul doute, le titre de cette équipe de Suisse M18 de rugby à 7 traduit l’histoire d’une évolution qui dépasse aussi le cadre purement sportif. Pour ces jeunes, c’est un pan entier de leur vie qu’ils ont partagé dans une quête commune: représenter leur nation hors de Suisse. « En tant que père, c’est une fierté de voir mes fils porter le maillot national. Entendre l’hymne national joué pour eux et porté par eux est quelque chose d’extraordinaire. C’est une expérience dont ils se souviendront toute leur vie, et qu’ils raconteront à leurs petits-fils plus tard », assure alors le manager de l’équipe et responsable de la Commission Technique de la Jeunesse (CTJ) à la FSR, Jérôme Goudet.

Oscar Goudet [au premier plan] a suivi la route de son frère Axel [en arrière-plan]. Le jeune homme (classe 2000) a été sacré champion de l’Europe Trophy avec les M18 de l’Équipe de Suisse de rugby à 7. Une fierté pour la famille Goudet. Axel et Oscar l’avouent également; ils préfèrent le 7 autant que le XV. De potentiels joueurs de la nouvelle équipe de Stade Lausanne, donc. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Chavannes-près-Renens]

L’Équipe nationale M18 de rugby à 7 n’existe (pourtant) que depuis 2016

Ismaël Meyer, dans les faits, n’a pas seulement joué le rôle d’entraîneur de ses jeunes champions; il a surtout été l’instigateur premier de l’aventure depuis trois ans. En effet, c’est sous son impulsion qu’est née l’équipe nationale M18 de rugby à 7. Et il a toujours été clair dans ses ambitions: « J’ai créé l’équipe pour gagner. » Après deux tentatives, il a enfin décroché le titre avec ses poussins. Après avoir discuté avec le Directeur Technique National (DTN) de la FSR, Sébastien Dupoux, il a obtenu quartier libre pour monter son équipe et la présenter dans les meilleures conditions à la concurrence européenne. L’homme a la trentaine aujourd’hui et il a prouvé avoir su manœuvré son projet vers la pleine réussite. Sa recette: être conciliant tout en restant professionnel dans ses choix et sa manière d’entraîner. Avec Jérôme Goudet, il gère par ailleurs l’entier du volet organisationnel et administratif, ce qui n’est pas une mince affaire au contact d’une vingtaine de jeunes individualités venant des quatre coins de la Suisse. Aussi, il a dû gérer l’adaptation de jeunes rugbymen qui évoluent à l’année régulière au rugby à XV, une nécessité certaine même si celle-ci, explique-t-il, n’a pas été difficile à assurer après les premiers rassemblements des joueurs entre eux. « L’adaptation s’est faite dès le premier rendez-vous. Nous avons réalisé un mini-tournoi avant de partir en Hongrie. Celui-ci a permis bien inscrire les joueurs dans les automatismes et les dynamiques du rugby à 7 », aiguillonne alors Ismaël Meyer. Aussi, expliquera-t-il encore, les deux variantes du sport sont complémentaires; une adaptation reste toujours nécessaire lorsque l’on passe de l’une à l’autre, mais la différence n’est plus telle. « Le rugby à 7 comme nous l’imaginions il y a quelques années, c’est fini. Aujourd’hui, je pense que le rugby à 7 et à XV trouvent de grandes complémentarités entre eux. Les contacts sont différents mais l’apprentissage est rapide. »

« Cela fait longtemps que l’on attend de pouvoir mettre sur pied une commission dédiée au rugby à 7 au sein de la Fédération, mais pour cela il nous faut un Président de commission et un responsable technique, ce que nous n’avons toujours pas sous la main »

Jérôme Goudet, responsable de la Commission Technique de la Jeunesse à la FRS

Ce qui est d’autant plus moins évident, en revanche, est le temps consacré à la pratique du rugby à 7 durant la saison dans les clubs. « La Suisse est indéniablement un environnement de rugby à XV. Or, le sport olympique reconnu est le rugby à 7. Il est donc dommage que les clubs le déversent de leur programme d’entraînement. Il nous faudrait utiliser les “forces” inhérentes au constat d’un manque d’effectif aux entraînements pour développer davantage le rugby à 7. Il n’est pas toujours nécessaire de s’obstiner à vouloir faire uniquement des entraînements à 15 », avoue alors le coach. Ce gap, pourtant, Ismaël Meyer le comble au prix d’une exigence peu commune en Suisse et d’une stratégie de communication – par les réseaux sociaux – qui parle grandement à ces jeunes hommes hyperconnectés. Avec les diverses images du titre à Esztergom circulant sur les divers réseaux d’amis sur Facebook ou Instagram, l’entraîneur espère qu’elles puissent dorer l’image de la pratique du rugby à 7 et qu’elle puisse donner un fort élan d’émulation aux générations futures. Les premiers rassemblements sont d’ailleurs toujours très productifs, avoue-t-il. Mais les temps sont courts, lors de la pause hivernale allongée entre décembre et février et les intersaisons très restreintes en été; dans l’année, Ismaël Meyer assure réserver une préparation d’environ cinq à six mois avec ses joueurs avant d’entamer la compétition européenne, ce qu’il assure être le stricte minimum. « Nous assurons toujours, depuis que j’ai créé l’équipe, cinq entraînements à un niveau très professionnel, agrémenté d’un stage de cohésion en montagne, nécessaire pour bâtir un juste mental avant la compétition. », consent-il alors. Jérôme Goudet, de son côté, espère qu’une impulsion puisse être donnée après le titre européen des M18, une meilleure organisation sans doute: « Cela fait longtemps que l’on attend de pouvoir mettre sur pied une commission dédiée au rugby à 7 au sein de la Fédération, mais pour cela il nous faut un Président de commission et un responsable technique, ce que nous n’avons toujours pas sous la main. Il manque encore, en réalité, un manager qui puisse imprimer sur le calendrier annuel des compétitions dédiées au rugby à 7. C’est quelque chose qui est d’autant plus vrai pour la sélection nationale séniors. » C’est pourquoi, ce dernier ne fait que saluer l’ambition et la détermination des coaches, Ismaël Meyer chez les M18 et Simon Berruyer chez les séniors, qui « réalisent un travail d’une immense qualité, puisque les deux équipes ont toutes les deux été promues dans la division supérieure [ndlr, les hommes de Simon Berruyer ont été promus en Conférence 1, troisième division européenne derrière la Premier Championship et le Trophy]. »

« La victoire à ces championnats d’Europe ne doit pas être qu’une étape. Le travail n’est pas fini. Le but est de reproduire cette même réussite en séniors »

Ismaël Meyer, entraîneur de l’Équipe de Suisse M18 de rugby à 7

En 2018, le staff national M18 de l’équipe a alors passé quelques jours à Plans-sur-Bex, avant de partir pour la Hongrie. Une étape déterminante dans la définition du succès final. « Le mental est quelque chose que l’on connaît peu et que l’on comprend le moins, d’où l’importance du stage de cohésion. C’est le moment juste où nous pouvons définir le plus clairement nos objectifs et définir une organisation très précise. » C’est aussi dans les altitudes vaudoises (1’100m) que les leaderships sont étudiés. C’est bien à Plans-sur-Bex que Henry Pharaony a été investi du brassard de capitaine, sa stature et son caractère l’ayant fortement primé. Un choix qui sera récompensé par la suite. Pourtant, ce succès en Europe Trophy ne suffit pas; Ismaël Meyer assure que le travail réalisé avec ses joueurs sera vain si d’aucun ne prendra (ou ne recevra) la possibilité de s’affirmer avec la catégorie des séniors. Pourtant, constat opéré, « il y a une nette décroissance d’individualités qui passent des M18 à l’équipe sénior, peu sont ceux qui trouvent une place de titulaire avec la première équipe. » L’entraîneur des M18 de l’Edelweiss pointe alors une fatalité certaine du rugby suisse actuelle. Or, il garde l’espoir que cette même génération titrée à Esztergom puisse se renouveler dans la catégorie de jeu supérieure, parmi l’élite. Parmi les 16 joueurs présélectionnés cet été, seuls 4 resteront dans l’équipe des M18 en 2019 – dont Luo Rochat et les trois réservistes Noah Mayor, Victor Spreng et Olmo Bartoloni, tous issus de l’ERL –, les 12 autres étant immanquablement amenés à trouver leur place parmi la classe des séniors, après avoir passé deux ans dans la catégorie inférieure. « La victoire à ces championnats d’Europe ne doit pas être qu’une étape. Le travail n’est pas fini. Le but est de reproduire cette même réussite en séniors », assure alors Ismaël Meyer avant de poursuivre: « Il faut aussi avouer que le changement de niveau et de gabarit est édifiant entre les M18 et les séniors. La différence entre nos joueurs suisses et ceux étrangers est minime en M18 alors qu’elle est beaucoup plus marquée dans la catégorie première. Cela impose ainsi une régularité dans les entraînements auxquels pas tout le monde n’est habitué en M18. » L’entraîneur assure alors vouloir regrouper, sous condition de permission par la Fédération suisse, les séances d’entraînement au rugby à 7 entre les trois plus grandes catégories d’âge; Ismaël Meyer souhaite bien regrouper les M16, M18 et les séniors dans un même rassemblement, ce qui permettrait « de lancer une dynamique certaine pour tous », selon l’entraîneur. Une idée qui a déjà été introduite à la FSR pour le prochain rassemblement au mois d’octobre, le premier en vue de la prochaine édition de l’Europe Trophy au mois de mai prochain. « Un rassemblement aura lieu avec les M17, M18 et les séniors. Nous profiterons de ce momentum positif pour faire évoluer chaque classe d’âge », a alors confirmé samedi à Chavannes Jérôme Goudet.