À Nox Orae, entre l’emblématique faUSt, les Japonais de Qujaku, les Britanniques de Fat White Family ou encore le duo israélien de Yossi Fine & Ben Aylon, la seconde nuit sous le ciel clairsemé d’étoiles fût rarement aussi internationale. Qu’en est-il de la Suisse ? Si Flammkuch s’est illustré en fin de soirée vendredi, le duo fusionnel Klaus Johann Grobe représentait la scène helvétique le lendemain. Autant le dire, nous n’avons jamais autant aimé entendre de la pop en allemand.
Maude Paley, co-programmatrice de Nox Orae, l’évoquait en interview la semaine dernière. Chaque année, le festival qu’elle pilote depuis près de dix ans met un point d’honneur à présenter sur scène au moins une signature helvétique par soir. La plupart du temps, c’est l’occasion rêvée pour les talents locaux de s’inscrire dans un festival bien unique en son genre, et d’acquérir une évidente visibilité parmi des grosses pointures. Ce modelage pourrait paraître familier à bon nombres d’open-air, si ce n’est qu’à la Tour-de-Peilz, on s’éloigne des autoroutes industrielles et, par inadvertance, on sélectionne également les oreilles curieuses, avides de découvertes. En ce premier samedi de septembre, l’exception aura confirmé la règle : les Klaus Johann Grobe n’ont pas tout à fait le pedigree associé à la scène émergente locale. Premièrement, Röstigraben oblige, le duo züricho-bâlois psalmodie dans la langue de Werther. Inutile de prendre ses jambes à son cou : l’expérience s’annonce aussi surprenante qu’envoûtante… Deuxièmement, Sevi Landolt et Daniel Bachmann n’ont rien de jeunes néophytes. C’est chez l’Oncle Sam, sur le label Trouble in Mind Records qu’ils ont pris leurs aises. Autrement dit, la Suisse s’exporte, voyage, fait fantasmer… Même en schwiitzerdütsch! Avec leur pop-electro chaloupée, au croisement de la musique expérimentale et du disco, les suisses étaient flamboyants au sein de leur mère patrie.
Funky Goethe
Ce n’est pas à deux mais à cinq que l’avatar Klaus Kohann Grobe fait son apparition. Très vite, les festivaliers se pressent devant la scène. Se faisant plutôt rare en Suisse, le groupe s’est illustré en tournée grâce aux premières parties de Temples ou de The Growlers, sans compter leur présence dans de prestigieux festival comme le “Levitation Austin”. Avec deux albums et un EP à leur actif, les Suisses-Alémaniques n’étaient donc pas venus les mains dans les poches. Si l’on pouvait encore douter du pouvoir mélodique de leur pop-electro en allemand, force est de constater que le duo a fait un choix risqué en théorie, se révélant exquis en pratique. Les tonalités gutturales glissent, se fondent sur les synthés et les rythmes métronomiques avec, pour résultat, un groove aux allures délicieusement seventies-eighties. L’on reconnait également, à travers eux, la cohérence du line-up prôné par le festival : la prestation de Sevi Landolt et Daniel Bachmann se détache allègrement de ce que l’on peut entendre, le casque vissé sur le crâne. À l’image de leur titre “Geschichten aus erster Hand”, l’élégant sieur Klaus Kohann Grobe enfile sa veste en velours côtelé et ses pattes d’eph pour transposer son registre à la fièvre du samedi soir. Le public est également privilégié, puisque plusieurs titres de leur prochaine mouture à paraître ont retenti. Réjouissante nouvelle pour notre petit pays que d’avoir de telles pépites, arrachées par les Américains. Grande fierté que de les voir se faire rapatrier, le temps d’un concert, au bercail! Au terme de ces deux soirées, Nox Orae a prouvé, une nouvelle fois, son aptitude à épater, surprendre et renverser les attentes.