Après le bronze européen, Alex Wilson désormais en grâce auprès de la concurrence mondiale

Alex WIlson termine sa saison avec un grand sourire. D'une dernière course sur les 200 mètres de la finale de la Diamond League à Zürich, il aura étrenné sa première médaille continentale en bronze, son objectif affiché en début de saison. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Zürich]

Il n’a terminé que sixième avec un temps qui ne satisfera pas grand monde (20”40) mais il n’empêchera pas que le sprinteur suisse Alex Wilson (27 ans) a terminé sa saison avec un sentiment profond de travail accompli. Le Bâlois a tenu bon ses objectifs à Berlin, décrochant sa première grande médaille dans des championnats continentaux au prix d’un bronze sur les 200 mètres. Fier, c’est avant tout un grand tour d’honneur qu’il est venu réaliser “chez lui” à Zürich, déclassant notamment sur de son couloir numéro 7 le Britannique Nethaneel Mitchell-Blake. « Ma saison a été extraordinaire et elle m’aidera à envisager mes compétitions futures en 2019 », affirmait-il. Un temps au-dessous des 20 secondes et une finale aux Mondiaux de Doha en octobre feront bien partie de ses concrètes intentions à la prochaine année. En attendant, Noah Lyles et le désormais champion du monde et d’Europe Ramil Guliyev se sont disputés le titre à la Weltklasse. Le diamant est revenu pour la deuxième année consécutive à la faveur de l’Américain, frisant par ailleurs la meilleure performance mondiale de l’année à moins de deux centièmes de seconde.

Il ne l’avouera pas tant que ça, faute de modestie. Mais le vent n’était pas la direction du vent n’était pas la meilleure sur la ligne droite du Letzigrund. À -0,2m/s, la légère intensité à contre-courant aura peut-être valu au champion des États-Unis la meilleure marque mondiale en saison (qu’il détenait déjà en 19”65). « Je ne regarde jamais la teneur et la direction du vent. Je prends toujours compte exclusivement de ma course », coupait alors, sourire aux lèvres, Noah Lyles. En réalité, en 19”67, le starter floridien a devancé la concurrence de large et fort belle mesure, reléguant le désormais champion du monde et d’Europe Ramil Guliyev à trois dixièmes de seconde (19”98). Dès le départ, il a pris une avance qu’il n’allait plus lâcher jusqu’à l’arrivée, pointant amplement en tête à la sortie du virage. Aussi, Noah Lyles n’a perdu aucune course sur les 200 mètres cette année, lui qui est sans doute encore un peu “frêle” sur les 100 mètres, toujours dominé par la propre concurrence américaine de Ronnie Baker et surtout Christian Coleman, qui établit justement à Bruxelles vendredi soir la meilleure performance mondiale de l’année en 9”79.

Lire également: Le sprint mondial reste une affaire d'Américains, ou presque

Quoi qu’il en soit, en cinq courses cette année en Diamond League sur le demi-tour de piste, Noah Lyles s’est toujours souverainement imposé, et (presque) toujours sous la barre symbolique des 19”70 secondes. Seul au meeting de Doha le 4 mai dernier, il avait lâché plus de distance sur la courbe en terminant – tout de même – en 19”83. Une série de courses qui aura définitivement inscrit le nom du natif de Gainesville dans l’historique des meilleurs sprinteurs mondiaux, derrière les Jamaïcains Usain Bolt et Yohan Blake et en héritage d’une entière communauté américaine composée, entre autres, de Michael Johnson (le plus ancien mais aussi le plus rapide des US top sprinters), Walter Dix, Justin Gatlin, Tyson Gay, Xavier Carter ou encore Wallace Spearmon. En témoin de ses fantastiques performances, Noah Lyles (classe 1997) est bien (et de loin) le plus jeune athlète dans le Top 10 du palmarès des meilleurs temps mondiaux de tous les temps. À 20 ans, cela est remarquable.

« C’est une étape supplémentaire dans ma carrière qui rend hommage au long travail que l’on a entrepris depuis plusieurs années. C’était une saison phénoménale et j’ai déjà hâte de retourner aux affaires l’année prochaine »

Noah Lyles, champion des 200 mètres de l’IAAF Diamond League 2018

Il faut admettre que Noah Lyles n’a percé dans sa discipline au niveau mondial que très récemment, connaissant de fait, en 2018, l’une de ses meilleure année sur le circuit international, une saison plus tranquille émotionnellement que la précédente. Noah Lyles était entré de plein fouet dans le grand bain de la compétition mondiale en Diamond League le 13 mai 2017 à Shanghai au bras de son coach de l’Université d’Arkansas Lance Brauman. Psychologiquement plus aguerri et plus agressif dans l’approche faite sur les pistes, il restait invaincu sur les 300 mètres lors de la saison en salle et a surtout établi l’un de ses chronos les plus exaltants de sa carrière en Chine. Lancé avec détermination, il ira casser son premier temps sous les 20 secondes, en 19”90. Une consécration pour le jeune homme d’alors 19 ans; tant souhaité lors de ses dernières années universitaires à Seton Hall dans le New Jersey, son premier chrono à l’ordre des 19 secondes lui valurent le bien fondé de ses sacrifices d’adolescents. Mais c’est aussi le moment où il a dû observer quelques semaines de repos après avoir senti une déchirure au niveau de l’ischio-jambier. Aussi, depuis lors – et sa première finale de Diamond League remportée à Bruxelles –, l’Étasunien a franchi les étapes de son ascension sur le plan international avec une facilité monstre; son nouveau titre à Zürich ce jeudi soir en témoigne parfaitement: « C’est une étape supplémentaire dans ma carrière qui rend hommage au long travail que l’on a entrepris depuis plusieurs années. C’était une saison phénoménale et j’ai déjà hâte de retourner aux affaires l’année prochaine », assurait-il alors de passage en zone mixte après sa course au Letzigrund.

Les 20 secondes, objectif premier d’Alex Wilson en 2019

Le club des “Sub-20”, voilà qui parle bien au starter bâlois Alex Wilson. À Berlin, aux Championnats d’Europe, il s’en est approché de très près, d’abord en abaissant son record de Suisse de plus de 8 centièmes en demi-finales (20”16), puis en l’explosant à nouveau au prix d’une course d’excellente facture en finale, où il a décroché la médaille de bronze en 20”04. « Je suis encore persuadé de pouvoir courir les 200 mètres en moins de 20 secondes cette saison », couchait-il alors avant sa course à la Weltklasse de Zürich, donnant à juste titre l’impression de pouvoir dominer, une énième fois en ce mois d’août, ses jambes et son corps afin de le pousser vers un temps toujours plus rapide. « Je sais en être capable – poursuivait-il alors – Déjà à Berlin, je savais que quelque chose de bien allait m’arriver, surtout après avoir couru la demi-finale en 20”16. Avant la finale, j’ai mené un entraînement ciblé et efficace qui m’a permis d’atteindre mon objectif: la médaille », sa première au niveau continental à 27 ans.

Lire également: Alex Wilson: « Maintenant, c'est la médaille que je vais chercher »

Il faut dire, que depuis le mois de mai, en continuité avec le large travail entrepris ces deux dernières années, il a su définir avec grande clairvoyance les objectifs qui seraient les siens d’ici au terme de l’année. Et force est de constater qu’il les tient avec un certain brio et une détermination telle qu’il se sent capable des plus belles performances, en Suisse comme en Diamond League. Avec son entraîneur Clarence Callender avec qui il travaille depuis quelque 21 mois désormais, il n’a cessé de franchir des paliers. Le Britannique n’a pas hésité à lui changer quelques habitudes; mentalement et physiquement, c’est à la métamorphose (quasi totale) que l’ancien sprinteur, médaillé de bronze aux Jeux du Commonwealth en 1991, lui fait tendre. À comprendre que le tournant fut certain, Alex Wilson se révélant de course en course depuis le début de saison 2017. Le Bâlois l’assurait tôt, fin mai, être capable de courir toujours plus vite et toujours plus proche des 20 secondes. « Depuis que j’ai changé mon coach, nous avons vraiment travaillé avec beaucoup d’ardeur, notamment sur un programme de remise en force serré. Je suis sur la très bonne voie mais je sais qu’il me reste encore quelques kilos à perdre avant de viser plus bas sur les 100m et les 200 mètres. » Ceci dit, Alex Wilson confirme avoir bénéficié d’une préparation au plus proche de l’optimal. Une étape nécessaire pour dévaler les barres symboliques des 10 secondes sur les 100 mètres et des 20s sur les 200m.

« Ma saison a été incroyable, je ne peux nullement dire le contraire. J’ai amélioré mes temps sur les deux distances de près d’une demi-seconde, je ne pensais pas cela possible dans un strict immédiat mais j’ai réussi »

Alex Wilson, médaillé de bronze aux Européens 2018 de Berlin

Arrivé en Suisse à l’âge de 15 ans, Alex Wilson s’est longuement passionné des disciplines de sprint désormais affirmés dans le patrimoine de sa Jamaïque natale. Il repartira par ailleurs à Kingston pour ses vacances, afin de se ressourcer “au pays”. En attendant, en Suisse, il a su grandir avec l’image qui est la sienne: combattif, rieur et bon répondeur pantomimique face aux journalistes. Et surtout, il est devenu avec le temps l’effigie suisse du sprint masculin, exemple de personnalité et de réussite pour les jeunes enfants passionnés par la course. « Une chose est sûre, quand les enfants que l’on côtoie te rendent l’enthousiasme que tu leur portes, c’est que de fait, l’on fait les choses justes et bien », lâchait alors Alex Wilson en conférence de presse mercredi après-midi à 24 heures de la finale de la Weltklasse. Une aura auprès des plus jeunes qu’il n’a pas manqué d’honorer vendredi après-midi 31 août, toujours au Letzigrund Stadion, lors des finales de l’UBS Kids Cup où il a notamment suivi et entraîné la relève du sprint helvétique (les 540 meilleurs athlètes issus d’une sélection de 140’000 prétendants). Une réalité auprès des jeunes que partageait par ailleurs l’actuel champion des États-Unis Noah Lyles qui est apparu, en Suisse, comme l’un des athlètes les plus suivis et appréciés du public, jeune ou moins jeune. En somme, dirons-nous, le Bâlois a assuré un show un peu particulier pour sa dernière course de la saison devant son public, d’autant plus qu’il effectuait bien là sa première sortie post-Européens de Berlin. Il en était décontracté, comme relevé d’un poids qu’il portait depuis les premiers rendez-vous d’une longue et dure saison: « Étrenner ma médaille de bronze à la maison, devant mon propre public est quelque chose de vraiment particulier, je n’ai jamais ressenti aussi grande émotion dans ma carrière. Je me sentais comme Usain Bolt éveillant les regards de son large public. Ma saison a été incroyable, je ne peux nullement dire le contraire. J’ai amélioré mes temps sur les deux distances de près d’une demi-seconde, je ne pensais pas cela possible dans un strict immédiat mais j’ai réussi. » Aussi, 6e de sa course au Letzigrund, il n’en retiendra que l’effort final d’une formidable épopée: « La course était particulièrement dure sur une piste très rapide, d’autant plus que la plupart d’entre eux ne sortaient pas d’une longue et dure compétition. J’ai tout de même subi dans les jambes mes courses aux 100m et 200 mètres de Berlin. Ce n’est jamais évident de revenir et de courir vite dans ces conditions », lâchait-il alors, heureux.

À l’approche des grands rendez-vous, vers Doha 2019 puis Tokyo 2020

2018 fut à tous les égards et pratiquement pour tous les athlètes engagés sur le circuit international, une saison sans véritable grand championnat, sinon la satisfaction pour une poignée d’athlètes engagés d’étrenner leur première (ou leur énième) médaille européenne. Mais les grands rendez-vous arrivent à nouveaux; dès 2019 et la route menant aux Championnats du Monde de Doha, au Qatar en octobre, les véritables équilibres dans l’ensemble des disciplines athlétiques, comptant également le marathon, seront indubitablement révélés au grand jour. Et encore, les Mondiaux dans le Moyen-Orient serviront encore de grand stage de préparation pour les prochaines Olympiades d’été à Tokyo l’année suivante. Nul doute, la véritable compétition débutera dès cet hiver, lors d’une saison en salle qui annoncera les premières couleurs d’un périple menant jusqu’au bout du monde, au pays du soleil levant en 2020. C’est pourquoi, tous se libèrent d’une longue euphorie au terme d’une année de très grande préparation physique et mentale. Pour le champion du monde de Londres en 2017 et le frais champion européen de Berlin Ramil Guliyev, ses résultats obtenus cette année gardaient une belle et dure régularité, et cela est d’autant plus important pour le Turc que sa seule médaille d’or continentale ne lui garantit, au début du mois d’août, aucune certitude en vue des prochaines échéances internationales. La preuve à Zürich, où il a été devancé de longue mesure par Noah Lyles. « Concourir pour la première fois en tant que champion européen n’est pas aussi spécial que cela. Il faut dire que – si cela reste très gratifiant – les résultats doivent être constants et ne pas être basés seulement sur un grand événement », lâchait-il alors au terme de sa course au Letzigrund. « Si mon titre à Berlin fait partie des très bons résultats de la saison, je ne peux pas nécessairement me réjouir à outrance de ma seconde place ici. Je dois retourner à l’entraînement et repartir en compétition en 2019 avec un esprit juste. Les titres mondiaux et européens sont super mais j’irai immanquablement chercher l’or olympique désormais. »

« Le riche calendrier des compétitions m’a surtout tourné vers la volonté d’engranger de l’expérience plus que de la pure et stricte technique de course. C’est l’expérience qui peut m’amener à défendre mon titre à Doha l’année prochaine et à me donner les meilleures chances de performer aux Jeux Olympiques en 2020 »

Ramil Guliyev, champion du monde et d’Europe sur 200 mètres

Le Turc aura de toute évidence encore l’occasion de se montrer ces prochaines semaines au cours de la prochaine compétition internationale prévue les 8 et 9 septembre prochains à Ostrava, en République Tchèque. C’est justement, dans la lignée de ses prochaines sorties qu’il avait analysé, en zone mixte, sa course en finale de Diamond League à Zürich: « Je suis, à vrai dire, satisfait de mon temps en finale (19”98), mon sixième résultat de l’année en-dessous des 20 secondes. J’ai bien évidemment eu une longue et dure saison et j’en ressors bien fatigué. Toujours est-il qu’il me reste encore quelques compétitions à disputer [ndlr, la coupe intercontinentale de l’IAAF donc] et j’espère pouvoir y dominer ma meilleure marque dans le meilleur des cas. »

Lire également: Ramil Guliyev et Noah Lyles aux 200 mètres d'ouverture à Doha

En même temps, après avoir réalisé ses premiers 200 mètres de la saison au meeting d’ouverture de la Diamond League à Doha, Ramil Guliyev a tenu bon une progression intéressante. Du Qatar aux Jeux de Turku en Finlande, en passant par le Prefontaine Classic d’Eugene, où il variait ses temps entre les 20”11 et les 20”57 dans le courant du mois de mai, le Turc a progressivement abaissé ses marques jusqu’à établir les 19”76 de sa finale à Berlin qui lui ont valu l’or aux Championnats Européens. Dans cette veine, donc, les 19”98 de la Weltklasse à Zürich lui satisferont certainement bien, même si, encore une fois, là n’est pas encore le cœur de son raisonnement: « Je n’ai pas nécessairement pris le temps de juger ma progression sur les pistes cette saison. Je sais que je suis à chaque fois entré avec la volonté de gagner et le riche calendrier des compétitions m’a surtout tourné vers la volonté d’engranger de l’expérience plus que de la pure et stricte technique de course. C’est l’expérience qui peut m’amener à défendre mon titre à Doha l’année prochaine et à me donner les meilleures chances de performer aux Jeux Olympiques en 2020 », convenait-il alors.

Aussi, Noah Lyles, de son côté, éprouve en cet instant des sentiments un peu différents; aussi préparé qu’il ait pu l’être tout du long de sa saison, il devra réaliser des choix, conforté par l’avis maître de son entraîneur. Bien qu’il ait glané l’or aux Championnats des États-Unis à Des Moines sur 100m (en l’absence sur blessure de Christian Coleman) et 200m, le jeune homme devra sans doute définir ses priorités en vue de Doha, où il n’exclut toutefois pas de s’aligner toujours sur la double distance: « Pour l’heure, je ne me ferme aucune porte. Je veux vraiment concourir sur les 100m et les 200 mètres. J’en ai les capacité après une telle saison », explosait-il de joie alors avant de poursuivre: « La saison a été particulièrement éreintante, chaque session d’entraînement a été très poussée et la fin de la saison est toujours un peu délicate. Nous faisons toujours tous attention de ne subir aucune rupture de fatigue et de préserver la santé au mieux possible. C’est la période de l’année où les athlètes sont en réalité les plus vulnérables. » Mais là encore, pas question de s’arrêter (trop longtemps).

« Je vais néanmoins me préparer au mieux pour la saison indoor et je prendrai le temps de parler avec mon coach ces prochaines semaines et décider de la meilleure manière d’aborder les deux prochaines années qui seront décisives »

Noah Lyles, champion des États-Unis sur 100m et 200 mètres en 2018

Le jeune Floridien le sait, les JO se préparent (mentalement surtout) dès maintenant. « Je vais me préparer au mieux pour la saison indoor et je prendrai le temps de parler avec mon coach ces prochaines semaines et décider de la meilleure manière d’aborder les deux prochaines années qui seront décisives, à la fois pour les championnats du monde de 2019 que pour les Jeux Olympiques de 2020 pour lesquels il faudra assurer une condition physique constante. Pour cela, il me faudra déjà penser à améliorer mon départ », lâchera-t-il alors avant de quitter le stade du Letzigrund. Nul doute, la lutte s’annonce palpitante.