« Pendant toute la course à pied, j’étais tendu nerveusement »

Sylvain Fridelance s'apprête à concourir au Triathlon de Lausanne samedi 18 août, lors de la 10e étape de Coupe du Monde. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Strathclyde]
Du Strathclyde Country Park, Motherwell (Écosse)

Révélation du relai mixte, argenté des Championnats d’Europe, Sylvain Fridelance a connu son premier grand succès en élite. Dernier relayeur, le jeune triathlète de Saint-Barthélemy est venu confirmer la confiance et les espoirs que lui portent Swiss Triathlon. Cette médaille d’argent vient couronner et confirmer une année 2018 flamboyante tant sur la scène nationale qu’internationale. La garçon ne s’arrête plus et enchaîne les premières avec notamment un premier titre national élite et un premier podium en Coup d’Europe [ndlr, 2e à Olsztyn, Pologne]. Quelques jours avant sa consécration en Écosse, le vice-champion d’Europe U23 a également connu les joies d’un premier top 15 en World Triathlon Series. Fraichement auréolé de sa médaille, le nouveau vice-champion d’Europe du relai mixte est venu nous livrer ses impressions à chaud sur sa performance. Entre bataille physique et mentale, Sylvain Fridelance est venu chercher le plus bel exploit de sa carrière.

Sylvain Fridelance, qu’est-ce que ça fait de partir seul en tête d’un relai qui peut conduire vers un titre européen ?

Je pars après Nicola Spirig [ndlr, championne olympique 2012 et vice-championne olympique 2016] donc déjà ce n’est pas rien. J’étais déjà stressé la veille de la course en sachant que j’allais terminer le relai. Après le passage de Nicola et avec ce qu’elle a produit comme différences, j’ai eu beaucoup de pression jusqu’à ce qu’elle me tape dans la main. Au moment de partir, je ne pensais plus au stress mais seulement à tout donner. J’ai eu de la peine à bien nager parce que j’étais vraiment tendu avant la course et je savais que Dorian Coninx [ndlr, double champion du monde de relai mixte], qui est l’un des meilleurs triathlètes du monde en particulier sur les relai où il a beaucoup d’expérience et en plus sur des épreuves de formats courts, allait me revenir dessus. J’ai alors cherché à nager à bloc et par la suite le but en vélo était de rester avec lui le plus longtemps possible. Comme il est arrivé juste pour le relai, il était beaucoup plus frais, alors en course à pied j’ai vraiment cherché à le tenir jusqu’au bout tout en sachant que derrière ça allait revenir fort avec Marten Van Riel [ndlr, le Belge a terminé 3e européen en individuel et 6e des derniers Jeux Olympiques] qui court très très vite aussi. J’étais limite musculairement mais j’ai réussi à m’en sortir.

En individuel, tu as beaucoup souffert de crampes, les efforts d’hier se sont-ils fait ressentir malgré la récupération ?

Les jambes tiraient de toute façon mais on a essayé de mettre ça de côté et je pense avoir fait le job mais c’est surtout l’équipe [ndlr, équipe complétée par Lisa Berger et Andrea Salvisberg] qui a fait un travail hors normes. Chacun a sorti sa course et on avait la chance de posséder dans nos rangs un incroyable joker en la personne de Nicola Spirig qui a su faire de grosses différences dont elle seule est capable de faire. Ce relai fait surtout du bien après ma course en individuel ratée mais je savais que la forme était là et que j’étais juste mal en point musculairement. L’effort d’hier [ndlr, vendredi après-midi] ne m’a trop pénalisé heureusement et j’ai réussi à faire la course qu’il fallait pour empocher la médaille.

Qu’est ce qui se passe dans ta tête quand tu arrives à la dernière ligne droite et tu te dis : « C’est bon maintenant, j’ai ma médaille » ? Une première médaille européenne chez les “grands” qui plus est…

J’avais déjà vécu ça en U23 [ndlr : l’année passée à Valence en Hongrie où il a décroché l’argent aux Championnats d’Europe U23] mais là c’est une autre dimension et en plus c’est en équipe. C’est une sensation difficile à décrire. Pendant toute la course à pied, j’étais tendu nerveusement. Il ne fallait pas que je lâche en vélo alors que j’étais déjà dur musculairement. À pied, j’ai vraiment réalisé que j’allais remporter une médaille quand je me suis approché du tapis bleu. J’ai néanmoins attendu d’avoir passé la pénalty box pour être sûr que je ne voie pas mon numéro. Une fois, cette zone passée je me suis vraiment dit que c’était fait.

Est-ce qu’une fois pendant ta course tu as commencé à douter ?

Quand je suis sorti de l’eau, je savais que tôt ou tard Dorian allait me revenir dessus. Le but pour moi était qu’il revienne en vélo. Il a nagé très fort alors il est revenu sur moi en natation. Quand on est parti en vélo, j’avais déjà les jambes qui tiraient musculairement. Je l’ai vu partir juste devant moi à la transition mais à la première montée, j’ai pu le reprendre et dès ce moment je savais que ça allait être bon pour moi.

Les qualifications pour les Jeux olympiques 2020 de Tokyo ont commencé il y a peu, est-ce que vous avez pensé à cette course à la qualification avant le relai en vous disant qu’un top 5 pouvait vous replacer dans le classement ITU [ndlr, la Suisse est actuellement 8e et les sept premières nations peuvent envoyer deux hommes et deux femmes aux prochains Jeux Olympiques], ou vous êtes vous uniquement focalisés sur votre objectif de médaille ?

Honnêtement, on savait qu’on avait un potentiel de médaille. C’était l’objectif. Pourtant avant la course, on a vu qu’il y avait des belles équipes en face, la médaille pouvait s’avérer compliquée. Finalement, au fur et à mesure de la course, notamment avec le passage de Nicola, on s’est vraiment dit que c’était maintenant ou jamais pour aller chercher la médaille. On est vraiment venu pour un podium et pas la quatrième place. Concernant, le classement ITU, on est en très bonne posture. Nous n’avons jamais aligné les meilleurs effectifs durant la saison. On y pense forcément car le but c’est d’avoir directement deux hommes et deux femmes de l’équipe qualifiés pour les Jeux Olympiques. C’est notre objectif et également celui de la fédération, qui reste totalement réaliste.

Avec ta saison actuelle et tes résultats probants, tu es vraiment le triathlète suisse qui monte en puissance ?

Gentiment oui. J’étais surtout déçu de ne pas pouvoir le montrer sur l’individuel avec un tel engouement au niveau médiatique. Ces Championnats d’Europe étaient vraiment une bonne occasion de montrer qu’on était en forme. Malheureusement ce n’était pas mon jour vendredi [ndlr, course en individuel dans laquelle il termine à une décevante 25e place] mais heureusement j’ai pu prendre ma revanche et démontrer mon niveau au relai. Je voulais juste montrer que j’étais capable de tenir la fin de la course et j’ai réussi.

L’objectif de ces premiers Jeux Européens multisports était de permettre à des sports moins médiatiques de gagner en visibilité, c’est notamment le cas pour le triathlon. Est-ce que le fait de te savoir filmé et être visible sur toutes les chaînes de télévision du monde t’a ajouté une pression supplémentaire ?

Oui, totalement. J’ai très très mal dormi. Je tremblais de stress avant la course et je n’étais vraiment pas bien. J’ai beaucoup parlé à la masseuse au sujet de mes crampes et de mes pépins musculaires et j’ai également beaucoup discuté avec mon coach [ndlr, Joël Maillefer] qui était resté à la maison afin de me rassurer. Finalement, tout s’est bien déroulé.

Qu’est ce que ça fait de devoir affronter sa copine [ndlr, Cassandre Beaugrand, championne d’Europe du relai avec la France] dans une course avec beaucoup d’enjeu et finalement faire un podium avec ?

Comme les femmes courent contre les femmes et les hommes contre les hommes, je l’affronte indirectement mais c’est vrai que ça rajoute un petit challenge supplémentaire. On se charriait un petit peu avant la course, c’est normal. Pour le podium, ça fait vraiment plaisir de pouvoir monter sur la boite avec elle.

Est-ce que ces Championnats d’Europe étaient le point d’orgue de ta saison ?

La saison d’un triathlète est longue alors c’est vraiment dur de planifier un événement et d’être en forme spécifiquement pour une course. En particulier dans mon cas. J’avais disputé les épreuves de la WTS à Edmonton (Canada) qui se sont déroulés quelques jours seulement [ndlr, du 27 au 29 juillet] avant Glasgow. C’était compliqué de gérer le voyage et tout ce qui se déroule autour. Il est donc vraiment difficile de planifier un pic de forme pour une course précise. Par exemple, pour Gold Coast [ndlr, Grande Finale des World Series en Australie qui auront lieux du 12 au 16 septembre], en fin de saison, j’aurai vraiment quatre bonnes semaines pour me préparer donc je vais pouvoir arriver là-bas avec de la fraîcheur.

Pour tout cartonner !

Ah ça oui j’espère [Rires]. Maintenant je vais essayer de bien récupérer en vue de ma préparation pour Lausanne la semaine prochaine [ndlr, samedi 18 août].