Triathlon : Après l’or, la Suisse en argent!

Les Suisses (de gauche à droite) Sylvain Fridelance, Lisa Berger, Nicola Spirig et Andrea Salvisberg ont remporté l'argent au Team Relay aux Championnats Européens de triathlon à Strathclyde. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Strathclyde]
Du Strathclyde Country Park, Motherwell (Écosse)

Vingt-quatre heures après la victoire du Français Pierre Le Corre, le monde du triathlon s’est donné une dernière fois rendez-vous au Strathclyde Country Park (North Lanarkshire) à l’occasion du relais mixte. Si les spécialistes avaient un œil avisé sur les performances des nations dominantes de l’épreuve, l’équipe de Suisse emmenée par une Nicola Spirig intenable en individuel a réussi à déjouer les cartes pour décrocher une médaille inédite.

Ils étaient souriants à leur présentation, très souriants. Étonnant, après des courses individuelles manquées la veille. Ils ? L’équipe suisse de triathlon avec dans ses rangs un Sylvain Fridelance et un Andrea Salvisberg qui, malgré leur déception d’hier, prenaient le temps de saluer les supporters suisses présents dans les tribunes, sourire aux lèvres. Un sourire qui lâcheront seulement le temps d’un relai que les Suisses ne connaissent que trop bien avec deux titres mondiaux consécutifs en 2010 et 2011 auxquelles Nicola Spirig avait contribué. Si la Suisse a brillé sur la distance aux mondiaux, la donne est tout autre aux Championnats d’Europe avec une seule médaille d’argent à son palmarès. Quatrième nation européenne au classement mondial, les Helvètes figurent parmi les outsiders derrière les favoris français, champion du monde en titre. Petite surprise au départ, c’est le cadet de l’équipe, Sylvain Fridelance (23 ans) qui aura la lourde tâche de conclure un relai lancé par la Soleuroise Lisa Berger qui n’a pas disputé l’individuel vendredi en vue de ce relai si important dans la course aux qualifications pour Tokyo [ndlr : Jeux olympiques 2020]. Un top 7 au classement mondial permet en effet de qualifier deux hommes et deux femmes aux prochains Jeux Olympiques, dont le relai sera une des nouvelles épreuves. Parce qu’un relai mixte de triathlon, c’est avant tout du suspens, des rebondissements mais surtout un combat physique et mental qui débute bien évidemment par la natation. Raccourcie à 250 mètres, la première discipline a joué des tours à notre Suissesse. Lâchée par un premier groupe, Lisa Berger recolle très rapidement pour rouler aux côtés des Periault (France) ou autre Michel (Belgique). Si leurs attaques font céder les différentes nations une à une, à commencer par la Grande-Bretagne, qui a vu ses chances de médailles s’envoler, la Soleuroise, vice-championne d’Europe de sprint l’année passée, résiste et reste avec les meilleures rouleuses au terme des 6km de vélo. 6e à la sortie de la transition, Lisa Berger arrive à conserver ce rang en course à pied à 16 secondes des Français leaders du début course. Satisfaite de son travail pour l’équipe – « l’objectif pour moi était simple, il fallait limiter les écarts et rester collées aux meilleures » –, la suissesse allait transmettre le relai au requin, Andrea Salvisberg.

Le Show Spirig

Déçu de sa deuxième place la veille, c’est tout feu tout flamme que Salvisberg part à la conquête d’un groupe de tête emmené par le duo Le Corre, nouveau champion d’Europe, et Jelle Geens, 5e en individuel. Parti en 6e position, la natation n’est qu’une formalité (3’39”, meilleur temps de le journée) pour l’Emmentalois qui récupère ensuite un à un ses opposants pour mener le groupe de tête en vélo. Vice-champion d’Europe en relais il y a trois ans, Salvisberg n’a que la médaille en tête lui qui a fait de ces championnats d’Europe, le principal objectif de sa saison : « J’ai tout donné en natation et en vélo. On a bien collaboré avec les autres mais quand la course à pied est arrivée, j’étais cassé ». Arrivé en tête pour la transition en course à pied, le triathlète 16e des Jeux Olympiques de Rio en 2016, se voit rapidement lâché par un Fernando Alarza flamboyant, deuxième la veille, et une nouvelle fois impressionnant sur le tracé en course à pied (meilleur temps en 4’02”). Cassé, Salvisberg transmet alors le témoin à la sextuple championne d’Europe Nicola Spirig. On l’attendait avec impatience et on n’a pas été déçu. Avec 18 secondes de retard sur Cassandre Beaugrand et la tête de course, Nicola Spirig allait alors livrer une démonstration en vélo, et le mot est bien faible. Les montées de la Bothwellhaug Road sont alors d’une simplicité sans nom pour la vice-championne olympique en titre, qui a réussi l’exploit de dynamiter la course à elle seule et à tous les niveaux. Ses concurrents ne faisant pas le poids à vélo, la sportive suisse de l’année 2012, grappille secondes après secondes pour finir le vélo avec une quinzaine de secondes d’avance sur ses poursuivantes (meilleur temps chez les femmes en 9’16”). Sur la boucle de 1,6km à pied, seule Cassandre Beaugrand, troisième en individuel, arrive à tenir le rythme effréné de la Suissesse. Derrière, tant les Hongrois que les Belges explosent alors que la Française spécialiste de la course à pied revient petit à petit sur la leader. Si les deux premières places semblent alors promises aux Français et aux Suisses, le titre n’est alors pas encore dessiné. Lançant alors Fridelance sur un piédestal pour un dernier relai s’annonçant rocambolesque, Nicola Spirig voit avec étonnement le Français Dorian Coninx, qui n’a pas disputé l’épreuve individuelle pour se focaliser sur le relai, se lancer à la poursuite du dernier relayeur suisse avec seulement 9 secondes de retard.

Une première chez les “grands” pour Fridelance

À quoi peut-on bien penser quand une championne olympique vous transmet le relai en tête d’une course qui peut vous conduire à un sacre européen. En apprenant sa place en quatrième relayeur hier soir, Sylvain Fridelance avait peut-être prévu tous les scénarios possibles mais peut-être pas celui-là. En s’élançant en natation, le triathlète de Saint-Barthélemy sait alors qu’il peut offrir un premier titre en relais mixte à son pays. « J’ai mal dormi et je n’étais pas bien. Jusqu’à ce qu’elle [Nicola Spirig] me tape dans la main, j’étais stressé mais après j’ai juste pensé à tout donner ». Ne rien regretter et tout donner, malgré une course « ratée » la veille suite à des pépins musculaires : « J’avais les jambes qui tiraient à cause des courbatures d’hier mais la forme était là. » Rattrapé rapidement en natation par un des meilleurs triathlètes au monde sur ce format de course, le champion suisse s’accroche aux roues de Coninx en vélo comme tout un pays s’accroche à un espoir de médailles. Les deux hommes collaborent et derrière les 40 secondes creusées par Spirig ne sont pas reprises par un certain Van Meren troisième européen sur le triathlon olympique et qui signera une nouvelle médaille de bronze avec la Belgique. Les deux premières places se dessinent ainsi sur les 6km de vélo parce qu’en course à pied, le duo franco-suisse ne se regarde pas. Malgré toute sa motivation, Fridelance n’arrive pas à suivre un Dorian Coninx plus “frais” champion du monde en relai mixte cette année à Hambourg. Alors que la France s’envole vers un doublé Championnats du monde-Championnats d’Europe, la Suisse, elle, se dirige vers une splendide deuxième place. Coupant la ligne à 11 secondes des champions d’Europe, Sylvain Fridelance pouvait laisser exploser sa joie avec ses coéquipiers. Après une médaille d’argent aux Championnats d’Europe U23 l’année passée, le Vaudois goûte pour la première fois à une médaille chez les “grands”. Une médaille par équipe, qui a une saveur encore plus particulière : « On avait un potentiel de médaille. On le savait mais au vue de la concurrence on avait un petit doute mais nous avions un joker nommé Spirig qui a fait les écarts comme elle seule sait le faire ». Une équipe de Suisse aux anges et une joie immense partagée en particulier pour Nicola Spirig qui signe sa deuxième médaille à Glasgow après son titre jeudi : « Pour une discipline individuelle comme le triathlon, faire un podium avec une équipe est quelque chose de rare qui procure quatre fois plus d’émotions ». Alignant la fougue de la jeunesse à l’expérience des plus sages, l’équipe de Suisse a su aligner la meilleure équipe possible et penser la meilleure stratégie concevable pour aller chercher une première médaille par équipe depuis trois ans. : « Nous avons tous montré une course solide et extraordinaire, j’ai pris la troisième position car je pouvais faire la plus grande différence et ça a fonctionné », note une Spirig rayonnante mais frigorifiée par la climat estival (16 degrés) du North Lanarkshire. À 36 ans, la légende du triathlon helvétique peut voir arriver la relève sur la scène internationale avec espoir.

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Révélation de la journée, Sylvain Fridelance a définitivement vécu une journée hors norme. Un bonheur n’arrivant jamais seul, le Vaudois a eu l’occasion de partager son podium avec sa copine Cassandre Beaugrand, troisième relayeuse des nouveaux champions d’Europe français. Si le plaisir et les railleries se partagent en amour, la troisième européenne sur la distance olympique a néanmoins avoué une petite préférence : « J’étais pour la France », rigole-t-elle en zone mixte : « C’est le meilleur scénario pour moi. Je gagne et Sylvain fait une médaille. » Vous l’aurez compris, si vous voulez faire une médaille aux Championnat d’Europe trouvez vous une copine française ou un copain suisse. Après les couples Bonnet-Desplanches en natation et Beaugrand-Fridelance en triathlon, dans deux ans, vous ferez probablement un podium avec votre concubin(e).