Du Strathclyde Country Park, Motherwell (Écosse)
Un jour après le titre de Nicola Spirig chez les femmes, les meilleurs triathlètes du continent se donnaient aujourd’hui rendez-vous à l’idyllique Strathclyde Country Park (North Lanarkshire) afin de se disputer l’or européen. En l’absence de plusieurs noms de marque, c’est le Français Pierre Le Corre qui s’est montré le plus fort le long du Strathclyde Loch. Les Suisses ont de leurs côtés vécu une journée difficile.
On connaît la réputation de la météo britannique, il pleut comme vache qui pisse s’amuse-t-on à dire. Cette dernière a bien failli faire des siennes aujourd’hui. La pluie capricieuse a finalement laissé place à un soleil radieux 40 minutes avant le début de la course. Une course qui a bien logiquement débuté par la présentation des candidats. Si les premiers triathlètes à avancer en direction du ponton de départ furent sportivement applaudi, le 46e appelé était à l’inverse ovationné comme jamais. L’homme qui porte ce numéro 46 n’est autre que le double champion olympique en titre et chouchou de la Couronne, Alistair Brownlee. Favori, le Britannique sait comment gagner sur ses terres et connaît particulièrement ce parcours qu’il a déjà remporté aux Jeux du Commonwealth quatre ans auparavant. Se positionnant aux côtés de ses concurrents le long du peloton, le trentenaire se souvient de la difficulté d’un parcours vallonné et casse-patte en vélo de 40km avant d’enchaîner sur les derniers 10km de course à pied qui peuvent le porter vers un 4e sacre européen. « Ce parcours est très exigeant mais plus c’est dur plus j’aime ça. Je suis vraiment heureux de courir ici ». Avant de penser au final, il faut bien commencer par un début, la natation. Une natation au format « australien » étant donné que les nageurs effectuent deux boucles de natation de 750m et sortent de l’eau sur le ponton pour replonger et effectuer la boucle une seconde fois. Dans une eau à 19 degrés, la combinaison néoprène était de sortie. Au jeu de nager vite et bien, c’est le Slovaque Richard Varga le plus habile. Il sort premier de l’eau en 16’43. Spécialiste incontesté sur le circuit, le Slovaque emmène un petit groupe dans son sillage dans lequel tous les favoris l’avaient suivi au train. Un petit groupe de dix triathlètes dans lequel on retrouve un certain Alistair Brownlee ainsi que deux outsiders, le Belge Marten Van Riel et le Français Pierre le Corre. N’en jetez plus, le futur champion d’Europe se trouve dans ce groupe. Exit le champion d’Europe en titre portugais Joao Silva, complètement dépassé en natation, alors que Fernando Alarza se retrouve également distancé dans les premiers 1500 mètres.
Un parcours à vélo exténuant
Auteur d’une natation solide, l’Emmentalois Andrea Salvisberg se place également dans ce premier groupe : « J’ai eu de la peine en natation. Sur les premiers 200m ça se touchait vraiment beaucoup et j’y ai laissé des forces. » Distancé à la transition et par le rythme emmené à l’avant, Salvisberg se vit rapidement rattrapé par un groupe de chasse composé d’une quinzaine de coureurs dont un certain Sylvain Fridelance. Troisième suisse engagé, Adrien Briffod n’a pas réussi la natation rêvée le classant alors dans un troisième groupe d’une vingtaine de concurrents. À l’avant, le premier groupe roule fort notamment sous les assauts du Hongrois Mark Dévay relayé par le futur vainqueur du jour ainsi que par les attaques du Belge Van Riel, 6e des derniers Jeux Olympiques. Tracé exigeant, le parcours écossais oblige les triathlètes à monter le long de la Bothwellhaugh Road avant de redescendre sur le stade, et ce six fois. Bien au chaud et à l’abri, Brownlee pointe le bout de son nez à l’avant à quelques reprises pour montrer qu’il faut bien compter sur lui malgré ses pépins physiques de cette année. Roulant tambours battants, le deuxième groupe se fait très vite reléguer à plus d’une minute à mi-parcours. Cassé par ce rythme et par ces montées dantesques, les deux Suisses ont beaucoup donné pour rester dans le groupe de chasse : « Je ne pouvais plus pédaler sur le dernier tour, le parcours était trop usant », soupire un Sylvain Fridelance cassé à la fin de son “tri”. Le vélo étant une course stratégique, les écarts ne changèrent plus d’un cil hormis quelques variations de place dans les différents pelotons. À la fin du sixième tour, exténués par ce tracé diabolique, les triathlètes voyaient leur galères se terminer pour en laisser place à des nouvelles.
Une transition vélo-course à pied où l’on peut tout perdre
Si la transition entre le vélo et la course à pied n’est pas le moment ou l’on peut gagner une course longue d’1h50 en moyenne [ndlr : le vainqueur du jour a franchi la ligne en 1h47’17], c’est bien là où l’on peut tout perdre. Arrivant à une quarantaine de kilomètre/heure et n’étant plus totalement lucides, les triathlètes doivent faire bien attention à descendre de leur vélo avant d’entrer dans la zone de transition sous peine de se voir pénaliser et ainsi voir s’envoler de précieuses secondes. L’enfilage des chaussures de course à pied jouent également un rôle prépondérant, la moindre seconde de perdue pouvant vous distancer d’un groupe parti vers la victoire. C’est ce qui est arrivé à Alistair Brownlee, perturbé par des blessures récurrente cette année : « Cela a été désastreux pour moi, cette année a été la plus dure de ma carrière ». La superstar se voit pourtant revenir en forme pour les Jeux du Commonwealth grâce notamment à des entraînements différents, focalisés sur des courses aux formats plus longs. En manque d’entraînement criant, l’ainé des frères Brownlee [ndlr : son petit frère Jonathan est double vice-champion olympique mais n’a pas couru à Glasgow à cause d’une blessure dans sa préparation] s’était alors classé à une dixième place indigne de son talent. Ces Championnats d’Europe à la maison étaient donc la parfaite occasion de rattraper le tir. Auteur d’une mauvaise transition, le Britannique voyait partir le duo Le Corre/Van Riel, indéboulonnable en vélo. Obligé de faire l’effort sur les premiers mètres, sa discipline fétiche, les deux leaders se voient bien vite rattrapés à la fin du premier tour. Derrière, tous les groupes sautent ! Si Salvisberg prend le bon wagon grâce à une transition et une course qu’il juge correcte – « Oui la course à pied était la seule satisfaction du jour » – le champion d’Europe U23, Sylvain Fridelance, voit ses ennuis commencer : « J’ai eu des crampes à la fin du vélo qui ont continué tout le long de la course. Je ne pouvais rien faire sauf courir en endurance ». 25e de la course, le natif de Saint-Barthélemy qui était venu chercher un top 15, termine deuxième Suisse juste devant Adrien Briffod. Le vainqueur de la Coupe du monde à Cagliari (Italie) l’année passée, s’est fait l’auteur d’une course à pied canon (33’15) qui peut lui faire regretter sa première partie de natation manquée. 12e et meilleur Suisse, Andrea Salvisberg ne se contente pas de cette place hors du top 10 et loin du podium, lui qui en a déjà eu l’honneur aux Championnats d’Europe de Lisbonne en 2016.
Le Corre se fait un nom
Un podium européen inédit qui s’est dessiné dans les deux derniers tours de la course à pied. À l’avant, Alistair Brownlee se voyait tenter le tout pour le tout en prenant les devants. « Quand j’ai vu cette légende revenir et prendre le lead, j’ai eu la pression. Heureusement pour moi il n’était pas à 100% de son potentiel », note Pierre le Corre à la fin de la course. Les efforts fournis par le gentleman anglais vont alors lui porter préjudice au début du dernier tour, à la première attaque du Montpelliérain. Pire, le triple champion d’Europe se voyait terminé au pied du podium après avoir été déposé par un Fernando Alarza en feu qui n’était pourtant pas bien placé en vélo. 6e des derniers championnats d’Europe et auteur du meilleur temps sur le 10km de course en 30’44, l’Espagnol rattrapa un à un ses adversaires pour aller menacer dans les derniers mètres de courses un Pierre Le Corre impérial qui avait lâché son acolyte de course belge, finalement troisième. Deuxième de la natation et flamboyant en vélo, le Français, champion du monde militaire 2018, a parfaitement profité de l’absence de son leader de l’équipe de France, Vincent Luis [ndlr : le triathlète français n’est pas présent à Glasgow car il préfère se concentrer sur le circuit des World Triathlon Séries], pour se faire un nom au public français et décrocher le plus beau titre de sa carrière : « C’est fantastique. J’étais le seul français et je savais que je pouvais le faire. Je suis monté en forme progressivement cette année pour décrocher une belle médaille pour mon pays ». Une nouvelle breloque pour l’équipe de bleu blanc rouge qui espère en ramener une troisième sur le relais mixte de demain. Une dernière course que les triathlètes suisses disputeront sous un meilleur jour qu’aujourd’hui.