David Lemos (RTS): « Commenter la natation m’a apporté énormément d’émotions »

David Lemos a commenté en direct sur la RTS les sept jours de compétition de la natation aux Championnats Européens de Glasgow. © leMultimedia.info / Oreste Di Cristino [Glasgow]
Du Tollcross International Swimming Centre, Glasgow (Écosse)

La compétition fut longue au Tollcross International Swimming Centre à Glasgow. Les Championnats d’Europe multisports nouvelle génération a sans doute passionné bon nombre d’amateurs de sport en Europe et ailleurs. Mais pour les millions de personnes les ayant suivis en direct à la Télévision aux quatre coins du continent, les émotions ont été en permanence rendues possibles au travers du commentateur sportif. En Suisse – ou plutôt en Romandie – c’est David Lemos qui a expliqué sept jours durant la natation aux téléspectateurs de la RTS. Un travail remarquable dont il a accepté de nous livré quelques impressions.

Les championnats d’Europe de natation sont maintenant terminés; ils ont marqué une belle épopée pour la Suisse mais aussi pour les commentateurs sportifs…

J’ai commenté la natation pour la première fois aux Jeux Olympiques de Rio il y a deux ans. C’était donc la deuxième fois ici à Glasgow et je dois dire que ça m’apporte énormément d’émotions. J’ai adoré le faire dans le cadre de Rio où il y avait notamment Michael Phelps qui avait battu des records et était allé chercher ses innombrables médailles. C’était un grand moment à vivre. Je dois dire que je m’inquiétais un petit peu pour le niveau de ces Championnats d’Europe, même s’il y avait des Suisses que l’on attendait beaucoup. Mais au final, l’on a vu de belles courses très passionnantes à commenter, même si c’est très exigeant. Il est vrai que le niveau de travail et de connaissances n’est vraiment pas le même qu’au football; il y a des sessions le matin, des sessions le soir avec parfois trois ou quatre heures de direct au bout desquelles la voix s’use un peu mais ça en vaut la peine.

Vous avez fait une transition entre la Russie, pays hôte de la Coupe du Monde de football et l’Écosse pour deux exercices fondamentalement différents à la fois dans les connaissances à avoir, puis dans l’exercice du commentaire…

Il est vrai que je suis en permanence dans le football; la Coupe du Monde se prépare bien évidemment mais sensiblement moins que la natation. Il y a déjà plein de connaissance que l’on porte en soi. Or, la natation est bien différente. Cela fait depuis plus de deux ans que m’informe sur la natation, que je la suis et que je porte une attention particulière aux résultats, en notant en permanence tous les records et les principaux résultats du Championnat du Monde et du Championnat d’Europe. Et je continue de le mettre à jour parce que si je devais commencer à travailler sur ces Européens, juste après le terme de la Coupe du Monde, je n’y serais jamais arrivé. Fort heureusement, j’avais une base de donnée assez fournie avant d’atterrir à Glasgow que j’ai pu longuement relire dans les deux semaines de battement entre le Mondial et les Championnats Européens. Toujours est-il que s’il y a beaucoup de travail en amont, il y en a aussi entre les différentes sessions de la journée, entre le matin et l’après-midi. L’avancement de la compétition demande une continuelle remise à jour de nos information, parce que toutes les idées que l’on avait avant les championnats changent entre les différentes séries; certains athlètes sont éliminés, d’autres passent en demi-finale mais ne parviennent pas à se qualifier pour la finale alors que d’autres créent simplement l’exploit d’une médaille. Le temps qui n’est pas passé au commentaire est utilisé pour s’informer. J’ai été très heureux de le faire, mais je ne suis pas triste que cela se termine.

Ressent-on parfois une différence, dans le commentaire sportif, entre des championnats de grande importante, à l’image des Jeux Olympique et des compétitions de plus petite envergure ?

Il est clair que toute l’ambiance qui nous est autour lorsque l’on couvre des Jeux Olympiques est vraiment particulière et c’est ce qui fait qu’on la retrouve qu’aux Jeux Olympiques. Ici, à Glasgow, bien que la piscine soit très accueillante et et qu’il y ait une bonne ambiance, l’on ne retrouve pas le gigantisme de Rio, la démesure des JO. Toutefois, quand l’on couvre pour une première fois des Championnats d’Europe, l’excitation reste bien évidemment là. Si je prends, par exemple, mon collègue tessinois qui a beaucoup commenté la natation ces dernières années [ndlr, Andrea Mangia, qui a commencé à couvrir la natation aux Championnats du Monde de Barcelone en 2013], il se peut qu’avec des Européens, il y ait une retombée d’agitation. Personnellement, pour des médias suisses, les Championnats d’Europe sont très intéressants à suivre, surtout qu’il y a des chances de médaille, ce qui serait moins le cas au niveau mondial. L’on compterait sans doute sur Desplanches l’année prochaine [ndlr, 2019 aux Mondiaux de Gwangju en Corée du Sud] mais cela est loin d’être sûr. Le fait que des Suisses puissent réaliser de grands résultats contribue à éprendre les commentateurs sportifs, ça a en tous cas été mon cas.

À quel point, pouvons-nous dire que les chances de médailles suisses changent quelque peu l’organisation et la couverture des médias suisses dans ces Européens et plus tard ?

On ne va pas se le cacher, le rédacteur en chef de RTS Sport [ndlr, Massimo Lorenzi] l’a dit récemment dans une interview au Temps: si l’on était pas dans le cadre des Championnats Européens multisports avec lesquels nous avons un accord – et parce que c’est un nouvel événement – et qu’il y ait beaucoup de chaînes publiques qui ont décidé de s’y investir avec de lourds moyens et de nombreuses heures de direct, nous n’aurions certainement pas montré autant de natation à l’antenne, voir aucun direct depuis Tollcross. C’est donc exceptionnel mais l’on espère que l’on puisse continuer dans cette direction et qu’on montrera autant de natation à nouveau dans quatre ans lors de la prochaine édition. Ensuite, pour répondre davantage la question, maintenant qu’il y ait un Suisse – un Romand de surcroît – qui brille au niveau continental, j’imaginerais bien faire un commentaire en direct aux Championnats du Monde mais cela reste de l’ordre de l’imagination ou alors peut-être dans le cadre d’autres Championnats d’Europe de natation qui ne seraient pas dans le cadre de ces Européens multisports [ndlr, à l’image des Championnats d’Europe en petit bassin qui auront lieu également à Glasgow en 2019], je ne sais pas. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la couverture médiatique pour ces Européens de Glasgow reste liée à la création de ce nouvel événement exceptionnel. Nous en avons profité du mieux possible durant nos heures et nos heures de direct, durant lesquelles, nous avons également vu le sacre et la médaille d’or d’un Romand. Cela a fait beaucoup de bien à ce sport et cela a contribué à montrer qu’à la RTS, nous ne nous sommes pas arrêtés après la Coupe du Monde en Russie. Il y a eu le Tour de France et dix jours de sport en direct entre l’athlétisme, le tennis et tout le reste.

A-t-on particulièrement conscience de la spécificité qui est celle du service public suisse lorsqu’elle va couvrir de grands événements tels que ces Européens de Glasgow, à savoir que la Suisse dispose de trois postes de commentateurs séparés avec la RTS, la RSI et la SRF ?

La télévision suisse a bien sûr moins de moyens que les télévisions allemande, française et italienne. Mais notre couverture en demande tout de même beaucoup parce que nous avons trois chaînes. En parallèle, si la Suisse a une moins grande délégation que les grosses télévisions européennes, cela demande une certaine infrastructure et beaucoup de logistique. Mais cela a toujours été très bien organisé par la Business Unit Sport, basée à Zürich et qui se charge de ces travaux et de la négociation des droits TV. Notre spécificité est donc telle que, sur de grands événements, nous pouvons retrouver des places de commentaires occupés par de grands pays en superficie, comme l’Inde, la Chine ou encore le Brésil et, à côté d’eux, trois places de commentaires occupées par chaque représentant régional de la SSR, dont le Tessinois qui commente pour quelques dizaines de milliers de personnes (seulement). Nous en sommes bien conscients et nous voyageons tous ensemble quand l’on s’en va couvrir ce genre d’événements, sans concurrence mais avec une grande amitié. Nous tirons tous dans la même direction et cela est particulièrement bienvenu.